Google
This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's bocks discoverablc online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web
at |http: //books. google .com/l
Google
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
A propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse fhttp: //book s .google . coïrïl
OEUVroES
E. YERDET
PAR LES SOINS HE SES ÉLÈVES
TdME I
V
PARIS,
VICTOR MASSON ET FILS, EDITEURS,
PLACE DE fÉCOLB-DE-MiDECINE.
[)ntits ili' lrii<tii<'liiui v\ ilo rt^pitHliirlioit r*>s«'i'\f*>
,'ii yiiiiiuï'.r
NOTES
ET MÉMOIRES
É: VERDET
PRKCKDBS D'UiNK NOTK.I- PAR M. A. DK LA lUVK
PVRIS
nil'liniK J'tR tl1^n[stTl^^ i)h m. i,k lanjiK iiks st.MM:\
\ L'IMI'RIMKRIK NATIONALE
« Di;i;r. l,\M[
r
Me trouvant à Paris au printemps de i8^i6, j'avais été
entendre l'un de ces admirables concerts du Conservatoire
qui sont la plus grande jouissance que puissent se procurer
les vrais amis de la musique. Je me trouvai placé entre un
jeune homme qui m'était inconnu et une personne plus âgée
avec laquelle j'étais en relation. Le jeune homme était Emile
Verdet; la personne plus âgée était M. Martin-Paschoud, qui,
après avoir suivi Verdet dès ses premières études, était de-
venu et est toujours resté l'un de ses amis les plus dévoués.
Grâce à M. Martin, la connaissance fut bientôt faite entre
Verdet et moi ; la musique fit tous les frais de notre premier
entretien.
Mon étonnement fut grand quand, croyant avoir affaire à
un musicien consommé, j'appris que mon interlocuteur, âgé
à peine de virtgt-deux ans, venait de sortir de l'Ecole Normale
avec les trois grades de licencié es sciences (mathématiques,
physiques et naturelles), qu'à la suite d'examens brillants au
concours d'agrégration il avait été reçu agrégé h(yr% ligne, et
appelé immédiatement à suppléer M. Blanchet dans la chaire
de physique au collège Henri IV.
Né à Nîmes le i3 mars 1826, Emile Verdet n'avait pas
tardé, dès son entrée au collège RoUin de Paris, à montrer
une rapacité extraordinaire. Après avoir obtenu ses grades et
le prix d'honneur des sciences au roîicours général, il avait
A.
IV NOTlCt:
passé, en 18^2, à la fois les examens d'admission à TEcole
Normale et à l'Ecole Polytechnique : il était reçu le sixième
à cette dernière Ecole et le premier à l'Ecole Normale, pour
laquelle il optait, et dont il sortait à vingl-deiix ans de la
manière la plus distinguée.
A partir de cette époque, les honneurs et les fonctions
scientifiques ne firent pas défaut à Verdet. Successivement
docteur es sciences, maître de conférences à l'Ecole Normale
supérieure, examinateur à l'Ecole Polytechnique , professeur à
la même Ecole, enfin professeur suppléant à la Sorbonne dans
la chaire de physique mathématique , il fut également agrégé
à plusieurs sociétés savantes.
Quand il mourut à Avignon, le 3 juin 1866, âgé seule-
ment de quarante-deux ans , il n'était pas encore de l'Institut ,
où pourtant sa place était marquée. Jamais je ne l'ai en-
tendu s'en plaindre, tandis qu'il voyait avec douleur que
Foucault n'en fût pas. Plus heureux que lui, Foucault y est
entré, mais il n'a fait qu'y passer, ne tardant pas à suivre son
ami dans la tombe.
Si le nom de Foucault est venu sous ma plume en parlant
de Verdet, c'est que l'un de mes plus doux souvenirs est
celui des moments que j'ai passés à Paris dans la société de
ces deux savants, aussi aimables que distingués, enlevés tous
les deux, avant le temps, à la science pour laquelle ils avaient
déjà beaucoup fait et auraient tant fait encore. Rien de plus
intéressant que leurs relations : aussi difl'érents dans leur ma-
nière de travailler que semblables par leur dévouement à la
science, j'aimais à les voir aux prises sur ces questions déli-
cates de la physique où la hardiesse des conceptions le dis-
SUR EMILE VERDET. v
pute à la rigueur du raisonnement. Les légers dissentiments
qu amenait entre eux la différence dans la tournure de leurs
esprits disparaissaient bien vite devant l'estime mutuelle
qu'ils avaient l'un pour l'autre. Ces deux intelligences, d'une
nature si dissemblable et pourtant si puissantes toutes les
deux, s'éclairaient mutuellement, l'une en découvrant des
horizons nouveaux, l'autre en déchirant les nuages qui pou-
vaient obscurcir ces horizons. Que d'idées, que d'aperçus
ingénieux dans ces entretiens où l'on cherchait à entrevoir la
physique de l'avenir!
Mais revenons à Verdet. J'ai dit que c est au printemps
de i846 que je fis sa connaissance, sous les auspices de
M. Martin-Paschoud. Je l'engageai alors à venir me voir en
Suisse pendant l'été; il se rendit à mon invitation, et nous
travaillâmes ensemble dans mon laboratoire.
Dès lors peu d'étés s'écoulèrent sans qu'il vînt passer quel-
ques jours dans ma campagne, au milieu de mon cercle de
famille, où il était toujours attendu avec impatience et reçu
les bras ouverts. Esprit fin et délié, d'une humeur charmante
et toujours égale, comprenant et aimant la plaisanterie tout
en préférant les conversations sérieuses, il n'était étranger à
rien de ce qui séduit l'imagination et charme l'intelligence.
Philosophie, histoire, politique, littérature, beaux-arts, tout
l'intéressait et pouvait fournir matière à des entretiens où il
se montrait aussi profond érudit que brillant discoureur. Ces
qualités, jointes à un caractère des plus aimables, lui avaient
assigné une place distinguée dans la meilleure société de
Paris, où ii était accueilli de la manière la plus empressée par
un monde qui savait l'apprécier.
?i .NOTICE
Il était, de son côté, énnuemment sociable, ce qui tenait
en partie au besoin qu'il éprouvait de chercher la discussion,
ne craignant pas d'aborder les questions les plus profondes de
la métaphysique aussi bien que les problèmes les plus diffi-
ciles de la physique.
Armé de pied eu cap et sans parti pris d'avance, il savait
lutter avec autant de courtoisie que de vigueur. Bien souvent
il osait s'aventurer dans le champ de l'hypothèse, mais sa
droiture et sa haute intelligence l'empêchaient de s'aban-
donner, aussi bien en philosophie qu'en physique, à des
théories dont le raisonnement et les faits venaient lui dé-
montrer la faiblesse. J'ai rarement vu de conscience scienti-
fique aussi délicate et aussi éclairée que la sienne ; en analy-
sant ses travaux, nous pourrons constater que plus d'une fois
il a su renoncer, sans arrière-pensée, à des idées qui lui étaient
chères, dès qu'il avait aperçu quelques faits qui leur étaient
contraires, faits quelquefois si peu saillants, qu'ils auraient
échappé à des esprits à la fois moins fins et moins conscien-
cieux.
J'en ai dit assez, je crois, pour faire comprendre Verdet
aux personnes qui ne l'ont pas connu; au reste, j'aurais pu
me dispenser de ce soin en renvoyant ceux qui ont le désir de
faire connaissance avec cette nature d'élite à l'excellente
notice dans laquelle M. Caro a peint d'une manière si com-
plète aussi bien l'homme que le savant. Je ne puis résister au
plaisir d'en citer ici un fragment : c'est celui où M. Caro ré-
sume avec autant de vérité que de délicatesse les opinions
philosophiques de l'homme dont il fait si bien ressortir la va-
leur morale et intellectuelle.
SUR EMILE VEHDET. vu
«M matérialiste, ni panthéiste, ni positiviste à aucun degré
que ce soit, Verdet était tout simplement de cette grande
école expérimentale qui représente, non pas un système sur
l'origine des choses, mais la recherche sincère, l'esprit libre
et vivant de la science. Voilà ce qu'il était en tant que savant;
en tant qu'homme, c'était la même chose. Sa conscience lui
appartenait tout entière, et, de même qu'il n'en aliéna jamais
une parcelle aux préjugés scientifiques, de même il n'en cé-
dait rien aux convictions différentes des siennes qui régnaient
dans le monde qu'il fréquentait. Du reste, la gravité de ses
mœurs, la sévérité presque puritaine de sa vie, la haute idée
qu'il s'était formée du devoir et dont il faisait la règle absolue
de ses jugements et de ses actes, assuraient cette indépen-
dance de conscience et lui garantissaient, partout où il se
montrait, l'estime de tous, je dirais presque, s'il ne s'agissait
d'un homme jeune encore, le respect, t^
Ajoutons à ce que dit M. Caro que Verdet était protestant
et que, pratiquant largement la doctrine du libre examen, il
l'appliquait aux idées religieuses, dont il aimait à suivre le
mouvement et dont il ne dédaignait point de s'occuper, con-
trairement à la disposition trop souvent dédaigneuse avec la-
quelle les hommes voués à la science pure envisagent les
questions de ce genre. 11 observait, il cherchait; ennemi avant
tout de l'exclusivisme, il professait un grand respect pour les
convictions sérieuses.
Je n'essayerai pas de pénétrer au fond de cette âme élevée
et sincère pour y découvrir quelles étaient exactement ses
opinions dogmatiques en religion ; je n'en ai ni le droit ni la
curiosité. Ce sont de ces mystères entre Dieu el l'homnu»
MU NOTICE
qui doiveut rester exclusivement du domaine de la conscience
de chacun. Ce que je sais, c'est qu'avec son cœur droit et
pur, avec son désir sincère de chercher et de trouver la vé-
rité, Verdet avait su conquérir l'estime de tous ceux qui
honorent la pureté des intentions et la franchise du carac-
tère.
II.
Après avoir considéré l'homme dans Verdet, je viens parler
du savant. La distinction est peut-être plus artificielle que
réelle, car l'homme et le savant se confondent tellement chez
lui qu'on retrouve toujours le même Verdet, soit qu'on l'en-
visage sous l'une des faces, soit qu'on l'envisage sous l'autre.
Le caractère dominant de son intelligence était l'universa-
lité. Cette faculté de tout embrasser dans le domaine intel-
lectuel pouvait, jusqu'à un certain point, faire douter de la
solidité de ses connaissances. On avait de la peine à croire à
de la profondeur dans une intelligence qui pouvait aborder
tant de sujets divei^. Et cependant ceux qui l'approchaient
ne tardaient pas à reconnaître cette supériorité, qui ne lui
faisait jamais défaut. Toutefois, c'est surtout depuis qu'il n'est
plus que le vide qu'il a laissé a fait sentir la place considé-
rable qu'il occupait dans le monde savant. Ce n'est pas seule-
ment aux débutants dans la carrière, soutenus et aidés de
ses directions, qu'il a manqué; mais les savants eux-mêmes,
pour lesquels, grâce à son érudition et à son appréciation si
fine et si juste des questions les plus délicates de la science, il
SUR EMILE VERDET. ix
était un conseil éminemment précieux, trouveront bien diffi-
cilement à le remplacer. Sa réputation, en grandissant chaque
jour depuis qu'il est mort, a montré une fois de plus que le
signe distinctif du véritable savant est que son mérite est d'au-
tant plus apprécié qu'on s'éloigne davantage du temps où il
a vécu, tandis que l'homme qui cultive la science d'une ma-
nière plus brillante que profonde perd bientôt, avec la vie,
le prestige qui l'entourait et ne tarde pas à être oublié.
On conçoit, d'après ce que je viens de dire, que Verdel
dut particulièrement exceller dans l'art du professeur et dans
celui du critique. Personne en effet ne savait mieux que lui
exposer et analyser les idées des autres, aussi bien en par-
lant qu'en écrivant. Ce talent se révèle chez lui de bonne
heure, et, pour en donner l'idée, je ne puis mieux faire que
de transcrire ici le jugement que porta de son début dans
l'enseignement un homme qui était lui-même un excellent
professeur, M. Lefèvre. Voici comment il s'exprime dans une
lettre adressée au directeur de l'Ecole Normale :
(T C'est avec le plus vif intérêt que j'ai assisté au début de
M. Verdet dans la carrière de l'enseignement; il n'y a pas en-
core trois ans que nous le comptions au nombre de nos élèves,
et ses succès universitaires si nombreux et si variés annon-
çaient un esprit d'un ordre élevé. J'ai retrouvé en lui, agran-
dies par les fortes études de l'Ecole Normale, les facultés
remarquables qui le distinguaient entre tous. Dès sa première
leçon, il s'est emparé avec empire de l'attention de ses audi-
teurs; une élocution nette et facile, une justesse singulière
d'expression, une méthode parfaite n'ont pas cessé un seul
instant de les captiver. Quant au fond, M. Verdet domine
X NOTICE
son sujet par une science très-étendue, puisée aux sources
mêmes; il en use avec réserve, comme il convient dans un
cours élémentaire; mais elle se manifeste par la clarté qu'elle
répand sur l'exposition des théories les plus difficiles. Enfin
l'intérêt qu'il a su donner à sa leçon a été augmenté par les
soins nombreux qu'il a apportés aux expériences; il n'a né-
gligé aucune de celles qu'il pouvait mettre sous les yeux de
ses élèves -^
Verdet a pleinement justifié dans tout le cours de sa car-
rière de professeur l'opinion favorable que M. Lefèvre avait
conçue de lui. Comme maître de conférences de physique à
l'Ecole Normale, il a formé dix-huit générations scientifiques
qui comptent dans leurs rangs bien des savants distingués et
bien des maîtres éminents. Il commençait avec eux par une
exposition claire et méthodique des bases de la science, évi-
tant tout développement inutile, s'attachant uniquement aux
principes, qu'il faisait ressortir d'une manière d'autant plus
frappante qu'il les dégageait d'accessoires qui ont souvent
l'inconvénient de les dissimuler. Puis quand, arrivés à la troi-
sième année de l'Ecole, les jeunes gens auxquels il s'adressait
étaient déjà avancés, il abordait avec eux les questions spé-
ciales, analysant et discutant avec soin les travaux des savants,
insistant sur les points qui semblaient ouvrir un nouvel avenir
à la science, points qu'il savait entrevoir avec un talent de
divination qui brillait chez lui comme une intuition natu-
relle.
Sous une forme un peu différente, Verdet montre les
mêmes quahtés comme professeur de physique à TEcole
Polytechnique, place à laquelle il fut nommé, en 186*^,
SUR EMILE VERDET. xi
en remplacement de Senarmont, après avoir été attaché peu-
dant dix ans à la mêrae Ecole en qualité d'examinateur. Il
n'excelle pas moins dans un enseignement d'un autre genre,
celui de la physique mathématique, auquel il fut appelé par
le suffrage unanime des hommes compétents, pour suppléer
M. Lamé. Malgré l'excessive difficulté du sujet et les connais-
sances étendues que devaient déjà posséder ceux qui l'abor-
daient, il n'en réussit pas moins, par la clarté que je pourrais
appeler brillante de son exposition , par l'animation et la vie
de son enseignement, à grouper autour de lui une élite d'au-
diteurs maîtres déjà dans la science, mais désireux de com-
pléter leurs connaissances sous un tel professeur.
Ainsi donc, sous trois formes différentes, tantôt celle d'en-
tretiens plus ou moins familiers d'un maître avec ses dis-
ciples, tantôt celle d'un professeur initiant de nombreux
élèves à l'ensemble de la physique, tantôt celle d'un savant
exposant à d'autres savants les parties les plus difficiles de la
science, Verdet se montre toujours à la hauteur de sa tâche,
précis sans sécheresse, clair sans cesser d'être profond, élé-
gant et naturel à la fois dans sa diction; et ces qualités, il
les devait d'abord à des dons naturels aidés d'efforts persévé-
rants, puis surtout à ce qu'il avait le mérite, plus rare qu'on
ne le croit communément, de ne jamais parler que de ce
qu'il savait, et d'en savoir toujours plus qu'il n'en disait.
A son enseignement oral Verdet n'avait pas tardé à joindre
un enseignement écrit. De i852 à i865 il avait enrichi les
Annales de Chimie et de Physique d'analyses aussi nombreuses
que bien faites des travaux des savants étrangers sur diverses
parties de la physique. 11 a réussi ainsi à tenir les lecteurs
XII NOTICE
français au courant de toutes les découvertes et recherches les
plus importantes qui se faisaient en Allemagne et en Angle-
terre. Par son habileté à condenser, en les résumant, des tra-
vaux quelquefois très- étendus, il faisait ressortir, souvent
mieux que n'auraient pu le faire les auteurs eux-mêmes, ce
qu'il y avait de nouveau et d'intéressant dans leurs recherches.
MM. Plûcker, Thompson, Clausius, Joule, Helmholtz, Kirch-
hoff, et bien d'autres, ont eu en lui un interprète qui a
contribué pour sa bonne part à leur assurer le rang qu'ils
occupent dans le monde savant.
Mais parmi les travaux de ce genre qu'on doit à Verdet il
en est deux surtout qui, parleur étendue et leur importance,
méritent une mention toute spéciale : je veux parler de son
exposition de la théorie mécanique de la chaleur, et de la
publication , précédée d'une introduction , des Œuvres complètes
de FresneL
C'est d'abord dans deux leçons professées en i863 devant
la Société Chimique de Paris que Verdet initia, l'un des pre-
miers, le public français aux travaux des savants allemands et
anglais, des Mayer, dos Joule, des Clausius, des Thompson,
sur la théorie mécanique de la chaleur. Il réussit, dans ces
deux leçons restées célèbres, à rendre accessibles aux personnes
les moins versées dans les mathématiques les notions nou-
velles, et d'une importance capitale pour la science, qui mon-
trent, par l'expérience aussi bien que par la théorie, que
dans la nature la force comme la matière se conserve intacte
au milieu des incessantes transformations qu'elle subit. Plus
lard ce même sujet, devenu de sa part l'objet d'études appro-
fondies, fut traité par lui avec tous les développements dont
SUR ÉMILK VKROET. xiir
il est susceptible, dans son cours à la Faculté des sciences.
Les notes recueillies par deux de ses élèves ont permis de
publier ce cours; cette publication, que Verdet comptait faire
lui-même, a pu trouver ainsi place dans ses Œuvres complètes
et combler une lacune qui aurait été des plus regrettables.
Heureusement qu'il a pu lui-même mener à bien jusqu'au
bout la seconde de ces entreprises scientifiques dont j'ai si-
gnalé l'importance : je veux parler de la publication complète
des œuvres de Fresnel. L'introduction qu'il a placée en tête
n'est pas une simple biographie de Fresnel : c'est en même
temps une appréciation aussi fine que profonde de cet admi-
rable physicien, pour lequel Verdet avait une vénération
toute particulière; c'est un exposé historique plein d'intérêt
de la théorie des ondulations; c'est, en un mot, une analyse
à la fois critique et historique de l'une des parties les plus
difficiles et en même temps les plus importantes de la phy-
sique. Verdet avait projeté de modifier certains passages de
la partie purement biographique de sa notice, mais la mort
l'a surpris avant qu'il ait eu le temps de faire ces change-
ments. La notice a donc été imprimée dans sa forme primi-
tive. Quelques notes dont la rédaction était achevée ont été
retrouvées dans les papiers de Verdet, et je profite de la
communication qu'on a bien voulu m'en faire pour en trans-
crire ici une qui, en nous donnant le portrait moral de
Fresnel, nous laisse entrevoir celui de Verdet lui-même; car
non-seulement une carrière semblable et une mort préma-
turée t^', mais aussi une communauté d'idées remarquable,
^'^ Fresnel est mort à Ireiile-neufans. Verdet à quarante-deux.
B
XIV NOTICE
établissent plus^'un rapport entre ces deux hommes cloués
également d'un esprit à la fois si étendu et si pénétrant.
Pour l'intelligence du morceau inédit que je vais rapporter,
je dois rappeler un passage de la notice imprimée de Verdet
dans lequel, après avoir raconté la fin de Fresnel, qui
mourut le lû juillet 1827 entre les bras de sa mère, il
ajoute :
(T Vingt-cinq ans auparavant, cette pieuse et noble dame,
en faisant part à son mari des brillants succès de collège d'un
frère aîné d'Augustin Fresnel (mort au siège de Badajoz),
ajoutait, au lieu des paroles de joie naturelles à une mère :
(rJe prie Dieu de faire à mon fils la grâce d'employer les
(T grands talents qu'il a reçus pour son utilité et le bien gé-
rrnéral. On demandera beaucoup à celui à qui on aura beau-
(T coup donné, et on exigera plus de celui qui aura plus reçu, yi
Qui a mieux rempli qu'Augustin Fresnel ce vœu formé
en faveur d'un autre? observe Verdet, dont la pensée nous
semble ne pouvoir être mieux complétée que par la trans-
cription de Tune des notes inédites auxquelles je viens de
faire allusion.
(T Tandis que les étrangers ne faisaient guère attention à
cet enfant chélif, retardé et morose, ses frères le nommaient
rhomme de génie, comme par instinct prophétique de Tavenir.
rLe retard que la santé débile d'Augustin Fresnel déter-
mina dans ses études eut une compensation précieuse. Objet
constant des soins de sa mère, il se trouva avec cette noble
et excellente femme dans un rapport encore plus étroit qu'il
n'est ordinaire, et, sous cette influence, se forma chez lui un
caractère doué de Télévation, de la fermeté et de l'abnéga-
SUR EMILE VERDET. xv
lion les plus rares. Janséniste sincère, madame Fresnel com-
muniqua ses opinions à ses enfants, sans d'ailleurs exercer
sur eux la moindre pression en ce qui touche l'accomplis-
sèment des devoirs religieux. Par suite des circonstances qu'on
vient d'indiquer, Augustin Fresnel fut de tous celui qui em-
brassa avec le plus de ferveur la foi maternelle ; son esprit
méditatif et réellement en avance sur son âge , malgré le re-
tard de ses études, lui fît prendre un plaisir particulier à la
lecture des théologiens amis de sa mère, et, durant son ado-
lescence, il ne cessa de se nourrir des écrivains de Port-
Royal '*l II paraît même qu'il connaissait à fond l'histoire de
la dernière période du jansénisme et qu'il prenait un intérêt
particulier aux querelles ecclésiastiques qui l'ont remplie.
Plus tard, il abandonna tour à tour toutes les opinions de sa
jeunesse pour s'arrêter dans un spiritualisme philosophique
indépendant de toute foi positive ; mais le fruit le plus pré-
cieux du commerce des grandes âmes de Port-Royal et de
l'influence maternelle demeura toujours en lui. Il fut de ceux
qui ne voient dans la vie qu'un devoir à accomplir et à qui
le courage ne fait jamais défaut pour la lâche que la cons-
cience leur impose. Les mêmes frères qui avaient surnommé
l'enfant Vhomme de génie se plurent à désigner entre eux
l'homme mûr comme le stoïcien ou le juste (THorace^^K
<r . . . L'ardente foi de ses premières années, ajoute Verdet
^'^ On ne peut s'empêcher de croire que la lecture assidue des écrivains de
Port-Royal, des Pascal, des Arnaud, des Nicole, des Quesnel et des Mesenguy
ait contribue à donner à Fresnel ce style scientifique si clair et si facile qui rap-
pelle la largeur du xvii* siècle, malgré d'assez piquantes innovations, et dont
le secret est à peu près perdu aujourd'hui. ( Note de Verdet. )
^*' Justnm et tenncem j)ropos{ti rinnn.
B.
XVI NOTICE
dans un passage qui résume admirablement bien les idées
philosophiques et religieuses de Fresnel comme les siennes
propres, n'avait pas résisté chez lui à l'enseignement de la
«
philosophie du wuf siècle et à l'influence de l'esprit scienti-
fique contemporain; mais, à mesure qu'il avait renoncé à
chercher dans une révélation surnaturelle la règle de sa vie et
de ses pensées , il ne s'en était que plus fortement attaché aux
dogmes essentiels de cette révélation. L'existence de Dieu,
la Providence, la liberté et l'immortalité de l'âme humaine, la
grande doctrine spiritualiste d'où ces précieuses vérités lui
paraissaient dépendre, étaient devenues la préoccupation
constante de sa pensée , et il avait espéré qu'à force de travail
et de méditation il donnerait à ses convictions cette rigueur
scientifique qui commande l'assentiment universel, -n
III.
Après avoir rappelé la manière dont Verdet sut, à la fois
par sa parole et par ses écrits, répandre les notions les plus
générales comme les plus élevées de la science, il nous
reste à parler des progrès qu'il lui a fait faire par ses travaux
originaux.
Ces travaux ne sont pas très-nombreux, soit parce que la
mort a surpris Verdet au moment de sa plus grande activité
scientifique, soit parce que la variété de ses goûts et de ses
occupations ne lui permettait pas de consacrer tout son temps
à des recherches originales. Il y a plus, suivant moi. Verdet
appartenait à cette classe de physiciens qui , formés à l'école
sévère des méthodes mathématiques et d'une forte érudition
SUR EMILE VERDET. xvii
scientifique, n'aiment pas s'aventurer daris les sentiers perdus
de la science. Et cependant, pour faire de ces découvertes
brillantes qui font date en ouvrant des horizons tout nou-
veaux à la science, il faut tenter ce qui, aux yeux des savants
consommés et érudits, semble souvent impossible. On risque
des fautes, il est vrai; mais si le génie seconde l'audace, on
court le risque de grandes choses. Volta, Davy, OErsted,
Faraday, et d'autres non moins illustres que je pourrais
encore citer, ne sont-ils pas des exemples heureux de cette
manière de voir dans la science expérimentale? Verdet était
d'une autre école; aussi ne doit-on pas s'étonner que , malgré
une- grande perspicacité et une appréciation très-fine de la
vérité scientifique , il n'ait attaché son nom à aucune de ces
découvertes inattendues qui jettent la perturbation dans la
science. Mais par contre on trouve dans toutes ses œuvres ,
aussi bien dans ses traités que dans ses mémoires originaux,
cet esprit vraiment scientifique qui, alliant la profondeur à la
clarté, sait, avec une admirable concision, faire ressortir le
point saillant d'une question en élaguant les détails inutiles.
On sent en lui l'homme fort, maître de son sujet, et on
marche d'un pas assuré à sa suite.
Parmi les diverses parties dont se compose la physique,
deux furent surtout l'objet des investigations de Verdet : l'élec-
tricité et la lumière. Si l'électricité séduisait son imagination
par tout ce qu'elle présente encore de mystérieux et d'in-
connu , l'étude de la lumière l'attirait par la précision dont
elle est susceptible et par la facilité avec laquelle elle se prête
à l'application du calcul, qu'il maniait en maître consommé.
Ses travaux sur l'induction électrique marquèrent d'une
xviii NOTICE
manière brillante ses débuts dans les recherches expérimen-
tales. Il en consigna les résultats dans trois mémoires qui
parurent successivement, en 18/18, en 18/19 et en *85o,
dans les Annales de Chimie et de Physique.
Ce sujet avait attiré de bonne heure son attention; je lui ai
souvent entendu dire que la découverte de l'induction était,
à ses yeux, la plus belle des découvertes de Faraday et Tune
des plus grandes de la science moderne. Longtemps après
s'en être occupé directement, il y revenait dans son cours de
l'Ecole Polytechnique, cherchant à montrer que la production
des courants induits est une conséquence de la théorie mé-
canique de la chaleur, et rattachant ainsi la question même
de l'induction aux principes fondamentaux de la physique.
Dans son premier mémoire il s'occupe des phénomènes
d'induction produits par l'électricité ordinaire; il démontre
que la décharge induite se compose de la succession de deux
décharges opposées , développées au moment où la décharge
inductrice commence et au moment où elle finit, ce qui ra-
mène les lois de ce genre d'induction à celles de l'induction
découverte par Faraday. Il se sert, pour déterminer le sens
des décharges induites, d'un procédé nouveau fondé sur la
polarisation des électrodes qui accompagne toujours le pas-
sage même de la plus faible quantité d'électricité à travers un
liquide électrolylique. Si le circuit induit est continu, il n'y a
presque pas de polarisation des électrodes; mais s'il présente
une solution de continuité, la polarisation devient très-sen-
sible : ce qui tient, comme il est facile de le prouver, à ce que,
dans ce second cas, les deux courante induits, au lieu d'être
égaux comme dans le premier, diffèrent en intensité. Vient
SUR EMILE VEKDET. m
ensuite l'étude des causes qui peuvent faire varier l'intensité
relative de ces deux décharges induites de sens contraire.
Dans le second mémoire le même procédé, appliqué aux
courants induits d'ordre supérieur, conduit à une conclusion
analogue : c'est que chaque courant du second ordre est la
succession de deux courants opposés induits par le courant
induit du premier ordre , au moment où il commence et au
moment où il finit. Verdet reconnaît que cette vue théorique
avait déjà été énoncée depuis longtemps; mais il en a donné
le premier la démonstration expérimentale.
Le troisième mémoire sur l'induction, très-différent des
deux précédents, a pour objet l'étude de l'influence du temps
dans les phénomènes du magnétisme de rotation observés
pour la première fois par Arago. C'est en cherchant à ana-
lyser expérimentalement les courants qui sont produits dans
l'appareil de Page , quand on substitue au fer doux qu'on fait
tourner devant les deux branches de l'aimant fixe un métal
quelconque, que Verdet a réussi à démontrer que l'induction
n'est pas un phénomène instantané. 11 a ainsi confirmé par
l'expérience le principe énoncé pour la première fois par Fa-
raday, savoir, que le phénomène de l'induction a une durée
sensible. Il a reconnu, en comparant les effets produits par
des plaques de diverses natures, que leur intensité augmente
avec la conductibilité électrique du métal soumis à l'expé-
rience, et que la polarité diamagnétique n'y joue aucun rôle.
Tout en s'occupant d'électricité , Verdet ne perdait pas de
vue l'étude de la lumière. Deux mémoires présentés par lui
à l'Académie des sciences, en janvier et en février i85i, en
\ont la preuve. Dans le premier il rectifie une démonstration
i\ ÎSOTICE
donnée par Fresnel, tout en en coufirnianl pleinement le ré-
sultat, sur la conséquence à laquelle conduisent les expé-
riences par lesquelles Fresnel et Arago démontrent que deux
rayons polarisés à angle droit ne peuvent, en aucun cas, in-
terférer l'un avec l'autre. Cette conséquence est fondamentale
pour la théorie de l'optique, car elle établit que les vibra-
tions de la lumière polarisée sont rectilignes, perpendiculaires
à la direction du rayoïi lumineux et parallèles ou perpendi-
culaires au plan de polarisation. On conçoit l'importance qu'il
y avait à l'asseoir sur une base incontestable.
Dans le second mémoire, Verdet traite une question dont
la solution, quoique simple en apparence, exige l'emploi de
calculs d'un ordre très-supérieur et montre en même temps
la fécondité de la théorie des ondulations. Il s'agit de prouver
que l'intensité lumineuse de l'image d'un objet formée au
foyer d'une lentille est proportionnelle à l'étendue de la por-
tion efficace de la lentille. Ce principe, confirmé par l'expé-
rience, paraît évident au premier abord, et cependant, dans
la théorie des ondulations, on prouve que l'intensité lumi-
neuse de l'image d'un point doit être proportionnelle, non pas
à la simple surface, mais au carré de la surface de la lentille.
Verdet montre que la contradiction nest qu'apparente, et
qu'elle provient de la confusion qu'on fait en assimilant les
effets d'un point lumineux avec ceux d'un objet lumineux
d'une étendue sensible; car, dès qu'il s'agit d'un objet, la
théorie des ondulations elle-même conduit, à Taide du calcul,
à reconnaître que l'intensité de l'image lumineuse est toujoui's
proportionnelle à l'étendue efficace de la lentille, et non au
carré de cette étendue.
SUR EMILE VERDET. xxi
Gomme on vient de le voir, les premiers travaux originaux
de Verdet ont eu successivement pour objet l'électricité et la
lumière, ces deux parties de la physique qu'il afl'ectionnait
particulièrement. On ne doit donc pas s'étonner que les plus
importantes de ses recherches aient été consacrées à l'étude
d'une question dans laquelle l'électricité et la lumière se
trouvent également enjeu. S'emparant de la brillante décou-
verte (faite en i845 par Faraday) de l'influence du magné-
tisme sur les propriétés optiques des corps transparents, il
met à étudier cette influence, qui consiste dans la rotation du
plan de polarisation, une ardeur et une persévérance que sti-
mulaient la nature du sujet et les difficultés mêmes, aussi bien
expérimentales que théoriques, qu'il présentait. Quatre mé-
moires publiés successivement, en i854, en i855, en i858
et en i863, furent le fruit de ces recherches laborieuses
marquées au coin d'une sagacité remarquable, d'une exacti-
tude rigoureuse et d'une probité scientifique à toute épreuve.
Après divers tâtonnements, en opérant tantôt avec de la
lumière homogène, tantôt avec de la lumière blanche, obser-
vant dans le premier cas l'extinction de l'image extraordinaire,
et dans le second la teinte de passage, il s'arrête à ce dernier
procédé comme plus délicat et plus pratique. Pour mesurer
la force magnétique, il se sert de la mesure du courant in-
duit que développe cette force dans une bobine mobile placée
entre les pôles de l'électro -aimant et à laquelle il imprime
toujours le même mouvement. Puis, sa méthode d'expérimen-
tation établie, il est conduit, en l'appliquant, à deux lois
importantes : la première, que le pouvoir rotatoire magné-
tique varie proportionnellement à l'intensité de l'action ma-
wii NOTICE
gnélique; la seconde, que la rotation du plan de polarisation
est proportionnelle au cosinus de l'angle compris entre la di-
rection du rayon lumineux et celle de la force magnétique,
ce qui signifie qu'elle est proportionnelle à la composante de
l'action magnétique parallèle à la direction du rayon de lu-
mière polarisé. Faraday avait bien trouvé que le phénomène
se produisait avec le plus d'intensité lorsque la direction du
rayon était parallèle à celle des forces magnétiques, et qu'il
disparaissait quand ces deux directions étaient perpendicu-
laires l'une à l'autre, résultats qui semblaient faire présup-
poser la loi du cosinus; mais il fallait le démontrer directe-
ment : c'est ce qu'a fait Verdet.
Les deux lois que nous venons de rappeler ont été établies
par de nombreuses expériences faites sur diverses substances
transparentes, soit solides, soit liquides. Mais y a-t-il quelque
loi qui lie la grandeur du pouvoir rotatoire magnétique avec
d'autres propriétés, soit physiques, soit chimiques, de la sub-
stance transparente traversée par le rayon polarisé? Telle est
la question qu'aborde Verdet dans son troisième mémoire.
Après bien des tentatives inutiles pour trouver un rapport
entre le pouvoir rotatoire magnétique des corps et leur pou-
voir réfringent ou leur diamagnétisme , il aboutit à deux ré-
sultats intéressants d'un ordre tout différent.
Le premier est que, lorsqu'un sel est dissous dans l'eau,
l'eau et le sel apportent chacun dans la dissolution leur pou-
voir rotatoire magnétique propre, et la rotation produite par
la dissolution est la somme des rotations individuelles dues
aux molécules de l'une et l'autre substance. Cette loi pourrait
servir à distinguer les mélanges formés de liquides qui n ont
SUR EMILE VERDET. xxiii
pas d'action chimique l'un sur l'autre , de ceux dans lesquels
il y a action chimique entre les ingrédients dont ils sont
formés, sujet intéressant de recherches qui n'a pas été, que je
sache, abordé jusqu'à présent.
Le second résultat général obtenu par Verdet en soumet-
tant à l'expérience différentes espèces de substances est d'avoir
trouvé qu'il en est qui, dans les mêmes conditions, font
tourner, sous l'influence du magnétisme, le plan de polarisa-
tion dans un sens différent de celui dans lequel d'autres le
font tourner. C'est d'abord sur les sels de fer dissous dans
l'eau qu'il a constaté ce fait intéressant, s'étant assuré que ces
sels exercent sur la lumière polarisée une action contraire à
celle qu'exercent l'eau, le sulfure de carbone, le verre et la
généralité des substances transparentes. Il a été ainsi amené
à distinguer deux espèces de pouvoir rotatoire magnétique :
le positif y celui de l'eau, du verre, etc., et le négatif, celui des
sels de fer et des substances qui agissent comme eux, en fai-
sant tourner le plan de polarisation en sens contraire de la
rotation qu'il éprouve avec l'eau.
Mais ce qu'il y a de curieux, c'est que la différence que
nous venons de signaler entre les divers corps ne tient point
à ce que les uns sont magnétiques et à ce que les autres ne
le sont pas. En effet, tandis que les sels de titane, de cérium,
de lanthane, qui sont, il est vrai, légèrement magnétiques,
jouissent de la môme propriété que les sels de fer, ceux de
nickel et de cobalt, qui possèdent un magnétisme bien plus
fort, ont le même pouvoir rotatoire magnétique que l'eau. 11
est vrai qu'il n'existe aucune solution non magnétique qui ait
le pouvoir négatif, mais toutes les substances magnétiques ne
luv NOTICE
le possèdent pas, puisqu'il en est qui ont le positif. Il y a donc
dans ce genre de phénomènes des influences encore inconnues
qui empêchent de rattacher le pouvoir magnétique à quelque
autre propriété des corps, soit physique, soit chimique.
Abordant la question par un autre bout, Verdet, dans son
quatrième mémoire, a essayé de voir si du moins il ne par-
viendrait pas à lier les phénomènes de polarisation rotatoire
magnétique avec la nature même des rayons lumineux; si,
en d'autres termes, il n'existerait pas un rapport' constant
entre les longueurs d'ondulation des différents rayons simples
et l'influence du magnétisme sur l'amplitude de leur rotation
magnétique. On sait, d'après des expériences de Biot, que,
pour les substances douées naturellement de la polarisation
rotatoire, telles que le quartz, le sucre, etc., le pouvoir rota-
toire est inverse du carré des longueurs des ondes lumineuses;
il était intéressant de savoir s'il en serait de même pour les
substances qui ne possèdent la polarisation rotatoire que sous
l'influence du magnétisme.
Pour s'en assurer, Verdet s'est servi de deux substances
dont le pouvoir rotatoire magnétique, quoique différent, est
très-considérable : ce sont le sulfure de carbone et la créosote;
puis il les a fait lravei*ser successivement par les rayons
simples polarisés provenant d'un spectre solaire très-parfait,
en les plaçant sous l'action de Télectro-aimant. Il a bien
trouvé qu'en général la rotation magnétique des plans de
polarisation des rayons de différentes couleurs est réciproque
aux carrés des longueurs d'ondulation, mais seulement ap-
pvoximalivement.
L'écarl entre les résuliats de l'expérience et les résultats
SUH ÉMILK VEHDKT. xxv
calculés d'après la loi est d'autant plus grand que la subs-
tance traversée par le rayon polarisé a un pouvoir dispersil
plus considérable. Cependant ce dernier fait n'est pas non
plus général, car une série d'expériences très-exactes, faites
successivement avec les deux substances sur lesquelles il a
opéré, ont montré que, quoique la créosote soit beaucoup
moins dispersive que le sulfure de carbone, la variation de
ses rotations magnétiques avec la longueur d'onde est plus
rapide, ou tout au moins aussi rapide, qu'elle l'est avec le
sulfure de carbone.
Il est à regretter, pour la satisfaction personnelle de Verdet,
que ses belles et laborieuses recherches ne l'aient pas con-
duit à quelqu'une de ces lois simples que les physiciens ont
quelquefois le bonheur de rencontrer sur leur route. D'au-
tres, moins consciencieux et moins exacts, auraient peut-être
trouvé la loi sans en voir les écarts; mais Verdet cherchait
avant tout la vérité; aussi je pourrais dire qu'il s'est donné
presque plus de peine pour découvrir les écarts de la loi que
pour trouver la loi elle-même. Le désappointement qu'il a
dû néanmoins éprouver en n'aboutissant à aucune loi géné-
rale, à la suite de cette partie de ses travaux, me rappelle
celui dont je fus témoin chez un savant également conscien-
cieux et habile : je veux parler de Dulong. C'était en 1826;
Dulong venait de terminer un important travail sur le pou-
voir réfringent des gaz. Je l'avais laissé au mois de mai au
milieu de ses recherches; je le retrouve au mois d'octobre
les ayant terminées, cr Point de loi générale, me dit-il dès qu'il
m'aperçut à mon retour; rien que des lois approximatives.
Que voulez-vous! je n'ai point de bonheur; tandis que Gay-
ixvi NOTICE
Lussac, il suffit qu'H touche à un sujet pour trouver une loi. n
Et cependant la loi de la dilatation des gaz n'est pas non plus
une loi absolue; les écarts sont très-petits, il est vrai; mais
enfin si, au point de vue pratique, ils ont peu d'importance,
ils en ont une grande au point de vue théorique, et, pour
Dulong comme pour Verdet, c'était là le point essentiel.
Au reste, à mesure que la science avance et que les moyens
d'expérimentation se perfectionnent, les lois qui semblaient
reposer sur les fondements les plus sûrs sont ébranlées. Est-
ce à dire qu'elles aient perdu toute valeur? Loin de là, car
elles n'en demeurent pas moins vraies dans les limites et dans
les conditions où elles ont été observées, et elles serviront
toujours, comme point de départ, pour en établir de plus
générales. Celles-ci ne s'obtiendront que lorsqu'on aura pu
apprécier toutes les circonstances, dont plusieurs nous échap-
pent encore, qui influent sur un phénomène; appréciation
souvent bien difficile et quelquefois même impossible, faute
de moyens suffisants d'observation. Mais ces difficultés, ces
impossibilités pourront disparaître un jour avec les progrès
des méthodes et le perfectionnement apporté chaque jour aux
procédés d'expérimentation. H n'y a donc pas lieu de se dé-
courager, surtout si, au lieu de regarder en arrière, on jette
les veux en avant.
Verdet on est ia preuve, car, en terminant les recherches
dont nous venons de donner l'analvse, il se livre à une discus-
sion dans laquelle différentes hypothèses, soit sur le mode
d'action du magnétisme, soit sur l'influence de la longueur
des ondulations lumineuses, sont soumises à Tépreuve de cal-
culs approfondis. Les formules auxquelles il est conduit n'ont
SUR EMILE VERDET. xxvn
pas sans doute la valeur d'une loi générale, mais elles lui
permettent de saisir les causes des perturbations qui font que
ia loi n'est qu'approximative, et d'entrevoir certains traits
généraux au milieu de ces perturbations mêmes. Ainsi il re-
connaît que les corps qui possèdent un fort indice de réfrac-
tion présentent généralement un grand pouvoir rotatoire
magnétique, sans qu'il y ait, il est vrai, un rapport constant
entre les deux ordres de propriétés, et que les substances
douées d'un fort pouvoir dispersif s'écartent, en général,
très-notablement de la loi exacte du carré des longueurs
d^onde, sans qu'il y ait de rapport constant entre cet écart
et la dispersion. La première proposition est la restriction
d'une règle que j'avais cru pouvoir établir '*\ que Verdet avait
d'abord admise et qui s'est trouvée moins générale que je
ne l'avais cru. La seconde est également la restriction d'une
loi à laquelle Verdet lui-même aurait été tenté d'attribuer
HD caractère absolu s'il avait voulu tirer des conséquences
déGnitives de ses premières séries d'expériences. Toutefois ces
deux lois, quoique approximatives, quoique présentant même
des exceptions, n'en renferment pas moins un fonds de vérité
que des recherches ultérieures permettront très-probablement
un jour de démêler, quand on aura réussi à ramener les
phénomènes à des conditions plus simples et plus normales.
Si j'ai autant insisté sur les travaux scientifiques de Verdet,
c'est que cet examen est encore ce qui peut le mieux donner
f idée à la fois de la loyauté scientifique et de la haute intel-
ligence qui le caractérisaient, double condition indispensable
pour savoir bien discerner la vérité. Sans doute il employait
t»> Traité d'Électricité, t. I, p. 555.
xxviii NOTICE SLR EMILE VERDET.
l'hypothèse, car autrement il aurait erré à l'aventure ; mais
chez lui rhypothèse était soumise à la double épreuve du
calcul et de l'expérience avec une rigueur qui devait le con-
duire à la vérité ; car lu vérité, je l'ai déjà dit et je ne saurais
trop le répéter, voilà avant tout ce qu'il aimait, ce qu'il cher-
chait, prêt à renoncer à toute idée préconçue, tant était
ardent son désir de la trouver. Aussi je connais peu de sa-
vants auxquels on puisse mieux qu'à lui appliquer ce juge-
ment bref et énergique d'un poëte ancien : vitam impendere
vero.
A. DE LA RIVE.
OEUVRES
D'EMILE VERDET
RECHERCHES
SDR
LES PHÉNOMÈNES D'INDUCTION
PRODUITS
PAR LES DECHARGES ELECTRIQUES.
(THÈSE PRÉSENTÉE A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS EN NOVEMBRE 1848.)
(ANNALES DE CHIMIE ET DE PHYSIQUE, 3« SÉRIE, TOME XXIV, PAGE 377.)
M.
HISTORIQUE.
Les phénomènes d'induction produits par les décharges électriques
ont déjà été Tobjet d'un assez grand nombre de travaux. Découverts,
sinon à la même époque, du moins dans des recherches tout à fait
indépendantes, par MM. Masson^'^ Aimé^^^ Henry, Riess et Ma-
rianini, ils ont été étudiés par ces divers physiciens, ainsi que par
MM. Dove, Matteucci et Knochenhauer. Néanmoins on n'a pas en-
''> Voyez Aunalet de chimie et de physique ^ â* série, t. LXXIV, p. 1.59, en note.
(') L^ohsenalion de M. Aimé n^est mentionnée, à ma connaissance, dans aucun traité
de physique, ni dans aucun mémoire publié dans les grandes collections scientifiques.
J'en emprunte la desanption à Tintéressante Notice biographique sur Georges Aimé, publiée
Verdet, I. — Mémoires. 1
2 RECHERCHES
core de notions certaines sur la nature du mouvement électrique qui
constitue la décharge induite. La plupart des physiciens le consi-
dèrent comme dn mouvement unique, entièrement comparable au
mouvement qui constitue la décharge inductrice, mais ils n'en con-
naissent pas la direction avec certitude. D'autres pensent que la dé-
charge induite est la succession d'au moins deux décharges d'inten-
sités à peu près égales et de directions opposées, mais ils ne citent à
l'appui de leur hypothèse, très-vraisemblable d'ailleurs, aucune ex-
périence concluante.
J'ai essayé de résoudre la question par une méthode qui m'a paru
rigoureuse, et je soumets à la Faculté les résultats de mon travail.
J'ai dû ooÈnmeiieer par un examen attentif dé^ l^eherchés dont je
viens de citer les auteurs, afin de voir s'il était possible de modifier
les méthodes déjà employées, de manière à en écarter toute cause
d'erreur, ou s'U fallait recourir à une méthode nouvelle.
Une hélice magnétisante contenant une aiguille d'acier trempé
est un des appareils les plus simples et les plus sensibles qui puis-
sent manifester l'existence d'une décharge induite; mais le sens^ et
l'intensité de l'aimantation n'ont aucune relation simple avec le sens
et l'intensité de cette décharge. Les expériences de Savary ont dé-
montré depuis longtemps que le sens de l'aimantation due à la dé-
charge d'une batterie ne dépend pas seulement de la direction de
cette décharge , mais aussi de son intensité et de la distance de l'ai-
guille au fil conducteur. Quelle que soit la cause de cette singulière
anomalie , l'analogie conduit à penser que le sens de l'aimantation
due à une décharge induite dépend des mêmes circonstances, et
fexpérience confirme cette prévision. Si l'on place dans le circuit
conducteur de la décharge induite une série d'hélices magnétisantes
de diamètres différents, les aiguilles introduites dans ces hélices
peuvent s'aimanter en sens contraire les unes par rapport aux autres.
Sans avoir fait de ces phénomènes une étude complète, ii m'a paru
par M. Edouard Desains dans la Nouvelle Reçue eitcycloprdiqiu de MM. Firtiiiii Didot
(année 18^6). Sur les deux faces d^uue lame de verre. M. Aimé avait fixé plusieurs
liandes d'étain, de manière à former deux ciraiils métalliques, parallèles ef disconlinus.
Au moment où il faisait passer ù travers Tun des circuits la décharge d'une bouteille do
Leyde, il partait des étincelles dans foules les solutions de conlinnilé du deuxième drruit.
SUR LES PHÉNOMÈNES D'INDUCTIOiN. 3
que les circonstances favorables à l'observation dos changements de
signe de raimantaiion sont les mêmes pour les di^charges induites
que pour les décharges ordinaires. Si une décharge induite faible
parcourt un circuit très-peu conducteur, les aiguilles d'acier s'ai-
mantent toujours de la même manière, dans quelque hélice magné-
tisante qu'elles soient placées; au contraire, toutes les fois qu'une
décharge électrique intense agit par induction sur un circuit entiè-
rement métallique de longueur médiocre, les anomalies de l'ai-
mantation sont h peu près aussi évidentes pour la décharge induite
qtie pour la décharge inductrice. L'expérience suivante le prouve.
Un fil de cuivre de i mètre de longueur et d'environ i^^^ô de
diamètre fut enroulé autour d'un tube de verre de a décimètres de
longueur et de i centimètre de diamètre extérieur. L'hélice ainsi
Ibnftëe ftlt introduite dans un autre tube de verre d'un diamètre
intërieur juste assez grand pour [a recevoir, et sur lequel on avait
aussi enroulé un (il de cuivre à peu près de même longueur et
de même diamètre que le précédent. On réunit les extrémités du
fii intérieur par une série d'hélices magnétisantes de diamètres dif-
férents, où furent placées des aiguilles d'acier, et l'on fît passer par
le fil extérieur la décharge d'une bouteille de Leyde de moyennes
dimensions. L'expérience ayant été répétée plusieurs fois avec des
hélices et des aiguilles de dimensions variées, il arriva souvent que
les aiguilles soumises à une même décharge s'aimantèrent en sens
contraire les unes des autres. Avec des aiguilles de bo millimètres
de longueur et d'environ o"",9 5 de diamètre (n** 7 du commerce),
j'ai observé trois changements de signe : l'une des aiguilles était
placée entre le verre et le fil d'une hélice d'un très-grand diamètre,
et pouvait être considérée conmie aimantée uniquement par la partie
des spires qu'elle touchait; la seconde était dans une hélice de 3 mil-
limètres de diamètre, la troisième dans une hélice de 1 centimètre.
L'appareil d'induction est, dans cetle expérience, analogue, par
sa grande conductibilité, aux appareils dont M. Henry a fait usag(!
dans ses recherches ^^^ : c'étaient, comme on sait, tantôt des lames
d'éttin très-larges, enroulées en hélice sur des tubes de verre, tan-
tôt des lames de cuivre enroulées en forme de spirales plates, dont
^*' Annalfê de chimie et de physique, 3' série, '. III.
à RECHERCHES
la longueur ne dépassait pas 3o mètres, et dont la section était d'au
moins 8 à lo millimètres carrés. Une aiguille, soumise à l'action de
la décharge induite dans une hélice magnétisante d'un très- petit
diamètre, s'aimantait tantôt en un sens, tantôt en sens contraire,
lorsqu'on faisait varier l'intensité de la décharge inductrice ou la
distance de la spirale inductrice à la spirale induite. Mais il est dair,
par ce qui précède, qu'il n'y avait rien à conclure de ces phéno-
mènes quant à la direction de la décharge induite. Si M. Henry
avait soumis à l'action d'une même décharge plusieurs aiguilles
placées dans des hélices différentes, il est à présumer qu'il ne les
aurait pas toujours vues s'aimanter toutes dans le même sens, et sans
doute il aurait reconnu que ses expériences n'indiquaient pas avec
certitude le sens de l'induction.
M. Marianini, en substituant le fer doux à l'acier, a cru donner
plus de rigueur à la méthode de l'aimantation ^'). On admet en effet,
d'après Savary, que sous l'influence d'une décharge électrique le
fer doux et l'acier non trempé s'aimantent toujours dans le même
sens que sous l'influence d'un courant voltaîque de même direc-
tion. Conséquemment, si l'on introduit un barreau de fer doux
dans une hélice perpendiculaire au méridien magnétique au-dessus
de laquelle est suspendue une aiguille aimantée, la déviation du
pôle austral de l'aiguille peut faire connaître la direction de toute
décharge transmise à travers l'hélice. Tel est le principe d'un ins-
trument, précieux par son extrême sensibilité ^^^ que M. Marianini
a appliqué à l'étude des décharges induites, et auquel il a donné le
nom de rhéélectromèîre. Si l'on en considère les indications comme
rigoureuses, les expériences de M. Marianini établissent que la di-
rection de la décharge induite dépend de l'intensité de la décharge
inductrice, de la conductibilité du circuit inducteur et de celle
du circuit induit.
Mais on trouve, dans le mémoire de M. Marianini lui-même, une
expérience d'où il résulte que le fer doux n'est guère plus propre
que l'acier à indiquer, par son aimantation, le sens d'une décharge
électrique. Ce physicien prit une lame de plomb d'environ 3 mètres
^') Annale» de chimie et dephytique, 3* sëne, I. X , XI el Xllf.
('' Voir la note de la page 3^.
SUR LES PHÉNOMÈNES D'INDUCTION. 5
de longueur, et la recourba en deux points distants de i mètre , de
manière qu'elle pût passer à travers deux vases pleins d'eau dis-
tillée; les deux extrémités du fil de Thélicedu rhéélectromètre furent
plongées dans les mêmes vases, et l'on fit passer à travers la lame
de plomb une série de décharges d'intensités croissantes et de même
direction. Les déviations du rhéélectromètre changèrent de sens avec
rintensité de la décharge. J'ai répété plusieurs fois cette expérience,
et j'ai obtenu constamment le même résultat que M. Marianini. Il
suflBt même de faire passer directement à travers l'hélice une dé-
charge extrêmement faible, pour observer une aimantation contraire
k celle que produit toute décharge un peu intense. Ainsi, les indica-
tions du rhéélectromètre ne sont pas plus certaines que celles d'une
hélice magnétisante , du moins pour de très-faibles décharges. Telles
sont précisément les décharges induites étudiées par M. Marianini.
L'appareil inducteur de ce physicien consistait en deux lames de
plomb de 7 centimètres de longueur, 1 centimètre de largeur et
1 1 millimètres d'épaisseur, séparées par une lame isolante. L'induc-
tion était si faible , qu'il eût été à peu près impossible de la cons-
tater par toute autre méthode.
Si l'aimantation de l'acier et du fer doux produite par les décharges
électriques est sujette aux plus grandes irrégularités, il résulte, au
contraire, des expériences de M. Golladon et de celles de M. Faraday,
qu'une aiguille déjà aimantée est déviée par la décharge d'une bou-
teille de Leyde dans le même sens que par un courant voltaïque;
mais il est nécessaire que les différentes spires du fil galvanométri-
que soient isolées avec le plus grand soin, ou, si l'isolement est im-
parfait, on n'obtient de résultats certains qu'en retardant la décharge
de la batterie par un corps peu conducteur, tel qu une corde
mouillée, ou en soutirant peu à peu l'électricité de l'armature in-
terne par une pointe. Dans les deux cas, les expériences réussissent
d'autant mieux que le fil du galvanomètre est plus fin et plus long;
car, ainsi que l'a fait remarquer M. Riess, alors même que la plus
grande partie de la décharge passe à travers la soie dont le fil mé-
tallique est recouvert, l'action de la petite quantité d'électricité qui
circule à travers le fil est sensible si le nombre des spires est très-
grand. En négligeant ces diverses précautions, on obtient souvent,
6 RECHERCHES
U est vrai, des déviations très-considérables; mais ces déviations
sont dues tantôt à Taction que Télectricité libre de la décharge exeree
sur Taiguille aimantée comme sur tout autre corps l^r, tantèt à
on changement permanent du magnétisme de l'aiguille : il n'y a
évidemment alors aucune relation entre l'indication du galvanomètre
et la direction ou l'intensité de la déchaîne.
Ces causes d'erreur ne paraissent pas avoir été écartées par M. liat^
(eucci, lorsqu'il a appliqué la déviation de l'aiguille aimantée à Té*
tude des décharges induites ^^K Ce physicien employait un galvano-
mètre à (il gros et court, construit par M. Gourjon pour l'observa-
tion des courants thermo-électriques, et par cela même impropre a
l'observation des décharges électriques directes ou induites. H. Mat-
teucci reconnaît lui-même Timperfection de son instrument : ainsi,
lorsqu'il déchargeait lentement une batterie ou le conducteur d'une
machine électrique k travers le fil du galvanomètre, la déviation
de l'aiguille était indépendante de la direction de la décharge,
et n'était due qu'à l'action de l'électricité libre; lorsqu'il y faisait
passer une décharge induite, le sens de la déviation changeait bien,
en général, avec le sens de la décharge; mais il partait presque tou-
jours une étincelle dans le circuit, et l'état magnétique des aiguilles
était plus ou moins modifié. On ne peut donc pas accorder une
confiance entière à la loi énoncée par M. Matteucci, d'après laquelle
la direction de la décharge induite serait toujours la même que
celle de la décharge inductrice.
Lorsqu'il y avait une interruption et, par suite, une étincelle dans
le circuit induit, M. Matteucci n'a presque jamais obtenu de dévia-
tion sensible avec son galvanomètre. Il a essayé de déterminer, dans
ce cas, la direction de la décharge induite à l'aide d'une méthode
toute différente, que lui avait indiquée M. Pacinotti, de Pise. In
perce-cartes était introduit dans le circuit soumis à l'induction: une
feuille de papier mince, placée entre les deux pointes, était percée
par l'étincelle , et l'on admettait , conformément aux expériences de
Lullin et de Trémery, que l'étincelle était dirigée de la pointe la plus
éloignée du trou vers la pointe la plus voisine. M. Matteucci a conclu
de ses observations que la direction de la décharge induite était
''^ AiUMdêê àê chimie H de ;iAy«iî^. .V série. I. IN« cl Arckmt de V Ei''tirmUé , t. V.
SUR LES PHÉNOMÈNES DINDIJGTION. 7
contraire à celle de la décharge inductrice : cette direction ne se-
rait donc pas la même dans un circuit discontinu que dans un cir-
cuit entièrement métallique. Mais la méthode du perce-cartes est
sujette k d'assez graves objections : si la distance des deux pointes
est très-petite, il est bien difficile de dire quelle est la pointe la plus
voisine du trou; si la distance est très-grande, le trou est presque
exactement au milieu : ce n'est qu'entre des limites particulières
qu'on obtient dos résultats semblables à ceux de M. Malteucci. Il
Y a donc quelque différence entre les effels de l'étincelle d'une dé-
charge induite et ceux de l'étincelle d'une décharge ordinaire, et
Ton ne doit pas se servir de la même règle pour déterminer la direc-
tion de ces deux espèces d'étincelle.
M. Riess est parti, dans ses recherches, d'un principe contraire
aux lois énoncées par M. Malteucci ^^^ Il a admis que l'action induc-
trice ne devait être en rien modifiée par l'état de In partie du circuit
non soumise à l'induction, et qu'en conséquence la direction du
mouvement imprimé aux fluides électriques devait être la même, soit
que le circuit fût entièrement métallique , soit ([u'il présentât une
petite interruption, soit même que les extrémités fussent séparées
par un intervalle trop grand pour livrer passage à l'étincelle. D'ail-
leurs il est facile de déterminer, dans ce dernier cas, la direction de
la décharge, en approchant des deux plateaux d'un condensateur les
deux extrémités du fil induit. Au moment de l'induction, les deux
électricités qui tendent à s'échapper de ces deux extrémités passent
sur les plateaux , sous forme d'étincelle , et il ne reste qu'à en re-
connaître la nature par les procédés ordinaires. La méthode paratt
rigoureuse, mais elle est d'une application difficile, et M. Riess l'a
ingénieusement modifiée.
Les deux extrémités du fil induit étaient mises en rapport avec
deux pointes métalliques qui pouvaient se rapprocher l'une de l'autre
à volonté. Entre ces pointes on plaçait, au lieu d'un condensateur,
une plaque de métal recouverte sur ses deux faces d'une couche peu
épaisse de poix- résine : les deux électricités qui se seraient répandues
sur les plateaux du condensateur se répandaient, au moins en
partie» sur les faces de la lame; et, pour en reconnaître la nature,
^') Poggenttarjf*$ Atwalen der Phyiik und der Ckemie, t. Ll.
8 RECHERCHES
on projetait successivement sur chaque face le mélange de soufre et
de minium pulvérisés qui sert à produire les figures de Lichtenberg.
Le minium et le soufre se séparaient et affectaient des dispositions
très-différentes sur les deux faces. Sur l'une , il se formait une tache
centrale rouge , entourée d'un grand nombre de filaments jaunes ,
divergents et ramifiés, constituant une sorte d'auréole; sur l'autre,
c'était un groupe de taches rouges et jaunes, environné d'un cercle
rouge et presque toujours accompagné d'nn petit nombre de fila-
ments jaunes. Le rapport de ces figures avec les figures électriques
ordinaires n'était pas évident a priori, et il n'était pas possible de
conclure du phénomène la direction de la décharge induite. Mais,
si l'on répétait plusieurs fois l'expérience en faisant varier l'écarte-
ment des deux pointes et les dimensions de la plaque de résine,
sans rien changer à la décharge inductrice, les deux figures se re-
produisaient toujours avec la même forme du même côté; elles s'é-
changeaient l'une dans l'autre, si l'on changeait la direction de la
décharge inductrice. La position de ces figures dépend donc unique*
ment de la direction de la décharge induite, et leur observation est
tout à fait propre à manifester si, dans une série d'expériences, cette
direction est constante ou variable : tel est aussi l'usage auquel Ta
appliquée M. Riess. Des expériences très-nombreuses lui ont fait
voir que ni l'intensité de la décharge inductrice, ni la distance du
fil induit au fil inducteur, ni la conductibilité de l'un ou de l'autre
circuit, n'a d'influence sur la direction de la décharge induite.
Celte loi remarquable une fois démontrée, M. Riess a pensé qu'il
lui suffisait, pour résoudre définitivement la question, de détermi-
ner, dans un petit nombre d'expériences, la direction de la décharge
induite, au moyen du condensateur. Il a effectivement annoncé, en
i84o, ([ue la direction de la décharge induite élait constamment la
même que celle de la décharge inductrice; mais ayant répété ses
expériences deux ans plus tard ^^\ il a quelquefois obtenu avec le
condensateur des signes d'après lesquels la direction de la décharge
induite aurait été contraire à celle de la décharge inductrice, sans
qu'il fût possible d'apercevoir la cause de celte anomalie. Comme
d'ailleurs les figures produites sur la résine ont conservé toujours la
^') R^perlorium der l*h^tiky L Vf; Berlin, i842.
SUR LES PHÉNOMÈNES U'INDUGTION. 9
même position, M. Riess a conclu de ses nouvelles expériences que
la décharge induite est un phénomène plus complexe qu'il ne l'avait
pensé d'abord, et qu'on ne peut lui assigner une direction unique
comme à la décharge inductrice. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est
que la nature du mouvement électrique dont le fil induit e$t le
siège demeure constamment la même, et que, le plus souvent, ce
mouvement produit les mêmes effets qu'une décharge unique dirigée
dans le même sens que la décharge inductrice.
Les recherches de M. Riess sur le pouvoir calorifique des dé-
charges induites ^^^, et le mémoire de M. Dove, relatif à l'influence
que les masses métalliques exercent sur l'intensité de ces décharges ^^^,
sont étrangers au sujet de mon travail. Les seules expériences qu'il
me reste à citer sont celles de M. Knochenhauer ^^K La méthode de
ce physicien diffère essentiellement des précédentes. Elle consiste à
faire passer simultanément la décharge inductrice et la décharge in-
duite à travers le fil de platine d'un thermomètre électrique, en
disposant les communications, dans deux expériences successives,
de manière que l'une des décharges doive traverser le fil de pla-
tine alternativement dans les deux sens opposés, le sens de l'autre
décharge y demeurant le même. L'élévation de température indi-
quée par le thermomètre n'est pas la même dans les deux circons-
tances, et si l'on admet que la plus grande élévation de température
corresponde au cas où les deux décharges passent dans le même
sens à travers le thermomètre , la plus petite au cas où elles y pas-
sent en sens contraire, les expériences assignent à la décharge induite
une direction contraire à celle de la décharge inductrice. Ce résultat
sera discuté plus loin.
Kn résumé, si on laisse de côté, pour le moment, les expériences
de M. Knochenhauer, on voit que la méthode de M. Riess est seule
rigoureuse, mais qu'elle ne peut résoudre complètement la ques-
tion. 11 était donc nécessaire d'employer une méthode nouvelle dans
nos recherches.
^'^ Annalen de chimie et de physique y a* série, t. LXXIV.
^*) Armales de chimie et de physique y 3' série, l. IV.
^•^^ Armales de chimie et de physique , 3' série, t. XVII.
10 RECHERCHES
SU.
DK L% DÉCHARGE I7IDUITE DC PREMIER ORDRE.
Wollaston ^'^ et M. Faraday ^^^ ont prouvé, par d'ingénîeases eipé*
rieDces, que l'électricité d'une madiine ou d'une batterie électrique
produit, en traversant un liquide conducteur, les mêmes effets éiectro»
chimiques que le courant d'une pile : les alcalis, l'hydrogène, les mé»
taux sont transportés dans la même direction que le fluide positif; les
acides, l'oxygène et les corps analogues, en sens contraire. Ainsi la
direction d'une décharge électrique peut se conclure rigoureusement
de l'observation de ses effets électro-chimiques. Tel est le principe
de la méthode que j'ai appliquée è l'étude des décharges induites.
Le procédé expérimental de M. Faraday est très-simple. On place
entre deux pointes métalliques un morceau de papier imprégné du
liquide dont on veut constater la décomposition, et on verse autour
de chaque pointe une goutte d'un réactif coloré , propre à manifester
la présence de l'élément basique ou acide qui doit s'y rendre. La
décomposition de l'iodure de potassium se constate plus aisément
encore par la tache d'iode qui se forme toujours au contact de la
pointe positive. Mais on n'obtient de résultats satisfaisants que si la
décharge est réellement transmise à travers le papier humide. S'il
part une étincelle entre les deux pointes métalliques, les phéno-
mènes chimiques ont un caractère différent : avec Tiodure de potas-
sium, on voit une tache d'iode qui s'étend sur tout le trajet de
l'étincelie; avec un sel alcalin, c'est une tache acide. M. Faradav
pense que l'ëtinceile électrique produit dans la couche d'air qu'elle
traverse une petite quantité d'acide nitrique qui décom|)08e le liquide
dans le voisinage du trajet de l'électricité. Quoi qu'il en soit, la tache
d'iode ou d'acide présente, en général, la forme anguleuse ou con-
tournée de l'étincelle qui l'a produite.
H est donc nécessaire, dans ces expériences, de diminuer beau-
coup la tension des décharges électriques en leur faisant traverser
^'^ TrmuarUon» jthiiosopkique* , année 1 80 1 .
'') Transaction* philosophiques , année i833, ou EritfritHfntal Restarrhes in fiectricily,
IroUième Mémoire; Londres, 1839.
SUR LES PHÉNOMÈNES D'INDUCTION. 11
une corde humide ou une longue colonne d'eau. Mais lorsque j'ai
voniu appliquer ce procède aux décharges induites, je n'ai pu intro-
duire dans le circuit un conducteur imparfait sans faire disparaître
tonte action chimique; la tension de l'électricité était tellement ré-
duite, qu'elle ne pouvait plus vaincre la résistance du papier humide.
C'est par le phénomène connu sous le nom de polarisation des élec--
ttodm que j'ai manifesté l'action chimique des décharges induites.
n y a assez longtemps, en effet, qu'un habile physicien allemand^
M. Henrici, a fait voir qu'une décharge électrique communique une
force électro-motrice temporaire à deux fils de platine ou d'or
plongés dans un liquide décomposable : si ces fils sont mis promp-
lement en rapport avec un galvanomètre sensible, on observe un
courant plus ou moins intense, qui persiste ])endant quelques ins-
tants et dont la direction est toujours contraire (dans le liquide) à
celle de la décharge ^^^. Le sens du courant est toujours le même,
quelle que soit la nature du liquide ; mais son intensité est variable
et^ en général, d'autant plus grande que le liquide est meilleur
conducteur. Le sulfate de cuivre, l'acide chlorhydrique, le chlorure
de sodium et surtout l'iodure de potassium sont les liquides les
plus propres à l'observation du phénomène.
J'ai reconnu sans difficulté qu'on peut aussi produire des cou-
rants de polarisation très-intenses avec les décharges induites. De la
direction de ces courants j'ai conclu la direction des décharges, mais
il ne m'a pas paru possible d'obtenir des mesures exactes de l'in-
tensité. Sans doute, les expériences de M. Becquerel ^^^ démontrent
que l'intensité du courant de polarisation est sensiblement propor-
tionnelle à la (piantité d'électricité qui a traversé le liquide: mais
une cause d'erreur (|ue je n'ai pu écarter ne m'a pas permis de
considérer ce principe comme applicable ï\ mes expériences. Toutes
les fois qu'un certain nombre de décharges, directes ou induites,
toutes dirigées dans le même sens, a traversé l'appareil de décom-
position, si Ton y fait passer une série de décharges exactement
égales aux précédentes, mais de sens contraire, les courants de po-
larisation sont moins intenses dans la seconde série d'expériences
^*^ Pogffmdorff*i Annalen tlet' Plnjgik inid (Ipi- Chemipy l. XLVI et XLVII (année iSSg).
^*^ Compte* rendue de IWcadÀmie drn xriences, l. XXII (année i846).
13 RECHERCHES
qae dans la première. Ainsi, deux lames de platine ou d'or, plongées
dans un liquide décomposable , et qui se sont polarisées plusieurs
fois de la même manière, possèdent une tendance permanente à se
polariser de nouveau dans le même sens. La démonstration de ce fait
assez singulier a été pour moi l'objet d'un grand nombre d'expé*
riences; j'ai su depuis qu'un phénomène tout à fait analogue avait
déjà été observé par M. Saweljew dans des recherches sur le passage
des courants magnéto-électriques instantanés à travers les liquides ^^K
D'aiUeurs la mesure des courants de polarisation, et, en général,
des courants dont la durée est très-courte, n'est pas aussi facile, à
beaucoup près, qu'on pourrait le penser. Il ne suffit pas d'observer
la déviation galvanométrique immédiate, et d'en conclure, au moyen
de tables empiriques, d'abord la déviation stable correspondante,
ensuite l'intensité. La même déviation initiale peut coiTespondre à
des courants d'intensités très-différentes, si la durée de ces courants
n'est pas la même, et il n'est pas douteux que la durée des courants
de polarisation ne soit très-variable. Lorsque ces courants sont très-
peu intenses, ils sont aussi très-peu durables : l'aiguille, chassée à
une certaine distance de sa position d'équilibre, y revient par une
série d'oscillations exactement pareilles aux oscillations qu'elle exé-
cuterait si on l'avait écartée de sa position d'équilibre sans faire
passer de courant; mais, lorsque la polarisation est très-forte, l'ai-
guille revient très-lentement à sa position d'équilibre, et même ac-
complit souvent une ou deux oscillations en restant du même coté
de cette position; ce qui indique, d'une manière évidente, la per-
sistance du courant. Dans le premier cas, il faudrait évidemment
connaître la durée du courant. Dans le second cas, le problème
serait plus difficile encore : si la durée du courant de polarisation
est sensible, son intensité est sans cesse décroissante, et c'est la
valeur initiale qu'il faudrait connaître.
Je ne citerai donc, dans ce mémoire, d'autres données numé-
riques que les déviations galvanométriques immédiatement obser-
vées. Pour les conclusions que j'aurai à en tirer, il suffira d'admettre,
ce qui est assez évident, que ces déviations sont croissantes avec la
quantité d'électricité dont le passage produit la polarisation.
"' Pf^ffg^f^dorJT* Am,alrn der PhtfMfk und dn- Chemie, I. LWIII.
SUR LES PHÉNOMÈNES D'INDDCTION. 13
J'ajoaterai (on verra plus loin Tutillté de cette remarque) que
rintensiié du courant de polarisation résultant de la décharge d'une
batterie n'est pas sensiblement changée lorsqu'on interrompt le con-
ducteur de la décharge en plusieurs points, de manière qu'il y parte
des étincelles.
Je passe à la description des appareils et des expériences.
L'induction était produite, dans mes recherches, au moyen d'un
couple de spirales planes. M. Ruhmkorff, qui me les avait fournies,
avait apporté le plus grand soin à l'isolement des différentes spires.
Le fil de cuivre, enveloppé de quatre couches de soie, était en-
roulé en spirale sur une pièce d'étoffe de soie , et recouvert ensuite
d'une couche épaisse de vernis à gomme laque. Après avoir com-
plètement desséché chaque spirale par une exposition de plusieurs
jours aux rayons solaires, on la fixait sur une plaque de verre éga-
lement vernie. Les deux extrémités du fil traversaient la plaque de
verre pour se souder à deux pièces de cuivre percées de trous cylin-
driques profonds de i centimètre, où Ton engageait les extrémités
des fils destinés à amener la décharge inductrice ou à recevoir la
décharge induite. Je me suis toujours assuré de la continuité de
toutes ces pièces, en faisant passer un courant voltaïque à travers
chaque spirale, avant d'entreprendre une série d'expériences. J'ai
aussi toujours vérifié la perfection de l'isolement, en faisant passer
par les spirales la décharge d'une bouteille de Leyde chargée à satu-
ration; je considérais les spires comme suffisamment isolées, lors-
que je n'apercevais d'étincelles en aucun point du fil, l'expérience
étant faite dans l'obscurité.
Trois de mes spirales étaient d'ailleurs formées chacune par un
fil de cuivre d'un demi-millimètre de diamètre et d'environ 48 mè-
tres de longueur, faisant quatre-vingt-dix à quatre-vingt-quinze
spires, dont l'intervalle moyen était de i -f millimètre. Le fil d'une
quatrième spirale avait i -f millimètre de diamètre, â8 mètres de
longueur, et faisait seulement vingt-quatre tours sur la plaque où
il était fixé ; c'était presque toujours par cette dernière spirale que
je faisais passer la décharge inductrice. Enfin les quatre spirales
étaient montées verticalement sur des pieds métalliques très-solides,
et il était ainsi facile d'en faire varier la distance à volonté ; comme
16 RECHERCHES
je ne me proposais pas de déteràiiner nainériquement llfiflifence
de la distance, je n'avais pas dispose les appareils de manière à
mesurer cet élément avec une grande précision ^^K Le diamètre des
quatre spirales était d'environ s 5 centimètres.
Toutes les expériences qui seront décrites sans indication parti-
culière des dimensions de la batterie ont été faites avec une batterie
de neuf jarres, ayant chacune 97 centimètres de hauteur sur i5 cen-
timètres de diamètre et /i millimètres d'épaisseur des parois.
Cette batterie était chargée k l'aide d'une machine électrique dé
âo pouces. Lorsque la machine était en bon état, et que les circons-
tances atmosphériques étaient favorables, cent à cent vingt tours du
plateau communiquaient à la batterie une charge capable de vola-
tiliser une feuille d'or battu, et faisaient dévier de 80 degrés l'élec-
tromètre de Henley. L'armature interne de la batterie communi-
quait avec une boule métallique isolée, et l'armature externe aveo
une deuxième boule, pareillement isolée, que l'on pouvait éloigner
ou rapprocher de la précédente à Taide d'une vis de rappel. On
chargeait la batterie jusqu'à ce que l'étînceHe parttt entre les deui
boules; leur distance, mesurée par la vis de rappel k un vingtième
de millimètre près, servait de mesure à l'intensité de la décharge.
Quant à l'appareil de décomposition, il consistait simplement en
un tube en V. plein d'une dissolution concentrée d'iodure de po-
tassium, où plongeaient deux (ils de platine. Les extrémités libres
de ces fils se rendaient dans des capsules de mercure où l'on plon-
geait les fils du galvanomètre immédiatement après la décharge. Le
diamètre interne du tube était d'environ lâ millimètres: la dis-
tance des extrémités des fils plongés dans le liquide, de 1 centi-
mètre. Le galvanomètre était d'une extrême sensibilité : son fil
n'avait qu'un quart dé millimètre de diamètre, et faisait dix-huit
cents à deux mille tours sur le cadre; le système des deux aiguilles
était assez complètement asiatique pour ne faire qu'une oscillation
en tio secondes, lorsqu'on l'écartnit de sa position d'équilibre.
t') Les spirales piafes ne sauraient servir à déterminer exactement suivant quelle loi
l'induction varie avec la dislance. C'est, en eQVl, seulement à partir d'une asseï grande
distance que les dislances de deux éléments quelconques varient ù peu près proportion-
nellement à la distance des plans des spirales; mais dans ce cas la faiblesse de la décharge
induite ne permet plus d'appréciei* aver précision Finfluence des varialtons de distance.
SUR LES PHÉNOMÈNES D INDUCTION. 15
Loi^lNfile le ciretiit induit est entièrement cohlinu^ on n'obtient
de pdftmation sensible que par des décharges extrêmement fortes.
La distance de la spirale inductrice à la spirale induite étant de
8 millimètres environ^ j'ai fait varier la distance explosive de la bat-
terie dépuis I millimètre juscffi^à i centimètre ^^\ sans obtenir de pola-
ris^ioii sensible. Pour des décharges plus fortes encore , j'ai obtenu
dksê détriatiofis de â on 3 degrés ^ dirigées de manière è indiquer
^e la décharge itiduite marchait dans le même sens que la décharge
inductrice. D*ailfeurs les effets magnétiques et physiologiques dé-
montrent que, dans un circuit continu, la décharge induite est
(f uife ^rahd^ intensité ^ bien que sans action chimique apparente.
Au contraire, lorsque le circuit induit est interrompu quelque
pÉTl, et que la décharge induite traverse la solution de continuité
sèos fohne d'étincelle, la polarisation est en général assez forte, et
d'ailleurs variable de sens et d'intensité, suivant diverses influences
qui seront étudiées plus loin. Au premier abord, ce singulier phé-
Bomène paraît s'expliquer très-simplement. En effet, lorsque le cir-
€fni induit est continu, il faut supprimer la communication du tube
à décomfposition et de la spirale induite avant de réunir les fils de
platine au galvanomètre, si l'on ne veut que la plus grande partie
du courant de polarisation passe à travers la spirale; lorsqu'il y a
étilicelle, on peut mettre immédiatement en rapport le galvano-
mètre avec le tube de décomposition : l'opération est donc un peu plus
Mpide dans le second cas que dans le premier, et, comme la pola-
rMâtion des fils de platine s'affaiblit toujours assez vite, on peut
etoite que cette différence de durée est la cause de la différence
des phénomènes. Mais le courant de polarisation est encore très-
sensible dans le cas d'un circuit discontinu, lorsque après le passage
4e la décharge on rétablit la continuité, et qu'on attend quelques
iécondes avant de réunir les fils de platine au galvanomètre. L'ex*
j^eatioD que je viens d'indiquer ne peut donc être admise. J'es-
Myerai plus loin d'en donner une meilleure; pour le moment, je
n« oontente d'exposer le résultat des expériences.
Les phénomènes de polarisation qui s'observent lorsque le circuit
eti diseontinu paraissent d'abord extrêmement irréguliers ; mais on
^'^ LVIedromètre de Honley marquait 6o degr^ dans le dernier eau.
16 RECHERCHES
reconnaît aisément que ia grandeur de rintervalle traversé par
TétinceUe d'induction exerce une influence importante. Tout devient
clair et régulier dès que la loi de cette influence est connue. Pour
la déterminer, j ai fait partir des étincelles d'induction entre l'extré-
mité inférieure d'une vis micrométrique terminée en pointe, et la
surface d'une petite masse de mercure placée dans une csqpsule de
verre. Il était ainsi facile de mesurer avec précision l'épaisseur de la
couche d'air traversée par l'étincelle , ou de laisser cette épaisseur
constante dans une série d'expériences où l'on faisait varier quel-
(que autre élément.
Je suppose maintenant qu'on laisse constante la distance de la
spirale induite à la spirale inductrice, ainsi que la distance explo-
sive, et par conséquent la charge de la batterie, mais qu'on fasse
varier graduellement la distance de la pointe à la surface du mer-
cure. Si la disposition des appareils est telle , qu'en supposant dans
le fil induit un courant voltaîque dirigé dans le même sens que la
décharge inductrice la pointe soit le pôle positif et le mercure le
pôle négatif, le galvanomètre indique un courant de polarisation
dont la direction est constante, quelle que soit la distance de la
pointe au mercure, et dont l'intensité croît rapidement avec cette
distance; la direction de la décharge induite, conclue de celle de
la polarisation , est d'ailleurs semblable à la direction de la décharge
inductrice. Si la disposition des appareils est inverse, tant que la
vis est peu éloignée du mercure, la polarisation est irrégulièrement
variable de sens et d'intensité; mais, h partir d'une certaine distance,
le sens de la polarisation est constant, son intensité croissante, et la
direction de la décharge induite parait encore identique à celle de
la décharge inductrice.
Pour rendre éridents ces résultats, je cite les données numé-
riques de quelques expériences. Je fais précéder du signe + ou du
signe — les déviations du galvanomètre, suivant que la direction de
la décharge induite, conclue de ces déviations, est semblable ou
contraire à celle de la décharge induite. J'appelle D la distance
explosive de la batterie, h la hauteur de la vis micrométrique au-
dessus de la surface du mercure, Ai et 04 I^^ déviations du galvano-
mètre correspondantes aux deux directions de la décharge inductrice.
SUR LKS PHÉNOMÈNES D'INDUCTION.
17
D=:0— ,50
D = 5 MILLIIIITBBS.
O
ao -f 10
8o . -+- 6o
Pas d*éliacelle.
o,ao
o,5o
1,00
i,5o
a,5o
4,00
D = l MUXIMÉTIB.
4- if) — ao
•4- flO -+- l8
-4- 5îi -+- a.*)
-h 57 -h 'Ao
-+-90 . 4-70
Polarinlion trop furie pour
dtrp DMSurée an galvanomètre.
mm
o,ar>
o,5o
1,00
a, 00
'1,00
6,00
8,00
o
4- a.)
H-3o
-4-33
-I- 3()
4- 5a
-f-80
o
o
-^ 7
- 5
■+- 8
4- «5
4-60
I*oiariMtion trop forte.
o,a;)
0,50
1,00
l,5o
9,00
'1,00
fi, 00
8,00
D = 10 MIUIMiTBIS.
;)
4- 6
ao
a 5
4-33
4-'ia
4-80
Polariflation trop forte.
4- 3
- h
-♦- 9
-\- ao
-f 55
La distance des spirales était d'environ 8 millimètres.
J'ai répété un grand nombre de fois ces expériences en faisant
varier la distance des spirales, la charge de la batterie, et en subs-
tituant à la spirale inductrice ordinaire Tune de mes spirales à fîi
fin. J'ai toujours obtenu des résultats analogues. J'ajouterai seule-
ment que la nature de l'électricité libre de la batterie n'a aucune
influence; qu'elle soit positive ou négative, les circonstances où l'on
observe les anomalies sont toujours les mêmes.
Les irrégularités disparaissent à peu près complètement, si l'on
interrompt le circuit en deux points à i aide de deux vis micromé-
triques semblables, de telle manière que la décharge induite, quelle
qu'en soit la direction, doive traverser l'une des interruptions en
allant de la pointe au mercure, l'autre en allant du mercure à la
Jointe.
Dans ces circonstances, le sens de la polarisation change toujours
YsiiDin', I. — Mémoîrn"<. a
18
RECHERCHES
avec le sens de la décharge inductrice ; Hritensiié augmente avec la
longueur de l'étincelle induite, et la direction de la décharge induite
parait toujours la même que celle de la déchaîne inductrice. Pins-
cris dans le tableau suivant les résultats numériques de quelques
expériences.
D=rO— ,50.
0,95
o,5o
0,75
o
5o
o
H- ho
4-80
-h 80
PtoiTMocelle.
D=1 MiLUMiru.
0,95;+ 5+5
o,5o +99 +95
1,00,+ 80 + 80
9,00 1 Trop fort.
D=3— ,50.
D = 5muadTBM.
D = lOwiirimi.
I
0,99 !
O
9
o
6
o,5o +15 + là
1.00 ! +48. + Aa
9,00
6,00
6,00
65
I
58
- 90 1 + 90
Trop fort.
0,95
o,5o
1,00
9,00
6,00
6,00
«1
«1
k
"'
0' .
a.
1
•
H- 7
+ 5
0,95
+ i4
+ 99
+ 18
o,5o
+ 90
+ 97
+ 96
1,00
+ 3o
+ 39
+ 37 9,00
+ Ao
+ 70
+ 65 Mo
+ 61
Trop
fort.
6,00
Tn.p
+ 9
+ 19
+ 17
+ Ao
+ 55
tti et «2 désignent ici les deux déviations observées en faisant
passer la décharge inductrice dans les deux sens opposés. La dis-
tance des spirales était de 8 millimètres.
Je répète que je n'attache aucune importance aux valeurs numé-
riques précises du tableau précédent. Tai, en effet, souvent obtenu,
en répétant la même expérience deux fois de suite , des différences
de & ou 5 degrés; mais de telles différences, d'ailleurs très-faciles à
expliquer, ne changeraient rien à la marche générale du phénomène
telle qu'elle résulte du tableau précédent, ni aux conclusions que
j'essayerai plus loin d'en tirer.
Je n'inscrirai pas ici les résultats numériques d'un grand nombre
d'expériences d'où il résulte que ni la distance des deux spirales,
ni la conductibilité du circuit inducteur, ni la conductibilité du cir-
cuit induit n'ont d'influence sur la marche générale des phéno-
mènes. Seulement, si les conductibilités sont par trop diminuées,
les étincelles d'induction deviennent extrêmement faibles, et la po-
SUR LES PIIÉNOMÈNKS DINDUCTION. 19
iarisaiion disparait. Enfin, dans plusieurs expériences, j'ai remplace
riodure de potassium par du chlorure de sodium; Fappareil a été
beaucoup moins sensible, mais les résultats généraux sont demeurés
les mêmes : je n'ai pas observé plus de changements en y substituant
des fils d'or aux fils de platine.
Si Ton s'en tient aux données immédiates de l'expérience, on
devra admettre que la direction de la décharge induite est toujours
identique à celle de la décharge inductrice, et que son intensité est
d'autant plus grande qu'elle a à franchir un plus grand espace sous
forme d'étincelle, c'est-à-dire à vaincre une plus grande résistance.
Cette dernière conclusion serait contraire à toutes les lois connues
des décharges et des courants électriques, mais quelques considé-
rations fort simples permettent d'expliquer autrement les phéno-
mènes.
Plusieurs physiciens, et notamment M. de Wrède ^'^ et M. Maria-
nini ^^\ ont déjà fait remarquer que la décharge électrique, quelque
courte que fût sa durée, devait nécessairement induire dans un con-
ducteur voisin deux décharges successives et de sens contraire, et
ils ont ainsi expliqué toutes les anomalies qu'on a rencontrées dans
Tétude des décharges induites. Je crois que l'imperfection des mé-
thodes expérimentales suffit à l'explication de ces anomalies; mais
Topinion de MM. de Wrède et Marianini n'en demeure pas moins
fort vraisemblable. Pour parler plus exactement, la décharge élec-
trique peut être décomposée en deux périodes successives : dans la
première, il y a accroissement continu de la vitesse de l'électricité,
et, par suite, induction inverse; dans la seconde, décroissement, et,
par suite, induction directe. Les deux périodes ne sont probablement
pas identiques, et, par suite, les deux décharges qui leur corres-
pondent peuvent avoir des propriétés différentes.
Or il résulte de nos expériences : i°que, toutes les fois que le cir-
cuit induit est entièrement continu , la décharge induite ne commu-
nique qu'une polarisation insensible à deux lames d'un métal peu
oiydable, plongées dans un liquide décomposable ; q° que, toutes les
fois qu'il y a dans le circuit une solution de continuité de quelques
<» Repêrtorium der Phyiik, t. VI, i8/ia.
^ AmwUê de chimie et de phyeiqtte, 3* série, t. Xf.
9.
^0 KECHtiKGHËS
millimètres, la décharge produit une polarisation Irès-seosible qui
parait indiquer une induction directe. Ne peut-on pas en conclure :
1^ que dans les deux décharges successives qui sont censées consti-
tuer la décharge induite il circule la même quantité d'électricité ^');
â"" que la >îtesse de Télectricité, et, par suite, la tendance à vaincre
la résistance des corps mauvais conducteurs, sont plus grandes dans
la décharge directe que dans la décharge inverse ? On explique ainsi
non-seulement le sens de la polarisation , mais encore ses variations
d'intensité. En effet, la décharge inverse ne peut avoir la même in-
tensité pendant toute sa durée : il n^ en a donc qa*ane partie qui
soit arrêtée par l'interruption du circuit induit; mais cette partie est
d'autant plus considérable que l'étincelle a un plus grand intervalle
à franchir. L'excès de la décharge directe sur la décharge inverse
peut donc être augmenté par une cause qui tend évidemment à af-
faiblir l'effet total de l'induction.
Pour expliquer maintenant les irrégularités qui se sont produites
dans les expériences où le circuit induit n'était interrompu qu'en un
seul point, je rappellerai un fait bien connu des physiciens, et que
les expériences de M. de la Rive ont particulièrement mis en évi-
dence ^^^: c'est qu'il est plus facile de produire l'arc lumineux vol-
taïque entre une pointe et une surface plane, lorsque la pointe est
en rapport avec le pôle positif, que dans le cas contraire. On en
peut conclure, par analogie, qu'une décharge électrique doit fran*-
chir plus aisément l'intervalle d'une pointe à la surface d'un li-
quide, si le fluide positif est dirigé de la pointe au liquide, que s'il
est dirigé du liquide à la pointe, et ce principe explique entièrement
les anomalies de mes expériences. En se reportant au tableau de la
page 17, on verra, en effet, que la polarisation a été toujours dans
le sens de la décharge induite directe, lorsque cette décharge a été
dirigée de la pointe au mercure, à travers l'air; dans le cas con-
traire , il est souvent arrivé que pour de petites distances la décharge
^') Cette hypothèse est entièrement conforme au théorème énoncé par M. Wilhdm
Weber dans ses recherches sur la théorie des phénomènes d'induction , et diaprés lequel le
développement ou la cessation d^un courant (ou d^uoe décharge) d^intensité donnée in-
duirait la même quantité d*électricilé. (W. Weber, EleetrodynamiMche Maa»hntimmmngen;
Leipzig, 18^6.)
^*î Comptn rftiduM de VAcadêmif det teienen, t. XXIf.
SUR LES PHÉNOMÈNES DINDUCTION. 21
inverse l'a emporté; mais, pour des distances un peu considérables^
ia supériorité de la décharge directe a reparu. Afin de ne conserver
aucun doute sur cette explication, j'ai déterminé, pour diverses in-
tensités de la décharge inductrice , la distance maxima que pouvait
franchir l'étincelle d'induction , et j*ai constamment trouvé deux va-
leurs fort différentes de cette distance, suivant la direction de la dé-
charge inductrice. Ainsi, pour une distance explosive de la batterie
égale à i millimètre, la distance maxima était de 7™'",2 5 si la dé-
charge induite directe allait de la pointe au mercure , et de 5 mil-
limètres dans le cas contraire; pour une charge triple de la bat-
terie, on trouvait a 4 "",5 dans le premier cas, et qo millimètres
dans le second.
L'influence de la forme des conducteurs entre lesquels on fait
partir l'étincelle d'induction peut encore être rendue évidente en
substituaiit au système d'une vis et d'une capsule de mercure deux
sphères métalliques qui peuvent être approchées ou éloignées l'une
de l'autre à volonté. La loi générale des phénomènes est encore là
même, mais les étincelles cessent de passer, pour une distance beau-
coup moindre que dans les expériences précédentes. Déplus, lorsque
la distance des sphères est très-petite, il arrive assez souvent que la
décharge inverse l'emporte sur la décharge directe, probablement
par suite de l'influence de petites irrégularités superficielles qui font
TofiBce de pointes. Dans les expériences où j'ai interrompu le circuit
induit en deux points, à l'aide de deux vis micrométriqùes, il est
arrivé quelquefois d'observer la même anomalie pour des distances
extrêmement petites, les extrémités inférieures des deux vis n'étant
pas exactement identiques.
Il est à peine nécessaire de faire remarquer l'analogie que nos
expériences établissent entre l'action inductrice des décharges élec-
triques et celle des courants d'induclion voltaïque. M. Abria a dé-
montré, en effet, qu'un courant induit du second ordre est composé
de deux courants successifs, sensiblement égaux en quantité, mais
différents en intensité, l'un inverse et l'autre direct. Le courant di-
rect prédomine de la manière la plus évidente, si le circuit du second
ordre n'est pas parfaitement continu ^^^
22 RECHERCHES
•
Il n'y aurait presque rien à changer à tout ce qui précède» si
Ton admettait, avec M. Riess^^^ que la décharge d'une batterie est
la succession de plusieurs décharges d'intensités inégales. Il suffirait
de considérer la décharge induite comme la succession d'un nombre
double de décharges, alternativement inverses et directes, et d at-
tribuer aui décharges directes une plus grande tension qu'aux dé-
charges inverses.
On comprendra maintenant pourquoi les figures électriques,
produites par M. Riess à l'aide des décharges induites, ne peuvent
indiquer la direction de ces décharges. Chacune des extrémités du
fil induit laissant arriver successivement sur la plaque de résine de
l'électricité positive et de l'électricité négative, chacune des deux
figures doit présenter à la fois les caractères des deux espèces d'éiee-
tricité.
Quant aux expériences faites par M. Riess à l'aide du condensa-
teur, rien ne parait plus facile , au premier abord, que de les répéter;
en réalité, les précautions les plus minutieuses sont nécessaires, si
l'on veut obtenir des résultats certains.
Les premiers essais font reconnaître qu'on doit se servir exclusive-
ment d'un condensateur à lame d'air. Lorsqu'on emploie un con-
densateur à lame de verre , une partie de l'électricité de la décharge
induite passe toujours des plateaux sur la lame, et y demeure après
l'expérience, de façon qu'on est exposé, dans l'expérience suivante,
à des erreurs de deux espèces. Si l'électricité n'a pas pénétré trè»-
profondément dans la lame, une portion retourne sur les plateaux
dès qu'ils sont remis en contact. Si, au contraire, la lame est éleo-
trisée dans une assez grande épaisseur, elle se comporte, par rapport
aux plateaux , comme un véritable électrophore et les charge d'élec-
tricités contraires à ceUes des faces avec lesquelles ils sont en con-
tact. Lorsque ensuite l'électricité due a l'induction arrive vers les deux
plateaux , elle n'est pas toujours en quantité assez grande pour dé-
truire l'effet de celte cause d'erreur. Cette double influence a été
très-clairement signalée par M. Riess ^^^ Même en faisant usage d'un
condensateur à lame d'air, on a à craindre que les supports de verre
''^ Poggeiifiorff^i Aunalen dtr Physik utut der Ckemie, l. LUI.
f*' Reperlorium der Phiftik, i. VI.
SUR LES PHÉNOMÈNES D INDUCTION. S3
des plateaux ne produisent des phénomènes analogues. Il est indis-
pensable d'interrompre fréquemment la série des expériences, afin
de voir si les plateaux , une fois déchargés , ne sont pas chargés de
nouveau» au bout de quelques minutes, par Télectricité des supports.
Il n'est pas moins nécessaire de soustraire le condensateur, ainsi
que Télectroscope , à Tinfluence de l'électricité libre de la machine
et de là batterie. On se ferait difficilement une idée des erreurs
dues à cette influence, si on ne les constatait pas soi-même. Le
seul moyen de les éviter est de placer le condensateur à une très-
grande distance de la machine et de la batterie, ou plutôt dans une
autre pièce, les fils conducteurs de la décharge arrivant, par des
tubes de verre, à travers le mur. J'ai constamment adopté cette dis-
position dans mes expériences, et je me suis assuré qu'on pouvait
maintenir la machine chargée au maximum, aussi longtemps qu'on
le voulait, sans que les plateaux du condensateur fussent sensible-
ment électrisés.
Enfin , si la décharge induite tend à charger les deux plateaux
du condensateur d'électricités contraires , on verra plus loin qu'une
autre cause, la décharge latérale, tend à les charger d'électricités
semblables. Il est, par conséquent, nécessaire de disposer les expé-
riences de telle façon que la décharge induite doive être très-intense
et la décharge latérale très-faible. Les grandes spirales de nos expé-
riences satisfont à la première condition, et la seconde est égale-
ment satisfaite, si l'on ne donne jamais une grande tension à l'élec-
tricité accumulée sur l'armature interne de la batterie. Enfin, il est
convenable de recevoir une étincelle sur chacun des plateaux du
condensateur à lame d'air, et de ne tenir compte que des expériences
oii ces plateaux présentent des électricités contraires.
Lorsque toutes ces précautions sont prises , la charge du conden-
sateur indique le plus souvent la prédominance de la décharge
directe; mais quelquefois, ainsi que l'a remarqué M. Riess, les pla-
teaux paraissent chargés par la décharge inverse; quelquefois aussi,
après une étincelle d'induction assez forte , il n'y a pas d'électricité
sensible sur les plateaux. Ces anomalies me paraissent évidemment
s'expliquer par l'influence de la forme et de la distanc(3 des conduc^
teurs, d'où l'étincelle passe sur les plateaux : la décharge directe
U RECHIiRGHKS
doit, en général, l'emporter sur la décharge inverse, en raison de
la plus grande tension; mais il peut arriver que, dans certains cas,
les irrégularités des surfaces métalliques rendent plus facile le pas-
sage de la décharge inverse. Il serait nécessaire, pour vérifier cette
hypothèse, de faire une série d'expériences oii Ton ferait arriver
les étincelles par des pointes dont la distance à la surface des pla-
teaux serait rigoureusement déterminée. Je n*ai pas eu à ma dispo-
sition les appareils nécessaires à cette recherche.
Enfin, les expériences de M. Knochenhauer semblent indiquer la
supériorité de la décharge inverse sur la décharge directe. Néan-
moins, il est possible d en concilier les résultats avec ceux de mes
propres expériences. En effet, si la décharge directe ne commençait
qu'à l'instant où la décharge inductrice est terminée, il est clair que
les variations de réchauffement du thermomètre dépendraient uni-
quement de la combinaison de la décharge inductrice et de la dé-
charge inverse. Cette hypothèse est évidemment inadmissible; mais
il est très-possible que la décharge directe finisse quelques instants
après la décharge inductrice, et qu'une partie seulement de cette
décharge influe sur les expériences, tandis que la totalité de la dé-
charge inverse contribue au résultat. L'effet de la décharge inverse
doit donc prédominer, bien que, dans d'autres expériences, la dé-
charge directe doive paraître la plus forte.
Au reste, en modifiant l'application du principe de M. Kno-
chenhauer, on peut arriver à des conclusions opposées à celle de ce
physicien. Si , au lieu de faire passer simultanément la décharge in-
ductrice et la décharge induite par un thermomètre à air, on leur
fait traverser le système des deux vis micrométriques et des deux
capsules de mercure qui a été précédemment décrit, on trouve que
l'étincelle peut franchir une distance beaucoup plus grande si la
décharge induite directe et la décharge inductrice circulent dans
le même sens que dans le cas contraire. Ainsi, pour une distance
(?xplosive de la batterie égale à ii"",5o, les spirales étant séparées
par une distance d'environ lâ millimètres, j'ai vu l'étincelle fran-
chir un intervalle de is millimètres dans le premier cas, et de
9'"",5o dans le second; pour une charge double de la batterie, les
intervalles maxima ont été de li6 millimètres dans le premier cas.
SUR LES PHÉNOMÈNES DLNDUCTION. i5
et de 1 o*",38 daos le second. Si Ton raisonnait de la même manière
que M. Knochenhauer, on conclurait de ces expériences que la direc-
tion de la déchaîne induite est semblable à celle de la décharge in-
dactrice. Ce sujet mérite d'être étudié de nouveau.
S ni.
DB LA DÉCHARGE INDUITE DU SECOND ORDRE.
Les principes auxquels nous a conduit Tctude des décharges in-
duites du premier ordre permettent de prévoir les propriétés des dé-
charges du second ordre. La décharge inverse et la décharge directe,
qui constituent la décharge du premier ordre, doivent induire cha-
cune deux décharges successives dans un conducteur voisin. Si Ton
appelle toujours sens direct le sens de la décharge principale, et sens
mverse le sens opposé, on peut dire qu'il y a dans la décharge du
second ordre d'abord une décharge directe, puis deux décharges in-
verses, et enfin une décharge directe. La première décharge directe
et la première décharge inverse sont induites par la décharge in-
verse du premier ordre, les deux suivantes par la décharge directe.
11 est à présumer que ces quatre décharges n'ont pas la même ten-
sion, et qu'en laissant dans le circuit du second ordre une solution
de continuité on les affaiblit inégalement, de manière h faire pré-
dominer quelques-unes d'entre elles; mais l'expérience seule peut
indiquer celles dont la tension est la plus forte.
Afin de résoudre la question , j'ai réuni les deux extrémités de la
première spirale induite avec celles d'une autre spirale exactement
pareille, et en face de celle-ci j'ai placé une troisième s|)irale que
j'ai mise en rapport avec les divers fils de platine de l'appareil de
décomposition.
Lorsque le circuit du second ordre est entièrement continu, il n'y
a de polarisation sensible, comme pour les décharges du premier
ofdre, que si la batterie est fortement chargée; mais le sens de cette
polarisation indique que les décharges inverses sont prédominantes.
Si Ton interrompt le circuit en deux points, de la même manière
que dans les expériences précédemment décrites, on observe une
polarisation dont le sens est constant, mais dont l'intensité croit
26
RECHERCHES
avec la distance des vis micrométriques à la surface du mercure. Le
sens de la polarisation indique d'aiUeurs que l'effet des décharges in-
verses est supérieur à celui des décharges directes. Je transcris ici
les résultats obtenus dans une série d'expériences où la distance de
la spirale inductrice à la première spirale induite était de 8 milli-
mètres, et la distance des deux autres spirales seulement de à milli-
mètres. Les lettres D» A^ (Z| et o^ ont la même signification que dans
les tableaux de la page 1 8 ; le signe — , dont les déviations sont pré-
cédées » indique que leur direction correspond à la décharge inverse.
0,95
o,5o
0,75
5
Pas d'étincelle.
l5
93
D = 2— ,50.
h
«1
mm
0,95
- 8
o,5o
-18
1,00
— 99
9,00
-65
6,00
-90
8,00
Pisd'éU
-t3
-36
-65
-75
-90
0,30
o,5o
1,00
3,00
3,00
1
— i5
-18 '
-96
-3o
— 53
— 70 :
-60
-80
Pasd'éti
1
neelle.
Lorsqu'il n'y a dans le circuit induit qu'une seule interruption,
on observe quelques anomalies, pour de très-petites distances de la
vis micrométrique au mercure. Si la direction de la décharge induc-
trice est telle que les décharges inverses soient dirigées de la surface
du mercure vers la pointe de la vis, il arrive assez souvent que
l'effet des décharges directes est prédominant, ou qu'il détruit exac-
tement l'effet des décharges inverses, de manière qu'il n'y a pas de
polarisation sensible. La raison de ce phénomène est rendue assez
évidente par ce qui a été dit plus haut.
La distance des spirales, la conductibilité du circuit du second
ordre, la nature chimique du liquide placé dans l'appareil de dé-
SUR LES PHÉNOMÈNES D'INDUCTION.
27
composition 9 n'ont pas d'influence sur la marche générale des phé-
nomènes.
Enfin , la constitution du circuit du premier ordre est également
indifférente; on en jugera à l'inspection du tableau suivant, qui con-
tient les résultats d'une expérience où Ton avait introduit dans le
circuit du premier ordre une colonne d'eau salée, d'environ i déci-
mètre de longueur sur i centimètre de diamètre (équivalente h
3t000 mètres d'un fil de cuivre de i millimètre de diamètre).
D = 2— ,50.
D = 5 HILUHRBBS. |l
k
«1
««
h
«1
«I
mm
0,95
- 6
— 91
mm
0,95
— 1 1
-18
o,5o
— sa
-3o
o,5o
-95
-3o
1,00
-5o
-55
9,00
-60
-60
9,00
-6o
-70
4,00
-90
-90
3,00
Pas d^ëtincelle.
8,00
Pas dVlincelle. Il
Ces expériences doivent être remarquées; elles aflaiblissent une
objection qui pourrait être opposée à la méthode générale. 11 n'est
pas évident, en effet, que ta présence, dans le circuit induit, d'une
colonne liquide dont la résistance équivaut toujours à celle d'une
immense longueur de fil métallique , n'altère pas la constitution de
la décharge induite; mais l'hypothèse devient très-probable lorsqu'on
voit la présence de cette colonne liquide n'influer en rien sur les pro-
priétés inductrices de la décharge du premier ordre.
Quant aux solutions de continuité qui peuvent exister dans le
premier circuit induit, leur effet ne peut être évidemment que d'af-
faiblir (probablement dans le même rapport) les deux décharges in-
duites dans le deuxième circuit par la décharge inverse du premier
ordre. L'une des décharges ainsi affaiblies est d'ailleurs directe,
l'autre inverse; il est à présumer, par conséquent, que la prédomi-
nance des décharges inverses sur les décharges directes doit se con-
server. Cette prévision est confirmée par l'expérience.
iM RECHERCHES
S IV.
K Là wéauma LâT&iiJL
Sas Pipérienees étaMissent ooe grande analogie entre les phéno-
mènes cTindadion prodaits par Télettririté ordinaire et les pbéno-
ojèoes correspoudaots produits par les courants Tottaiqoes. La cause
de ces phénomènes est sans doote une action particolière rësoltant
do mouvement de rélectricitë, et essentieUement distincte de rôt-
Jlmence qoe rélectricité libre de la batterie eierce sor les condacteors
voisins. D^ailleurs, pour reconnaître la différence de ces deux ordres
de faits, il suffit de remarquer que la direction de la décharge in-
duite change en même temps que celle de la décharge inductrice,
et ne dépend pas de la nature de l'électricité libre de la batterie.
Néanmoins. )f. knochenhau<^ ^'^ a considéré les phénomènes
d'induction comme de î»imples effets d'influence dus a l'électricité
libre; et, comme il a appuyé son opinion de quelques expériences
nouvelles, il est nécessaire de la discuter.
M. knochenhauer a d'abord cherché la loi suivant laquelle varie
la quantité d'électricité maintenue à la surface d'une sphère com-
muniquant au soi , par l'attraction d'une autre sphère communiquant
avec l'armature interne d'une batterie, quand on fait varier la dis-
tance des deu\ sphères. Des expériences très-nombreuses et très-
concordantes lui ont fait voir que le logarithme de cette quantité
varie proportionnellement à la racine carrée de la distance. La même
loi s'applique au cas où les deux sphères sont remplacées par deux
iils parallèles d'une grande longueur.
Ensuite M. knochenhauer a comparé réchauffement produit
dans un thermomètre à air par une décharge électrique transmise
par un lil métallique d'une grande longueur, et réchauffement pro-
duit dans un autre thermomètre à air par la décharge induite dans
un fd parallèle au précédent. La racine carrée du rapport des deux
érhauffemenls a varié exactement suivant la loi précédente. On sait
d'ailleurs que. dans une décharge électrique, réchauffement d'un fil
inéfallique es! pro|)orlionnel au carré de la quantité d'électricité en
SUR LES PHENOMENES I) INDUCTION. 29
mouvement: la racine carrée du rapport des échauffements exprime
donc le rapport des quantités d'électricité en mouvement dans la dé-
charge directe et dans la décharge inductrice.
De ridentité des deux lois, M. Knochenhauer a conclu l'identité
des phénomènes; mais je crois que l'identité signalée par ce physi-
cien n'existe qu*en apparence. En effet , réchauffement observé dans
le. circuit inducteur est d'autant plus faible que le (il induit est à
une plus petite distance, par suite de Tinfluence que la décharge in-
duite exerce sur la décharge inductrice ^^^; au contraire, la quantité
d'électricité accumulée sur la sphère communiquant à l'intérieur de
la batterie est d'autant plus grande que la sphère communiquant
au sol est plus voisine. Par conséquent, si M. Knochenhauer avait
comparé au rapport des élévations de température , non pas la quan-
tité absolue d'électricité accumulée sur la sphère communiquant
au sol y mais le rapport des charges électriques des deux sphères , il
eût trouvé que ces deux rapports variaient suivant des lois toutes dif-
férentes.
Si l'influence de l'électricité libre de la batterie n'est pas la cause
de la décharge induite, elle est la cause d'un autre mouvement élec-
trique qui ne dépend en aucune manière de la direction de la dé-
charge principale. Ce mouvement, auquel on a donné le nom de
décharge latérale [latéral discharge, Seiten-Endadung) ^ est une décom-
position instantanée du fluide neutre des conducteurs voisins, en
vertu de laquelle le fluide contraire au fluide libre de la batterie est
attiré vers le fil inducteur, et le fluide semblable est repoussé.
La décharge latérale a été connue des physiciens bien avant la
décharge induite, puisqu'il en est fait mention dans Y Histoire de
rHectricité de Priestley et dans le Traité de physique de M. Biot. Je
crois cependant qu'on verra avec intér(?t quelques expériences par
lesquelles j'ai manifesté la décharge latérale dans tous les appareils
qui servent à obtenir la décharge induite.
Voici d'abord l'expérience de M. Biot :
«On isole un conducteur cylindrique, et on le fait toucher à. la
batterie qui communique avec le sol. Vis-à-vis d'une des extrémités de
(•) Voir à ce sujet les mémoires de M. Riess (Annales de chimie et de phym^ve,
«'stMλ;, 1. LWIV, el PoggendorJTê Annalen //«• Phy»ik wid dn^ Chemie, I. Lï).
30 . RRCHERCHES
ce conductear on en place un autre aussi isolé , mais séparé du pre-
mier par un petit intervalle; au moment de la décharge, il s'éehappe
une étincelle du premier conductear au second , et un électnscape
placé sur ce dernier s'élève et s'abaisse en un instant ^^K Si Ton veat
terminer ce second conducteur par un pistolet de Volta doBi l'autre
extrémité communique avec le sol, la décharge latérale enflanoM
la gaz détonant, n (Biot, Traité Je physique expérimoUak ei maAiméH
ùque, t. II, p. àba.)
L'expérience de Priestley est un peu moins simple. On décharge
une bouteille de Leyde par une chaîne métallique, de manière que
quelques anneaux de l'une des extrémités se trouvent en dehors de
la décharge. On voit, au moment de la décharge, partir des étin-
celles entre ces anneaux.
Un conducteur soumis à l'induction, et placé, en conséquence,
dans le voisinage du conducteur d'une décharge, est toujours le
siège d'une décharge latérale qui peut, dans certains cas, simuler
une véritable déch,arge induite. Les expériences suivantes, dont les
résultats sont tout à fait indépendants de la forme des appareils
d'induction , feront voir à quelles erreurs on serait exposé si l'on
considérait comme décharge induite tout mouvement électrique
excité dans ces appareils pendant la décharge inductrice :
1*^ Si les deux bouts du fil induit sont éloignés l'un de l'autre, et
voisins de deux conducteurs isolés, au moment où circule la décharge
électrique, on voit partir une étincelle de chaque bout du fil, et les
conducteurs se trouvent chargés d'une électricité semblable à celle de
la batterie. Cette expérience est décrite dans le mémoire de M. Henry.
a"" Si le circuit induit est fermé, et qu'on en approche un con-
ducteur isolé, il part une étincelle, du fil vers le conducteur, au
moment de la décharge, et le conducteur est encore chargé d'une
électricité semblable à l'électricité libre de la batterie.
3^ Si, dans les deux expériences précédentes, on approche du fil
induit, outre les conducteurs isolés, un conducteur communiquant
au sol, il part encore des étincelles vers tous les conducteurs, mais
les conducteurs isolés sont chargés d'une électricité contraire à celle
de la batterie.
('' I^ divergence de réleclrowope pernsle réeUement pendant quelques însUnK
SUR LES PHÉNOMÈNES D'INDUCTION. 31
k* Si le circuit induit est divisé en deux parties distinctes, et
d'ailleurs isolé, chacune de ces parties contient de l'électricité libre
après la décharge. La partie voisine du circuit inducteur est chargée
d*une électricité contraire,* et la partie éloignée d'une électricité
semMable h l'électricité libre de la batterie.
5^ Le sens de la décharge inductrice n'a aucune influence sur ces
phénomènes.
6* Les mêmes expériences peuvent être faites sur le circuit du
second ordre, aussi bien que sur celui du premier ordre.
7* Ces phénomènes sont d'autant plus sensibles que la tension de
râeetricité est plus forte, quelle qu'en soit d'ailleurs la quantité.
8" Si le conducteur induit est très-voisin du conducteur principal,
il part une étincelle, et le conducteur induit se charge d'une électri-
cité semblable à l'électricité libre de la batterie.
La raison de ces phénomènes est d'ailleurs facile è apercevoir. En
effet, les deux surfaces que met en rapport le fil conducteur d'une
décharge électrique sont ordinairement chargées de quantités d'élec-
tricité fort inégales ; et, bien qu'en définitive chaque surface perde
exactement la même quantité d'électricité, on conçoit cependant
qu'au moment de la décharge, en chaque point du fil conducteur,
il poisse y avoir un excès d'électricité libre , agissant par influence
sur les corps voisins ^^K Tous les phénomènes de la décharge laté-
rale sont, en conséquence, d'autant moins évidents que le rapport
des électricités accumulées sur les deux armatures de la batterie est
plus voisin de l'unité.
Il est à peine nécessaire de faire remarquer de quelles erreurs la
décharge latérale peut être la source dans les expériences faites à
l'aide du condensateur; mais je me suis assuré que cette même dé-
charge n'a pas d'influence sur les phénomènes de polarisation, dont
^*^ Gel excès d^électricité libre se porte probablement à la surface du fil , comme Tëlec-
tridtë en équilibre sur un conducteur, et dans Tëpaisseur même du fil il circule en cbaqne
point des quantités égales d'électricités contraires. Gela du moins parait résulter d'un plié-
Domène assez curieux observé par M. Poggendorlf. Si Ton fait passer la décliarge d'une
batterie à travers un fil métallique, le fil parait illuminé dans toute sa longueur et donne
des étincelles perpendiculairement à sa direction; si le til est plié en deux parties paral-
lèles, le cAtë extârietir du fil est seul lumineux; si le fil est en hélice, c'est l'extérieur de
l'hélice. (Poggendorff*t Annalen dfr Phytik tmd âer Chmie, t. XLIll.)
32 RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES D'INDUCTION.
l'obsenation a été l'objet principal de mes expériences. Le circoit
induit étant ouvert, j'ai mis Tune de ses extrémités en rapport avec
l'un des fils de platine de l'appareil de décomposition, et j'ai fait
communiquer avec le sol le deuxième fil de platine. Quelque forte
que fut la charge de la batterie» je n'ai jamais observé de polarisa-
tion sensible.
NOTE
RBLATIVB A LA PAGE A.
M. Marianinî s'est servi du rhéélectromètre pour démontrer qu'une
colonne liquide, traversée par une décharge électrique, possède les
mêmes propriétés inductrices qu'un fil métaUique. 11 m*a para inté-
ressant de rechercher si l'étinceUe électrique, transmise à travers un
milieu gazeux, pouvait aussi induire une décharge sensible dans
un conducteur voisin. Afin d'obtenir une étinceUe d'une longueur
suffisante, j'ai fait passer la décharge d'une bouteiUe entre les boules
de l'appareil connu sous le nom d'oni/* électrique; en raréfiant l'air
jusqu'à 1 ou â millimètres, j'ai pu écarter les boules de a 5 centi-
mètres. J ai ensuite fixé, sur la paroi extérieure de l'appareil, un fil
de métal de âo centimètres de longueur, de manière qu'en aucun de
ses points il ne pût être soumis à l'action inductrice des conduc-
teurs métalliques. Les deux extrémités du fil communiquant avec le
rhéélectromètre, cet instrument a toujours accusé, au moment du
passage de la décharge, par une déviation de & ou 5 degrés, une
aimantation sensible dont la direction a changé avec la direction de
la décharge. Afin d'être sûr que la dériation n'était pas due à quelque
parlie de la décharge inductrice transmise par le verre au fil métal-
lique, j'ai mis en contact les extrémités des fils du rhéélectromètre
avec la surface du verre en deux points éloignés de 9 5 centimètres
l'un de l'autre. Dans ces circonstances, bien plus favorables que les
précédentes à la dérivation d'une partie de la décharge, je n'ai pas
observé de déviation sensible de l'aiguille.
NOTE
SUR LES COURANTS INDUITS
D'ORDRE SUPÉRIEUR.
(COMMUNIQUÉ A LA SOCIÉTÉ PHILOMATHIQUE LE 8 DÉCEMBRE 1849.)
{ANNALES DE CHÏMÏE ET DE PHYSIQUE, 3* SERIE, TOME X\IX , PAGE SOI.)
Lorsqu'un conducteur est traversé par un courant induit instan-
tané , il se développe, dans un conducteur voisin, un autre courant
instantané, qui a reçu le nom de courant induit du deuxième ordre.
Le courant du deuxième ordre peut à son tour induire un courant
du troisième ordre, et ainsi de suite. La découverte de ces courants
est due à M. Henry, de Philadelphie, qui en a étudié les princi-
pales propriétés dans deux mémoires insérés dans les Transactions
de la Société philosophique américaine, tomes VI et VllI ^^K II résulte des
recherches de ce physicien que les courants induits d'ordres supé-
rieurs n'agissent que très-faiblement sur l'aiguille du galvanomètre ,
alors même que leur effet physiologique et leur puissance magnéti-
sante sont très-énergiques. Si l'on admet que le sens de l'aimanta-
tion d'une aiguille d'acier, soumise à l'influence de ces courants, en
fasse connaître la direction, on trouve que chaque courant d'ordre
supérieur est de sens contraire au courant instantané par lequel il
est induit; mais cette conclusion est complètement dépourvue de
rigueur.
En effet, la faiblesse de l'action que les courants induits d'ordres
^') Un c&lrail de ces mi'inoires a i*l<.' piihlit* piir M. Alu-ia ddiis les Aiiuah't de chimtt
Hdepkyêique, o* série, l. [II, p. lUj/i.
Vbbdbt, I. — Mémoires. o
34 NOTE SUR LES COURANTS INDUITS
supérieurs exercent sur l'aiguille aimantée, comparée à Tén^^e de
leur puissance magnétisante et de leur action physiologique, a con-
duit M. Henry à regarder ces courants comme formés de courants
successifs de directions opposées, égaux en quantité, mais différents
en durée. Le courant induit du premier ordre induit dans un con-
ducteur voisin un courant inverse au moment ou il commence, et un
courant direct au moment ou il finit. Ces deux courants se succé-
dant très-rapidement et étant produits par des quantités égales d'élec-
tricité, leurs actions sur l'aiguille du galvanomètre se détnmeiit,
mais leurs effets physiologiques s'ajoutent à peu près, car la secousse
déterminée par le passage d'un courant instantané est sensiblement
indépendante de sa direction. Quant aux propriétés magnétisantes,
elles résultent de la différence de durée des deux courants successifs,
et M. Henry fait voir que les aiguilles d'acier doivent s'aimanter
dans le sens du courant dont la durée est la plus courte, ou. ce qui
revient au même , dont l'intensité est la plus grande.
Cette théorie a été confirmée par M. Abria ^^K D'après une expé-
rience de ce physicien, qu'il est facile de répéter, en faisant passer
dans le fil d'un galvanomètre les courants induits du second ordre
développés par une succession rapide de courants induits du premier
ordre de direction constante, si l'aiguille ne se trouve pas exacte-
ment sur le zéro de la graduation , elle est déviée dans le sens de
sa déviation initiale; conséquemment, en Técartant d'avance un peu
a droite ou à gauche du zéro , on la fait à volonté dévier fortement
vers la droite ou vers la gauche par le passage des courants induits
du second ordre. Telle est précisément, suivant les redierches de
M. Poggendorff^^^ l'action qu'exerce sur l'aiguille d'un galvanomètre
une série de courants de directions alternativement opposées.
J'ai pensé qu'on obtiendrait une démonstration encore plus di-
(') AmmJet éê chimie et de physique, 3* série , t. VU , p. 683.
(<) î^gemiarf» Amudm ier Pkytik mmd der Chemie, L XLV, année 1 838 (VAernimgÊ
Magnetieinmgê'Encheinmngen). M. Abria ne parait pas avoir eu coonaissance de ce mé-
moire, et il n'explique pas comment une série de courants alternatifs peut dévier Faiguifle
d*iiii galvanomètre tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre. R se cootenie d^étabiir ie fait
empiriquement, par quelques expériences sur les courants induits du premier ordre.
M. Poggendorflf en a donné une théorie très-satisfaisante, fondée sur la combinaison de
Faction magnétisante des courants avec leur action galvanométrique proprement dite.
D'OHDRE SUPERIEUK. 35
recte et plus décisive des vues théoriques de M. Henry, en cher-
chant i manifester les actions électro-chimiques des courants induits
da second ordre , et j'y suis parvenu , à Taide des dispositions sui-
vantes.
J'ai fait communiquer l'un des fds d'une bobine h deux fils avec
une pîie voltatque, et l'autre avec une seconde bobine à deux fds.
Le second fil de cette nouvelle bobine était mis en rapport avec un
voltamètre ordinaire à lames de platine et à deux éprouvcttes. En
interrompant ou en fermant le circuit traversé par le courant de la
pîie, je déterminais dans la première bobine un courant induit qui
circulait également dans le premier (il de la seconde bobine , et in-
daisak dans le second fil un courant du second ordre par lequel
Feau du voltamètre était décomposée. L'interruption et la fermeture
du courant principal a'obtenaient à l'aide d'une roue dentée, et un
coflunutateur, semblable à celui que MM. Masson et Bréguet ont
décrit dans leur mémoire sur l'induction ^'^ était disposé de telle
façon que les courants induits, directs ou inverses, eussent toujours
la même direction dans la seconde bobine.
Si rhypothèse de M. Henry était exacte, chaque courant du second
ordre étant constitué par la succession de deux courants de direc-
tions opposées, il devait se dégager alternativement de l'hydrogène
et de l'oxygène a la surface de chacune des deux électrodes de pla-
tine , et , par conséquent , on devait obtenir dans chaque éprouvette
du voltamètre un mélange de ces deux gaz. Tel a été effectivement le
résultat de mes expériences : j'ai toujours trouvé dans les deux éprou-
vettea un mélange explosif d'hydrogène et d'oxygène , mais les pro-
portions relatives des deux gaz ont varié très-irrégulièrement d'une
expérience à l'autre, et i/ont d'ailleurs presque jamais été les ménies
ilaos les deux éprouvettes ; de façon qu'il m'a été impossible de vé-
rifier, par cette méthode, si, comme il y a lieu de le penser, d'après
les considérations développées par M. Henry, les deux courants suc-
.oâMÎfs qui constituent le courant du second ordre sont formés par
Àds quantités égales d'électricité. La cause de toutes ces irrégularités
ae trouve évidemment dans la recomposition partielle qui doit s'effec-
4wr entre l'hydrogène et l'oxygène dégagés presque simultanément
^^) AnnaUt de chimie et de physique , 3* série, t. IV, p. 1 36.
3.
36 NOTE SUR LES COURANTS INDUITS
sur la même lame métallique, et dans la série d*oxy(latioDS et de
désoxydations qu'éprouvent les lames sous l'influence des deux gaz.
Ces oxydations et ces désoxydations se sont fréquemment manifes-
tées dans le cours de mes expériences, par la production fane
poudre noire à la surface des électrodes, comme dans les expériences
bien connues de M. de la Rive sur les courants alternatîfis transmis
par les liquides ^^^.
Voici les dimensions des appareils dont j'ai fait usage. La j^e
était composée de 3o éléments de Bunsen, de grandeur ordinaire
(i 5 centimètres de hauteur sur 8 centimètres de diamètre). La pre-
mière bobine était formée de deux fils de s millimètres de diamètre
et de itio mètres de longueur, enroulés ensemble et faisant cent
cinquante spires. Dans l'axe était placé un cylindre de fer doax de
1 centimètres de hauteur et de à centimètres de diamètre. La se-
conde bobine était à peu près de mêmes dimensions que la précé-
dente, mais il n'y avait pas de cylindre de fer doux à son intérieur.
Enfin, le voltamètre était un vase de verre de 8 centimètres de hau-
teur sur 10 centimètres de diamètre, au fond duquel étaient fixées
deux lames de platine de 3 centimètres de hauteur sur b millimètres
de largeur, séparées par un intervalle de is millimètres. On y
versait de l'acide sulfurique étendu, marquant qo degrés à l'aréo-
mètre de Baume, et l'on disposait au-dessus de chaque Jame une
éprouvette graduée , enfoncée jusqu'à i centimètre de distance du
fond du vase. Il fallait en général vingt à trente mille interruptions
du courant principal pour obtenir dans chaque éprouvette i centi-
mètre cube de gaz. Néanmoins, la durée de l'expérience n'était pas
très-longue; la roue dentée du commutateur portant vingt-cinq dents,
on obtenait cinquante courants induits à chaque tour de la roue, et
il n'était pas difficile de lui faire faire soixante à quatre-vingts tours
par minute.
Le commutateur pouvait être disposé de trois manières diffé-
rentes : 1*^ de manière à ne laisser passer que les courants directs;
2* de manière à ne laisser passer que les courants inverses; 3" de
manière à laisser passer les deux séries de courants , mais en les ra-
menant à la même direction. Il est à peine nécessaire de dire que
^'^ Bibl.otkèque MMuertêUe, Douïelle série, t. XIV, p. i3&.
D ORDRE SUPÉRIEUR. 37
les résultats généraux des expériences sont les mêmes dans ces trois
dispositions. Enfin, pour m'assurcr que le commutateur ne se dé-
rangeait pas dans le cours des expériences et ne laissait réellement
passer que des courants de direction constante , j'ai introduit plu-
sieurs fois un voltamètre dans le premier circuit induit » et je n'ai
jamais trouvé dans les éprouvettes que de l'hydrogène ou de l'oxy-
gène pur.
Si Ton met un cylindre de fer doux dans la seconde bobine, la
durée de l'expérience est beaucoup abrégée, et il suffit de deux à
trois mille interruptions pour obtenir i centimètre cube de gaz.
Afin d'analyser d'une manière simple et commode les produits
des expériences, chaque éprouvette du voltamètre était traversée, à
sa partie supérieure, par deux fils de platine dont les extrémités
inférieures étaient séparées par un intervalle de i millimètre. Le
passage d'une étincelle électrique dans cet intervalle déterminait la
combinaison d'une partie du mélange , et il ne restait qu'à recon-
naître la nature du gaz en excès, ce qui n'offrait évidemment aucune
difficulté.
RECHERCHES
SIR
LES PHÉNOMÈNES D'INDUCTION
PRODUITS
PAR LE MOUVEMENT DES MÉTAUX MAGNÉTIQUES
01 NON MAGNÉTIQUES.
<mMl*TES RESOUS DE I/ÀCADÉMIE DES SCIENCES, TOME XXXI, PAGE 267.)
Sans développer ici l'historique de la question, qu'on trouvera
dans le mémoire, il me suffira de rappeler les faits suivants :
En 189 A, M. Arago a fait connaître à l'Académie ses expériences
qui démontrent l'action des métaux en mouvement sur l'aiguille
aimantée.
En i83a, ces phénomènes ont été rapportés par M. Faraday
aux courants induits que l'aimant développe nécessairement dans la
plaque métallique.
En i846, M. Bréguet a examiné la réaction de ces courants in-
duits sur un fil conducteur voisin; il a annoncé que tous les métaux
en mouvement dans le voisinage d'un aimant exerçaient sur le fil
conducteur des actions inductrices de même signe que celles du
fer doux placé dans les mêmes circonstances.
En i848, M. Weber a annoncé, au contraire, qu'un cylindre de
bismuth exerçait des actions inductrices constamment opposées à
celles d'un cylindre de fer doux; il a comparé ce phénomène à la
répulsion du bismuth par les aimants, et l'a, en conséquence, attri-
bué au diamagnétisme.
Tout récemment (mars i85o), M. Faraday a repris et généralisé
les expériences de M. Weber. Il n'a obtenu de résultats bien sen-
M RECHERCHES
^iibl€s qu'aTet lai métaui bons cMidiicteiirs, et 3 a cspiîqvë les phé-
Domines dcmi par ie diamagoédsiBe, nak par les courants iodoits
ijans la masse de;» métam.
Enfin, il est juste de dire qn'en 18&1 M. Dove a pniilié, dans
les Ammmk» ie ckiwâe et depinfsifme, des expëfientes tfn se ratlatbent
de très-près à la (|aestîon.
Qnant anx metbodes d'expérience, je rappeilerai qoe MM. Wdier
et Faraday se contentaient d'approcher et d'âoigner leurs cylindres
métalliqnes da pôle d'an ëlertro-^imant, et d'c^iserrer les conrants
indaits dans une bobine placée ao-dessos de ce pôle ; que M. Bré-
gnet se serrait d'âne machine de Page, en sobslîtiiant les diTers
métaux ao fer doux.
Je me suis également serri de la machine de Page. Cette ma-
chine se compose d'an eimant en fer à cheval, derant les pôles du-
quel tourne une plaque métallique. Les branches de faimant sont
placées dans l'axe de deux bobines à long fil qu'on fait communi-
quer arec un galvanomètre sensible. Ce sont les courants induits de
ces bobines qu'il s'agit d'étudier.
La seule pièce que j'ai ajoutée à cette machine est un commuta-
teur qui ne laisse arriver le courant au galvanomètre que pendant
la douzième partie d'une révolution de la plaque, ce qui pennet
d'analyser le phénomène dans ses détails.
J'ai expérimenté d'abord sur les corps magnétiques. Pai constaté
que deux substances peu magnétiques, telles que Tox^de et le sul-
fure de fer, donnent des courants induits très-appréciables dans la
machine de Page. Ces expériences avaient surtout pour objet
d'éprouver la sensibilité de mon appareil.
Passant ensuite aux métaux non magnétiques, j'ai reconnu que
les courants induits, pendant la période du mouvement où la plaque
est très-voisine de la ligne des pôles, paraissent suivre à peu près
les lois de l'induction diamagnétique de M. Weber; mais, en com-
parant les divers métaux, j'ai reconnu, comme MM. Bréguet et Fa-
raday, que les phénomènes ne dépendent que de la conductibiUté
des métaux, et nullement de leur pouvoir diamagnétique. Je n'ai
absolument rien obtenu en substituant aux plaques compactes des
faisceaux de fils ou des masses rectangulaires de poudre métallique
SUR LES PHENOMENES D'INDUCTION. 41
aggiutinée par un mastic. Ce dernier mode d'expérience détruisait
reflet des courants d'induction et laissait subsister celui du diama-
gnétisme, si réellement il existait.
J'ai cherché à expliquer les phénomènes par la réaction des cou-
rants induits dans la plaque mobile. Les lois générales de l'induc-
tion m'ont indiqué des courants de signes variables, mais distribués
d'une manière entièrement symétrique pendant la période où la
plaque s'éloigne de la ligne des pôles, et pendant la période où
elle s'en rapproche.
Or l'expérience indique entre ces deux périodes une dissymétrie
complète, d'autant plus marquée que la vitesse de rotation est plus
grande. Il en résulte une contradiction qui m'a paru s'expliquer par
les principes qu'a développés M. Faraday dans sa lettre à M. Gay-
Lussac sur le magnétisme de rotation.
M. Faraday a fait voir que la composante perpendiculaire au plan
du disque et la composante parallèle aux rayons, découvertes par
M. Arago, indiquaient une dissymélrie des courants induits dans le
disque mobile, que la théorie ordinaire de l'induction n'aurait pu
faire prévoir. Il s'en est rendu compte en admettant une influence
du temps sur l'induction. Celte influence du temps m'a donné l'ex-
plication de mes expériences, et je considère comme le principal
résultat de mon travail de l'avoir manifestée d'une manière nou-
velle.
Pour être sûr que les phénomènes que j'attribuais à l'influence
du temps sur l'induction n'étaient pas dus à l'influence du temps
sur les variations du magnétisme de l'aimant, ni à une réaction des
courants induits sur Taimant semblable à celle qu'a étudiée M. Lenz.
j'ai remplacé l'aimant de l'appareil de Page par un puissant solé-
noide. Les courants induits ont été moins intenses qu'avec un
aimant; mais leurs lois générales ont été les mêmes, et la dissy-
métrie par laquelle se manifeste l'influence du temp a toujours
persisté.
rajouterai qu'il m'a été impossible de distinguer l'antimoine et
le bismuth des autres métaux . si ce n'est par la faiblesse de leurs
eflets. Rien dans les phénomènes que j'ai observés ne m'a conduit à
attribuer à ces deux corps une induction diauiagnétique propre. Je
Vi RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES D*INDUCTION.
ne veux pas dire qu'elle n'existe pas , mais je crois ses effets irè»-
faibles par rapport à ceux de Tinduction ordinaire. Les phëBomènes
qui se passent au voisinage de la ligne des pôles, et qui sinmi^ot
l'induction diamagnétique, s'expliquent par rinfluence du temps
dont je viens de parler.
Enfin une discussion attentive montre que» pour certaines poaî**
lions du commutateur, on pourrait croire que les phénomènes pitK
duits par tous les métaux sont entièrement semblables à ceux du fer
doux. Ainsi s'expliquent les résultats annoncés par M. Br^juet.
RECHERCHES
SUR
LES PHÉNOMÈNES D'INDUCTION
PRODt'lTS
PAR LE MOUVEMENT DES MÉTAUX MAGNÉTIQUES
OV NON MAGNÉTIQUES.
{AHSÀLBS DE CRIHIE BT DE PHÏSIQVE, 3< SÉBIE, TOME XXXI, PAGE 187.)
I.
HISTORIQUE.
Lorsqu'un barreau de fer doux est aimanté par l'influence d'un
courant ou d'un aimant, au moment oii son aimantation commence
ou finit, ou éprouve une variation quelconque, il induit dans tout
conducteur voisin un courant instantané dont la direction est déter-
minée par des lois connues. Il y a également induction , lorsque le
barreau de fer doux s'approche ou s'éloigne d'un courant ou d'un
aimant. La direction du courant induit peut être prévue dans ce
cas, en considérant le fer doux comme un aimant à la fois variable
de position et d'intensité, et faisant usage des lois démontrées par
les expériences de Lenz ^^\
En substituant au fer doux un métal quelconque, on pouvait
prévoir deux genres d'action, savoir : i** l'action des courants induits
^'^ Je rappellerai ici renonce général de ces lois : «Lorsqu^un courant est induit par le
mouvement relatif d^un conducteur et d'un courant ou d'un aimant, Tacliou inductrice tend
à développer dans chaque élément du conducteur un courant dirigé de telle façon , que sa
réaction électro-dynamique sur le courant ou sur Taimant tende à produire un mouvement
contraire au mouvement réel.?) {Poggendorff*i Annalen, t. XXXI.)
&i RECHERCHES
dans la masse du métal, auxquels sont dus les phénomènes décou-
verts par M. Arago, connus sons le nom de magnétisme de rotaiùm;
a"* l'action due au pouvoir magnétique propre du métal. M. Dove
est, je crois, le premier qui ait étudié le deuxième mode d'action ;
il a recherché de quelle manière les principaux métaux, réduits en
fils assez fins, modifiaient les effets inducteurs des décharges élec-
triques. Tous les métaux qu'il a soumis à 1 expérience, le mercure,
le plomb, l'étain, le enivre, Tantimoine et le bismuth, lui ont paru
se comporter comme le fer doux ^^K
En 18&6, M. Bréguet a publié des expériences relatives aux
phénomènes d'induction produits par le mouvement des métaux ^^);
il s'est servi de la machine magnéto-électrique de Page ^^\ composée,
comme on sait, d'un aimant fixe environné d'un fil conducteur et
d'une armature mobile de fer doux. La rotation de l'armature dé-
termine dans le iil conducteur un courant induit dont la direction
change à chaque quart de révolution. En substituant au fer doux
des armatures métalliques de diverse nature, et faisant usage d'un
commutateur auquel il donnait la même position que dans le cas du
fer doux, M. Bréguet a obtenu des courants induits qui changeaient
de signe en même temps que le sens de la rotation, (}ui variaient
d'intensité avec la nature du métal, mais dont la direction était
toujours la même que dans le cas du fer doux. Ces expériences ne
séparent évidemment pas l'effet de l'aimantation de l'armature, s*il
y en a un, de l'effet des courants induits dans sa masse, et, comme
les déviations galvanométriques observées sont d'autant plus grandes,
toutes choses égales d'ailleurs, que le métal est meilleur conduc-
teur, il est à croire (|ue l'effet de ces courants induits l'emporte de
beaucoup sur l'effet de l'aimantation. Telle est, en effet, l'opinion
de iM. Bréguet; il compare lui-même ses expériences à celles de
M. Faraday sur l'induction, et à celles de iMM. Babbage et Herschel
sur le magnétisme de rotation ; mais il n'analyse pas les détails des
phénomènes, et laisse sans explication l'identité de direction des
t^) Mémoires de VAcadêtme de BerUn, année 1 86 1, et Atmalei de ckimie et de phynque ,
3'8ërie,l. IV, p. 358.
^> Comptes rendus des séances de l* Académie des sciences ^ l. XXÎII , p. 1 1 55.
<*^ Celle machine a été décrile par M. Pape dans les Annal* of ekcirint^y magnetism
and ckemisli-tf , ann*^ 1 8H(| , p. (189.
SUR LES PHÉNOMÈNES D'INDUCTION. 45
courants induits par le fer et par les métaux non magnétiques. Il
est juste d'ailleurs de rappeler qu'il termine sa note en déclarant
qu't? laisse aux physiciens le soin des explications théoriques, et qu'il ne
veut prendre que le simple rôle d'expérimentateur.
La découverte du diamagnétisme a semblé ouvrir un nouveau
champ à ce genre de recherches. M. Wilhelm Weber a pensé que
Topposition qui existe entre les actions que le fer doux et le bismuth,
par exemple, éprouvent de la part d'un aimant devrait se retrouver
dans les actions inductrices de ces deux corps, et il a fait connaître,
dans le tome LXXIII des Annales de Poggendorff (^année i8â8), des
expériences qui lui ont paru une confirmation de ses conjectures. Il
a placé au-dessus d'un électro-aimant très-énergique une bobine
formée d'un fil de 3oo mètres de longueur et de o"",66 de dia-
mètre. En introduisant dans l'axe de cette bobine un cylindre de
bismuth de i/io millimètres de hauteur sur i5 millimètres de dia-
mètre, il a obtenu un courant d'induction contraire à celui qu'au-
rait donné un cylindre de fer doux dans les mêmes circonstances.
Le galvanomètre dont il faisait usage était un de ces instruments
semblables aux magnétomètres , dans lesquels la déviation de l'ai-
guille aimantée se mesure avec une certitude et une précision im-
possibles à atteindre de toute autre manière. Néanmoins , un seul
mouvement du cylindre ne donnait pas d'effet sensible, et, pour
obtenir une déviation de quelques divisions, il fallait éloigner et
approcher alternativement le bismuth de l'électro-aimant, en même
temps qu'on faisait jouer un commutateur, de façon que les cou-
rants induits par les deux mouvements opposés dussent avoir la
même direction dans le galvanomètre. Ces diverses opérations s'exé-
cutaient d'ailleurs à l'aide de la main , sans le secours d'aucune dis-
position mécanique. La durée d'une expérience était d'environ une
minute, et, afin de ne pas commettre d'erreur, on observait de dix
secondes en dix secondes la position de l'aiguille galvanométrique.
Aucun autre métal que le bismuth n'a été examiné par M. Weber,
aucune tentative n'a été faite pour séparer l'effet du diamagnétisme
de l'effet des courants induits dans la masse du bismuth. Sous le
bénéfice de ces réserves, on peut dire que M. Weber a démontré
qu'en s'éloignant ou en s'approchant d'un aimant un cylindre de
hC RECHBRCHlilS
bismuth induit dans un conducteur voisin des courants contraires à
ceui qu'induirait un cylindre de fer doux dans les mêmes drcons-
tances.
M. Faraday a repris la queslioa en l'étendant aui méteu les
plus importants, et il a récemment communiqué à la Société royale
de Londres les résultats de ses recherches ^^K La disposition géoénile
de ses eipériences étak la même que celle des expériences de
M. Weber; seulement le mouvement de va-et-vient des cylindres
métalliques était l'effet d'un mécanisme qui faisait aussi mouvoir le
commutateur. Le moteur était une petite machine électro-magné-
tique assez éloignée pour n'avoir pas d'action sur les aiguilles du
galvanomètre. Toutes les parties mobiles des appareils étaient en
bois et ne pouvaient être le siège d'aucun phénomène sensible d'ai-
mantation ni d'induction. Enfin le galvanomètre était un excellent
galvanomètre de Ruhmkorff à aiguille asiatique et à 1 800 tours de
fil fin.
Malgré ces diverses précau lions, M. Faraday n'a obtenu de ré-
sultats sensibles qu'avec les métaux bons conducteurs, tels que le
cuivre, l'or et l'argent. Le bismuth, l'antimoine ne lui ont rien
donné d'appréciable : il en a été de même du phosphore, le plus
diamagnétique de tous les corps non conducteurs.
Le cuivre , réduit en limaille , afin d'éliminer l'effet des courants
induits dans sa masse, est également demeuré inactif. Enfin les
corps faiblement magnétiques, tels que l'oxyde et le sulfate de fer,
n'ont exercé qu'une action très-peu sensible, produisant deux o«
trois degrés de déviation tout au plus.
M. Faraday a conclu de ces expériences que les phénomènes {mm>-
duits par les métaux n'étaient pas dus au diamagsétisme, mais à
l'induction ordinaire. Il a confirmé cette explication par l'étude des
positions qu'il devait donner au commutateur pour obtenir le maxi-
mum et le minimum d'effet. Néanmoins, il ne s'est pas prononcé
sur les expériences de M. Weber relatives au bismuth (^.
^) TruMûcUonê ph^om^phi^uêM (pour i85o) et Pkdoêûphical ii^ûzme, août léào.
'*) Des expériences encore ioëdites de M. de la Rive Pavaient conduit en même temps
que M. Faraday aux mêmes conclusions. H n*y avait d^ailleurs rien de particulier dans la
âëthodi» dfobflervfilion.
SUK LES PHÉNOMÈ^ES f) INDUCTION. 47
Les fois ordinaires de rinduction ne m'ayant pas paru rendre un
compte satisfaisant des faits observés par M. Bréguet, j'ai pense
(p*îl y aurait quelque intérêt h étudier de nouveau les courants de
la machine de Page; et la disposition même de cette machine, son
analogie évidente avec le disque tournant de M. Arago, m'ont fait
espérer de trouver dans une analyse exacte des phénomènes une
démonstration nouvelle de cette mjlumce du temps sur f induction, par
laquelle M. Faraday a si complètement expliqué le magnétisme de
rotation ^^\ Je crois avoir été assez heureux pour y parvenir.
D'ailleurs, la machine de Page, sans parler de l'usage particulier
que j'en voulais faire , m'a semblé devoir être plus puissante que les
appareils de MM. W^r et Faraday. Dans ces appareils, au moment
où le cylindre métallique est le plus voisin de l'électro-aimant, sa
vitesse est nulle, et les phénomènes d'induction ont évidemment
une intensité moindre que si l'époque du minimum de distance
correspondait à une vitesse sensible. La machine de Page présente,
au contraire, lo grand avantage d'une vitesse constante pendant
toute la durée de la rotation.
IL
DESCRIPTION DES APPAREILS ET DE LA MF^THODE D'EXPl^RIENCES.
Bien que la m«kchine de Page soit connue des physiciens depuis
assez longtemps, j'indiquerai avec quelque détail la ibrme et les
dînensioiis de celle dont j'ai fait usage, afm qu'il soit plus facile de
jn^r des conditions où je me suis placé ^^^
Sar une planche de chêne M (fig. i, p. /i8) repose un aimant
AfiCD, dont les branches AG et BD sont des cylindres d'acier de
fis centimètres de long et de 36 millimètres de diamètre, terminés,
eofime on le voit sur la figure , par deux cônes émoussés de 8 mil-
iônètres de hauteur. La partie CD est une plaque de fer doux de
±% eentîinètres de longueur sur £ centimètres de hauteur et
li mftllimètres d'épaisseur. Chaque cylindre occupe la cavité inté-
^^ LeUre à M.<<jay-Lii(assic «ir los plidnouiènes électro-nuignéUquoft {Àfinmes de chi"
mmêiét.fkftiqm, s' série, t. LI).
'*) M. Rréguet a bien voulu diriger lui- même la construction de noire appareiJ.
imÀiiti* fntîroo ~3oo tcuis ou à p*-n pni 9700 aîliu é» CL
brui nlrnatléâ d» d«u\ bobine^ j'^bI rninirs r nsg Mlitf aa pMt B:
La pljqa^ iBéuilH|i)e mobile PP' e<t ma wtelam^ <lr 1 1 cwlî-
mHn» de l«ogu«aretd«i9 iiiillîi>«ti«âdeUr^w.<|B«aiieir«i4e
<1<^ d«ai tû d<> lailoD sur la pi^ de Lailoa L Ode pièce it UïlM
*^ liitV â reitrénulé d^un a\e n lindni^ue d'acier, qu'on net ta ma-
\<>nieat a l'aida de la roue denlé^ de brame GF et d'un pignoD ipu
nWt ^ tÎMble sur ta figore ' . L*a\e, el par eooseqnent la pUqoe,
font dh molations pendant une rèrolutioo de la gnmde roue. Le
iiKrtivenK'nl de rotation s'obtient à Paide de la maio et nest, pv
cunséqn^-nl. jamais rigoureusement uniforme: mais, avec on peu
d'Iiabitode, il est facile d'obtenir toujours à peu près la même vitesse
'' Li ianae câtohn «t U puiboo «B«tnqoc<l« Tue Jtjg f* JcU piicit ée hilN
v Ihut fKTnctbnl d'swnr amnw Mna inJiKtt^ sngfale Mr la botùacs. ubh qw
/•r B'«a MÎi iMori - [JiiriiMil fbii m m
U mdoiM. Quaol i U gnode n
ii>wr aWBB «Crt.
SUR LKS PHÉNOMÈNES U1KD[H:TI0.N. 41)
moyenne, ce qui est sufiisaot pour des expériences où il est inutile
de cbercher la loi mathématique des phénomènes. Mon aide savait
obtenir d'une manière assez constante trois vitesses à peu près uni-
formes, correspondant à cinq, vingt et quarante tours de la plaque
mobile par seconde. Dans tous les tableaux numériques de co mé-
moire, ces vitesses sont désignées par les expressions de première,
teeonde et troinèTne viteue, ou par les numéros i, ii et in.
L'axe d'acier porte un commutateur à l'aide dutpicl la commu-
oication des bobines avec le galvanomètre est établie seulement
pendant une fraction de la rotation. C'est un cylindre de verre por-
tant un anneau de cuivre et, aux deux extrémités d'un même dia-
mètre, deux lames transversales étroites de même métal; sur l'an-
neau passe un ressort de ruivre Q, qui communique avec le fil V du
galvanomètre; un deuxième ressort Q', qui communique avec l'extré-
mité V du fil des bobines. s'ap])uie à peu pràs sur le milieu du
commutateur. L'autre extrémité V du fil des bobines, étant constam-
ment en rapport avec le galvanomètre par le fil U', le circuit n'est
évidemment fermé qu'autant qu'il y a contact entre le ressort Q' et la
lame transversale du commutateur. Le cylin-
dre de verre est mobile à frottement doux sur
l'axe de rotation, et peut s'y fixer dans une
position quelconque, à l'aide de la vis de lai-
ton qui est marquée S sur la figure spéciale
du commutateur (fig. a). Dans la plupart de
mes expériences, j'ai fait usage de deux com-
mutateurs : la lame transversale du premier
demeurait en contact avec le ressort corres-
pondant pendant un déplacement angulaire
de l'axe de la plaque égal è 30 degrés; la
lame du second, pendant un déplacement angulaire égal a 35 de-
La planche M, qui supporte l'aimant e( les bobines, peut .s'oppro-
") Loi commulfiteun en ivoire, qu'on consiruitle plus habituellement, n'onl oOerl un
inoonvéniaiit Ir^t-grare. Le frottement dureteort de cuivre use la Rurfàce de l'ivoire, et, I*
pDOMèra qui en réwille>edëpaHnt en partie Mir le* lame« de cuivre, le conranl peut te
bmnw arrélë au Iwal de qiidque temps.
Vn»tr, I. — Hémoirea. i
t>tHt****tt**»******t*^tUt***IIHinit
lii ftECHEBCHES
«dlnr 'fis i^-Ani^ftrn « «'C'lKMSlfll^ At h pii^fM* imU^ à Faille de la vis
Lt ^iTKsyMbttrip <!<« plm à i wttrRf de Fjy p ji g il , sar une forte
fAuurke de cto^* iKnlidaMBl ^««cdftfe (i iawp femv») dasi m mur de
^^ ci^ajittifflMtre» d'êpûsçav. Ce«tt ■■ |jili laMiIlii de Rolmikorff , i
"i^m aigflilktf . dMiieiianl rf.ONHO tipiarf de fil de cnre de o**,90
4e diaoKtne'. Lcf dênafeMm* i^AsmrtmA de bia aier «ae lunetle ^^
Enfin, at^anlt i|Mîrïal<n»fiit «s v«e detedaer fnlhMScedo temps
Htr rindodtHMi. jfai dâ ne iin d iiL indqifdini et InfliMnce du
:einps> sur FaiinanlatÎMi* en «alKMaanl à Fanaaai de h nadime de
j — ^^^ Fif<e ■■ paissant sole-
noide» H eaniparanl les
eflels des den appareils.
Tai dont fût cowtniire on
$«ilêMide kmmé d^entiron
70 melies; de fl« de a niil-
lÎBwlm. de diamttie. Le
^ fiL l ec onie i t den fns de
colon , était replie cinq foi> en hêiitre . de manière a c onriifcafff nn
cylindre flenble de 60 centimètre» de longueur et de 35
de diamètre. Les ei1rêmité> étaient introdoites dans Mue das
bobines, à la place de$ branches de Faimant. et la partie il
diaire était soutenue par une pièce de bois de mén w
que la pièce de fer doui CD de la figure 1. et iiiée dans la
situation «fig. 3|.
111.
nfciiocis sra les cosps ii%«;xrTHKBSu
Les coq>s magnétiques ont du être les premiers soumis à notre
^tud^. Les lois connues de Faction inductrice du fer doui étaient
pour oous un moyen de contrôler IVvaclitude des conclusions que
nou^ roulions tirer de nos expériences. IVautrv |Mirl, Feiamen des
*ïulrsl3nçe> faiblement, mais certainement uuignêlique>, telles que
■ Ghu f€*Q'SÛfm aiait noins pour ohi«t àt rmlrv V» Wdarvv pli» exactes que
«f^iitor le» rtMnmu 4'»r pcvidaiU ^Da« h cferluF «in i^hnawwtw for le voiiiiiit|*e du
SUR LES PHÉNOMÈNES DINDUCTION. 51
les coiii[ioi><Js ferrugineux, devait nous renseigner sur te dejjn? de
sensibilité de notre méthode.
Les expériences qu'on va lire nous semblent satisfaisantes h ce
double point de vue.
Une plaqnede fer doux, animée d'un mouvement de rotation en
présence d'un aimant ou d'un solénoïde, peut être regardée comme
tin aimant qui change périodiquement de situation et d'intensité. En
même temps, des courants induits s'établissent dans son intérieur
comme dans tout autre corps conducteur, mais leur effet est négli-
geable devant l'effet de l'aimantation , ainsi qu'on le verra plus loin
par la comparabon des expériences relatives au fer doux, et de»j ex-
périences relatives à l'argent et au cuivre rouge. Nous en ferons abs-
traction dans tout ce paragraphe.
Considérons d'abord le cas oit la plaque mobile est aimantée par
l'influence d'un solénoïde. Prenons la plaque dans une position telle
ffig. Â), que sa plusgrande dimension MN, que nous appellerons soA
axe, soit perpendiculaire à la ligne des
pôletj AB, et supposons que le sens du
mouvement soit indiqué par les flèches
de la figure. Pendant le premier quart
de révolution , l'axe s'approchant de la
ligne des pôles , les lois élémentaires de
l'induction indiquent qu'il doit se déve-
lopper dans le fd des bobines un cou-
rant de direction contraire au courant
du solénoïde. Nous appellerons ce cou-
rant, pour abréger le discours, un courant négatif . Pendant le
deuxième quart de révolution, l'axe de la plaque s'éloignant de la
ligne des pôles jusqu'à la position perpendiculaire, le courant in-
duit doit élre positif, c'est-à-dire de même sens que le courant du
solénoïde. Pendant le troisième et le quatrième quart de révolu-
tion, les mêmes phénomènes doivent se reproduire sans aucune
différence.
L'expérience n'est pas entièrement d'accord avec ces indications
de la théorie. Une plaque de fer doux , de 1 1 centimètres de lon-
gueur, h ù millimètres de largeur et 8 millimètres d'épaisseur, ayant
i'(« Uâkh i,iii \ix\*' fi< iiotrr' machiiKi, «t \^ camniutateor ayant reçu
.'A.^.i.ué^K'intuV (ltv«frs<:!!^ positions, df manière à oibBfsn'er raction
v^^ctof ^iir 11 (;alviirinniètrr* par les tonrants .mdnîte dBanl le pas-
.^éf^f lit }.' |ilii<|ii«' (i'iiiM' position anguiaire quelcongne à jne antre
|/'/.i()oii tiii^iiiliiin' diiïôreutf' de so degm, nni» avons oawtammenl
ii.^,^li^^%^i ^|u<' U' (:iiau{[oiiH!iit di' direction des conranls mÀÊÈÈBnvmî
)#!»' hiiSi t\\t iiuMtMtiil précii> indiqué par 1b Ihëome^ anii ^Mkpe
Vt«Mtpi t^^*ilW
f,< i.iiliU:iisj hu iviiiit «^.xpfNie lef réflultate d'une iiérip dTapénBBBesw
1h' |ii4.uiu*ii- ««mUmiu»' indique la période «de la TiifrÉtiiia pcnlnat b-
<iu(ttu li «.ouiiiimUiI»^uî' iaiHB^ circuler le oonrant^iefi^fBe+i^gBifie
'|.j« «lui uni «.iti.u* |>i'TLod<^. luxe de la ^aqne va «n «'da^gaattl ^ la
li^iii d<. l'i^lir , H l^'Hjj^ue- qu'il vaen s^en nyipirliiMt. Aîasila
»...i,.iji«ii <ic i -vi/ ù » ^io correspond à feffet ahaen^é peMbat qae
i ..i.f^J^ f>^A^^^^ ptfi r<i»«' di' Ui plaque H la ligB« <des pAles a varié de
" //•,' i|i-|0^> ('«'<» <'oioriri«*«>» marquées i. n et in contiennent les
' M< 1 il/ri.! vii{- M» i|iiiiMiiii( Kucrf'ssivement a la (daqne les trois tî-
I- • 'l'l)i))'r pille iirtitl, i<* commutateur conservant nne position
' - " ^'/'i- Mil II II li'fiillfMirn iiiMTit que la dëriation initiale de Tai-
, •••)]. .|mm •ii<it|iii- l'^pc^iiditrit; on n*a pas obserrë la déviation stable .
'" 'ji !'•' Mimi ili'v* i«pi^tif^iit'i»!k no permettant évidemment pas fob-
IfHM 1 1 %|;i^i)..i(if liiiiu |o lionne les résultats, le «dénoide était
ii.iwi ..' |>,(i |, iiuiMni «lo lo i^lMenU de Bunsen. La distance du
l'I'ii .|i n^i.uiitn «!«' U pl^^qne a\\\ exln'mit^ du solénoide était de
1 «(illIlMli II* >
I. II. III.
W -.^ i .\o 7.\ S6 — 78
M**- i>»^ À - i«> So i>o — 9©
llv. _ Va ;i — 00 «|0 90 — 9**
h*- ^^\ ^ o ^o 90 — 90
iHr. .X A ^- 90 j .*ô . ^^ — 4o
|V . >.• in . \^\ j ,)o -90 -^9®
K . \.« A . i>«> 4 ^^^^ . i)0 -^ 9O
I '%•■.» A . -1% 4 *)o » 90 -*- 9®
SUR LES PHÉNOMÈNES D'INDUCTION. 53
On voit que le courant induit demeure quelque temps encore
positif, après que la plaque a commence à se rapprocher de la ligne
des pAles, et que, pour de grandes vitesses de rotation, il peut être
négatif pendant que la plaque commence à s'éloigner de la ligne des
pAles '". Ainsi , si l'on représente par des abscisses négatives tes angles
formés par l'axe de la plaque et la ligne des pôles pendant la période
de rapprochement, par des abscisses positives les mêmes angles
pendant la période d'éloignement, et par des ordonnées Us inten-
sités correspondantes des courants induits, la théorie assigne k la
courbe ainsi construite une forme analogue à celle de la figure 5 , et
Texpérience une forme analogue h celle de la figure 6 , les points
où l'ordonnée change de signe s' étant d'autant plus déplacés que la
vitesse de rotation a été plus grande.
La seule explication qu'on puisse donner de ces différences con-
siste à admettre que l'aimantation n'est pas un phénomène instan-
tané, et qu'en conséquence le maximum et le minimum d'intensité
du magnétisme de la plaque n'ont pas lieu au moment précis ob son
axe est parallèle ou perpendiculaire à la ligne des pAles, mais quel-
uoa magnétiques, on a compara de deux manières différentes lei deux période* du mou-
iwiiiiit TantAt, pour chaque pontion du commutateur, on a fait tourner les plaques dana
Ici demtenx^tpoaéa, el il a «uffi, pour une eipérience complète, de faire varier la pon-
lioo da commulateur eotre des limites éloi^ées de go degrés l'une de l'autre; laolM on
• tonjoun liit tourner les plaques dans te même sens, mais eu faisant varier la position
du commutateor entre des limites éloignées de 1 80 degrés. Les deux méthodes ont donné
dw ré«dtats tout semUables, et cette concordancs auiEt pour écarter diverM* objectûm*
qu'on aurait pu tirer de la di^Mtition da commnbtenr.
''' II eit même probaUe qu'avec un commutateur [dus étroit e^te anoindie aurail pu
l'abMn^poar da pttilei vilMses de rotation.
bk RECHERCHES
que- temps après qae cette position a été dépassée. De là le déplace-
ment des limites où le courant induit change de signe ^'^.
Lorsqu'on remplace le solénoîde par un aimant, l'action indue-
trice qui vient d'être analysée subsiste toujours, mais il s'y en ajoute
une autre, la variation de l'intensité de l'aimant qui résulte du mour
vement de la plaque. Il est même facile de voir que cette action
l'emporte de beaucoup sur la précédente et détermine la marche
générale des phénomènes, A cet effet , l'aimant étant placé dans les
bobines de Tappareil, et la plaque de fer doux étant retirée, an ap-
proche de l'extrémité d'une des bobines un petit conducteur fermé,
traversé par ^^ courant voltaîque. On observe un courant induit,
développé h la fois par l'action directe du courant raobOe sur les
bobines, et par le changement temporaire de Fintensité de Faimant.
Si l'on recommence la même expérience, après avoir retiré l'aimant,
de manière à ne laisser subsister que l'action inductrice directe, le
courant induit qui s'observe n'est qu'une petite fraction (au plus un
huitième dans mon appar-eil) du précédent.
C'est donc aux variations temporaires de l'intensité de l'aimant
qu'on doit attribuer le principal rôle dans le développement des
courants de la machine de Page ^^K D'ailleurs les lois élémentaires
de l'induction indicpient des effets exactement analogues à èeux qui
viennent d'être analysés. La plaque de fer s'éloignant de la Ugne des
pôles, le magnétisme de l'aimant diminue d'intensité, et il y a in-
duction d'un courant de même sens que les courants particuliers de
la théorie d'Ampère, c'est-à-dire d'un courant positif. La plaque se
rapprochant de la ligne des pôles, l'intensité magnétique augmente ,
et le courant induit est négatif. La loi théorique des phénomènes
peut donc être représentée par une courbe analogue à celle de la
figure 5 ; l'influence du temps sur l'aimantation doit encore déplacer
les points où la direction du courant change de signe, de façon
que les phénomènes puissent être représentés par la courbe de la
figure 6.
^') Celte durée seosibie nécessaire au pheDoroène de l'aimantation est bien connue des
constructeurs de machines électro-magnétiques et de télégraphes électriques.
'*) Os variations du magnétisme d'un aimant d'acier trempé n'ont rien qui doive sur-
prendre. Des faitA très-nombreux ont prouvé depuis fort longtemps que l'acier trempé.
SUR LES PHÉNOMÈNES D'INDUCTION. 55
L'expérience confirme entièrement ces prévisions. Voici le tableau
d'une série d'observations prises parmi plusieurs autres tout à fait
semblables. Le galvanomètre employé était toujours le même; mais,
à l'aide d'une dérivation, on ne laissait circuler dans le galvano-
mètre qu'une très-petite fraction des courants induits. Les notations
sont les mêmes que ci-dessus :
I.
II.
iii.
De - 90* à - 70'
H-ll'
+ 33'
+ U6
De — 70 à — 5o
*7
- 6
+ u
De — 60 à — /lo
-35
-4o
- 39
De — /lo à — 20
-58
-61
-61
De — 20 à
-5i
-76
-90
De à + 30
-a/i
-63
-80
De H- 20 à 4- Ao
-»- 3o
— 11
-35
De 4- 60 à 4- 60
-h4i
+ 38
+ 30
De 4- 5o à -4- 70
-h 5a
+ 71
+ 83
De H- 70 à -h 90
+ 38
+ 63
4- 75
Si même on compare ce tableau à celui de la page 5â , on recon-
nait que l'inQuence du temps est beaucoup plus sensible avec l'ai-
mant qu'avec le solénoïde. La cause de cette différence est probable-
ment dans la différence de l'acier trempé et du fer doux, et peut-être
aussi dans une réaction des courants induits sur le magnétisme de
Taimant, semblable à la réaction des courants de la machine de
Ciarke sur le magnétisme du fer doux que M. Lenz a découverte et
étudiée ^^\
. Quoi qu'il en soit, il est résulté de ces expériences la nécessité
de substituer le solénoïde à l'aimant dans mes recherches sur les
métaux non magnétiques, toutes les fois que l'intensité des phéno-
mènes l'a permis.
Après le fer doux, il m'a paru intéressant d'examiner d'autres
corps magnétiques. Je n'ai pas eu à ma disposition de nickel, ni de
cobalt métallique; mais avec des substances bien moins magné-
i rinflaence d^un aimant ou d'un courant extérieur, peut éprouver des changements
d^aîroantation qui disparaissent dès que cette influence a cessé d'agir. On trouve un
réfomë et une discussion complète de ces phénomènes dans le mémoire de M. Poggen-
dorff ayant pour titre : Sur quelques phénomènes d'aimantation {Pogg. Armalen, t. XLY ).
<*) Mémoire sur l'influence de la vitesse de rotation dans les machines élertro-magné-
tiques (Pogrg. Ànnalen, t. LXXVI).
56
RECHERCHES
tiques^ telles que les principaux composés du fer, j'ai tenté des ex-
périences qui m'ont entièrement réussi ^^K Ces substances étaient ré-
duites en poudre et placées dans de petites boites de bois, ayant
exactement les dimensions des pièces de fer doux. On les mélangeait
avec un peu de mastic, afin de donner aux grains de poudre on
degré de cohérence suffisant ^*^
Voici les résultats de deux séries d'expériences comparatives qui
se rapportent au sulfure et à l'oxyde de fer. Le sulfure avait été pré-
paré en précipitant par le sulfbydrate d'ammoniaque une dissolu-
tion de sulfate de fer; l'oxyde était du colcothar, obtenu à ia ma-
nière ordinaire.
Dans la première série d'expériences, on a fait usage du solénoîde
traversé par le courant de so éléments de Bunsen. En raison de la
faiblesse des courants induits, on a pris un commutateur qui éta-
blissait la communication pendant une partie de la rotation égale à
35 degrés. On a obtenu les effets suivants :
SOLFURE
OXYDE.
I.
11.
m.
1.
II.
III.
o
•
De — 90 à — 55
— 1
— s
— - 1
B
«
De - 65 - à 3o
— 1
- 3
- n
- t;
— a
- 3
De — 35 à
- 6
— II
-i5
- u
— 10
De à H- 35
-+- 8
- 6
-h «
— s
De + 3o à H- 65
H- ii
-4- 3
H- 6
-4- 1
-h 3
-h 4
De + 55 à -h 90
H- 1
H- ii
-h .i
u
a
#
Le déplacement des points où le courant change de signe est suf-
fisamment visible dans ces résultats.
t*) J'aUache quelque prix à ces expériences, parce que M. Faraday les a essayées sn
faisant usage d^un galvanomètre de Ruhmkorff presque identique au mien, sans obtenir
de déviations supérieures à s ou 3 degrés. Cette circonstance me parait justifier U préfé-
rence que j'ai donnée à la machine de Page pour mes recherches.
^*) Il n^est pas inutile de dire qu^en remplissant de Umaille de fer une boite sem-
blable et la fixant sur Taxe de U machine j*ai obtenu des elTels moins intenses, il est
vrai, que ceux d^une plaque de fer compacte, mais soumis exactement aux mêmes va-
ria lion «.
SLR LES PHÉNOMÈNES D'INDUCTION.
57
Dans la série suivante on a remplacé le solénoïde par l'aimant, et
les courants induits ont été beaucoup plus intenses.
SULFURE.
OXYDE.
1.
11.
m.
I.
11.
III.
De — 90 à —
70
-+- 9
H- 16
4- 99
4- h
-1- 19
4-l5
De — 70 à —
5o
- 5
4- 9
— 2
4- 1
+ 9i
De - 60 à -
ho
- i3
-ih
— 1 1
~ 9
- 9
- 8
De - 4o à -
90
— 99
-39
-97
-17
-«9
-18
De — 90 à
-3o
-38
hh
-ah
-34
-37
De à +
90
- 4
-95
-36
3
-16
— 95
De + 90 à H-
ho
H- 99
H-i4
4- 9
4-18
4-i4
4- 6
De 4-^0 à H-
60
4-93
4-98
4-3o
-^>9
4-91
4- 99
De + 5o à 4-
70
4-9/î
4-33
4-43
4-17
4-98
4-33
1 De -f- 70 à -+-
90
4-93
4-/i3
4- 5o
4- 19
4- 99
4-39
D'ailleurs, j'ai pu manifester l'action inductrice de ces deux subs-
tances d'une manière beaucoup plus simple. A cet effet , remplissant
de sulfure de fer un cylindre de carton de 1 5 centimètres de hau-
teur sur ti centimètres de diamètre, j'ai pu, à l'aide de ce cylindre
et d'une bobine à deux fils, de moyennes dimensions ^^^ répéter
toutes les expériences qui se font d'ordinaire avec un cylindre de fer
doux. L'un des fils étant traversé par le courant de 2 éléments de
Bunsen , et l'autre étant mis en rapport avec un galvanomètre h fil
court, construit par Ruhmkorff pour l'étude des courants thermo-
électriques, j'ai observé une déviation de 10 à lâ degrés, lorsque
le cylindre a été introduit dans l'axe de la bobine ou lorsqu'on l'en
a retiré, et, dans les deux cas, la déviation a été dirigée comme celle
qu'aurait produite un cylindre de fer doux. Avec un cylindre d'oxyde
de fer, je n'ai eu que des déviations de 3 à & degrés.
^'^ Chaque fit avait lAo mètres de longueur, 9 millimètres de diamètre, et faisait
760 tpires.
58 RECHERCHES
IV.
EXPERIENCES SUR LES METAUX NON MAGNETIQUES.
Je commencerai par les métaux très-peu magnétiques ou diama-
gnétiques, mais très-conducteurs, tels que l'argent et le cuivre
rouge, dont on peut présumer à l'avance que tous les effets seront
explicables par l'action des courants induits dans leur masse.
Une discussion superficielle des expériences conduirait à admettre
comme démontrée l'induction diamagnétique de M. Weber. Exami-
nons en effet les résultats de la série suivante relative à l'argent,
et dans laquelle on a fait usage du solénoîde traversé par le cou-
rant de âo éléments de Bunsen. La vitesse de rotation a été cons-
tamment de so révolutions par seconde.
De - 70' à - 5o'
H- 2'
De 0* à H- 90*
- 66
De — 60 h — ho
H- 6
De + 90 à H- &o
- 69
De — 4o h —ûo
-h 3o
De -4- Ao à -h 60
H- 36
De — 90 à
-+. 38
De -+- 5o à -h 70
H- 95
D'après ce tableau , le courant induit est constamment positif»
excepté pendant la première moitié de la période où l'axe de la
plaque s'éloigne de la ligne des pôles. Or, l'induction diamagnédqae
de M. Weber produirait exactement les effets observés au voisinage
de la ligne des pôles; elle donnerait en effet un courant négatif
quand la plaque s'éloignerait de la ligne des pôles, et un courant
positif quand elle s'en rapprocherait. Quant aux courants toujours
positifs observés dans des positions de la plaque éloignées de plus de
âo degrés de la ligne des pôles, il ne serait pas difficile d'en rendre
compte par la réaction des courants induits dans la masse de la
plaque, et la combinaison de ces deux causes, induction et diama-
gnétisme, semblerait une théorie satisfaisante des phénomènes.
Mais, en comparant à ces expériences les expériences relatives à
d'autres métaux , on voit que tous les effets augmentent en raison
de la conductibilité du métal, et qu'ils ne dépendent en rien de sa
puissance magnétique ou diamagnétique. D'ailleurs, pour de plus
petites vitesses de rotation, le courant induit est négatif au voisinage
SUR LES PHENOMENES ULSDUCTIO\ 59
des pdies, aussi bien pendant la période où la plaque se rapproche
de la l^e des pôles que pendant la période oii elle s'en éloigne,
ce qui est complètement inexplicable par l'effet du diamagnétisme.
On est conduit à rechercher de quelle manière les courants induits
danç la plaque mobile peuvent rendre compte des faits observés.
Ces courants changent à chaque instant de position . de forme et
d'ÎDtensilé. Il n'est pas possible de prévoir d'une manière complète,
par des raisonnements élémentaires, quels seront ces changements
et quels effets ils devront produire; mais on peut se rendre compte
avec certitude des principales particularités des phénomènes.
D'abord, si l'on considère la plaque mobile à deux époques de
soD mouvement symétriques par rapport à la ligne des pâles, par
eiomple dans les positions MN et M'N' (fig. 7) (les flèches indiquent
le sens de la rotation), les actions
inductrices du solénoïde tendent à
développer dans ces deux positions
des courants exactement symétriques.
En effet, d'après la toi de Lenz, il
tend à se développer en chaque point
de la plaque un courant qui , par sa
réaction électro-dynamique sur les
pôles A et B , tendrait à produire un
mouvement contraire au mouvement
réel"*. Or, si l'on conçoit de part et d'autre de la ligne AB deux
courants exactement symétriques (en position et en direction) par
rapport à cette ligne, il résulte des lois connues de l'action d'un so-
lénoïde sur un élément de courant que l'un tendrait à s'éloigner de
la ligne des pôles, et l'autre à s'en rapprocher avec une force par-
faitement égale.
Ainsi, si l'on fait abstraction de l'influence du temps, c'est-à-dire
si Ton admet qu'à chaque instant les courants de la plaque mobile
soDt entièrement déterminés par les actions inductrices actuelles,
on voit que dans les deux périodes successives du mouvement ces
courants doivent éprouver deux séries de variations tout à fait symé-
"' Ceat-A-dire, ifans la position MN. un couranl qui éloigne la plaqiip de (n ligne dm
pAtet, e(, ilann h pnxitinn M'N', un rnnmnl qiii IVn nippmrbe.
60 RECHERCHES
triques, mais en sens inverses. Soit maialenanl RPSQ (fig. 8) uih
spire (sensiblement identique à un cercle) d'une des bobines in-
duites; soient GH et G'H'deux courants de forme quelconque, symé-
triques par rapport à la ligne des p&les AB ; supposons que la Yaria-
tion infiniment petite de forme, d'intensité et de position qu'^roave
le courant GH à un instant donné induise un courant dirigé dans
le demi-cercle SQR, dans le sens indiqué par la flèche F; à le con-
rant symétrique G'H' éprouve une variation infiniment petite de tout
point contraire à la précédente , il induira un coarant qui sera dirigé
dans le demi-cerde SPR,
symélriquedeSRQ, contrai-
rement au sens qu'indique-
rait la flèche t^, symétrique
de F, c'esir-à-dire dass le
sens de la flèche F'. IThI-
leun, les deux fièdm F et
F représentent évîdeniBMnt
le même courant dans le
cercle RPSQ. Donc il est démontré que , dans deux positions lyné-
triques de la plaque mobile, le courant Induit dans les tx^nnea doit
avoir la même direction et la même intensité. En <faub«a lumm,
les phénomènes doivent être parfaitement symétriques pendant la pé-
riode où la plaque s'approche de ta ligne des p6les et pendant la
période oii elle s'en éloigne.
Enfin, si l'on admet, avec M. Faraday, que les actions induc-
trices ont une durée sensible, on en conclura qu'ai chaque instant
la disposition des courants de la plaque dépend à la fois des farces
inductrices actuelles et des forces antérieures, et qu'eu consé-
quence cette disposition ne saurait être symétrique pendant les
deux périodes du mouvement. Par suite, les variations des courants
des bobines doivent cesser d'être symétriques, ce qui peut arriver
de deux manières : les époques des principales phases du phéno-
mène, par exemple les époques des changements de signe ou des
maiima et des minima, peuvent simplement se déplacer dans le
sens de la vitesse de rotation ; mais il peut aussi se produire de nou-
veaux phénomènes, de nouveaux changements de signe par exemple.
SUR LES PHÉNOMÈNES D'INDUCTION.
61
Quoi qu'il en soit, la dissymétrie doit devenir de plus en plus évi-
dente, h mesure que la vitesse de rotation devient plus grande.
En résumé, quelle que soit la loi exacte des phénomènes, pour
de très-petites vitesses de rotation , tout doit être à peu près symé-
trique de part et d'autre de la ligne des pôles, et, k- mesure que la
vitesse augmente, cette symétrie doit tendre à disparaître de plus en
plus complètement. Ce sont là des conséquences tout à fait gêné*
raies, qu'il est facile de comparer à Texpérience.
Les deux tableaux suivants confirment de tout point ces prévi-
sions théoriques.
Le premier tableau contient les résultats d'expériences compa-
ratives qui se rapportent à l'argent, au cuivre rouge et à Fétain.
Pour chaque position du commutateur, on fixait sucessivement ces
trois métaux sur l'axe de la machine , de manière à en comparer les
effets dans des circonstances identiques. Le solénoïde était traversé,
eomme de coutume, par le courant de âo éléments de Bunsen.
De — 70 à — 5o
D« — 60 à — âo
De — Ao à — Qo
De — 90 i
De o à + 90
De-h 90 à H- Ao
De 4- Âo à + 60
De + 5o à -H 70
I.
ARGENT.
II.
9
9
7
19
96
9
fl
3
-4- 3
4- â
4-3o
4-99
-66
-69
+ 36
4-30
III.
10
98
35
hb
90
90
9
5o
I.
CDIVRK.
ri.
4- 9
-f- 9
H- fl
- h
— 19
4- u
4- /l
-+- 3
H- 9
4- 3
-4- 18
-\~ 1 9
— 5o
— 91
4- 95
4-39
III.
H- 6
4- 10
4-93
4- Ao
-70
-70
+ 5o
4- 5o
Il est bien évident, d'après ce tableau, que les points où le cou-
rant induit change de signe se déplacent dans le sens du mouve-
ment à mesure que la vitesse de rotation devient plus grande, ce
qui est conforme aux raisonnements précédents. L'influence de la
conductibilité n'y est pas moins visible; les effets de l'argent sont en
général plus intenses que ceux du cuivre rougo, et ceux du cuivre
rouge beaucoup plus intenses que ceux de l'étain.
6â
RECHERCHES
Le deuxième tableau se rapporte à l'étain, au zinc et au plomb,
comparés comme il vient d'être dit pour les trois métaux du pre-
mier tableau. Seulement, en raison de la moindre intensité des
courants , on a fait usage d un commutateur qui établit les comma-^
nications pendant la durée d'un mouvement angulaire de 35 degrés.
ÉTAIN.
ZINC.
1.
PLOMB.
I.
11.
III.
I.
II.
III.
II.
III.
o
De — 70 à - 35
K
-f- 2
-1- o
a
H- 2I
-f^ 6
Ê
-h 1
+ s
De -'55 à -20
-h 1
-+- 6
H-l3
+ A
-H 7i
4-17
H- 1
+ 3i
+ 9Î
De -35 à
+
-t- a
H- 6
+ 'i
-h 4
-+-13
Ê
-♦- 2
H- 5
De à + 35
- Ȕ
-25
55
— 2
— 20
— 52
— 1
- 6
-3o
De -H 20 à -H 55
+ 31
H- it
-4-21
+ 'i
-h 5
-h 28
-♦- 1
-+- 7
H-t7
De + 35 a + 70
Ê
■¥ 2
+ 16
a
-¥ 2
-+- 22
Ê
+ 3
+ i5
Les considérations précédentes suffisent à la démonstration du
principe que nous avions spécialement en vue. Mais on peut aller
plus loin , et se rendre un compte satisfaisant des principales parti-
cularités des phénomènes ^^\
A cet effet, il faut d'abord se faire une idée de la disposition dés
courants induits dont la plaque mobile est le siège, et l'on y par-»
vient en suivant la marche qu'a suivie M. Faraday dans son explî^K
tion du magnétisme de rotation ^^^; ensuite il faut examiner l'actieo
('^ Dans les tableaux qui précèdent, on n*a inscrit aucune obsenation rdatÎYe
époques où Taxe de la plaque est très-voisin d^étre perpendiculaire à la ligne des pôles. A
ces époques, tant que la vitesse de rotation est peu considérable, les courants induits dans
les bobines sont positifs; mais, lorsque la vitesse augmente, il se produit des cbangemenls
de signe dont il ne m'a pas été possible de déterminer la loi exacte. L^exislence de ces
changements de signe s^accorde d'ailleurs tout à fait avec les considérations développées
page 60; mais, comme ils sont resserrés dans une portion très-petite de la rotation, on
comprend que la plus légère différence dans la vitesse du mouvement et dans la positioR
du commutateur exerce une influence très-sensible. Un appareil plus préas et surtout
plus relier que le nôtre eût été nécessaire pour rechercher la loi exacte de ces phéno-
mènes, et cette recherche n'eût pasofiert un grand intérêt, en Tabsence d'une théorie à
vérifier numériquement
('^ Voir la lettre de M. Faraday à Gay - Lussac sur les phénomènes électro - magné-
tiques, dans les Annalet de chimie et de physique, û* série, t. LI.
SUR LES PHÉNOMÈNES D'INDIjCTION. 63
induclricu de ces courants sur les bobines de l'appareil; e(, comme
cette action résulte de variations simullan<!es d'intensité, de forme
et de position, la loi de Lenz devenant insulFisunte , il est nécessaire
d'avoir recours aux principes plus généraux jiosés par M. Ncumann'".
Od peut les forniuler de la manière suivante :
Si Ton appelle potentiel d'un courant fermé, par rapport à un con-
imtewr fermé, l'intégrale double
t coserfïdy
~SS'-
où t détifpie l'inlensilé du courant, constante ou variable;
di un élément du courant fermé;
da' un iUmetit du conducteur fermé ;
e fangle et r la disUmce de cet deux élément»,
l'action inductrice totale du courant fermé sur le conducteur fermé peut,
à chaque instant, être représetUée, en grandeur et en signe, par Iti déiivée
du potentiel considéré comme fonction du temps.
L'application rigoureuse de ce principe présente, en général,
d'assez grandes dilTicultés analytique»; mais, comme nous n'avons
en vue qu'une explication de la marcbe
des phénomènes, et parliculièrement des
changements de signe des courants induits
dans les bobines, des raisonnements assez
simples nous suffiront.
Considérons, en premier lieu, la pla-
igne dans la position où son axe MN est
perpendiculaire à la ligne des pôles AB .
le sens de la rotation étant indiqué par
Fij. 9. les flèches de la figure 9. Admettons que
le pôle A soit le pôle du solénoïdc, analogue au pôle austral d'un
aimant, et B le pôle analogue au pôle boréal, le solénoïde étant
situé en arrière du plan de la fîgure. D'après la loi de Lenz, il est
facile de voir que le pôle A tend à développer dans chacune des
deux moitiés FMQ et PNQ de la plaque des courants sensiblement
6t RfcICHKKCHES
dirigés de la circonférence au cenlre, el le j>ôle B des couranis
dirigés du centre à la circonférence. Sî ces deux aclions op|H>sées
étaient égaies en chacjue poini de la plaque, H ne se produirait aucun
courant; maïs l'action de chacun des
deux pôles étant prédominante sur le
bord de la plaque le plus voisin, il doit
e produire un système de courants dis-
I posés à peu près comme dans la li-
gure 10, et, dans tous les cas, parfat-
lement symétriques par rapport à la
I ligne des pôles. Or, il résulte de celte
I symélric que ie potentiel du système
est nul par rapport à tout conducteur
^'^" '"■ circulaire ayant son plan parallèle au
plan de la figure, et son centre sur une perpendiculaire à ce plan
passant par un point quelconque de la ligne des pôles "^ Le po-
tentiel de la plaque, par rapport aux bobines, sera donc égal à zéro.
Soit, maintenant, la position où la plaque a son axe parallèle à
la ligne des pôles, comme dans la figure 1 1. Il n'y a qu'à repro-
duire, sans y rien changer, les raisonnements de M. Faraday relatifs
à un disque circulaire. On |)eul considérer seulement l'nrtion exercée
sur chaque moitié de la plaque par le pôle le plus voisui. La rota-
tion ayant lîeu dans le sens indiqué sur la figure, le pôle A (end à
(') En effel. \f tenne du potentiel (orrespondanl à un élément dt du cotiranl el ■ un
él^menl dl dti conducteur est égal et de si^e coalraire m lentip cuiTes|iondanL à deu
^lëmenb aymétnqoement places par nppori à l> ligne den pâle» . la dislance r denieiinnl
1* meute, et l'anule t devenant èfpi à mn supptémpnt luand on passe d'un fiiwl^me à
SUR LES PHENOMENES D'INDUCTION. 65
induire, dans la portion PMQ, des courants dirigés de la circon-
férence au centre. Si les actions inductrices étaient égales partout,
il n'y aurait pas de courant; mais comme, en vertu de la différence
des distances, les forces inductrices doivent agir avec plus d'intensité
au voisinage de l'axe de la plaque qu'au voisinage des bords, il en
résulte une disposition semblable à celle de la figure. Le pôle B
tend à développer dans la partie PNQ les courants tracés sur la
figure, et» avec un peu d'attention, on voit que ces deux systèmes
se réduisent au système unique représenté dans la figure la. Par
les mêmes raisons que tout à l'heure, le potentiel de ce système
de courants, par rapport aux bobines, est nul.
On ne peut pas assigner aussi exactement la forme des courants
pour les positions de la plaque intermédiaires aux deux précédentes;
mais on* conçoit sans difficulté de quelle manière se fait le passage
entre les deux dispositions de la figure i o et de la figure i â. De plus,
ces*courants étant symétriquement disposés, ainsi qu'on l'a remar-
qué plus haut, pour deux positions symétriques de la plaque par
rapport à la ligne des pôles, il est facile de voir que, dans ces deux
positions, le potentiel doit avoir deux valeurs égales et de signes
contraires.
Ainsi, pendant la durée d'une révolution, le potentiel change au
moins quatre fois de signe. Dans chaque demi-révolution il doit y
avoir au moins un maximum et un minimum, égaux et de signes
contraires, correspondant à deux positions symétriques de la plaque
par rapport à la ligne des pôles. La plaque allant d'une de ces posi-
tions à Tautre, en passant par la position parallèle à la ligne des
pôles, le potentiel demeure constamment croissant ou constamment
décroissant, et, par conséquent, le signe du courant induit dans les
bobines ne change pas. 11 change, nu contraire, lorsque la plaque
passe par ces deux positions de inaximum et de minimum.
Ces conclusions sont entièrement confirmées par les expériences
citées plus haut. On y voit, en effet, que, pour une petite vitesse
de rotation, le courant induit est négatif tant que l'axe de la plaque
fait, avec la ligne des pôles, un angle moindre que 90 degrés; et
qu'il est positif lorsque l'angle de ces deux lignes est plus grand,
quel que soit d'ailleurs le sens du mouvement par rapport a la lign**
VmoiT, I. — Mérnoirps. 5
CG
KfciCHEfiCKES
. Ën d'aulres lermes. les phénom
des |)ûk>s. Ën d'aulres lermes, les phénomènes peuvent élre repré-
sentés par une courbe analogue à celle de la figure i3. A mesure
que la vitesse de rotation augmente, les points ou le courant des
bobines change de signe se déplacenl dans le sens du mouvement, el
la couri>e qui représente la marehe du phénomène parait se rappro-
cher de celle de la Bgure i &. Tel doit être l'effet de la durée néces-
saire au développement des courants induits dans la plaque. Les ins-
tants du maximum , du minimum et des changements de signes du
potentiel doivent se déplacer dans le sens du mouvement de rota-
tion, d'autant plus que la vitesse devient plus rapide'".
Lorsqu'on remplace le solénoïde par un aimant, les phénomènes
prennent une intensité beaucoup plus grande; mais la loi de leurs
variations devient à peu près la même , et cette identité mérite expli-
cation , car la cause essentielle du développement des courants est
toute différente : ce n'est plus l'action inductrice directe des cou-
rants de la plaque mobile sur les bobines , ce sont les variations tem-
poraires qu'éprouve l'intensité de l'aimant sous l'influence de ces
couraqts. D'ailleurs, la disposition des courants dans la plaque mo-
bile doit être évidemment, à très-peu près, la même que dans le ras
d'un solénoïde.
Il n'y a donc qu'à rechercher dans quel cas les courants de la
plaque mobile, dont nous avons analysé plus haut la configuration,
tendent à augmenter ou à affaiblir l'intensité de l'aimant. Le prin-
''■ Ije dëpUrement de la ronrbe de la figure i3 ne reprnenle pas compWeniPnl hv
inodiliralionsi|u'<'prou*ent les pbéDoaiènes, lorsque la vilesKoderotalioD augmenli-. Ainsi
■lu'Dn l'a remarquii plus luut, il se déieloppe ies rauianls néf^aliGi lorsqiK Taie de U
plaque approche A'èltv peq)>>ndiciil*ire i U ligne de* piles.
SUK LES PHÉNOMÈNES DINDUCTION. 07
cipe de cette recherche peut s'énoncer de la manière i^uivante :
1* toutes les fols que ta résultante des actions d'un courant fermé
sur le pôle d'un aimant est perpendiculaire à l'axe de l'aimant, le
courant n'a aucune action sur son magnétisme; a° lorsque cette
r^ultante est ohllque à l'axe de l'aimant, le phénomène dépend de
la direction de la composante parallèle à l'axe; si celle composante
est dirigée vers l'extérieur de l'aimant, it y a accroissement de l'ai-
mantation, et, dans le cas contraire, alTaihlissement.
Or, en se reportant à la ligure i a , qui représente la distribution
des courants induits, lorsque l'axe de la plaque est parallèle à la
ligne des pAles, abstraction faite de l'inlluence du temps, il est facile
de voir, à cause de la symétrie de la figure, que la résultante des
actions de ces aimants sur le pôle A de l'aimant est perpendiculaire
à l'axe. L'aimantation produite par la plaque mobile est donc nulle
h cet instant de la rotation.
Il en est de même, et pour les mêmes raisons, lorsque l'axe de
la plaque est peipendiculaire à la ligne des pôles. Quant aux posi-
tions intermédiaires, il n'est pas difficile de voir que , dans deux po-
sitions symétriques par rapport à la ligne des pôles, les courants de
la plaque doivent produire des variations égales et contraires dans
l'intensité de l'aimant.
Ainsi, toujours en négligeant l'influence du temps, les variations
du magnétisme de l'aimant peuvent être représentées par la courbe
de la figure i5 ou par une courbe exactement inverse. Le courant
induit dans la bobine, étant à chaque instant proportionnel et de
signe contraire à la vitesse iivec laquelle varie l'aimantation, sera
représenté par la courbe de la ligure 1 6 , qu'on construit en prenant
C8 KCCHDRCHES
pour onloanées les tangentes de la pr^rédente changées de signe.
Enfin . si l'on tient compte de la durée nécessaire aux phénomènes
d'induction et d'aimanlalion , les époques oii le courant induit chai^
de signe se déplaceront d'autant plus que la vitesse de rolatîoo swa
plus grande, et l'on aura des courbes dissymétriques comme celles
de la figure i ■^. L'analogie des figures 1 6
et 1 7 avec les figures 1 3 et i A est d'ail-
leurs évidente.
Telle est eflfectivement la marche gé-
nérale des phénomènes indiquée par l'ex-
périence. Les courants induits passent à
très-peu près par les mêmes phases que
f>s. 1?'. dans le cas oij l'on fait usage d'un solé-
noïde : seulement leur intensité est toujours beaucoup plus grande.
L'influence de la conductibilité des métaux et celle de la vitesse de
rotation se manifestent eiactemenl de la même manière.
L'intensité des phénomènes permet d'étudier sans difficulté l'an-
timoine et le bismuth, qui offrent un intérêt tout spécial à cause
de l'énergie de leur puis.<iance diamagnélique et de leur faible con-
ductibilité. L'antimoine étant plus conducteur et moins diamagné-
lique que le bismuth, celte différence de propriétés doit être favo-
rable à la manifestation de l'induction diamagnétique . si celle
induction est réelle.
Les expi'riences contenues aux deux tableaux suivants montrent
qu'il n'} a rien dans les effets de l'antimoine et du bismuth qui ne
soit explicable par les lois de l'induction ordinaire. Pour rendre ce
résultat plus évident, on a comparé ces deux métaux avec le plomb.
Lit plaque d'antimoine avait les dimensions des autres plaques mé-
lidlitjues: la plaque de bismuth avait même longueur et même lar-
geur, mais une épaisseur double.
SUR LKS PHENOMENES DINI)UCTIO>.
69
PLOMB.
ANTIMOINE.
— 1
*
I.
11.
111.
1.
11.
III.
I.
II.
III.
O
De — 85 à- 5o
o
4- 1
-+■ 7
4- 10
//
-h 4
u
-h 6
,7
4- 1
4- a
De - 65 à - 3o
-h a
4-13
4-4o
4- a
H- 10
-+- ao
//
-h 1
4- 4
De — 45 à — 10
4- 5
4-38
4-70
H- ai
4-15
4-44
-f- 1
4- 3
4- la
De — 35 à
4- îi
H- ûk
4-74
//
4- 5
4-33
-h a
H- 6
De à + 35
- i3
-6o
-90
- 7
-45
-70
— a
-i4
-3o
De -4- 10 à 4- 45
- 3
-43
-90
— a
— a 5
-70
//
- 3
-33
De + 3o à + 65
4- 5
4-45
4- a a
H- a
4-16
-h a
-h .')
-4- a
De 4- 5o à + 85
+ ^î
4-17
H-8i
ti
-^ 4
H- 49
H
-h a
4-i5
Rien , dans ce tableau , ne distingue les effets des trois métaux
qui y sont comparés, si ce n'est l'intensité. L'influence de la vitesse
de rotation y est assez manifeste, car on y voit que les déviations
galvanométriques n'augmentent pas toujours quand on passe de la
deuxième à la troisième vitesse ; mais cette influence se montre bien
mieux dans les expériences suivantes, oii l'on s'est servi d'un commu-
tateur à lame plus étroite.
De
De
De
De
De
De
5oà
4oà
ao à
oà
90 à
3oà
3o
30
O
ao
4o
5o
I.
H- a
-h 3
- 6
- i3
o
4- a
PLOMB.
II.
>7
a3
i4
54
ai
]4
III.
4a
59
19
60
I.
ANTIMOINE.
II. III.
3
;)
1
i3
9
10
a a
1 1
4
-h ao
-h a4
-\- a
-4o
-5i
-34
I.
BISMUTH.
II.
Il
II
II
— a
//
//
-h a
4- 3
— 9
- 8
- 3
■+- a
III.
8
9
1
i5
i5
6
Les expériences n'ont pu être poussées plus loin, en raison du
peu d'intensité des phénomènes.
Il n'y a donc, dans nos expériences, aucune raison d'attribuer au
bismuth et à l'antimoino une action inductrice do naturo particu-
70 RECHERCHES
Hère; il suffit do leur appliquer les lois générales observées pour les
autres métaux, «'n tenant compte de leur mauvaise conductibilité.
V.
CO.IGLUSIONS.
Les conséquences des expériences décrites dans le paragraphe 111
du présent mémoire et relatives aux corps magnétiques me paraissent
inutiles à rappeler.
II n'en est pas de même des propositions suivantes, qui se dé-
duisent des faits observés au paragraphe IV :
1 ** 11 est impossible d'expliquer les phénomènes par une induc-
tion diamagnétique dont les lois seraient contraires à celles de l'in-
duction magnétique.
9*" On se rend compte de tous les faits par les lois de l'induction
ordinaire, pourvu qu'on ait égard à l'influence du temps, par laquelle
M. Faraday a expliqué le magnétisme de rotation.
3"" Néanmoins une analyse insuffisante des expériences pourrait
sembler favorable à l'hypothèse d'une induction diamagnétique.
Ces conclusions sont tout à fait contraires à celles de M. Br^fuet;
mais il est facile de comprendre conmient cet observateur a obtenu,
avec tous les métaux, des courants dirigés comme les courants in-
duits par le fer. M. Bréguet se servait d'un commutateur à lame
très-large , qui laissait passer les courants développés pendant envi-
ron un quart de révolution, et il donnait toujours à la plaque une
vitesse de 5o à 6o révolutions par seconde. Or, si l'on examine les
courbes des figures 6 et 1 7, qui représentent les effets produits par
le fer doux et par les métaux non magnétiques, pour de grandes
vitesses de rotation, on voit que dans une partie de leur étendue
ces courbes sont de même signe , et l'on conçoit qu'en donnant une
position convenable au commutateur on obtienne les effets observés
par M. Bréguet. C'est ce que j'ai pu faire sans difficulté. Il n'y a
ainsi aucune contradiction réelle entre nos expériences.
Les expériences de M. Faraday sont entièrement d'accord avec les
nôtres; seulement elles ne mettent pas en évidence cette influence
du temps sur Finduction, dont notre travail fournit, nous le croyons.
SUR LES PHENOMENES D'INDUCTION. 71
une dëmonstration nouvelle. De plus , en ce qui concerne le bismuth
et Tantimoine, nos expériences nous paraissent plus concluantes.
M. Faraday n'a rien obtenu d'appréciable avec ces deux métaux,
tandis que nous avons obtenu des effets très-sensibles qui ont suivi
exactement les mêmes lois que les effets des autres métaux.
Les grands avantages que m'a offerts la machine de Page m'ont
fait tenter inutilement de nouvelles expériences sur l'induction dia-
magnétique. J'ai substitué à la plaque de bismuth un faisceau de
barreaux cylindriques de même métal , ayant cLacun i o centimètres
de longueur sur 3 millimètres de diamètre, de manière que la quan-
tité de bismuth fût à peu près la même dans les deux cas. De cette
façon, les courants induits dans la masse du bismuth étaient rendus
insensibles, sans que l'effet du diamagnétisme diit être notablement
diminué. Quelque sensibilité que j'aie donnée au galvanomètre, je
n'ai rien obtenu d'appréciable avec certitude, même en imprimant
à l'appareil une vitesse de 60 révolutions par seconde, et faisant
usage d'un commutateur qui laissait passer les courants pendant un
déplacement angulaire de 60 degrés. Dans les mêmes circonstances,
avec un faisceeu de gros fils de cuivre ayant à peu près les mêmes
dimensions , j'ai obtenu des déviations de 3 ou /i degrés, dirigées
de la même manière que les déviations produites par une plaque de
cuivre continue. Cette dernière expérience est bien propre à faire
voir combien le sujet offre de difficultés. Considérée à part, elle sem-
blerait une démonstration rigoureuse de l'induction diamagnétique :
si on la compare avec l'ensemble des faits cités dans le présent mé-
moire, on n'y peut voir qu'une action des très-faibles courants in-
duits par l'aimant dans les fils de cuivre.
NOTE
SUR LES INTERFERKNCKS
DE LA LUMIERE POLARISÉE
{ANNALES DE CHIMIE ET DE PHYSIQUE, 3« SÉRIE, TOME XXXI, PAGE 377.)
— <
Tous les physiciens connaissent les expériences par lesquelles
MM. Arago et Fresnel ont prouvé que deux rayons de lumière po-
larisés à angle droit ne peuvent interférer l'un avec l'autre, quelle
que soil leur différence de marche.
Dans son mémoire sur la double réfraction , Fresnel a fondé sur
cette loi expérimentale une démonstration du principe des vibra-
tions transversales ^'^ Je ne crois pas qu'on ait jamais contesté celte
démonstration: elle est cependant inexacte, et il m'a paru utile de
la rectifier.
Si l'on désigne par œ et x' les chemins parcourus par les deux
rayons depuis leur origine commune, et si l'on représente par
n -— a sin tin [y — \ — y ) ^
les trois composantes de la vitesse de vibration du premier rayon,
dirigées suivant trois axes rectangulaires dont l'un est parallèle à
la direction du rayon, le second perpendiculaire a cette direction el
parallèle au |)lan de polarisation, le troisième pc^rpendiculaire au
•' Mnnnirf'x tir /' {ratleiinf flrs snonvcx , I. VII, j>. r>(î.
74 NOTE SUR LES INTERFÉRENCES
plan de polarisation ; et aussi par
, . [t (p x\
f 1/ • ( ^ yù ^\
W = C Sin 3W ( ^ — y — y j ^
les trois composantes de la vitesse de vibration du second rayon
estimées suivant les mêmes axes, l'intensité de la lumière qui ré-
sulte de la combinaison de ces deux rayons sera exprimée par
a^ + a ^ -\- fàoa cos fàv - — ^^-y
+ l^ + b'^+ M' cosa^ ^"^^^"^
o /o. f ^ — ^' -\-X — x'
-f- C^+ C + 3CC COSQW-^^ ^-y
ï^ L'expérience , dit Fresnel , démontre que cette intensité reste
constante, quelques variations qu'éprouve la différence x — x' des
chemins parcourus, quand les deux faisceaux interférents ont leurs
plans de polarisation*perpendiculaires entre eux. Ainsi, dans ce cas,
la valeur de l'expression ci-dessus reste la même pour toutes les va-
leurs de X — x'; il faut donc qu'on ait
„2 ^ hi 4- c^ + ,,'2 + //2 ^ ^'2 ^ QOflVosaTr ^"^^'^"'^
+ ^hh' cos ÙTT
X
-h liCC C0S9W j = t.,
équation dans laquelle il n'y a de variable que x- x. Or, cette
équation devant être satisfaite, quelle qu€ soit la valeur de x —x\ il
est clair que tous les termes qui contiennent x x' doivent dispa-
raître, puisque sans cela on tirerait de l'équation des valeurs parti-
ruiières pour x x'; par conséquent on a
an =-- o , hh' = o , ce ^^ o.t
DE LA LUMIÈRE POLARISÉE. 75
Fresnel fait voir ensuite, sans difficulté, qu'on doit avoir simul-
tanément
f? = , et a = y
avec
h=o. f' = o, ou 6' = o, r=o.
L'erreur contenue dans le passage cité est, il me semble, assez
évidente. L'équation posée |)ar Fresnel étant mise sous la forme
Qtffl'cosQTT > +a6ycosQ7r . t
A Al X —X
+ ^CC COS 27r ^
COSQTT
^ — <t' y.— x'
!3/ifl^sin ^Tt ^ + "ibh' sin qtt ^ > i
Al» îl» ~~ ti> jr
. ., I sinîi7r^r-=^,
+ 9crsin27r-^-v-^
k étant une nouvelle constante égale à
on voit qu'elle sera satisfaite, pour toute valeur de x — x', si l'on a
simultanément,
K=o,
WCOSQTT ^ kJ^ +hh'cOS^Tt ^ X "^ ^ COS 3W "^--j-^ = O,
ansm^TT ^ "^ sinaTT ^ > ^ + ce smoTr ■^-y-^= o;
et ces conditions peuvent être vérifiées d'une infinité de manières,
qui paraissent toutes également admissibles, si l'on n'a recours à
d'autres considérations.
Voici maintenant comment la démonstration peut ôtre rendue ri-
goureuse. Soient
u= a smQTT ( ?p — T- Il
(t) / I' = ft sinâTT (^ — ^ji
ir = r sm îi TT ( «; — v- 1 ?
76 NOTE SUR LES INTERFÉRENCES
leii équations d'un rayon <|ui se pro[)age suivant la direction 0\
parallèle à u, el qui est polarisé dans le plan Y0\ parallèle à u et
S.((ig. ,8).
Si l'on ajoute une même quantité S aux quantités ^, x< ^< ^t
qu'on multiplie a, b. c par un roefiïcient constant m, on aura le sys-
tème suivant :
/t <p + S\
Ui^=ma sin aw I ™ — -'— r-
f, ^misinTiw (,j
n!, = i«fsmaB- ^ij — -ï-j^ 1 .
qui représentera encore un rayon polarisé dans le plan ^OX. Mais
ce rayon n'aura pas la même intensité que le précédent . et il y aura
entre les deux une différence de marche égale à S. Si maintenant
+ S\
on Tail tourner de ^o degrés le second rayon autour de l'axe 0\.
dans lésons indiqué par une flèche sur la figure, on aura un rayon
polarisé dans le plan Z0\. et les composantes de sa vitesse de vibra-
lion seront exprimées, parallèlement àO\, par
parallMeinent à 0^ . par
•ik-'-i^)'
'■ Li' »igne — ilv rctlv foniiiik t^'i>iplic|ur farilmient. Dan» upe roUlion de yo degré»
aillour de 'IX. fail.' dans lo M'n> Indîqut'. (IZ >ipnl <o plarpr «nimnl fl\'. r'cïl-à-dirc à
l'oppiwp dp U dinylion pnsiliin Hn l'aip des y.
DE LA LUMIÈRE POLARISÉE. 77
parallèlement a OZ, par
ti/= mh sin fi7r ( q^ — ^==-j — j •
Le système de ces équations, cjue nous appellerons les équa-
tions (a), ne peut pas être pris, a priori, pour l'expression la plus
générale des rayons polarisés perpendiculairement au rayon des
équations (i), mais il est évidemment une forme possible de cette
expression, ce qui suffit à nos raisonnements.
En effet, l'intensité de la lumière résultant de la superposition
des rayons (i) et (a) étant
S
(a^ + 6^ + c^) ( 1 + pti^) + ama-^cos 27r <
— ^mbc Icos 97r — r — -— cos^tt - — v u
il résulte de la loi d'Arago et Fresnel qu'on doit avoir, quel que
soit j,
a-'cosaTr^- — oc (cos lit- — ^ — ^ — cos9w^^= — j — ^ 1 =(i.
dette équation se met aisément sous la forme
/rcosQTTv — ?3«csin97r^^^-v^ — sm27rT = ti,
et l'on en conclut immédiatement
/ï^= 0, hc sin 27r > = 0i (1 = o.
La condition <i^ = o indique que les vitesses de vibration n'ont
pas de composantes parallèles à la direction de propagation des
rayons lumineux, et, par conséquent, que les vibrations sont trans-
versales. La seconde condition peut être satisfaite en posant
bc r= ou sin QTT \ = o.
Si Ton adopte l'hypothèse hc-^ o, on voit que h ou c doit être nul,
et qu'en conséquence les vibrations sont parallèles ou perpendicu-
78 NOTE SUR LES INTERFÉRENCRS
laires au plan de polarisation. II suffît dflnc d'examiner si l'hypothèse
sinjff V — ^ o donne vraiment une solution de la question.
Or, la condition sin air ^'t = o peut être vérilîée par deim sys-
lèraes de solutions, savoir: par
Z — ^ = o- X — + = ^' X— "l* = î»^- ■ ■
et par
Z-'(' = i' X-'l' = — ' X~+ = T
Le premier système correspond à des vibrations rectîlignes dirigée^
suivant une droite telle que PP' {fig. 19), qui fait, avec le plan de
polarisation et au-dessus de ce plan, un angle POY = a détermine
par la formule
Le second système correspond à des vibrations dirigées suivant la
droite QQ', qui fait pareillement un
angle égal à a avec le plan de polari-
sation, mais en dessous. L'expérience ne
distinguant en aucune manière le de.<isus
et le dessous, la droite et ta gauche d'un
plan de polarisation, on doit considérer
les deux solutions comme également ad-
missibles.
''''■''■ Ainsi, les deux rayons dont les vibra-
tions sont dirigées suivant PP' et QQ' doivent ^re également re-
gardés comme polarisés dans le plan YY'. Faisons maintenant tour-
ner le rayon 00' de 90 degrés autour de sa direction de prop^ation,
de façon que ses vibralions soient dirigées suivant RR'; il devra
Olre regardé comme polarisé dans le plan ZZ'. perpendiculaire au
plan YY', et, en conséquence, d faudra que les rayons PP' et RR'
ne puissent pas interférer l'un avec l'autre, quelle que soit leur
différence de marche. Mais il est visible que ces deux rayons sont
placés dans des conditions oti iU peuvent interférer. Nous sommes
ainsi conduits à une cunclusion contradictoire avec l'expérience.
DE LA LUMIÈRE POLARISÉE. 79
L'hypothèse siwQTr ^ == o doit donc être rejetée, et il ne reste
(|u'une seule solution de la question, savoir :
bc= o.
On retrouve ainsi les ronclusions de Frosnel.
SUR L'INTENSITE
DES IMAGES LUMINEUSES
FORMEES AU FOYER
DES LENTILLES ET DES MIROIRS.
{COMPTES HENDUS DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, TOME XXXII, PA€E 2/i.)
• On admet, en général, que l'intensité lumineuse d'une image
formée au foyer d'une lentille est, à grossissement égal, proportion-
nelle à l'étendue superficielle de l'ouverture de la lentille. Cette
relation parait, au premier abord, assez évidente; elle est conforme,
d'ailleurs, au principe des forces vives, et, les applications qu'on en
fait à la théorie des instrumenta d'optique se trouvant confirmées
par Texpérience, on n'en saurait révoquer en doute l'exactitude.
Néanmoins on a élevé une objection, ou plutôt une difficulté
théorique assee sérieuse. D'après le système des ondulations, le foyer
d'une lentille est le point où. tous les rayons, partis en même temps
du point lumineux et réfractés par la lentille, arrivent à la même
époque. Ces rayons apportent tous au foyer des vitesses de vibration
égales et constamment de même phase; la vitesse de vibration de
Féther est donc, en ce point, proportionnelle au nombre des rayons
réfractés, c'est-à-dire à l'ouverture de la lentille, et, comme l'inten-
sité de la lumière est proportionnelle au carré de la vitesse de vi-
bration, il semble qu'elle soit proportionnelle au carré de l'ouverture
de la lentille.
Cette difficulté vient uniquement de ce qu'on ne distingue pas
les effets d'un point lumineux de ceux d'un objet lumineux d'étendue
sensible.
Verdet, I. - - Mémoires. 6
82 INTENSITÉ DES IMAGES LUMINEUSES
Un point lumineux dont les rayons viennent tomber sur une
lentille convergente donne lieu à la formation d'un point biiliant
en son foyer conjugué, où l'intensité est réelleipent proportionnelle
au carré de l'aire de la portion efficace de la lentille. Mais, autour
de ce point brillant, la lumière est sensible jusqu'à une certaine
distance, et forme un système de franges alternativement obscures
et brillantes, dont la grandeur et la figure dépendent de la gran-
deur et de la figure du diaphragme. C'est ainsi que, dans les lunettes
astronomiques, les images des étoiles brillantes s'entourent, tantôt
d'une série d'anneaux circulaires, tantôt de rayons divergents sui-
vant la forme du diaphragme. (Observations de M. Arago et des
deux Herschel.)
Si, au lieu d'un point lumineux, c'est un objet d'étendue angu-
laire sensible qui envoie ses rayons sur la lentille, à chaque point
de cette surface correspond, comme il vient d'être dit, un système
de franges autour de son foyer conjugué. Si les dimensions de ce
qu'on peut appeler l'image géométrique de l'objet sont très-grandes
par rapport à celles d'un de ces systèmes (et cette condition peut
être satisfaite par une image de dimensions absolues fort petites),
en chaque point de cette image, excepté au voisinage de ses limites,
il y aura une intensité lumineuse constante , résultant de la super-
position d'un grand nombre de franges obscures et brillantes appar-
tenant à divers systèmes. On conçoit que cette superposition puisse
produire une intensité lumineuse simplement proportionnelle à
l'aire du diaphragme.
Pour démontrer qu'il en est réellement ainsi, je considère d'abord
le cas où la lentille est limitée par un diaphragme rectangulaire.
Je remarque que, pour superposer des franges appartenant à des
systèmes différents, il suffit d'ajouter arithmétiquement leurs inten-
sités, d'après le principe connu de la non-interférence des rayons
d'origine diverse. J'exprime ainsi aisément l'intensité des points
de l'image qui ne sont pas très-voisins des bords, au moyen d'in-
tégrales définies connues, et je fais voir que cette expression est
simplement proportionnelle à l'étendue du diaphragme.
Je considère ensuite un diaphragme percé d'un nombre quel-
conque d'ouvertures rectangulaires de grandeurs quelconques, se-
AU FOYER DES LENTILLES. 83
parées par des intervalles quelconques et assujetties à la seule condi-
tion d'avoir leurs bords parallèles à deux droites rectangulaires fixes.
Je fais voir que l'expression définitive de l'intensité est encore pro-
portionnelle à la somme des surfaces des ouvertures.
Or, quelle que soit la forme de l'ouverture d'un diaphragme, on
pourra toujours la regarder comme l'assemblage d'une infinité
d'ouvertures rectangulaires infiniment étroites, et les raisonnements
précédents deviendront applicables. Il sera ainsi démontré que l'in-
tensité de l'image est toujours proportionnelle à la grandeur de
l'ouverture.
Les mêmes considérations s'appliquent aux images données par
les miroirs sphériques, sans y changer un seul mot.
Enfin il résulte des calculs développés dans le mémoire que la
quantité totale de lumière contenue dans le système des franges
produites par un point lumineux unique est simplement proportion-
nelle à l'étendue de l'ouverture. Ce résultat a déjà été obtenu par
M. Kelland, dans le cas particulier d'un nombre quelconque d'ou-
vertures égales et équidistantes.
<).
SLR L'INTENSITE
DES IMAGES LUMINEUSES
FORMEES AU FOTBR
DES LENTILLES ET DES MIROIRS.
{ANNALBS DE CHIMIE ET DE PHYStQOE. 3* SBRIB, TOMB XXXI, PAGB 489.
On admet géaéralemeat que Tintensitë lumineuse d'une image
formée au foyer d'une lentille ou d'un miroir est, à grossissement
égal, proportionnelle à l'étendue superficielle de Touverture de la
lentille. Cette relation paraît, au premier abord, assez évidente; elle
est conforme au principe des forces vives, et, les conséquences qu'on
en déduit dans la théorie des instruments d'optique se trouvant vé-
rifiées par l'expérience, on n'en saurait révoquer en doute l'exac-
titude.
Néanmoins on a proposé une difiiculté théorique assez sérieuse.
D'après le système des ondulations, le foyer d'une lentille est le
point où tous les rayons, partis en même temps du point lumineux
et réfractés par la lentille, arrivent à la même époque. Ces rayons
apportent tous au foyer des vitesses de vibration égales et cons-
tamment de mémo phase; la vitesse de vibration de l'éther est donc,
en ce point, proportionnelle au nombre des rayons réfractés, c'est-
à-dire à l'ouverture de la lentille, et, comme l'intensité de la lumière
est proportionnelle au carré de la vitesse de vibration, il semble
qu'elle soit aussi proportionnelle au carré de l'ouverture de la len-
tille î').
Cette difficulté vient uniquement de ce qu'on ne distingue pas
(') Cette difficnlté a éïé indiquée par M. Babinet dans une commnnicaHon verbale à
rAradémie dos sciences, le 19 juillet 18^7.
INTENSITE DES IMAGES LUMINEUSES, ETC. 85
les effets d'un point lumineux de ceux d'un objet lumineux d'étendue
sensible.
Un point lumineux dont les rayons viennent tomber sur une len-
tille convergente donne lieu à la formation d'un point brillant, en
son foyer conjugué, où l'intensité est réellement proportionnelle au
carré de l'aire du diaphragme qui limite la section efficace de la
lentille. Mais, autour de ce point brillant, la lumière est sensible
jusqu'à une certaine distance, et forme une série de franges, alter-
nativement obscures et brillantes, dont la grandeur et la figure dé-
pendent de la grandeur et de la figure du diaphragme. C'est ainsi
que, dans les lunettes astronomiques, les images des étoiles bril-
lantes s'entourent tantôt d'une série de cercles, tantôt de rayons
divergents suivant la forme du diaphragme placé devant l'objectif.
(Observations de M. Arago et des deux Herschel.)
Si, au lieu d'un point lumineux, c'est un objet uniformément
brillant et d'étendue angulaire sensible qui envoie ses rayons sur la
lentille, à chaque point de cet objet correspond, comme il vient
d'être dit, un système de franges qui environnent le foyer conjugué.
Si les dimensions de l'image géométrique sont grandes par rapport
à celle d'un de ces systèmes, en chaque point de cette image, ex-
cepté tout près de ses limites ^^^ il y aura une intensité lumineuse
constante, résultant de la superposition d'un grand nombre de
(ranges obscures et brillantes appartenant à divers systèmes. On
conçoit que cette superposition puisse produire une intensité lumi-
neuse simplement proportionnelle à l'aire du diaphragme.
Ces remarques très-simples suffisent pour écarter les difficultés;
mais, pour résoudre complètement la question, il est nécessaire de
démontrer que la théorie des ondes conduit au principe de l'exacte
proportionnalité entre l'éclairement des images et l'étendue de la
surface efficace des lentilles. On y parvient à l'aide des principes qui
servent à l'explication de la diffraction.
Considérons d'abord le cas particulier ou la lentille est limitée
par un diaphragme rectangulaire. Prenons un point lumineux situé
^') En raûon de la petitesse des longueurs d'ondulation par rapport aux dimensions de
icniJIIes, cette condition peut être satisfaite par des images réellement très-petites.
86 INTENSITE DES IMAGES LUMINEUSES
sur i'axe de la lentille. On sait que Tonde émanée de ce point est
transformée par la lentille en une onde sphérique concave ayant
pour centre le foyer conjugué (^). Soit, en ce foy^, l'origine d'un
système de coordonnées rectangulaires dont Taxe des z soit dirigé sui-
vant Taxe de la lentille, et les deux autres axes parallèlement aux
côtés du diaphragme. Désignons par x, y, z les coordonna d'un
élément d^ca de l'onde sphérique; par ^, 9, celles d'un point voisin
du foyer, situé dans le plan des x, y, c'est-è-dire dans le plan où
se forme l'image lumineuse. Si l'on représente^ è un instant donné,
par
t
Sm STT^
la vitesse de vibration des molécules de l'onde sphérique, la vitesse
de vibration envoyée par l'élément i^ca au point (^, 9) pourra être
représentée proportionnellement par
J2 • (t \/(x-Ç)V(7-)|)*H-r
(Poj sin 2w l y ^^ — Y'
Kn appelant K la distance focale, on a
H , par suite ,
V ( a: - C)2 + (y - „ )2+ 2« = v'R^ _ ,, xÇ _ ,,j,^ + ^1+ „^
el , à cause de la petitesse de Cet de )|,
D'ailleurs, dans le cas d'une lentille peu étendue, le seul qu'il y ait
à considérer, d^oj est sensiblement égal à dx dy, et l'expression ci-
^'' (]c principe est dëmoiilré dans plusieurs ouvra^jes d'oplique, uolauiiiienl dans le^
Matheihatical Tract* de M. Airy. Il (•(ail d'ailleurs connu de Frcsnel, qui en a fait iRa|;i>
dans son méuioin> sur la diflTracliou.
AU FOYER DES LENTILLES. 87
dessus se réduit à
= dx dy cos un I — »^ ) sin qtt ( ?p — ^ )
+
dx dy sin*i7r ( — dT^ ) cos qtt I ^ — ^- )
La vitesse de vibration au point (€,>;) étant la somme algébrique
des vitesses envoyées par les divers éléments de l'onde, on en aura
la valeur en intégrant l'expression précédente entre les limites dé-
terminées par le diaphragme. Soient a et i les coordonnées paral-
lèles aux X et aux y d'un des sommets du diaphragme rectangulaire,
e eii les dimensions des côtés de ce diaphragme, on aura à déter-
miner
(t R\ r^-^^^j r'^'^j fxè-hyv\
sm
+
et, d'après les règles connues de la théorie des ondulations, la somme
des carrés des deux intégrales, par lesquelles sin qtt (??;— j-j et
= — T- j sont respectivement multipliés, exprimera l'intensité
lumineuse résultante. Or il n'est pas difficile de voir que les deux
intégrales se réduisent à
^;j|;jsm7r^.sm7r^cosQ7r ^
et à
R*V . cg . dt) .
sm TT 17T • sm TV ITT sm 97r
("+i) «+('+;)'
nt'^t) "" RX ""' '• RX ^"' RX
dont la somme des carrés est
88 INTENSITÉ DES IMAGES LUMINEUSES
En posant
cette expression se met sous la forme
sin*u sin*r
ra* • — ;
II* r
s "•
et l'on voit qu'en chaque point l'intensité de la lumière est propor-
tionnelle au carré de cd, c'est-à-dire au carré de l'ouverture rectan-
gulaire.
Un autre point de l'objet lumineux, ayant son foyer conjugué
dans le plan qui a été pris pour plan des xy, au point (a, jS), don-
nera un autre système de franges qui sera représenté, à très-peu
près, par les formules précédentes, où l'on aura changé Ç en Ç— a,
n en )| — jS, c'est-à-dire par
7r*(ç- a)' (>7 — jS] lu Ra
Les intensités développées par les divers points de l'objet lumineui
au point (5, 1) s'ajouteront arithmétiquement ^ en vertu de la règle
connue de l'addition des lumières qui proviennent de sources diffé-
rentes. La valeur définitive de l'intensité résultante au point (Ç, v)
sera donc l'intégrale
//''«*
R'^' • a c(g-a) • j d(i|-i3)
prise enire les limites convenables.
Si, comme on l'a supposé, les dimensions de l'image géométrique
de l'objet lumineux sont très-grandes par rapport à celles de la por-
tion sensible d'un système de franges, la différence des limites sera
très-grande par rapport aux longueurs d'ondulation, et l'on pourra,
excepté si le point (Ç, 11) est très-voisin de la limite de l'image
géométrique, remplacer l'intégrale précédente par celle-ci, dont
la valeur est indépendante de Cet de >y, et peut, d'ailleurs, s'ob-
AU FOYER DES LENTILLES. 89
tenir aisément :
En posant
et faisant usage de la formule connue
(I)
J — oo "
cette intégrale se réduit à
expression qui est simplement proportionnelle à l'étendue de l'ou-
verture rectangulaire.
Le principe est donc démontré pour le cas d'une ouverture rec-
tangulaire. Prenons maintenant le cas où le diaphragme est percé de
deux ouvertures rectangulaires, égales ou inégales, situées à une dis-
tance quelconque l'une de l'autre , mais ayant leurs bords parallèles.
Conservons les mêmes notations que précédemment, et représen-
tons par ai,&i, C|, J| les données relatives à la seconde ouverture qui
sont représentées par a, h, c, d pour la première; le point de l'objet
lumineux situé sur l'axe de la lentille enverra au point (^, ri) une
vitesse de vibration représentée par
^*) Kella», Tramactiont de In Société philoiophique fie Cambridge, t. VIT, p. i56.
90
INTENSITÉ DES IMAGES LUMINEUSES
En effectuant ies intégrations, et exécutant quelques transforma-
tions très-simples, cette expression se met sous la forme
[sin TT ^ sm TT ^ cos a^ ^
d;
(0 '-,
+ Sin TT j^ Sin TT ^ COS 2
'^ lu ^J
cos9,r(ç-j^j^^
v> , • c| . dm .
X I sm ir pT sm ir ^r sm aw
(°-;)5*('*')'
RX
+ sin7rï7T sinTT jT-j- sin 9
'' RT" J'
D'oiî l'on conclut l'intensité de la lumière au point Ç. q, savoir
;f|v L'"" rx *'" ' rx + =*'" ' Tû
s • o rf|1
Sin^TT
RX
Xcos 97r
(«n)f- ('-;)• ■
RA
(^0
Xcos37r
RX
-I- 2 sin TT ^ sin TT ^ sin TT ^ sm -n ^
Xsin 97r
Xsin iiTT
(-:)f*(»*
3"
("-
RX
-'ï)"
RX
AU FOYEB DES LENTILLES. 91
Les mêmes raisonnements que dans le cas d'une seule ouverture
font voir que l'intensité définitive s'obtient en multipliant l'expression
précédente par d^dri^ et l'intégrant par rapport aux deux variables
de — cx) à + cx>. Les parties de l'intégrale données par les deux pre-
miers termes de la quantité entre crochets se réduisent évidemment à
quantité proportionnelle à la somme des étendues des deux ouver-
tures rectangulaires. Quant aux autres parties de l'intégrale , on peut
démontrer qu'elles sont nulles , et (fu'en conséquence l'intensité est
bien proportionnelle à la somme de ces étendues.
En eflet, on peut remplacer la somme du troisième et du qua-
trième terme de l'expression comprise entre les crochets par la sui-
vante, qui lui est identique :
9 sm TT j^ sin TT ^ sin TT ^ sin TT i^^
X cos air
(a-a. + îi^)|
RX
d-d;
X cos 37r j^j
— 9 smTT j^smw^ smTT-^smTT jT^
Xsm 97r
(a-«, + £^)l
KX
Xsm 27r
(»-»,+^-^).
et l'on a à considérer la différence des deux intégrales
[\*X* p
^"5FJ-ooh^^'"''nX"''"'''SÂ^"'"''' RI
i^) xf
oo
- oo
C0S3« ^ J
92 INTENSITÉ DES IMAGES LUMINEUSES
h'X* { r°° dn . du . d.v ■
(4) / A» M^ . cl . c,Ç
X sin aw
Pour démontrer que l'iulégrale (3) est nulle, considérons seule-
ment rintégratîon relative à & 11 est facile de voir qu'on a, identi-
quement»
sin w KT sin w TîT cos aw
RX"""" RX ""'-'• RX
^ - cos w — p>, cos air 05
» (c
..,j («-.+'-?)£
COSTT ô\ — COS 37r o\
a nA Ha
1 I (g - a,)g (fl-a,+c-cj$
= - COS37r — ^ hcos27r -^ -^
— cos 27r D> cos 27r w^r
a nA a Ra
1 . 2 (g - a, - c,) g ,1.2 (g - fli -H g) ^
+ _,,n2^ RÂ +-sm2^ iâ—'
L'intégrale se décompose ainsi en quatre autres, qui sont de la
forme
r^sin^m^.
00 ç
Cette expression étant égale à m7r, d'après la valeur de
OC
AU FOYER DES LENTILLES. 93
qui a été donnée plus haut, on en déduit, pour l'intégrale cherchée,
la valeur
^ [-(«-- «i) - («-«1 -h ^-^i)
+ (« — a, — c,) + (iï — fl, +c)],
laquelle est nulle évidemment.
Considérons de même dans l'intégrale (&) l'intégration relative à ^.
Si Ton change ? en — Ç, dans l'expression différentielle , on obtient
évidemment des éléments égaux et de signes contraires; et par con-
séquent l'intégrale, prise entre l'infini négatif et l'infini positif, doit
être regardée comme nulle, pourvu qu'elle ne soit ni infinie ni in-
déterminée lorsqu'elle est prise entre zéro et l'infini positif. Or, si
Ton désigne par p un nombre fini quelconque, on peut remplacer
l'intégrale, prise entre zéro et l'infini positif, par la somme des deux
suivantes :
J„ ïi«n»R5^sin,r^sin9,r ^
r°d^ cË cË («-"1 + ^^)^
qui, toutes les deux, ont une valeur finie. La première ne contient,
en effet, aucun élément infini, et est prise entre des limites finies;
la seconde est évidemment plus petite que
L'intégrale n'est donc pas infinie. Elle n'est pas non plus indéter-
minée, car il est visible que l'élément différentiel tend vers la limite
zéro, lorsqu'on fait croître ^ indéfiniment. H est donc démontré que
rintégrale désignée plus haut par (A) est nulle.
Ainsi l'expression définitive de l'intensité lumineuse se réduit aux
termes dont la somme est proportionnelle à la somme des ouvertures
des deux diaphragmes. Le principe est donc vrai dans le cas parti-
culier de deux ouvertures , comme dans le cas d'une seule.
Il est facile de passer de là au cas plus général d'un nombre quel-
conque d'ouvertures rectangulaires de grandeurs quelconques, sé-
parées par des intervalles quelconques, et assujetties à la seule con-
9& INTENSITÉ DES IMAGES LUMINEUSES
dition d'avoir leurs bords parallèles à deux droites rectangulaires
fixes. Sans recommencer de nouveau les calculs, on voit que Texpres*
sion définitive de l'intensité contiendra deux séries d'intégrales , sa-
voir : 1** les intégrales suivantes :
+
lesquelles* prises entre Tinfini négatif et l'infini positif, donnent une
somme égale à
c'est-à-dire proportionnelle à la somme des étendues superficielles
des ouvertures, et 9** une série d'intégrales de la forme suivante:
RX
RX
+ sm TT -^ sm TT ^ sm tt -^ sin tt -^
(«■*ï)5+('-4)'
Xcos aTT
Xsm f^TT
RX
d.
Xsm 97r
RX
En vertu des raisonnements qui ont été faits tout à l'heure, cha-
cune des intégrales de cette dernière série est nulle entre — 00 et
4- oc. 11 ne reste donc qu'une expression proportionnelle à la somme
des ouvertures du diajdiragme.
AU FOYEK DES LENTILLES. 95
Soit enfin un diaphragme dont l'ouverture ait une forme et une
grandeur quelconques. En décomposant cette ouverture en une
infinité d'ouvertures rectangulaires infiniment petites, on peut lui
appliquer les conséquences des raisonnements précédents.
Le principe que nous avions en vue d'établir se trouve ainsi dé-
montré d'une manière générale ^^K
Il n'y a pas un mot à changer dans tout ce qui précède pour
qu'on puisse l'appliquer à un miroir. Le théorème est donc vrai dans
le cas des miroirs et dans le cas des lentilles ^^\
Enfin, si l'on voulait déterminer la quantité totale de lumière qui
existe dans le système de franges dont le foyer est environné, dans
le cas d'un point lumineux unique, il est facile de voir qu'on aurait
précisément à prendre les mêmes intégrales que ci-dessus, entre les
mêmes limites, c'est-à-dire entre l'infini positif et l'infini négatif.
On démontrerait ainsi que cette quantité totale de lumière est pro-
portionnelle à la somme des étendues des ouvertures du diaphragme,
quels qu'en soient la forme et le nombre. M. Kelland avait déjà ob-
tenu ce résultat, mais seulement dans le cas d'ouvertures rectangu-
laires, égales et équidistantes, constituant un réseau de Frauenhofer
[Transactions de la Société philosophique de Cambridge, t. Vil).
^'ï II est bon de remarquer que Texpression de Tintensifé de la lumière
n^esl proportionnelle qu'en apparence au carré de la distance focale R, car il faudrait, pour
tenir compte de raffaiblissement de la lumière avec la distance, diviser précisément chaque
élément des intégrales par le carré de la distance de Tonde au point éclairé, c'est-à-dire à
très-peu près par le carré de R.
^) IVos calculs et nos raisonnements ne semblent s'appliquer qu'au cas particulier d'une
lentille aplanélique ; mais si l'on remarque que , d'après la théorie générale des caustiques ,
la surface de l'onde réfractée par une lentille peu étendue diflère très-pou d'une sphèn»
ayant peur centre le foyer des rayons centraux, on reconnaîtra que nos conclusions ont
toute la généralité désirable.
SliR L'EXPLICATION
bl
PHÉNOMÈNE DES COURONNES
{AmALES DE CHIMIE ET DE PHYSIQUE, 3* SERIE, TOME X\X1V, PAGE 128.)
Les couronnes sont les cercles colorés qu'on voit autour du soleil
ou de Ja lune, lorsque l'atmosphère est chargée de vapeurs vésicu-
laires, et qui paraissent immédiatement en contact avec le disque
de ces astres, présentant leurs couleurs dans l'ordre caractéristique
des phénomènes de diffraction, le rouge en dehors et le violet en
dedans.
Les physiciens s'accordent à rapporter ces phénomènes à la dif-
fraction produite par les globules de vapeur répandus dans l'atmos-
phère; et comme on peut reproduire des apparences tout à fait
semblables en regardant un objet lumineux à travers une lame de
de verre recouverte, soit de vapeur aqueuse condensée, soit d'une
poussière à grains fins et sensiblement égaux, telle que la poussière
du lycopode, il ne saurait y avoir aucun doute sur l'explication
généralement admise. Mais il y a, dans la manière de présenter
celte explication, des dilïicultés qui n'ont pas encore été résolues, à
ma connaissance.
Quelques auteurs, ayant complètement assimilé le phénomène
des couronnes au phénomène des réseaux, ont pensé que la distri-
bution régulière des globules de vapeur ou des grains de poussière
était aussi nécessaire que l'égalité de leurs diamètres, et qu'en con-
séquence le diamètre angulaire des anneaux ne dépendait pas de la
grandeur des parties opaques, mais de la somme des grandeurs
d'un intervalle opaque et d'un intervalle transparent ^'•. Il est facile
^^^ Telle est Topin ion développée par M. Delozenne dans un premier inëmoire Mir les
VEhDRT, î. — Mémoires. 7
^« SUR L'EXPLICATION
<le proirver, par diverses raisons, que celte théorie n'est |ias Texpres-
fîîon exacte des phénomènes.
Premièrement, il n'est guère possible de concevoir Texistence
ifune distribution régulière des globules de vapeur qui flottent dans
Tatmosphère ou des grains de poussière qu'on projette tout à fait
au hasard sur une lame transparente.
En second lieu, dans son mémoire inséré au tome III des Asiro-
uomische Abliandlungen de Schumacher, Frauenhofer a déterminé,
avec son habileté ordinaire, les lois exactes des apparences colorées
produites par un système de disques circulaires opaques égaux entre
eux, mais distribués d'une manière quelconque au devant de l'œil.
Il introduisait entre deux lames de verre un grand nombre de
petits disques métalliques égaux, dont le diamètre lui était connu,
et, plaçant ce système au devant de la lunette de son appareil, il
mesurait les diamètres des anneaux colorés. Il a reconnu ainsi que
les diamètres des anneaux brillants étaient en raison directe des
longueurs d'ondulation, et en raison inverse des diamètres des
disques, et nullement de la somme d'un intervalle opaque et d'un
intervalle transparent. Ces lois ont été con6rmées plus tard par les
expériences de xM. Babinet ^^K
La question est donc d'expliquer comment des disques ou des
globules circulaire^ égaux entre eux, mais distribués sans aucune
régularité, produisent un système d'anneaux colorés aussi r^[uliers
et soumis à des lois aussi simples. Frauenhofer pense que chaque
globule produit individuellement un système d'anneaux, et que la
superposition de ces systèmes identiques constitue l'apparence obser-
vée. Tous les globules envoyant par diffraction la même couleur
dans une direction donnée, l'œil ne doit voir que cette couleur dans
cette direction ; il voit une autre couleur dans une direction diffé-
rente, et la succession des couleurs présente les mêmes alternatives
que dans le cas d'un seul globule. H est facile de voir combien cette
application est imparfaite : elle suppose d'abord, ce qui n'est pas
couronnes (Mémoirei de la Société royale de Lille y 1837), et admise par divers aateors
fie traités de physique. Dans un second mémoire public en i838 dans la même collectioii,
M. Delezenne a réfuté lui-même les expériences qui l'avaient conduit à celle théorie. Nous
«Tovons donc inutile de les discuter.
'') Comptes rendus des séances de l'Acadétnie des sciences, t. VI.
DU PHÉNOMÈNE DES COURONNES. 99
admissible, qu'autour de chaque globule la lumière est diffractée
comme s'il n'y avait pas d'autres globules dans le voisinage ; elle ne
ne lient aucun compte de l'interférence possible des rayons diffraclés
par des globules différents; enfin, elle ne copsidère pas même exac-
tement l'action exercée par un globule unique placé à la surface
d'une onde lumineuse.
M. Babinet a donné le véritable principe de la théorie dans son
mémoire d'optique météorologique inséré au tome VI des Comptes
rendus de V Académie des sciences : «Un point lumineux, dit M. Ba-
ttbinet, produisant son image ordinaire au fond de l'œil, si, hors
«de la ligne qui joint le point à l'œil, mais assez près de cette
«ligne, on place un petit obstacle opaque, l'effet de ce petit corps
«opaque sera exactement le même que celui d'une ouverture toute
«pareille illuminée par la lumière incidente, en sorte que, autant le
«globule semble devoir produire d'opacité, autant, en réalité, il
«produit d'illumination. Ce paradoxe trouve son explication très-
« facile dans la théorie des ondes. En effet, il résulte des interfé-
«rences que la partie efficace d'une onde se réduit à un petit cercle
«tel, qu'entre le rayon direct venu du centre du cercle et celui qui
«vient de la circonférence de ce cercle il y ait un quart d'onde de
«différence. Tout le reste de l'onde peut être considéré comme
«s*entre-détruisant mutuellement par l'effet des interférences; mais,
«par l'interposition d'un globule, vous supprimez une partie de
«cette onde nécessaire à la destruction des ondes élémentaires qui
«existent dans son voisinage, vous faites renaître celles-ci que la
«partie supprimée ne détruit plus, et vous revenez au théorème ci-
« dessus, savoir : que le globule interposé produit autant d'illumi-
« nation qu'il semble devoir en éteindre. Ensuite le carré de l'inté-
«grale des petits mouvements dérivés vous dira à quelle position,
«à quelle distance angulaire cette illumination sera efficace, et
«quelle sera l'intensité de cette lumière à toute distance angulaire
«des particules considérées, jî
On peut opposer à cette théorie la même difficulté qu'à celle de
Frauenïiofer. Elle serait exacte s'il n'y avait qu'un seul globule entre
Tϔl de l'observateur et le corps lumineux, ou si du moins les glo-
bules étaient séparés par des intervalles très-grands relativement à
/ •
100 SUR L'EXPLICATION
leurs dimensions; mais, du moment où leurs distances sont assez
petites pour que les effets de l'un d'entre eux soient modifiés par
les globules voisins, on ne voit plus ce qui doit résulter de toutes
ces modificatious.
L'explication suivante nous paraît dégagé*» de ces diverses diffi-
cultés.
Considérons la surface d'une onde lumineuse sur laquelle se
trouvent distribués, d'une manière irrégulière, un grand nombre de
corpuscules opaques, circulaires et égaux. Tous les rayons qui
viennent de la surface de l'onde, parallèlement à une direction don-
née, tomber sur l'ouverture de la pupille ou sur l'objectif de la lu-
nette qui sert à l'observation du phénomène, convergent en un même
point de la rétine ou du plan focal de l'objectif, et l'intensité de la
lumière en ce point résulte de leur interférence réciproque. Comme
ils constituent un cylindre oblique, ayant pour base l'ouverture de
la pupille ou celle de l'objectif, il est clair qu'ils proviennent d'une
partie de la surface de Tonde (supposée sensiblement plane), égale
en étendue à cette base, et, par conséquent, très-grande par rap-
port aux longueurs d'ondulation et ])ar rapport aux diamètres des
corpuscules. Les divers cylindres parallèles à diverses directions ne
proviennent pas de la même partie de la surface de l'onde, mais de
parties égales et recouvertes de globules irrégulièrement distribués.
Néanmoins il est facile de voir que les intensités de la lumière aux
divers points de convergence doivent varier de la même manière
que si tous ces cylindres provenaient d'une même partie de la sur-
face de l'onde sous diverses inclinaisons, et c'est évidemment aux
variations de ces intensités, si elles ont lieu suivant une loi régu-
lière, que sont dues les apparences des couronnes.
Le problème peut donc être remplacé par un problème équi-
valent. Il s'agit de déterminer suivant quelle loi varie l'intensité de
la lumière envoyée dans diverses directions par une portion limitée
d'onde plane, recouverte de corpuscules égaux et circulaires, dis-
tribués sans aucun ordre régulier. Cette portion limitée de l'onde
est de forme circulaire, et peut être assimilée à une ouverture cir-
culaire de très-grande dimension; mais il est inutile de restreindre
ainsi la question, et Ton peut la résoudre en supposant une forme
DU PHÉNOMÈNE DES COURONNES. 101
quelconque à l'ouverture liypothétique qui représente une partie de
Tonde plane.
Pour y parvenir, il suffit de remarquer qu'une onde plane, tom-
bant sur une très-grande ouverture de forme quelconque, n'envoie
au delà de l'ouverture une lumière sensible que dans la direction
normale à Tonde, et que, dans toute direction tant soit peu diffé-
rente, les vitesses envoyées par les divers éléments se détruisent
presque entièrement par interférence. Si l'on dispose sur cette ou-
verture un grand nombre de petits corpuscules opaques, de manière
à. la transformer en quelque sorte en une réunion de petites ouver-
tures, on rend sensible la lumière envoyée dans des directions
autres que celles des rayons incidents. Il suit de là que la vitesse de
vibration envoyée dans une telle direction par les parties de l'onde
non interceptées par les corps opaques est sensiblement égale et de
signe contraire à celle qu'enverraient les parties interceptées, puis-
que, si les corps opaques n'existaient pas, la résultante de ces deux
vitesses serait à peu près nulle. L'intensité de la lumière étant d'ail-
leurs proportionnelle au carré de la vitesse de vibration, on voit
que les intensités produites par les deux parties de la surface de
l'onde sont sensiblement égales entre elles. Donc, en définitive, les
effets d'une grande ouverture recouverte de corpuscules opaques sont
identiques à ceux d'un système de petites ouvertures égales aux
grains opaques et distribuées de la même manière.
Si, comme cela a lieu dans les circonstances favorables à la pro-
duction naturelle ou artificielle des couronnes, tous les grains opa-
ques sont circulaires et égaux entre eux, on a simplement à consi-
dérer les phénomènes produits par un système de j)elites ouvertures
circulaires égales entre elles, mais irrégulièrement distribuées, et
la question n'offre plus de difficulté. (Considérons l'une quelconque
de ces ouvertures circulaires : la vitesse de vibration qu'elle envoie
dans une direction donnée dépend de l'angle ^ compris entre cette
direction et la normale; on peut donc la représenter par le |)roduit
d'une fonction de cet angle et du sinus d'un arc proportionnel au
temps, r'est-à-dire par
F((p)sin QTTr-p ' •
**^ I^ fonction fjni *»sl ici il<»si|rn(»o par F(<?) nVst poini pxprimahip en Jonnefs finis,
102 SUR L'EXPLICATION
Les éléments d'une deuxième ouverture circulaire enverront
dans la même direction des vitesses qui ne différeront des vitesses
envoyées par les éléments correspondants de la première que par
une différence de marche constante pour tous les éléments, mais
dépendant de l'angle <p et de la position relative des deux ouvertures.
Soit Si cette différence : on pourra représenter la vitesse résultante
par
F((p)sin..(i-^).
Les vitesses envoyées par les autres ouvertures auront des expres-
sions semblables, et, en définitive, la vitesse envoyée par le système
entier dans la direction (^ sera
F((p) sin 37r^ + sin ^^ (x~~x) "^ ^^'^ ^^ (t~"x) "^' ' ' r
et l'intensité de la lumière sera, d'après les règles connues des inter-
férences,
[F((p)]2[(i+cos2w|^ + cos27r^H y
+ f sin QTTy + sin îi7ry + - • • )" •
Si N est le nombre des ouvertures, cette expression se réduit à
/ S S
[F((P)]2 f N + 3C0S37ry+2 COS 27ry + - • •
^1 ~" ^1 I ^1 ~ ^ 1 I
+ 2 COS 27r -*y — - + 2 cos 27r -^- — - + • •
I *^1 ~ *^T I ^1 "" ^4 I
+ 2 cos 27r-^y — --h 2 cos ^jir-^ — ^ +
+
)
mais M. Knocbenbauer a démontré quelle était é^jale à la série suivante :
1 /7rrsin(p\* i /7rrsin(p\* i /Trrsin^N*
'-7:^ [~^r-) +(7:^- l-i^j -(..3.3)'4A~~);~J '^' ' "
où A désigne la longueur d^ondulalion et r le diamètre de fouverture {Die Undukuùmê'
théorie des Lirhles, p. 33). M. Schwerd a donné une table des valeurs de cette fonclion
et de son carré depuis ^ — o jusqu'aux valeurs où elle cesse d'avoir une valeur sensible;
de telle sorJo qu'on peut la considérer comme aussi bien connue que si elle était 8uscep-
liblc d'une expression finie.
DU PHÉNOMÈNE DES COURONNES. 103'
Or, si les ouvertures sont distribuées sans aucune loi régulière ,
les différences de phase S^, «Jlj----' ^i— S^^ ^i — S^,.,. auront,
quel que soit (p, un très-grand nombre de valeurs différentes les
unes des autres, de façon que les cosinus auront un très-grand
nombre de valeurs distribuées irrégulièrement entre -f i et — i.
Leur somme sera donc, en définitive, à très-peu près nulle et négli-
geable devant N. L'intensité de la lumière aura donc pour expres-
sion
N[F(ç)J^
De là résulte évidemment l'identité des anneaux colorés d'une seule
ouverture et de ceux d'un système d'ouvertures pareil au système
considéré. Il n'y a de différence que sous le rapport de l'intensité.
Le phénomène des couronnes doit donc être soumis aux mêmes
lois que celui des anneaux colorés d'une ouverture circulaire. Il en
résulte que les diamètres des anneaux brillants ne doivent pas être
exactement proportionnels aux nombres o,â,/i,6,..., comme on
Ta dit quelquefois , mais varier un peu moins vite.
Les diamètres des anneaux obscurs doivent aussi varier moins
vite que les nombres i , 3, 5, . . . , et même , pour le premier anneau,
la différence doit être assez grande. En effet, les déviations des
maxima de lumière sont, dans le cas d'une ouverture circulaire,
proportionnelles aux nombres
o 1/175 2600 3335 4a5o,
et celles des minima pro[)ortionnelles aux nombres
1098 2009 ^9^^ 38i() 4668^'^
Ces résultats paraissent, au premier abord, entièrement contraires
aux expériences de Frauenhofer. Lors(|ue Frauenhofer a mesuré
le diamètre des couronnes, comme il a été dit plus haut, il a trouvé
que, dans les anneaux produits par des disques métalliques de
o^yOfà'j de diamètre, les déviations de la couleur rouge étaient
égales à
iViW .VoS" S'il'',
^^' K?iOCHRNHACER, p. a6.
104 SUR L'EXPLICATION
et ces nombres suivent une loi toute différente de la loi théorique
qui vient d'être énoncée comme applicable aux déviations des
maxima de lumière. Mais il faut remarquer que Frauenhofer n'a pas
mesuré les diamètres des couronnes produites par la lumière rouge
homogène : il a simplement déterminé les positions des anneaux
rouges dans le système d'anneaux colorés produits par la lumière
blanche. Or, en examinant ces anneaux, on reconnaît que les points
qui paraissent colorés en rouge sont précisément ceux ou l'intensité
de la lumière est la plus faible. Ainsi les anneaux rouges ne corres-
pondent point aux maxima d'intensité de la lumière rouge, mais aux
minima moyens de la lumière blanche. Leurs diamètres doivent
donc varier suivant la loi qui exprime la déviation des minima de
lumière. Telle est effectivement la loi des nombres trouvés par
Frauenhofer; les déviations 3'i5", 5'58" et S'Ai" sont exactement
proportionnelles aux nombres 1098, 2009 et 9914, donnés par
M. Knochenhauer.
Les observations de Frauenhofer, bien loin de contredire la théorie,
la confirment complètement. Néanmoins, afin de ne conserver aucun
doute sur ce sujet, j'ai pris quelques mesures avec la lumière rouge
homogène, et le résultat en a été exactement conforme aux lois
théoriques. Au centre d'un théodolite semblable à celui de Frauen-
hofer, qui permettait de mesurer les angles de déviation à quinze
secondes près, j'ai fixé une plaque de verre recouverte de poussière
de lycopode, sur laquelle j'ai fait tomber des rayons de lumière
venus d'une lampe électrique placée à 8 mètres de distance, et, dis-
posant au devant de la lunette de l'instrument un verre rouge d'une
teinte bien homogène, j'ai déterminé les déviations des deux pre-
miers anneaux.
J'ai trouvé ainsi pour la déviation du premier anneau obscur
i°29'^5", et pour celle du deuxième q^Aq'. Admettant la première
déviation comme exacte, la théorie donnerait 2**4A' pour la seconde.
Par la même méthode, j'ai déterminé, dans le phénomène produit
par la lumière blanche, la déviation des deux premiers minima de
lumière, et j'ai obtenu les nombres ri5'/i5"et 9°2i'. Prenant
encore le premier nombre comme exact, le second serait, d'après la
théorie, a^i g'.
DU PHÉNOMÈNE DES COURONNES. 105
11 ne peut rester aucun doute sur la vraie loi des phénomènes ^' .
J'ai cherché encore à vérifier la théorie précédente en produisant
les phénomènes de diffraction dus à un système d'ouvertures circu-
laires égales, irrégulièrement distribuées. J'ai fait percer, dans di-
verses plaques de cuivre, un grand nombre de petits trous circu-
laires, égaux entre eux, mais distribués sans aucun ordre. En les
plaçant au devant d'une lentille achromatique, à une grande dis-
tance de l'ouverture très-petite par où s'introduisait la lumière, j'ai
obtenu 9 au foyer de la lentille, des systèmes d'anneaux . concen-
triques, entièrement semblables à des couronnes. Toutefois, le dia-
mètre des trous devant être d'au moins { de millimètre, si Ton veut
qu'ils soient bien réguliers et bien égaux, les anneaux, ainsi obtenus
sont beaucoup moins larges (|ue les couronnes produites par le lyco-
pode, et je n'ai pu en mesurer le diamètre, à l'aide de mon théodo-
lite, avec une exactitude suffisante.
Les raisonnements développés dans ce mémoire peuvent s'appli-
quer, sans modification, à la théorie des phénomènes produits par
un système de fils étroits, égaux et parallèles, mais séparés les uns
des autres par des intervalles inégaux. 11 en résulte que ces phéno-
mènes doivent être identiques à ceux que produirait une fente rec-
tiligne d'une largeur égale au diamètre des fils, et qu'en conséquence
on doit observer un système de franges dont les déviations sont en
raison inverse des diamètres des fils. Telle est la loi démontrée expé-
rimentalement par Young, et d'après laquelle ce physicien a cons-
truit l'instrument connu sous le nom (Yériometre, On voit que les
objections oppOvsées par divers auteurs à cet instrument ne sont pas
fondées.
Je ferai ren)arquer, en terminant, qu'il n'est |)as toujours permis,
dans la théorie de la diffraction, de substituer un système de petites
(0 Frauenhorer a commis une erreur du niénie genre (|ue celle qui vient d'être signalée,
dans rinterprétalion de ses expériences sur les phénomènes de diffraction produits par
une ouverture étroite à bords reclilignes. H a mesuré les déviations des franges rouges
qui fi^observent quand on fait usage de lumière Manche , elles a trouvées exactement pro-
porlîonnelles aux nombres a , U , 6, etc. Celte loi est précisément celle que la théorie
iiidk|ue pour les minima d'intensité; les maxima correspondent à des dé\iations propor-
tionnelles aux nombres o, 3,8(), 'i,()i, (),()'i, elc. Les franges rouges étant, comme dans
ie cas des couronnes , les points les moins «-claires de l'ensemble des franges, les expé-
riences de Frauenhofer s'arrordoni avec |;i théorie qu'elles paraissent contredire.
106 SUR L EXPLICATION DU PHÉNOMÈNE, ETC.
ouvertures transparentes à un système de petits corps opaques.
Ainsi les phénomènes produits par un fil de petit diamètre soot
entièrement différents de ceux que produit une fente étroite. U
est facile d'en concevoir la raison. Si une onde lumineuse tombe
sur une ouverture de dimension très-grande par rapport aux lon-
gueurs d'ondulation, on sait qu'il n'y a de lumière sensible trans-
mise que dans la direction normale de l'onde. Si l'on place sur celte
ouverture un système de petits corps opaques, de telle façon que
la vitesse de vibration envoyée, par les parties de l'onde non inter-
rompues, dans des directions différentes de la normale à l'onde,
acquière une valeur sensible, on peut dire que cette vitesse est sen-
siblement égale et de signe contraire à celle qu'enverraient les
parties de l'onde recouvertes par les corps opaques, puisque la
somme algébrique de ces deux vitesses doit avoir une très-petite va-
leur par rapport à elles-mêmes. Cela arrivera toutes les fois que les
corps opaques seront très-nombreux et très-rapprochés. Mais s*ils
sont peu nombreux et séparés les uns des autres par de grands in-
tervalles, les deux vitesses de vibration envoyées par les deux parties
de l'onde seront toutes les deux des quantités très-petites, et leur
somme algébrique, qui représentera toujours la vitesse envoyée par
l'onde entière, sera très-petite, sans qu'elles soient égales et de
signes contraires. L'application du principe dont on a fait usage
dans ce mémoire ne conduirait, dans ce cas. qu'à des résultats
erronés.
RECHERCHES
SUR
LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
DéVELOPPÉES DANS LES CORPS TRAl^SPARENTS
PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME.
{COÊIPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, TOME XXXVIII, PAGE 613.)
Parmi les nombreuses découvertes que la science doit à M. Fa-
raday, une des plus importantes est, sans aucun doute, la découverte
des propriétés optiques si remarquables que prennent les corps
transparents lorsqu'ils sont placés au voisinage d'un aimant ou d'un
électro-aimant. On a répété bien des fois, et dans des circonstances
variées, les expériences de M. Faraday; on a ajouté des faits intéres-
sants à ceux qu'il avait observés lui-même; mais on ne s'est guèro
occupé de déterminer par l'expérience les lois précises des phéno-
mènes.
La recherche de ces lois est l'objet du Iravaii dont je soumets
anjourd'hui la première partie au jugement de l'Académie.
Cette recherche peut sembler, au premier abord, beaucoup plus
compliquée que celle des propriétés optiques naturelles des corps
transparents. En effet, lorsqu'un fragment d'une substance transpa-
rente est soumis à l'action magnétique, lorsqu'il est placé, par
exemple, entre les deux branches d'un électro-aimant de M. Ruhm-
korff, les divers points de ce fragment ne peuvent être considérés,
en général, comme soumis à des influences égales de la part de
108 SLR LES PROPRIETES OPTIQUES
réleclro-aimanl; les pro|)riélés opllques doivent donc varier d'un
point à l'autre de la masse, et l'observation ne constate que l'effet
résultant d'un ensemble d'actions inégales.
Pour faire disparaître cet inconvénient et rapprocher les condi-
tions des expériences des conditions habituelles de toutes les re-
cherches optiques, il a suffi de terminer les deux branches de l'élec-
tro-aimant de M. Kuhmkorff par des armatures de fer doux, à surface
très-large. Lorsque la distance qui sépare les surfaces terminales
de ces deux armatures n'est ni trop grande ni trop petite, l'espace
intermédiaire constitue ce que M. Faraday appelle un champ magné-
tique d'égale intensité; en d'autres termes, une molécule de fluide ma-
gnétique placée partout où l'on voudra dans cet espace, excepté au
voisinage de ses limites, sera sollicitée par un système de forces dont
la résultante variera très-peu, soit en grandeur, soit en direction.
Pour abréger le discours, j'appellerai cette résulianie force magnétique.
De même on peut reconnaître que les propriétés optiques dévelop-
pées dans un fragment de substance transparente introduit dans cet
espace sont presque entièrement indépendantes de la position du
fragment , pourvu (pi'il ne soit pas trop voisin des limites. A cet effet,
on place le fragment dont il s'agit sur le trajet du faisceau de lu-
mière polarisée qui traverse l'appareil, on développe le magnétisme
de l'éleclro-aimant , et l'on fait tourner le prisme biréfringent qui
sert d'analyseur jusqu'à ce que l'œil reconnaisse la teinte de pas-
sage; on déplace alors la substance transparente parallèlement à elle-
même (afin que le faisceau lumineux en traverse toujours la même
épaisseur); tant que l'on n'amène pas la substance presque au con-
tact des armatures, la feinte de j)assage ne souffre aucune modifi-
cation.
Cette difficulté écartée , j'ai cherché s'il existait une relation simple
entre l'intensité des forces magnétiques et la rotation du plan de
polarisation d'un rayon de lumière qui traverse une substance trans^
parente parallèlement à la direction de ces forces. J'ai mesuré la
rotation du plan de polarisation par les moyens généralement usités,
spécialement par l'observation de la teinte de passage. Quant à l'in-
tensité des forces magnétiques, je l'ai déterminée h l'aide du prin-
cipe suivant, qu'ont établi les recherches de M. Neumann et de
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 109
M. Weber sur rinductioii. Si l'on dispose un conducteur circulaire de
manière que son plan soit parallèle à la direction de la force ma-
gnétique, et qu'ensuite, par un mouvement de rotation, on l'amène
à être perpendiculaire à cette direction, le courant induit dans le
conducteur circulaire est proportionnel à l'intensité de la force ma-
gnétique. En conséquence, j'ai fait construire avec du fil de cuivre
de o*""',75 de diamètre une petite bobine d'environ 3o millimètres
de diamètre sur i5 millimètres de hauteur, montée de manière à
pouvoir tourner de 90 degrés autour d'un de ses diamètres. Dans
chaque expérience, j'ai placé celte bobine entre les armatures de
Télectro-aimant, au point même où je devais ensuite placer la subs-
tance transparente ; je l'ai disposée de façon que son plan fût paral-
lèle à la ligne des pôles, et (|ue le diamètre autour duquel elle pou-
vait tourner fût perpendiculaire à cette même ligne; je n'ai eu qu'à
lui imprimer une rotation de 90 degrés, et à mesurer le courant
induit développé de cette manière pour mesurer l'intensité de la force
magnétique. Substituant alors à la bobine la substance transparente
à étudier, j'ai déterminé l'azimut de la teinte de passage, j'ai ren-
versé le sens du courant (en ayant soin de ne pas interrompre le cir-
cuit), j'ai déterminé le nouvel azimut de la teinte de passage, et
j'ai mesuré de nouveau l'intensité de l'action magnétique. La diffé-
rence des deux azimuts donnait évidemment le double de la rotation
du plan de polarisation, et je n'avais qu'à comparer cette différence
à la moyenne des intensités de la force magnétique déterminée au
commencement et à la fin de l'expérience. Je n'ai regardé comme
satisfaisantes que les expériences où la différence de ces intensités
n'excédait pas un centième de leur valeur moyenne.
Tai expérimenté sur le verre pesant de Faraday, le flint ordinaire
et le sulfure de carbone. La loi manifestée par les expériences a été
très-simple. Il y a proportionnalité entre la rotation du plan de
polarisation et l'intensité de la force magnétique. Cette proportion-
nalité se maintient, soit qu'on ïiisso. varier l'intensité de la force
magnétique, en faisant varier l'intensité du courant qui circule au-
tour de l'électro-aimant , soit qu'on change la distance des armatures.
Il résulte de là (ju'on peut formuler d(^ la manière suivante la loi
élémentaire du phénomène : r La rotation magnétique du plan de
110 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
polarisation produite par une tranche élémentaire d'une substance
monoréfringérente varie avec la distance et Fénergie des centres
magnétiques qui agissent sur la substance, exactement suivant la
même loi que l'action qu'exercerait le système de ces centres magné-
tiques sur une molécule de fluide magnétique occupant la même
position que la tranche considérée, fi
M. Wiedemann avait déjà démontré que la rotation produite par
l'électricité seule, sans l'intervention du magnétisme, était propor-
tionnelle à l'intensité des courants électriques. Ce résultat s'accorde
entièrement avec la loi précédente.
Je me trouve, au contraire, en contradiction complète avec une
loi formulée par M. Bertin, d'après laquelle la rotation due à l'in-
fluence d'un seul pôle magnétique décroîtrait en progression géomé-
trique, lorsque la distance de la substance transparente au pôle
croîtrait en progression arithmétique. L'explication de ce désaccord
n'est pas diflicile. M. Bertin considère comme pôle la surface termi-
nale du fer doux d'une des branches de l'électro-airaant de M.Ruhm-
korff. Or, cette surface ne saurait être regardée comme un pôle, du
moins si l'on attribue à cette expression le sens précis qu'on doit lui
donner : c'est un système de centres magnétiques distribués sur
une assez grande étendue, et dont l'action ne peut être assimilée à
celle d'un centre unique.
En efl'et, si, à l'aide de la bobine décrite plus haut, on cherche
comment varie l'action magnétique d'une branche de l'électro-ai-
manl, à diverses distances de l'extrémité de cette branche, on trouve
un décroisseraent très-lent et qui peut être passablement représenté
par une progression géométrique décroissante, comme le décrois-
sement des rotations du plan de polarisation. Si l'on ajoute à l'élec-
tro-aimant une des grosses armatures dont il a été question plus
haut, le décroissement de l'action magnétique est encore plus lent.
Il est, au contraire, plus rapide, si l'on remplace cette armature
par une armature terminée en cône. On voit donc que la loi énoncée
par M. Bertin n'est qu'une loi empirique, relative à l'appareil dont
il a fait usage; c'est une forme particulière de la loi générale que
j'ai énoncée.
Si la méthode expérimentale dont j'ai fait usage était exacte, il
DÉVELOPPÉES PAU L'ACTION DU MAGNÉTISME. 111
est facile de voir qu'en mesurant les rotations produites par diverses
épaisseurs d'une même substance , sous Finfluence d'une même force
magnétique, on devait trouver des nombres proportionnels à l'épais-
seur. Je n'ai pas négligé de tenter cette vérification, et les résultats
ont été entièrement satisfaisants.
RECHERCHES
SI R
LES PROPRIÉTÉS OPTIOUES
DE\ELOPPKES D.WS LKS CORPS TRWSPARENTS
PAR LACTION DU MAGNETISME.
PRKMIÈRK PARTIE.
i.l.W ALES DE CHIMIE ET DE PUïSIQrE. .V SERIK. TOME XIJ . PAGE 370.)
Parmi les nombreuses découvertes que la science doit à M. Fa-
raday, il n'en est pas de plus importante (pie la découverte des pro-
priétés optiques si remarquables que l'action du magnétisme déve-
loppe dans les substances monoréfringentes. Chacun sait qu'après
des recherches demeurées longtemps infructueuses M. Faraday .a
reconnu, en iS45 ' , que sous l'influence du magnétisme les corps
transparents agissent sur la lumière polarisée à la manière du quartz
et des li(|uides organiques actifs : si un rîivon de lumière polarisée
traverse un de ces corps parallèlement aiuv lignes de force magnè-
tique ' , le plan de [)olarisation subit une déviation dont la grandeur
' La premi«'*rr (t)ii)ii)unic<i(ion «les dikrouverlps de M. Faraday à la Soricl»' royale de
Londres esl du îî7 no\«»ii)liro iS'iO. Le i(|jan\ier iS!i(), une lellre de M. Faraday à
M. Dumas a fait connaître à l'Acadéinie des sciences de Paris les princi|)aux points do ces
décou\ertes. Le mëmoin» complet de l'auteur a étr puMit* dans les Transaction* pkihttO'
phiqufx de i8'i(}, cl tiaduil peu de temps après dans le«« \nna1ex df rhimip et dp phtfiufHf t
y série, t. Wll, p. 35().
'*■ On sait (juel «>st le sens (pie M. Farada\ attache à cette expression.
SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES, ETC. 113
dépend de la nature et des dimensions de la substance transpa-
rente, mais dont le sens ne dépend que du sens des actions magné-
tiques; si la direction du rayon lumineux est perpendiculaire aux
lignes de force magnétique, le plan de polarisation n'est pas dévié.
Ces propriétés peuvent se développer dans toute substance liquide
ou solide monoréfringente, particulièrement dans le verre pesant et
dans quelques liquides organiques doués d*un pouvoir rotatoire; il
n'y a pas d'ailleurs de relation bien évidente entre la grandeur de
la rotation et le pouvoir magnétique ou diamagnétique de la subs-
tance. Les gaz ne paraissent acquérir aucun pouvoir rotatoire sous
l'influence du magnétisme; les substances biréfringentes acquièrent
un pouvoir rotatoire très-faible. Enfin , l'emploi des électro-aimants
n'est pas absolument nécessaire à la production des phénomènes; on
les obtient aisément en plaçant la substance à étudier dans l'inté-
rieur d'une bobine traversée par un courant énergique ^^K
Les physiciens qui ont répété les expériences de M. Faraday
n'ont pas beaucoup ajouté aux faits précédents. La plupart se sont
occupés simplement de constater les phénomènes et de perfectionner
les moyens de les reproduire, sans en essayer une étude suivie et
surtout sans en rechercher les lois précises.
Tel a été, par exemple, l'objet des expériences communiquées
par M. Pouillet à l'Académie des sciences, le 26 janvier i846 ^^^
ainsi que des expériences de M. Edmond Becquerel ^'^ et de celles
de M. Bœttger ^^K On doit à M. Edmond Becquerel l'idée de faire
arriver le rayon de lumière par un trou pratiqué à travers les arma-
tures de l'électro-aimant, ce qui permet de faire agir sur les subs-
tances transparentes des forces beaucoup plus énergiques. On sait
conunent M. RuhmkorfT a su profiter de cette idée pour la construc-
tion de son appareil '^^K De plus , M. Edmond Becquerel a reconnu
(') Dans un article inséré au Philosophical Magazine, 3* série, t. XXIX, p. i53,
M. Faraday indique un moyen d^observation Irès-propre à manifester les phénomènes.
Ion même qu^ils n^ont qu'un faible degré d'intensité. Il n'a rien publié depuis sur la
^Mflion.
^') Compte» rendu* de» séances de V Académie des sciences y t. XXII, p. 1 35.
^') AimaleM de chimie et de -physique , 3' série, t. XVII, p. /137.
t*> Poggendorff^s Annaleiiy t. LXVII,p. 290 et 35o.
M L'appareil de M. RuhmkorfT se trouve aujourd'hui dans un grand nombre de
ViiDST, I. — Mémoires. 8
ll/i SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
que la dispersion des plans «de polarisation des diverses couleurs
est à peu près la même que dans le cas du cpiartz et du sucre de
canne.
M. Matlhiessen a fait connaître une liste assez nombreuse de
substances artificielles qui, sous l'influence du magnétisme, ac-
quièrent un pouvoir rotatoire considérable, et qui sont propres, par
conséquent, à remplacer le verre pesant de M. Faraday. Il est à re-
gretter que la plupart de ces substances soient très-facilement alté-
rables sous les influences atmosphéricpies^^*.
En 18^8, M. Bertin a présenté à l'Académie des sciences un
mémoire contenant un grand nombre de mesures des rotations pro-
duites par diverses substances, d'où il a déduit la loi mathématique
suivante : La rotation produite par une tranche infiniment mince
d'une substance transparente placée sous l'influence d'un seul p6ie
magnétique décroit en progression géométrique lorsque la distance
au pôle croit en progression arithmétique: la rotation produite sous
l'influence de deux pôles est la somme des rotations qui se produi-
raient sous l'influence séparée de chaque pôle^^^ Je discuterai cette
loi à la fin du présent mémoire, et je ferai voir qu'elle n'est qu'une
interprétation inexacte de phénomènes exactement observés; mais je
dois ajouter ici que le mémoire de M. Bertin contient, outre cette
formule, un certain nombre de faits nouveaux et intéressants. Ainsi,
M. Bertin a signalé deux liquides, lebichlorure d'étain et le sulfure
de carbone, qui prennent , sous l'influence du magnétisme, un pou-
voir rotatoire comparable à celui du verre pesant. Il a reconnu que
la rotation produite par une suite de substances transparentes di-
verses placées entre les pôles d'un électro-aimant est la somme des
rotations produites individuellement par chacune de ces substances,
et, par conséquent, est indépendante de l'ordre suivant lequel ces
substances sont rangées ^^^. Dans une seconde communication à l'Aca-
cabinels de physique. Il est décrit dans les AtuiaU» de chimie pt de phygi^jHe , 3' smc,
t. WIII, p. 3i8 (Rapport de M. Biot).
^'^ Compte» rendus de* séance» de V Académie de* science*, L XXIV, p. 969, et t. XX\,
p. ao et 173.
^'^ Compte* rendn» de* séance» de l'Académie de* ncience*^ t. XXVI« p. ai A , et i4fiii4ilf«
de chimie et de physique, 3* série, t. XXI If, p. T).
^') Ce résultat est particulièrement intéressant, et c^est <>n réfléchissant sur les consé-
DÉVELOPPÉES PAR LACTION Dli MAGNÉTISME. 115
demie des sciences, M. Bertin a examiné les phénomènes qui s'ob-
servent lorsqu'on place un parallélipipède de Fresnol entre les deux
pôles d'un électro-aimant, et qu'on le fait traverser par un rayon
de lumière polarisée : ces phénomènes s'expliquent par la combinai-
son des effets de la réflexion totale avec ceux de la rotation du plan
de polarisation ^'^
En i85i,M. Wiedemann a publié quelques expériences sur la
rotation du plan de polarisation produite par divers liquides ren-
fermés dans une hélice traversée par un courant électrique. Il a
dëmontré que la grandeur de la rotation est proportionnelle à l'in-
tensité du courant (^^
Je ne ferai que citer les expériences de M. Matteucci ^^\ de
M. Edlund^*^ et de M. Wertheim^^^ qui ont eu pour objet principal
d'examiner l'influence des actions mécaniques extérieures exercées
en même temps que l'action magnétique, et qui, par conséquent,
n'ont pas de rapport avec les expériences dont je me suis moi-même
occupé.
Je me bornerai également à mentionner les considérations théo-
riques présentées par M. Airy peu de temps après la découverte de
M. Faraday ^^\ l'essai d'une théorie mathématique dont M. Codazza
a récemment publié la première partie ^^^, et les vues développées
qoenoes probables qii^on en peut déduire que j^ai éié conduit à révoquer en doute Texac-
kilndê de la loi admise par M. Bertin. En effet, toute loi de cette forme semble in-
diquer une action progressive , qui so transmet de couche en couche , de telle façon que
Iw phénomènes produits par une couche donnée dépendent de la nature et de Parrange-
ment des couches antérieures. Au contraire, la rotation produite par une substance
tfwisporente est complètement indépendante de la nature des autres substances qui
peofent la séparer des pâles de Télertro-aimant.
^) Compté* rendus den séances de l*Acndêmie des sciences , t. XXVII , p. 5oo.
^* P^gff^^**^'ff*' Antiaien, t. LWXII^p. 21 5, et Annales de chimie et de physique.
«• férié, L XXXIV, p. 1 a 1 . •
<*> AsmiUeê de chimie et de physique, 3' série, t. XXII, p. 356, et t. XXIII, p. hgS.
Les deux notes de M. Matteucci contiennent, outre les observations sur les effets de la
eompression, quelques observations sur les effets de la température qui sont pareillement
étrangères a Tobjet de mon travail.
C*) Annaien der Chemie und Pharmacie , septembre 1 853.
^•^ Annales de chimie et de physique, 3* série, t. XXVIII , p. 107.
^•î Philoêophical Mofratiney 3'séri<î, t. XXVII, p. 669, année i8/iG.
i') Giomale dell* I. /?. Istituto Ijombardo, t. IV, nouv. série, année i853.
8.
116 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
par M. de la Rive, dans son Traité de F Electricité ^^\ Mes expériences
ne me permettent pas encore de discuter les idées de ces savants.
Je me suis proposé , dans ce premier travail , de mesurer de nou-
veau les rotations du plan de polarisation qui s'observent lorsque la
direction du rayon lumineux est parallèle à celle des forces magné-
tiques, et de rechercher les lois suivant lesquelles ces rotations dé-
pendent de la distance et de l'énergie des centres magnétiques qu'on
fait agir sur les substances transparentes.
Diverses difficultés se présentent lorsqu'on veut aborder cette
élude. Premièrement, dans les conditions habituelles des expériences,
par exemple lorsque le fragment de substance transparente qu'on
veut examiner est placé entre les branches de l'électro-aimant de
M. Ruhmkorff, les divers points de ce fragment ne peuvent être re-
gardés comme soumis à des influences magnétiques égales. Les pro-
priétés optiques développées par le magnétisme doivent donc va*
rier d'un point à l'autre, et l'observation ne peut constater que le
résultat d'un ensemble d'actions inégales. Un fragment de dimen-
sions finies ne peut pas être assimilé h un fragment de dimensions
infiniment petites, à l'inverse de ce qui a lieu dans les recherches
optiquos ordinaires; et la loi élémentaire des phénomènes, c'est-4-
dire la seule loi qu'il importe de déterminer, ne peut être déduite
immédiatement des observations.
En second lieu, les propriétés optiques développées dans une
tranche élémentaire de la substance transparente dépendent elles-
mêmes d'un ensemble très>complexe de circonstances. L'électro-
aimant est, en efiet, un système de centres magnétiques dont la dis-
tribution n'est pas exactement connue; les propriétés acquises par
une tranche élémentaire de la substance transparente dépendent
évidemment de la distance de ces centres et des quantités de magné-
tisme libre qui y sont accumulées, et la loi qu'il s'agit de détermi-
ner est celle qui s'observerait si l'action magnétique émanait d'un
centre unique dont on ferait varier la distance et la puissance.
Gomme, pour donner aux phénomènes une grandeur qui les rende
accessibles à l'observation , on est forcé do placer la substance trans-
parente très-près de l'électro-aimant, il n'est pas permis de sup-
'^ Tome I", page 553, de rédition française.
DÉVELOPPÉES PAR L ACTION DU MAGNÉTISME. 117
poser que raction puisse élre assimilée à celle d'un pôle unique ou
de deux pôles, suivant que Tëlectro-aimant est à une ou à deux
branches. On ignore d'ailleurs , à cause de la forme assez compliquée
des appareils, quelle est, dans l'électro-aimant, la position des pôles.
Pour écarter les difficultés qui tiennent à l'inégalité d'action op-
tique des diverses couches d'une même substance transparente, j'ai
pensé qu'il suffirait de faire usage d'un artifice employé par divers
auteurs, notamment par M. Faraday et par M. Plûcker, dans l'étude
des attractions et des répulsions diamagnétiques. Si l'on adapte aux
deux extrémités d'un électro-aimant deux grosses armatures de fer
doux, qui présentent en regard l'une de l'autre deux larges faces
verticales, l'espace compris entre ces faces verticales devient ce que
M. Faraday appelle un champ magnétique d'égale intensité; c'est-à-dire
qu'une molécule de fluide magnétique ('), placée partout où l'on voudra
dans cet espace, excepté au voisinage de ses limites, est soumise à
un système d'actions dont la résultante varie très-peu en grandeur
et en direction. En effet, les deux surfaces terminales des armatures
sont chargées de la plus grande partie des fluides magnétiques libres
(ainsi que l'expérience le fait voir), et ces fluides y sont distribués
à peu près uniformément, quoique avec une tendance à s'accumuler
vers les bords. Si l'on conçoit d'abord une molécule magnétique
placée au centre de cet espace, elle sera soumise à un système de
forces dont la résultante aura une certaine grandeur, et dont la di-
rection sera, par raison de symétrie, la droite qui réunit les centres
des deux surfaces terminales, c'est-à-dire la droite qu'on appelle gé-
néralement ligne des pôles. Si l'on conçoit que la molécule magné-
tique s'écarte de cette position, en s'éloignant de l'une des arma-
tures elle se rapprochera de l'autre; en se rapprochant d'un bord
d'une armature, elle s'éloignera du bord opposé ; par conséquent, à
mesure que certaines actions deviendront plus intenses ou plus incli-
nées sur la ligne des pôles, d'autres deviendront moins intenses ou
moins inclinées. On conçoit donc que, dans une certaine région, il
puisse s'établir une compensation à peu près complète, de telle façon
^*) 11 est à peine hesoiii do dire que si j'emploie l'expression de fluide wa^mtiqar
el autres semblables, c'esl uniquement pour représenter plus conmodëment les pliéno-
m^w el sans rien pn5jn(»or au sujol de la lliéorie du magnétisme.
118 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
que, comme on vient de le dire, la résultante demeure à très-peu
près constante en grandeur et en direction. C'est à l'expérience de
montrer dans quel cas cette condition est satisfaite.
L'exactitude de ces remarques n'est évidemment en rien subor-
donnée à la loi particulière des actions magnétiques, qui est la loi
du carré des distances. Par conséquent, sans connaître la loi sui-
vant laquelle se développent les propriétés optiques des substances
transparentes sous l'influence du magnétisme, comme on sait que
cette loi implique une variation avec la distance, on peut présumer
qu'en plaçant une substance transparente entre deux armatures sem-
blables à celles dont il vient d'être parlé il s'établira pour les di-
vers points de la substance des compensations du même genre, et
que les diverses tranches infiniment petites dont on peut la conce-
voir formée acquerront toutes des propriétés optiques très-sensible-
ment identiques. L'expérience confirme complètement cette prévision.
Je suis en effet parvenu, sans difficulté, à réaliser les conditions
dont il s'agit en munissant un électro-aimant de Ruhmkorff d'arma-
tures convenables. Cet électro-aimant était formé de deux cylindres
de fer doux, AB, A'B', de o"*,20 de longueur sur o",075 de dia-
mètre, percés suivant leur axe d'un canal étroit pour livrer passage
à la lumière, environnés chacun d'environ q5o mètres de fil de
cuivre de a"",5 de diamètre, et réunis par les pièces de fer P et P
(fig. âo^'^); ces pièces pouvaient glisser à volonté le long de la pièce
de fer RS et être fixées dans une position déterminée, à l'aide des
vis V, V. Aux deux extrémités B et A' des branches horizontales,
j'ai vissé deux cylindres de fer doux F, F' de o",o5 de hauteur sur
o"*,i 4 de diamètre , percés d'un canal étroit suivant leur axe, et j'ai
reconnu que, lorsque la distance entre les faces terminales de ces
armatures n'était ni trop grande ni trop petite, lorsqu'elle était com-
prise, par exemple, entre 5o et 90 millimètres, une substance trans-
parente placée dans l'espace intermédiaire acquérait les mêmes pro-
priétés optiques, quelle que fut sa situation, pour\u qu'elle ne fût
^'^ La figure ao étant un dessin géométral de Tappareil, les deux cylindres de (er dom
y sont évidemment caches par le fil de cuivre (]iii les recouvre; on a seiilemeni indiqué
par des lignes inte.rrompues le canal intérieur, et par une ligne ponctuée MN Taie de ce
canal.
DÉVELOPPÉES PAU L'ACTION DU MAGNÉTISME. IID
pas exlréraement voisine de l'une ou de l'autre des deux armatures.
En effet, fabanl passer à travers l'appareil un faisceau de lumière
solaire, j'ai place sur ie trajet de ce faisceau un parallélipipède de
verre pesant, j'ai développé le magnétisme de l'électro-aimant et
j'ai fait tourner le prisme biréfringent i^ui me servait d'analyseur,
jus(|u'à ce que mon œil aperçât la teinte violacée connue des phy-
T T^^ i*. T [
siciens sous le nom de teinte sensible ou teinte de passage; j'ai alors
déplacé le parallélipipède de verre pesant parallèlement à lui-mâme
(afin que la lumière polarisée en traversât toujours la même épais-
seur) : tant que je ne l'ai pas amené presque au contact de l'une ou
de l'autre armature, la teinte de passage n'a souffert aucune modi-
fication. L'expérience réussit également bien avec les autres subs-
tances dont j'ai fait usage dans mes recherches.
Ainsi, dans mon appareil, l'espace compris entre les deux ar-
matures terminales était tellement constitué, qu'un fragment de
substance transparente placé en un point quelconque de cet espace,
excepté au voisinage de ses limites, était partout modifié de la même
manière. Les propriétés optiques de ce fragment étaient donc les
mêmes en tous les points de sa masse , et par conséquent elles étaient
les mêmes (sauf la grandeur de la rotation) que celles d'un élément
infiniment petit. En même temps , cet espace était ce que M. Faraday
appelle un champ magnétique d'égale intensité. En effet, en faisant
120 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
usage d'un moyen qui sera indiqué plus loin, j ai constaté que la
résultante des actions qu'exercerait l'électro-aimant sur une molécule
de fluide magnétique située en un point quelconque de cet espace
était sensiblement constante en grandeur et en direction , tant que
la molécule n'était pas très-voisine des limites : par exemple, dans
une série d'expériences, la distance des faces terminales des arma-
tures étant successivement de 5 o, de 60 et de 90 millimètres, j'ai
mesuré la résultante qui vient d'être définie, au centre C de l'espace
intermédiaire (fig. so); j'ai trouvé les nombres i3/i,i3, ii6,33 et
86, 1 7 ; je l'ai mesurée au point D situé sur l'axe et à 1 5 millimètres
de distance d'une des armatures, et j'ai trouvé les nombres 183,87,
1 16,70 et 86,00; je l'ai mesurée en un point E situé à ^5 milli-
mètres de l'axe et dans le plan médian, et j'ai trouvé les nombres
i33,5, 116,00 et 85,5. Les différences des valeurs corre^ndantes
à une même position des armatures sont assez petites pour qu'on en
puisse conclure que, dans l'intérieur d'une région de dimensions au
moins égales à celles des substances transparentes soumises à l'ex-
périence, la résultante des actions qui seraient exercées sur une mo-
lécule de fluide magnétique libre ne varie pas d'un centième de sa
valeur, c'est-à-dire d'une fraction qui représente à peu près le degré
de précision qu'on peut atteindre dans les expériences.
Pour abréger le discours, dans tout ce qui va suivre j'appellerai
action magnétique en un point donné la résultante qui vient d'être dé-
finie.
Cette constance simultanée de l'action magnétique et des pro-
priétés optiques conduisait naturellement à une conjecture assez
simple que l'expérience a entièrement confirmée, et dont la confir-
mation a fait disparaître la deuxième difficulté que je signalais plus
haut. On pouvait , en effet , se demander si la grandeur du pouvoir
rotatoire développé dans une substance transparente ne dépendrait
pas uniquement de la grandeur de l'action magnétique considérée
dans l'espace occupé par la substance. En effet, ces deux quantités
sont simultanément constantes et variables; d'ailleurs toutes les ac-
tions extérieures d'un aimant, son action magnétisante, son action
inductrice, son action sur un élément de courant, dépendent uni-
quement de l'action qu'il exercerait sur une molécule de fluide ma-
DÉVELOPPÉES PAR LACTION DU MAGNÉTISME. 121
goëtique. Il est donc assez probable que l'action en vertu de laquelle
il développe le pouvoir rotatoire dans les substances transparentes
doit dépendre uniquement de la même quantité. S'il en est ainsi, il
n'y aura plus à s'inquiéter de la distribution du magnétisme libre de
Téleclro-aimant ; il n'y aura plus à rechercher séparément l'influence
des variations d'intensité de l'aimantation et l'influence des variations
de distance. On mesurera, d'une part, l'action optique de la subs-
tance transparente, et, d'autre part, une grandeur qui représente à
la fois en chaque point l'efl'et des variations de distance et l'effet des
variations d'intensité; on aura donc tenu compte d'un seul coup de
l'influence de ces deux causes, et on pourra déterminer la loi élé-
mentaire des phénomènes sans aucune de ces hypothèses arbitraires
et inexactes auxquelles on eût été nécessairement conduit si, par
exemple, on eût voulu déduire la loi relative à l'influence de la dis-
tance d'expériences où l'on aurait fait varier la distance du corps
transparent à l'extrémité d'une des branches de l'électro-aimant.
L'expérience a, comme on le verra plus loin, confirmé cette pré-
vision , et , pour obtenir la loi élémentaire que l'on cherchait, il a suffi
de mesurer simultanément le phénomène optique et l'action ma-
gnétique.
La mesure du phénomène optique n'a été qu'une application des
méthodes connues de tous les physiciens, employées sous la forme
qui m'a semblé la plus convenable aux conditions particulières de
mes expériences. Un faisceau de lumière solaire, réfléchi par un hé-
liostat dans la chambre obscure où j'expérimentais, se polarisait en
traversant un prisme de Nicpl fixé à l'entrée du canal qui traversait
l'électro-aimant dans la direction de son axe. A l'autre extrémité du
même canal, le faisceau de lumière rencontrait un diaphragme
très-étroit, et la portion qui émergeait venait tomber sur l'appareil
analyseur placé à quelque distance. Cet appareil, construit par
M. Brunner, se composait d'une petite lunette portant un prisme
analyseur en avant de l'objectif et susceptible de tourner autour de
son axe. La rotation de la lunette et de l'analyseur pouvait se me-
surer à une minute près, à l'aide d'un système de deux cercles con-
centriques, dont le premier, fixe avec le support de l'appareil, était
divisé en degrés et tiers de degré, et l'antre, mobile avec la lunette.
12â SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
portait deux verniers opposés donnant la minute. Une vis de rappel
permettait de faire tourner la lunette très-lentement. La précision
qu'il a été possible de donner aux expériences a montré qu'aucune
de ces dispositions n'était superflue. La lunette était encore suscep-
tible de deux mouvements de rotation, l'un vertical, l'autre horizon-
tal, afin qu'il fût toujours possible d'amener son axe dans la direc-
tion du faisceau de lumière. L'analyseur était tantôt un prisme
biréfringent de spath achromatisé pour le rayon ordinaire, tantôt un
prisme de Rochon. En mettant la lunette au point, de manière à
apercevoir nettement l'image du diaphragme, on voyait deux images
à travers le prisme de spath , et quatre images à travers le prisme de
Rochon , savoir : deux images principales et deux images secondaires
dues à l'imperfection de la construction. En choisissant convenable-
ment la distance de la lunette et le diamètre du diaphragme, on
pouvait s'arranger de manière qu'il ne restât dans le champ de la
vision que l'image dont on voulait suivre les variations, condition
indispensable à l'exactitude des expériences. J'avais pris un dia-
phragme de 3 millimètres de diamètre et je plaçais la lunette à o",8o
de distance.
J'ai fait d'ailleurs usage de deux méthodes qui m'ont donné des
résultats parfaitement concordants : tantôt j'ai employé la lumière
homogène et j'ai déterminé la position du plan de polarisation en
observant l'extinction complète de Timage extraordinaire; tantôt j'ai
employé la lumière blanche et j'ai eu recours à l'observation de la
teinte de passage.
Pour expérimenter sur la lumière homogène, je n'ai fait usage ni
du verre rouge, qui m'eût donné de trop petites déviations ^*\ ni de
la lampe monochromatique, qui m'eût fourni une trop faible lumière.
J'ai employé une dissolution de sulfate de cuivre dans le carbonate
d'ammoniaque, laquelle, prise sous une épaisseur de quelques
centimètres, ne laisse passer que les rayons indigo très-voisins de la
raie G. Si l'on veut que la lumière transmise ait une intensité suffi-
sante, il est indispensable d'opérer avec la lumière solaire. On ob-
^'^ On sait en eflet que la rolalion du plan de polarisation due à Faction magnétique
varie avec la longueur d'ondulation , à peu près comme la rotation produite par le quartx et
par les liquides organiques. Elle est donc la pins petite possible pour les rayons rouges.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 123
tient, à Taide de ce procédé, des rotations du plan de polarisation
à peu près deux fois plus grandes qu'en opérant avec la teinte de
passage; mais l'appréciation de l'extinction ne se fait pas toujours
avec beaucoup d'exactitude et dépend singulièrement de l'état de
sensibilité de l'œil. Je déterminais les deux positions de l'analyseur
qui faisaient disparaître l'image du diaphragme par deux mouvements
de sens opposé; mais, comme entre les deux disparitions il fallait
éclairer la graduation pour lire la position de l'analyseur, et que
cette circonstance pouvait modifier la sensibilité de l'œil, je ne pre-
nais pas la moyenne de ces deux observations comme correspondant
à la position du plan de polarisation. Je faisais au moins quatre ob-
servations, le plus souvent même six ou huit; ces diverses observa-
tions différaient ordinairement entre elles d'une dizaine de minutes :
cependant assez souvent les différences se sont élevées jusqu'à trente
minutes.
L'observation de la teinte de passage m'a donné en général plus
de précision que l'observation de l'extinction de la lumière homogène,
et je l'ai beaucoup plus fréquemment employée. En effet, bien que
la teinte de passage résulte de l'extinction des rayons les plus intenses
du spectre, c'est-à-dire des rayons jaunes moyens, et soit par con-
séquent beaucoup moins déviée que le plan de polarisation des
rayons indigo, cette petitesse de la déviation est plus que compensée
par l'exactitude avec laquelle l'œil apprécie les variations de couleur
au voisinage de la teinte de passage. J'ai dû encore employer, dans
ce cas, la lumière solaire, à cause des conditions particulières aux
phénomènes que j'étudiais. La rotation des plans de polarisation des
diverses couleurs étant toujours très-petite, leur dispersion était
très-petite aussi, et, par conséquent, lorsque l'analyseur avait la po-
sition convenable pour éteindre complètement les rayons jaunes
moyens, il éteignait en très-grande partie les autres rayons jaunes
du spectre, de façon que la teinte de passage n'était produite que
par une très-petite partie de la lumière incidente. Si donc cette lu-
mière n'eût pas été extrêmement intense, la teinte de passage eût
été impossible à discerner, et l'œil n'eût aperçu qu'un minimum de
lumière si faible, que toute coloration lui aurait échappé. Je n'ai pas
besoin d'ajouter qu'on aurait dû opérer tout autrement si l'on avait
12A SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
eu à mesurer de graudes rotations, comme celles que produisent le
quartz ou les liquides organiques sous de grandes épaisseurs; dans
ce cas, l'usage de la lumière solaire n'eût fait qu'éblouir l'œil et
rendre toute observation de la teinte de passage complètement in-
exacte. Je déterminais toujours quatre fois l'azimut de la teinte de
passage, deux fois en partant du rouge et deux fois en partant du
violet. 11 n'y avait pas en général plus de quatre à cinq minutes
de différence entre ces quatre observations. On en pouvait donc
regarder la moyenne comme certaine à deux ou trois minutes près.
Quant à la mesure de l'action magnétique, ce n'a été qu'après
plusieurs tentatives infructueuses que je me suis trouvé en possession
d'un procédé satisfaisant. La première idée qui se présentait à l'es-
prit était défaire osciller, dans l'espace intermédiaire aux armatures,
une aiguille d'acier, fortement trempée, aimantée à saturation. Le
carré du nombre d'oscillations effectuées en un temps donné eût servi
de mesure à l'action magnétique. Ce procédé eût été suflfisamment
exact si l'on n'avait eu à mesurer que de faibles actions, incapables
d'altérer l'état magnétique de l'aiguille; çaais les puissants électro-
aimants nécessaires dans mes expériences auraient considérablement
affecté le magnétisme de l'aiguille, et les observations n'auraient été
en aucune façon comparables. Ni la trempe des aiguilles, ni l'ai-
mantation à saturation n'eussent été une garantie suffisante, l'état
magnétique d'une aiguille quelconque aimantée à saturation pou-
vant, comme on sait, éprouver un changement temporaire lorsqu'on
l'approche d'un aimant énergique.
J'ai essayé , sans plus de succès , de faire usage des actions exer>
cées par l'électro-aimant sur une substance non aimantée, magné-
tique ou non magnétique. Sous l'influence d'un électro-aimant, un
barreau d'une substance magnétique acquiert une aimantation tem-
poraire, et, si la substance est dépourvue de force cpercitive, on
admet que cette aimantation est proportionnelle à l'action magné-
tique. Il suit de là que l'action exercée par l'électro-aimant sur
le barreau est proportionnelle au carré de l'action magnétique,
et il ne reste qu'à la mesurer par les procédés connus, c'est-
à-dire par la torsion ou par les oscillations. S'il s*agit d'une subs-
tance diamagnétique, bien qu'on ne sache pas au juste do quelle
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 125
manière les phénomènes se passent, il paraît hors de doute qu'il se
développe une sorte de polarité ou d'aimantation temporaire, et
l'on admet en conséquence que l'action exercée par l'électro-aimant
est encore proportionnelle au carré de l'action magnétique. Malheu-
reusement, dans l'un et l'autre cas, la loi dont il s'agit n'est qu'une
loi approximative, suffisamment exacte lorsqu'on veut, par exemple,
corriger Teffet dû à de petites variations de la puissance d'un élec-
tro-aimant, mais qui ne peut être la base d'un procédé satisfaisant,
destiné à mesurer des actions magnétiques qui varient entre des li-
mites un peu étendues. Dans les substances magnétiques, il existe
une force coercitive sensible qui est incompatible avec une loi aussi
simple; dans les substances diamagnétiques, rien n'indique jusqu'à
présent l'existence d'une force coercitive , mais les seules expériences
que l'on possède, en particulier celles de M. Edmond Becquerel,
ne donnent qu'une loi approximative. Je n'avais donc rien à tirer de
ce procédé, bien que je doive reconnaître qu'il peut servir utilement
dans plusieurs cas; il peut être employé, par exemple, à vérifier la
constance de l'action magnétique dans un espace déterminé, car
cette recherche est indépendante de la forme exacte de la loi qui re-
présente l'action de l'électro-aimant sur un barreau magnétique ou
diamagnétique. Dans mes expériences, au contraire, la connaissance
de cette loi eût été indispensable.
J'ai pensé à mesurer l'action de l'électro-aimant sur un petit solé-
noîde suspendu entre ses branches. En faisant usage du mode de
suspension bifilaire employé par M. Wilhelm Weber dans ses re-
cherches électro-dynamiques, cette méthode n'eût pas offert de
grandes difficultés. La disposition de mes appareils ne m'a pas per-
mis de l'appliquer; d'ailleurs elle eût été moins simple et moins
commode que la méthode suivante, à laquelle je me suis définitive-
ment arrêté.
Cette méthode est fondée sur une conséquence remarquable qu'on
peut déduire des lois de l'induction établies par MM. Neumann et
Wilhelm Weber. Dans son premier mémoire sur la théorie mathé-
matique des courants induits ^^), M. Neumann a donné la formule
qui représente la force électro-motrice développée par un pôle ma-
^*) Mémoiret de V Académie de Berlin pour Tannée i8/i5.
i26 SIH LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
gnétique dans un conducteur feriD^, qu'on déplace d'un? manière
quelconque. Si Ion regarde le pôle magnétique comme le sommet
d'un cône atant pour base le conducteur ferme, la force électro-
motrice développée par un déplacement infiniment petit du courant
est proportionnelle à la variation infiniment petite de l'ouverture
angulaire du cône, el par conséquent la somme des forces électro-
motrices développées par un déplacement fini est proportionnelle à
la dilférence de la valeur initiale et de la valeur finale de cette ou-
verture angulaire-''. J'appellerai celte somme yôree éUeIny-motrict
totale. On peut déduire de ce théorème la conséquence suivante :
Si, dans un espace où l'action magnétique têt eonMlante en grandeur et
en direction, on daftoie un conducteur nrcul^tre de manière qw ton pla»
xoit parallèle à la direction de l'action magnétique, et n oh le fait tounter
de go degrés autour d'un axe perpendiculaire à cette direction, lajorte
Mectro- motrice totale développée est exactement proportionnAle à la
grandeur de l'action magnétique.
Cette conséquence serait évidente si l'action magnétique était sim-
plement due à un ou à deux pôles très-éloignés. Pour la démontrer
dans le cas général, considé-
rons un conducteur plan C
(fig. 3i), et un pôle magné-
tique M, et supposons que Ip
conduclea réprouve un dépla-
cement quelconque qui le
fasse passer de la position C
à la position C. Appelons p
la quantité de niagiiélisme accumulée au point M, d^a> l'aire d'un
élément infininii^nl petit o de l'étendue plane environnée par le
conducteur, r et r' Ips deux distances successives oW et o'M de cet
élément au point M, ^ et <p' les angles des droites oM et o'M avec
la normale au conducteur : la force élerlro- motrice totale aura
■" M. Neumann ni- s'esl pas occupé de démonlrer dim'lfmpnl par l'cipéneim Iw
priacipeide sa théorie: il \v*i déduits par indiirlion de la Ini do l.oni. Maison p«nl re-
garder les ejpérienees de H. Weber. de SI. Kirrlilinff et de M. RiKardo Felîd roainK
aranl mis hors de duule reiaeliliHlir des rormiiles nHativen nii ras des rondiirtpuni feniin.
DÉVELOPPÉKS PAR l/ACTION 1)1 MAGNÉTISMi:. 127
pour expression
-^cos<p-J-pî coscpy.
Si le conducteur fermé est soumis à l'action d'un nombre quelconque
de pôles magnétiques, les forces électro- motrices respectivement
développées par ces divers pôles s'ajouteront, et leur somme sera
représentée par
Celte équation peut évidemment se mettre sous la forme suivante :
Or, si on appelle R et R' les résultantes des actions que les pôles
magnétiques exerceraient sur l'unité de fluide magnétique placée
en et en o', a et a les angles de cetfe résultante avec la normale
au conducteur, on aura
ncosa= X .s •• n cosa = ^ ,,a ^ -
Si, comme on le suppose, l'action magnétique est constante dans
toute l'étendue du conducteur et de l'espace qu'il parcourt en se dé-
plaçant, les deux résultantes R et R' seront constantes dans toute
l'étendue du conducteur et égales entre elles. On aura, en appelant
ùf l'aire totale du conducteur,
»
V = ûjIX (cosa — cosa').
Soient
a--=o, a=9o";
il vient
c'est-à-dire, si le plan du conducteur fermé est d'abord perpendicu-
laire et ensuite parallèle à l'action magnétique, la force électro-
128 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
motrice totale est proportionnelle à l'aire du condoctear et à cette
action magnétique elle-même.
Pendant le déplacement du conducteur, le courant induit est à
chaque instant proportionnel à la force électro-motrice développée
dans le conducteur, et par conséquent il passe par une section quel-
conque du fil induit une quantité d'électricité proportionnelle à cette
force. Il suit de là que la quantité totale d'électricité qui passe par
une section quelconque du fil pendant toute la durée du mouvement
est proportionnelle à la force électro-motrice totale. Elle est donc
proportionnelle à l'action magnétique dans le cas qui vient d'être
considéré. Or, cette quantité totale d'électricité est précisément la
seule donnée relative au courant induit que l'on puisse mesurer à
l'aide du galvanomètre : on la désigne souvent, mais à tort, sous le
nom d^intensité du courant induit; nous la désignerons simplement
par l'expression courant induit, et la proposition démontrée plus haut
pourra s'énoncer en disant que, sous les conditions déjà définies,
le courant induit est proportionnel à l'action magnétique.
Par conséquent, si l'on conçoit un système de conducteurs circu-
laires constituant une bobine dont les dimensions n'excèdent pas
celles de l'espace où l'action magnétique est constante , une rotation
de 90 degrés autour d'un axe perpendiculaire à la direction de l'ac-
tion magnétique développera un courant induit proportionnel à
l'action magnétique. Si le mouvement s'effectue très-rapidement, le
courant induit se mesurera sans difficulté à l'aide du galvanomètre,
et l'action magnétique se trouvera ainsi déterminée ^'^
J'ai donc fait construire une petite bobine susceptible de tourner
autour d'un de ses diamètres, et, afin de donner aux phénomènes
toute l'intensité possible, j'ai pris le fil de la bobine de dimensions
telles que sa résistance fût à peu près celle du fil du galvanomètre
dont il sera question plus loin^^^ A cet effet, 98 mètres de fil de
cuivre recouvert de soie de o'"",5 de diamètre ont été enroulés de
('} M. Weber a fondé sur les mêmes principes une mélhode très-remarquable pour
comparer les deux composantes de l'action magnétique terrestre et déterminer ainsi la va-
leur de rindinaison. M. Faraday s^est servi de procédés analogues pour étudier la distri-
bution des forces magnétiques autour d'un aimant.
t') Cette condition se déduit aisément des lois de Ohm. Soient, en effet, L la résistance
du galvanomètre , A celle d'une couche de spires de la bobine contenues dans le même
DÉVELOPPÉES PAR LACTION DU MAGNÉTISME. 129
manière à former une bobine de 98 millimètres de diamètre exté-
rieur, 19 millimètres de dia-
mètre intérieur et 1 5 milli-
mètres de hauteur. Cette bobine
a été montée sur un support
de cuivre représenté fig. 22, qui
se fixait sur Télectro-aimant au
milieu de l'intervalle des deux
branches. A l'aide du bouton B
on pouvait faire tourner la bo-
bine (1 de 90 degrés autour de
la ligne ponctuée FG, et, par
suite de la disposition de l'ap-
pareil , l'axe de rotation se trou-
vait perpendiculaire à la ligne
des pôles « c'est-à-dire à la di-
rection de l'action magnétique.
Les substances transparentes
soumises à l'expérience se pla-
çaient sur la pièce de cuivre L, fixée sur le support au-dessus de la
l^n, n ie nombre de ces couches, /la force électro-motrice développée dans une couche:
le courant induit aura pour expression
fiX-*-L
Si les dimensions de la bobine sont données, en faisant varier le diamètre du fd on
fera varier en raison inverse le nombre des couches qu^on pourra disposer dans la hauteur
et la longueur du fil dont chaque couche est formée. On aura donc, en désignant par d le
If
diamètre, 11 = -^, et comme la n^sistance d^une couche de spires est proportionnelle â
la longueur et en raison inverse du carré du diamètre, on aura X~ -p» D^autre part,
comme la somme des forces électro-motrices développées dans une couche est proportion-
ndle â la longueur du fil, on pourra poser /= ^ • En substituant ces valeurs, Texpres-
sion précédente devient ^
Jg(P
kh
et son maximum est donné par la relation Ih 1^/* = 0. Comme d'ailleurs -77 n'est aiilrc
a
choae que la résistance de la bobine, on voit que cofte résistance doit être égale à celle du
galvanomètre.
VimiiT, î. — Mémoires. g
Fig. it.
130 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
bobine. La lige A pouvant s'élever ou s'abaisser à l'aide d'un mouve-
ment de crémaillère que la vis D faisait marcher, on amenait à
volonté au même point la substance transparente ou la bobine. On
arrêtait la tige A dans une position déterminée par la vis H.
Les extrémités du fil de la bobine communiquaient avec celles
d'un galvanomètre construit selon le système de M. Wilhelm Weber.
On sait que les dispositions adoptées par ce physicien ont pour
objet de permettre de réduire les déviations de l'aiguille aimantée à
une très-petite amplitude en suppléant à la petitesse de ces déviations
par l'exactitude de la mesure. A cet effet, l'aiguille du galvanomètre
est suspendue, par l'intermédiaire d'un cadre de cuivre, à un mi-
roir vertical placé au-<lessus du cadre du galvanomètre, et suspendu
lui-même à l'extrémité inférieure du faisceau de fils de soie sans
torsion qui soutient tout le système. A quelque distance du miroir,
et à peu près dans le même plan horizontal , on place une rè^e di-
visée en millimètres , au-dessus de laquelle est une lunette ; on re-
garde, à l'aide de cette lunette, l'image de la règle réfléchie dans le
miroir, et, en déplaçant convenablement la règle ei la lunette, on
s'arrange de manière que l'image de la division qui se trouve sur la
règle , au-dessous de l'axe de la lunette , soit vue en coïncidence avec
le fil vertical du réticule^ l'aiguille aimantée étant dans sa position
d'équilibre. L'axe de la lunette est alors normal au miroir; conmie
il est d'ailleurs perpendiculaire à la règle divisée, il est facile de voir
(|ue si l'aiguille et le miroir qui en est solidaire se déplacent d*un
angle quelconque , l'image de la règle éprouvera dans la lunette un
déplacement égal au double de la tangente de l'angle dont le miroir
aura tourné, cette tangente étant prise sur un cercle dont le rayon
serait égal à la dislance du miroii' à la règle. Il en est encore de
même si l'axe de la luneltp n'est pas parfaitement normal au miroin
pourvu que l'angle dont se déplace le système soit assez petit. En
augmentant la distance de la règle au miroir, on augmente en quel-
que sorte indéfinimenl la sensibilité du procédé de mesure, pourvu
que la lunetle ait un pouvoir grossissant capable de faire voir nette-
ment les divisions. Dans mes expériences, la distance la plus com-
mode m'avait paru celle de i",2 5: on voil qu'à chaque division de
l'échelle graduée répondait un déplacement angulaire de 80 secondes
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 131
environ, et, comme on appréciait aisément le quart d'une division,
la précision des mesures atteignait âo secondes.
Dans mon instrument, l'aiguille aimantée était un gros barreau
d'acier, de o",i3 de longueur sur o",oi5 de diamètre; le fil gai-
vanoipétrique avait loo mètres de longueur et i millimè^e de dia-
mètre, et était enroulé sur un cadre ovale en cuivre jaune de o",! 5
de longueur sur o"*,io de largeur. Le miroir métallique était un
carré de o^.o/i de côté, et le faisceau de fils de soie sans torsion
avait o",35 de longueur. A l'intérieur du cadre de laiton se trouvait
un autre cadre de cuivre rouge, de même forme, mais de i centi-
mètre d'épaisseur, destiné à amortir les oscillations de l'aiguille par
l'action des courants induits que le mouvement de l'aiguille déve-
loppait dans sa masse. J'ai confié la construction de cet instrument à
M. Ruhmkorff, qui s'en est acquitté avec son habileté ordinaire.
Si l'on fait passer à travers le fil d'un tel galvanomètre un cou-
rant de très-courte durée, ce courant communique à l'aiguille une
impulsion proportionnelle à l'intégrale des actions qu'il exerce pen-
dant les instants successifs de sa durée, et, par conséquent, propor-
tionnelle à la quantité totale d'électricité qu'il fait passer par une
section quelconque du fil; c'est d'ailleurs cette quantité qui, comme
on l'a vu plus haut, est la mesure de l'action magnétique exercée au
point où se trouve la bobine d'induction. Si le mouvement de l'ai-
guille n'était contrarié par aucune résistance, elle exécuterait des
oscillations entièrement comparables à celles d'un pendule dans le
vide, et le sinus de la demi-déviation mesurerait rigoureusement l'im-
pulsion initiale. En réalité, l'aiguille éprouve diverses résistances,
parmi lesquelles la plus importante est celle qui provient de la réac-
tion des courants induits développés dans le cadre de cuivre rouge
et dans le fil galvanométrique lui-même, et l'amplitude de ses oscil-
lations décroît assez rapidement, de sorte que la relation précédente
n'a plus lieu. Mais si le décroissement des oscillations se fait en pro-
gression géométrique, et si la déviation initiale n'excède pas une
certaine limite, on peut démontrer, d'après M. Weber, que le dé-
placement initial de l'image de la règle est proportionnel à l'impul-
sion initiale ^^^ Je me suis assuré, à diverses reprises, que ces con-
^) Soient en effet, à un instant donné, x la division de la règle dont Tiniage coïncide
9-
Ui SIR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
(lition étaient satisfaites (tans mon gahanoniètre. En conséquence
j^âi pris pour mesure da courant induit et de Taction magnétique le
déplacement de l'image de la rè^e cJisenré dans la lunette.
En supprimant le cadre elliptique de cuivre rouge, on augmen-
terait sans doute Tamplitude des déviations, mais on tomberait dans
avec le fil vertieal do rétkaie de h hmette, x, b dniaon qoi est en fcin ri d e n ce lonqoe
X — X
raieinfle est en repos, m h distance de TaigiiiDe an centre dn miroir ; sert la tan-
a
génie dn double de b déviation , et , si cette dèriation n*exeède pas k dcjgrés, on pourra
X — X
prendre pour la déviation eflennéme, avec one erreur moindre que ^. UaigoîUe
sera sonmiw, pendant son mouvement, à deux forces, savoir : faction de la terre, qm
peut être regardée, arec b mène i^iproiimation, comme proportioaneBe à b déviation,
et Faction des courants indnito dérek^ppés dans b enivre, qn*on pent re;garder comme
proportionnefle à b vitesse angubire dn déplacement, tant que eedéphcement démenant
très-petit n*aHère pas sensil>lement b position rebthre dn cadre de cuivre et de TaiguiBe.
Eo conséquence, si Ton appefle M le moment magnétique de TaiguiBe, h son moment
dlnertie par rapport â Taxe de suspension, G une constante pariicidîère qui dépend à b
fois des lois de Tindodion et des dimensions de Tapporeil, on aura féqnatioa dn mouve-
ment
(Tx . M / \ , Cdx
dont rintégrale est, eo désignant par A et B deux constantes
x-x.= A. smU-By_--_.
La constante B est nolle, si Ton prend pour origine du temps Tinstant où FaiguiBe a
quitté sa position d'équilibre. Si d'ailleurs on désigne par r TintervaBe qui s^Mune deux
passages successif de raiguille par sa postion d^équilibre, ou la durée d^une oscfflatioo
simple , et si Ton po^ - — =:-, on mettra b rebtioQ précédente sous b forme
A
- -/
r — x.= \r sinir--
T
Les amplitudes des écarts successifs de Paiguille s*ol>tieiHlront sans difficulté; les écarts
maiimufi) auront lieu aui moments où la vitesse de Taiguille sera nolle, par conséquent
iorsqo'oR aura
A A
, / . /
dX TS . T t A . T . t
-rr = — Af COSTT \e sin7r-=o,
dt T T T T
tangTT - = ^ •
Si Ton «iésigne par r, la [>lus petite racine Je cette êquatiou. les racines suivantes seront
DÉVELOPPÉES PAR LACTION DU MAGNÉTISME. 133
l'inconvénient qui rend si fastidieux l'usage des galvanomètres à
une seule aiguille , tels que les boussoles des sinus et des tangentes
que Ton construit ordinairement. L'aiguille , déviée par l'impulsion
d'un courant, ne reviendrait au repos qu'au bout de plusieurs mi-
nutes; la moindre cause accidentelle lui communiquerait un mouve-
ment qui serait également très-long à disparaître, de façon que les
observations successives seraient nécessairement séparées par un in-
tervalle considérable. Au contraire, dans l'instrument de M. Weber,
l'influence des courants induits dans le cadre de cuivre amortit les
oscillations de l'aiguille, et la fixe dans sa position d'équilibre avec
une promptitude qui parait surprenante à tous ceux qui l'observent
pour la première fois. L'effet des petites oscillations accidentelles est
détruit presque immédiatement, et rien n'empéctre que les observa-
tions se succèdent à des intervalles très-rapprochés ^^^
I, -4- », I, -f- a». . . ; le» valeurs correspondantes de x — x^ ou les amplitudes des écarts suc-
cewifs seront
X
-- r
TT . T '
TT . T
X. — vlV =- , • \c
1 «*o
et il est visible que ces valeurs décroissent en progression géométrique. D'autre part, si
Ton fait l = o dans l'expression de la vitesse, on obtient pour la valeur de la vitesse ini-
tiale
\dt)o 7^
La constante A est donc proportionnelle à la vitesse initiale , c'est-à-dire à l'impulsion
communiquée par le courant induit , mais elle est aussi proportionnelle à l'expression de
4r, — x^ ou de l'amplitude du premier écart ; la proportionnalité admise entre l'impulsion
initiale et le premier écart est donc exacte, si les hypothèses qui ont servi à établir féqua-
lioii différentielle sont suffisamment approchées, et l'on est certain qu'il eu est ainsi lors-
que robservation vérifie la loi du décroissement des amplitudes en progression géométrique.
^*) Cet avantage est rendu plus sensible encore à l'aide d'une ingénieuse modification
dont M. Ruhmkorff a eu l'idée. Cette modification consiste à évider le barreau aimanté , de
manière à en diminuer beaucoup le moment d'inertie, sans altérer s<'nsiblement le
moment magnétique. Il résulte évidemment de là que Tamorlissement des oscillations doit
être beaucoup plus rapide; les formules développées dans la note pn^cédenle donnent
Teiprewion mathématique de cette différence, et l'oxpérienre la fait tr^s-évidemment
1»
Sn LES PIOPIIÉTÉS OPTIQUES
11 esl nuiol^eoaiit {»éà^ A^ «^onpmidrf «(Musent se Eiîsait cha-
(pie expéfieiKe. Je c^Mmineoçats itMqiooi^ par dâenuAcr la gnodeor
de Facdoo magcétiqcie par <ieiix ov trots <ok<«fTaiâMES du ooarant in-
duit par la rotatm de h petite bobûe. Esmle, fusant arrÎTer, à
faide da monrement de la tî|^ C (f^ so)^ la «distanoe transparente
an point qn^occnpait prp cedcM qrt la Inbne, je tûsaôs tonner
Tanalrsear de manière a dâenuncr Fiiimni de la teinie de passaige
5i j'opàats avec la Inaûere blancke, on rari—i de Teitinctîon si
poperats avec la Ininîerp kooMgene: reni«rsant le sens dn courant
(en ayant soin de ne pas interrMnprp le circuit ^^)^ je délenninais de
noimeau ce mféme aiûnnL La différence éc& den observations don-
nait étîdemment le double de ia rotilion dn pian de polarisation,
si Faction magnétique navait pas sensibkMnl waiié pemhnt Fei-
pérîence. Afin de m^en assurer, je mesurais Faction magnétique im-
médiatement après ia détermination du second «imut , et je ne re-
gardais comme bonnes que les eipértenoes ou les deux nKSures de
Faction magnétique œ diffërûent pas de lear valeur moyoïne de
resmriàr. M. Rvàuiikcirfi' a^^aol ^«iut èeax barreMK
<|ia i! avjôit rcvBStnôt jttum- loes cs^cntOÊùCè : fvii éfciàt |iioB «t
«Tii^evrs, eU»eml ainuaiÉâs à saitmràbm H MvmBtA les joân»
k Wrefro pleèn. ie$ jtmçéitodfii à» oscàiiabaff éécrnasm
ffscmnétnqne àm^ U môfim f^MA G§^ à €^6H>; a^*flc le iurran ta^en^ ia
■Ktrî^af avaàl pixiir Taàstm t^^'^'j- Vakà àemx aénes iT^liseniaÉms reJbtiw^w â
barreafox : • âésgite k Bimien» «Tflràre èe diafae écart «inervé âe part -et <f <
B fanf&Bée ée fécart^ r le nffvH #911 «cari «■
éeh
SAULUâ-i Tnxn^
fc
a
c
*
S
r
1
^
■ ~" ï*- *■ '
1
—
iMi,*»
«1
—
1 1 f ' c
M.feiii
s
—
'vÂwâ
«t.liy>
^
-h
T^-*'
vcfeirf
-^
iii.«>
cwifts
il
—
i»5s.-i>
v.firt.
f>
—
iM*
<wk7*
•^
-.-
:» 1 ,4^'
C^ii
♦^
*
—
»«î.Sλ
€i,€^^
llini>tfliDe . . .
«i.«i77
Mfrveiiiff
f..6if
le iMiini€9D€gkt da liarrrefrii creoi <>'uikfriJl, €» tr«j^ ea c i iftrtwr ^
an harroaii |desiii tm cutq itsvifiabtnts^ Ommof «Taôffifvr» les
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 135
plus d'un centième de cette valeur. C'est cette valeur moyenne que
j'ai inscrite dans les tableaux qu'on trouvera plus loin. J'ai reconnu,
comme les observateurs qui m'ont précédé , que le magnétisme de
l'électro-aimant met un certain temps à se développer et à atteindre
son maximum. 11 ne faut donc pas commencer les expériences immé-
diatement après la fermeture du circuit voltaïque ; c'est seulement
après quelques instants que l'aimantation a pris une valeur qui ne
varie pas sensiblement pendant la durée d'une expérience complète.
Le galvanomètre devant être placé à une grande distance de l'é-
lectro-aimant afin d'être soustrait à son influence, j'étais obligé
d'employer un aide pour faire mouvoir la petite bobine, tandis que
j'observais les mouvements du barreau aimanté. Je n'ai pas jugé
utile de recourir à quelque disposition mécanique particulière , l'ex-
périence m'ayant montré que, malgré les petites irrégularités qu'offre
toujours un mouvement exécuté à l'aide de la main , les résultats de
plusieurs observations consécutives étaient parfaitement concordants,
pourvu que le mouvement fût très-rapide. Si, par hasard, le mou-
vement était trop lent, ou s'il était exécuté en plusieurs temps, j'en
étais averti par la marche de l'aiguille, et je recommençais l'expé-
rience.
J'ai expérimenté seulement sur trois substances, le verre pesant
de Faraday, le flint commun et le sulfure de carbone ; mais ces trois
substances diffèrent assez l'une de l'autre pour qu'une loi qui leur
convient également puisse être regardée comme générale. J'avais à
ma disposition deux échantillons de verre pesant : le premier, que
M. de la Rive avait bien voulu me prêter, était un parallélipipède à
base carrée, de Ixo millimètres de longueur sur i3 millimètres de
côté, poli sur ses deux bases et sur une couple de faces latérales; le
second, qui appartient à la collection de l'Ecole Normale supérieure,
était un parallélipipède rectangle, poli sur six faces, dont les arêtes
étaient respectivement égales à 87°"", 2, 96""", et 19""*, 5. Je
désignerai ces deux échantillons par n° 1 et n"* 9. L'échantillon de
flint était un parallélipipède à base carrée de /4 3"*'",3 de longueur
sur 1 4"", 5 de côté, poli sur ses deux bases et sur une couple de faces
latérales. Ces trois échantillons n'étaient pas absolument exempts de
trempe; mais, en élevant ou abaissant le support où ils étaient placés
136 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
et en les faisant glisser sur ce support, on amenait toujours sur le
trajet du faisceau de lumière une région où la trempe n'avait pas
d'influence sensible, de façon qu'on pût éteindre complètement la
lumière incidente par une position convenable de l'analyseur, lors>
que l'électro-aimant n'était pas aimanté. Le sulfure de carbone était
contenu dans de petites cuves de verre fermées par des |daqoes de
verre ordinaire; l'une de ces cuves avait 44 millimètres, et l'autre
3 1 millimètres de longueur. Je m'étais assuré d'avance que la ro-
tation due aux plaques de verre terminales était tout à fait insen-
sible.
La loi manifestée par l'ensemble des expériences a été très-simple :
Il y a proportionnalité entre l'action tnagnétique et la rotation du plan de
polarisation. Les tableaux suivants, qui ne renferment qu'une partie
de mes expériences, donnent la démonstration de cette loi. F dé-
signe dans ces tableaux l'action magnétique mesurée par la déviation
immédiatement observée au galvanomètre, R le double de ia rotation
et Q la valeur du quotient p > lorsqu'on suppose R exprimé en mi-
nutes. Dans chaque tableau, les mots lumière blanche ou lumière ho-
mogène indiquent la manière dont s'est faite l'observation optique:
l'épaisseur de la substance traversée par les rayons lumineux est
également indiquée.
EXPÉRIENCES SUR LE VERRE PESANT N* 1.
Lumière blanche.
Epaisseur Ao"".
t
R
Q
i/i3,37
9^l3'/|5'
3,86
1 i5,oo
7^a8 30"
3,90
1 lrî,37
7^17 45^
3,89
87,75
5'6() 45"
3,95
63.6.J
V1o\eniip
3,71
3.86
^'^ Les centièmes de ïiivisioii pf les se<-oinles i\Hon verra dans ces taMeaux résullent
du calriil dps nioypnnes.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 137
Lumière homogène indigo.
Épaisseur ào**.
F R
167,5 lô'^ae' 6,3â
119,0 i3'i3' 6,66
109,6a 11* /lA' 6,/i3
Moyenne 6,66
EXPÉRIENCES SUR LE VERRE PESANT N" 2.
m.
Lumière blanche*.
EpaiuenrS7",>.
F
H
Q
1^8,95
6*55' i5"
2,80
116,37
5*98'
2,82
107,00
5" 9'3o"
2,89
2,8Î
92,87
4' 96'
80,37
4«90'
2,91
83, 5o
à' 4' 90"
3,93
59*37
9*57'i5'
2,98
Moyenne
2,88
IV.
Lumière blanche.
Épaiiiseur «6"" .
F
R
Q
i/i3,8i
li'Si'
1,88
109,62
3'3o'/i5''
ii9-^
85,37
îi'^/iS'
^97
•
Moyenne
1 .q3
EXPERIENCES SUR LE KLINT COMMUN.
V.
Lumière blanche.
Rpaisseur àS—.S.
K
R
Q
i48,oo
/r/io'/i5'
^9"
123,81
/!• 2'30'
1,9^
9^^!^
0.-57' 1 5"
ii9*
Moy
eime
1 ,92
0) Dans ces dcu\ cx[>éricnces, lu distniio' <!<' la règlo divisée au miroir n'a pas été fa
138 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
EXPERIENCES SUR LE SL'LFLRE DE CARBONE.
VI.
Lamière blanche.
Épaisseur hh"".
p
R
Q
160,37
6* 16' 15"
9,5o
113,87
4' 37' 30"
iM
9^''9
3*55'
2,U^
69.00
Moy<
a-5/i'
»nne
â,5s
2,49
vil.
Lamière hlaoche.
Epaisseur 3»**.
F
R
Q
1/19,62
/i'i9'3o'
1,73
11 3,5
3*a3'
1,7^
93,5
^•3/i'/i5'
Moyenne •
1,65
1,72
Vlll.
Lamiire homogène indigo.
Épaisseur ii**.
F
R
Q
1/18,5
io'/i7'
4,37
iq4,5
1 ty 1
9 ^9 3"
/i,57
9^.^
r 7'3o'
4,53
Moy<
înne
'i,Û9
On voit, par ces tableaux, que Taction magnétique et la rotation
peuvent varier dans le rapport de 1 à 3, en demeurant toujours
proportionnelles. 11 est de plus à remarquer que, dans chaque série
d'expériences, on fait varier l'action magnétique de deux manières,
en faisant varier tantôt l'intensité du courant , tantôt la distance des
branches de l'électro-aimant. On a employé de & à qo éléments de
Bunsen, et on a fait varier la distance entre les armatures de 5o à
même; de façon que les actions magnétiques inscrites dans les tableaux I et II ne sont pas
mesurées avec la même unité.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 139
90 millimètres, de manière que la distance de chacune de ces arma-
tures au milieu de la substance transparente variât à peu près dans
le rapport de 1 à a. Afin de montrer que, dans l'un et l'autre cas, la
loi a été la même, et aussi pour donner une idée de l'accord des
observations individuelles dont les tableaux précédents ne contien-
nent que les moyennes, je rapporterai ici le détail complet des ex-
périences I et VI.
EXPÉRIENCE N» I.
.mm
Verre pesant n'i, épaisseur ho*
On fait usage de la lumière blanche.
Distance entre les armatures : 60°"°; ùo éléments de Bunsen.
On mesure raction magnétique; deux observations consécutives donnent les
nombres :
1^3,0
i/i3,5
iA3,â5
AZIMUT DE LA TEINTE DE PASSAGE.
189-30'
183' 97'
182" 29'
Moyenne.... 1 Sa" 98' 65"
AZIMUT DE LA TEINTE DE PASSAGE APRES LMNVERSION DU COURANT.
i9i"/ir
i9i'/i/i'
191* /i/i'
Moyenne. ... 191"* Aa' 3o"
SECONDE DÉTERMINATION DE L'ACTION MAGNETIQUE.
lllll
l/l3
Moyenne i43,5
Rotation double : 9" i3' 65"; action magnétique : 163,37; rapport : 3,H(V
làO SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
Distance entre les annatiires : 80 miiliniètres; 90 âëments de Bunsen.
ACnO\ HAGICBTIQEK.
ii5
Moyenne 1 1 5
AZIMUT DE LA TKllfTB DE PASSAGE.
l83*90
i83*24
i83*i9
i83'2i
Moyenne. ... 1 83* a
AZIMUT APIES L'INVERSION DU COURA!<IT.
190* 5o'
190*^7'
i9o'5r
190*49'
Moyenne. ... 1 90* 69' 3o'
ACTION MAGNETIQUE.
Il5
ll5
Moyenne 1 1 5
Rotation double : 7* ^8' 3o''; action magnétique moyenne : ii5; rapport
3.90.
Distance entre ies armatures : 60 millimètres ; 1 o éléments de Bunsen.
ACTION MAGNETIQUE.
1 i3,o
119,5
Moyenne 1 19,75
DÉVELOPPÉES PAR LACTION DU MAGNÉTISME. 141
AZIMUT DE LA TEINTE DE PASSAGE.
Moyenne.. .
t83°
95'
i83'
93'
i83*
95'
i83*
96'
i83'
94' 45'
AZIMUT APRES L'INVERSION DU GOURANT.
190* Û3'
190' /l9'
190* 4/1'
190' 41'
Moyenne. . . . 190"* 4a' 3o'
AGTION MAGNETIQUE.
1 19
113
Moyenne 119
Rotation double : 7* 17' 45'; action magnétique moyenne : 119,87; ''^P~
port : 3,89.
Distance entre les armatures : 80 millimètres; 10 éléments de Bunsen.
ACTION MAGNETIQUE.
87,0
88,0
Moyenne 87,6
AZIMUT DE LA TEINTE DE PASSAGE.
190" 9'
189^59'
190*0'
189-59'
Moyenne.. . . 190* 0'
1A2 SUR LES PROPRiÉTBS OPTIQUES
AZIMUT APRBS L'IKTBRSION DC CODRANT.
i84M5'
i8/i*i3'
l8/l*19'
i84*i3'
Moyenne.
•
. .. i84-i3'i5'
ACTION MAGNÉTIQUE
88,0
88,0
Moyenne 88,0
Rotation double : 5'46' 65"; action raagnëtiqne moyenne : 87,76; rapport
3,96.
Distance entre les armatures : 90 millimètres ; 1 o éléments de Bunsen.
ACTION MAGNBTIQIB.
6/1,0
64,0
Moyenne 6/i,o
AZIMUT DE LA TEINTE DE PASSAGE.
189*0'
i88*58'
189' q'
Moyenne.. . . 189* o'
AZIMUT APRES LMNVERSION DU COURANT.
i85'3'
i85'6'
i85*5'
t85*5'
Moyenne. . . . i85' W i5'
DÉVELOPPÉES PAR LACTION DU MAGNÉTISME. l/i3
ACTION MAGNÉTIQUE.
63-95
63* q5
Moyenne 63** a 5
Rotation double : S'^SS' h^"; action magnétique moyenne : 63,6a ; rapport :
3,71.
EXPÉRIENCE N* VL
Sulfure de carbone : épaisseur, tiii millimètres.
On fait usage de la lumière blanche.
Distance entre les armatures : 69 millimètres; ao éléments de Runsen.
ACTION MAGNÉTIQUE.
i5i,o
i5i,o
Moyenne. ... i5i,o
AZIMUT DE LA TEINTE DE PASSAGE.
l83'53'
183-52'
183'' 56'
183^5/1'
Moyenne.... i83"53'/45''
AZIMUT APRES L'INVERSION DU COURANT.
190* lii'
190* 10'
190' 10'
Moyenne.. . . 190" 10'
ACTION MAGNÉTIQUE.
i5o,o
1/19.5
Moyenne > ^9i7î>
144 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
Rotation double : 6* 16' 1 5'; action magnétique moyenne : iSo^Sy; rap-
port : !i,5o.
Distance entre les armatures : 90 millimètres; ùo éléments de Ronsen.
ACTION HAGHBTIQLE.
ll3
ll3
ll3
AZIMUT DB
LA TBIHTB DE PASSAGE.
i84*4o'
18 A' 89'
i84*38'
i84*4o'
Moyenne.. . . 184*39' i5'
^
AZIMUT APRES LMHYEBSION DU COUBAMT.
189*1 4'
189*1 6'
1 89*20'
189*17'
Moyenne. ... 1 89* 1 6' 45'
ACTION MAGNETIQUE.
ii3,o
1 iâ,5
Moyenne 119,75
Rotation double : 4** 87' 3o*; action magnétique moyenne : 1 1 9,87 ; rapport
9,46.
Distance entre les armatures : 69 millimètres; 6 éléments de Rnnsen.
ACTION MAGNETIQUE.
94,0
94,95
Moyenne 9^.12
DÉVELOPPÉES PAR L'AiVnON 1)1 VfAr.NKTISMK. I^iô
AZIMUT DE LA TEINTE DE PASSAGE.
i8/i-55'
i8o' o'
185" fi'
185'' (V
Moyenne».... i8f>'' o' hW
AZIHIT \PRKS I/INVKRSION Dl COI R A NT.
i88"5(i'
188" 55'
188" 57'
188" 55'
Movenno i88'55'/i5
ACTION >IAGNRTIQI£.
9/1,0
9/1,5
Moyenne 9/1,95
Rotation double : 3" 55'; aclion magnétique moyenne : 9/1,19; rapport .
Distance entre les armalnres : 90 millimètres; ti éléments de Bunsen,
ACTION MAGNÉTIQUE.
68,0
69,0
Moyenne. ... 66,5
AZIMUT DE LA TEINTE DE PASSAGE.
185'' 98'
i85''3i'
i85'â9'
i85"3Ô'
Moyenne. . . . i85°99'3o'
Yeidet, I. — Ménïoires. i o
146 SUR LES PROPHIÉTÉS OPTIQUES
AZIMUT APRKS l/l>'VKR$ION DC COURANT.
188-33'
i88-q3'
i88-a5'
i88-a/i'
Moyenne». . . .
i88'rî3':5o'
ACTION MAGNETIQLE.
70,0
69,0
Moyenne 69.5
Rotation double : 3* SA'; action magnétique moyenne : 69,0; rapport:
9,69.
On peut juger, par ces détails, de l'exactitude des expériences.
On voit, en particulier, que chaque observation de la teinte de pas-
sage doit être exacte, comme je l'ai dit plus haut, à deux ou trois
minutes près, et que par conséquent la mesure des rotations ne com-
porte p.is d'erreur supérieure à cinq ou six minutes; l'erreur pro-
bable de la mesure de l'action niagnétique est d'une demi-division
de l'échelle. Quelque faibles que soient ces incertitudes, on peut
s'assurer qu'elles suffisent à rendre compte des différences qu'on
trouve entre les diverses valeurs du rapport de la rotation à l'action
njagnétique déterminées dans une même série d'observations.
H est important de remarquer que la proportionnalité de la rota-
tion et de l'action magnétique se vérifie avec la même exactitude,
soit que la distance des centres magnétiques à la substance transpa-
rente vienne à changer, soit que la quantité de magnétisme libre
accumulée en ces divers centres éprouve une variation. Cette loi de
proportionnalité est démontrée par nos expériences pour des corps
transparents de dimensions finies dont toutes les parties sont égale-
ment affectées par féleclro-aimanl; elle est donc vraie pour toutes
les tranches infiniment petites dans lesquelles on peut concevoir le
corps transparent décomposé. 11 résulte de là que la loi élémentaire
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. l/i7
des phénomènes peut se formuler de la manière suivante : Le pou-
voir rotatoire développé par Vaction d'un centre magnétique dans une
tranche infiniment mince d'une substance monoréfringente varie proportion-
nellement à Faction magnétique, c'est-à-dire en raison directe de la quan-
tité de magnétisme accumulée en ce centre, et en raison inverse du carré
de la distance.
M. Wiedemann a démontré que le pouvoir rotatoire développé
par l'action directe des courants électriques est proportionnel à l'in-
tensité de ces courants. H n'a pas fait d'expériences sur l'influence
qu'exerce la situation relative des courants électriques et des subs-
tances transparentes; mais si l'on compare les résultats de M. Wiede-
mann avec les miens, si de plus on tient compte de l'identité géné-
rale des propriétés des aimants et des systèmes de courants fermés ,
il paraîtra assez évident que le pouvoir rotatoire développé par un
système de courants fermés dans une tranche inflniment mince d'une
substance transparente doit être proportionnel à l'action qu'exerce-
rait le système sur une molécule de fluide magnétique.
Je me trouve en contradiction complète avec la loi formulée par
M. Bertin, d'après laquelle la rotation du plan de polarisation due
à l'influence d'un seul pôle magnétique décroîtrait en progression
géométnque, lorsque la distance de la substance transparente au
pAle croîtrait en progression arithmétique. L'explication de ce désac-
cord n'est pas difiicile à donner. M. Bertin considère comme pôle la
surface terminale du fer doux d'une des branches de l'électro-aimant
de M. Buhmkorfl*. Or, cette surface ne saurait être regardée comme
un pôle, du moins si l'on attribue à cette expression le sens précis
qu'on doit lui donner : c'est un système de centres magnétiques
distribués sur une assez grande étendue, et dont l'action ne peut
être assimilée à celle d'un centre unique. 11 n'y a donc pas à cher-
cher de loi élémentaire qui fasse dépendre la rotation du plan de
polarisation de la distance de la substance transparente à cette sur-
face polaire : on ne peut trouver qu'une formule empirique, qui devra
changer lorsqu'on changera d'électro-aîmant, ou môme lorsqu'on
changera simplement les armatures terminales d'un même électro-
aimant. Mais si la loi que j'ai établie dans ce mémoire est vraie, la
formule empirique qui représente le décroissement des rotations à
10.
I'i8 SLR LES PROPRIÉTÉS OPTIQURS
diverses distances de la surface polaire devra aussi représenter le
décroissement de l'aclion magnétique, puisque ces deux quantités
sont toujours proportionnelles; par conséquent, dans l'appareil de
M. Bertin, les actions magnétiques devaient décroître en progression
géométrique, lorsque les distances à la surface polaire croissaient
en progression arithmétique.
Des expériences directes ont complètement vérifié celte conclu-
sion. L'appareil dont je faisais usage, et qui appartient au cabinet
de rficole normale supérieure, était précisément celui dont M. Bertin
s'était servi dans ses recherches. J'ai enlevé l'une des branches de
l'électro-aimant, et à l'extrémité de la branche unique que j'ai con-
servée j'ai vissé, au lieu de la grosse armature de mes expériences,
la petite armature octogone que M. Buhmkorflf dispose ordinaire-
ment dans ses appareils, et dont M. Bertin s'était lui-même seni.
J'ai déterminé par la méthode indiquée plus haut la grandeur de
l'action magnétique à diverses distances de la surface terminale de
cette armature ^'^, et j'ai observé un décroissement très-lent qui peut
se représenter passablement par une progression géométrique dé-
croissante, bien qu'il soit en réalité un peu moins ra|)ide. On en
jugera par le tableau suivant :
RArPORT
DISTANCE
ACTION
DE CUAQrE ICTIOR MAG.NKTIt)! C
À LA SIRPACF. POLAIB»:.
UAG?IÉTIQI E *'.
À LA PRÉCKDCVrE.
^o"-
199.90
i/
3o
1 66.00
0,76
/io
1 13,7.*»
0.78
5(1
91.00
0,80
On
73.7.J
0,81
7^'
(i 1 . '1 5
Moveime. .
0.8a
o.7q6
J'ai répété Texpérience au bout d'un intenalle de deux mois
>' Cette iiiétliuile ne donne rigoureiiseinenl la valeur de TacUon ina«;iiétiqufc que lors-
que cette action est constante dans Tespiice où se meut la bobine inductrice; mais si ie<
\aleurs de Faction magnétique aux divers points de cet espace sont peu difTérentes, il est
clair que la méthode détermine sensiblement la valeur moyenne.
'*' Les acLons magnétiques inscrites dans cette colonne ont été déterminées par la
méthode des alternatives, afin d'éliminer Tinfluence des petites \arialioii< d'intensité du
courant de la pile. Li pile se composait de 10 éléments de Rnnsen.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. l/TO
pendant lequel réiecti'o-aimant avait été très-fréquemment mis en
usage, et j'ai encore obtenu la même loi, comme le montre le ta-
bleau suivant :
RAPPORT
DISTATICE
ACTION
DE CHAQUE
ACTION MAGNÉTIQUE
i u suirACB pouiie.
MAGMBTIQUK^'^
A
LA
PRÉCéOENTE.
35—
129,0
Il
35
97'0
0,75
&5
76,0
0,78
55
60,9
0,80
65
^9^7
0,81
Moyenne 0,786
Ainsi, par l'effet du temps et de l'usage, l'électro-aimant ne pa-
rait pas se modifier de façon que la loi de son action sur un point
extérieur soit sensiblement changée. Il est donc permis de croire que
lorsque M. Bertin a fait ses expériences en 18/17 et 18/18, s'il avait
mesuré les actions magnétiques exercées à diverses distances, il eût
obtenu des résultats entièrement semblables aux précédents; il au-
rait donc pu les représenter par une progression géométrique dé-
croissante , dont la raison aurait très-peu différé de la moyenne des
deux déterminations précédentes, c'est-à-dire de 0,790. Or, on
trouve dans le mémoire de xM. Bertin ^^^ cinq séries d'expériences
relatives au décroissement des rotations observées à diverses dis-
tances d'une seule branche de l'électro-aimant. Les deux premières
sont relatives au verre pesant de Faraday, et peuvent se représenter
par deux progressions géométriques décroissantes dont les raisons
sont respectivement 0,78899 et 0,78880 pour 10 millimètres d'ac-
croissement de distance; la troisième est relative à un flint préparé
par M. Matthiessen, et se représente par une progression géomé-
trique décroissante dont la raison est 0,78-? 38; la quatrième est
relative au sulfure de carbone, et se représente par une progression
géométrique décroissante dont la raison est 0,78899; la cinquième
enfin est relative au verre pesant de Farada\ . et se représente par
une progression géométrique décroissante dont la raison est 0,78899.
**ï Voir la note a de ta page 1/18.
^*^ AnnaUê de chimie et tle phyêique, 3* aéiie, l. \XIII , p. 2:! , a 3 et *î7.
f50
SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
La moyenne des raisons de ces cinq progressions géométriques est
0,78818, et diffère par conséquent bien peu de 0,790. Ainsi, les
expériences de M. Bertin s'accordent entièrement avec la loi qu'elles
semblent contredire.
Pour bien meltre en évidence l'influence qu'exerce la forme des
surfaces terminales de l'électro-aimant sur la loi de décroissement de
l'action magnétique, j'ai répété la même série d'expériences en vis-
sant une de mes grosses armatures à l'extrémité de la branche de
l'électro-aimant que je faisais agir. J'ai obtenu une loi de décrois-
sement bien plus lente que dans le cas précédent, qui peut encore
se représenter par une progression géométrique décroissante. Au
contraire, le décroissement a été bien plus rapide et tout à fait
différent de celui qu'aurait indiqué une progression géométrique
décroissante, lorsque j'ai remplacé la grosse armature par un cône
de fer doux de 3 4 millimètres de hauteur sur 45 millimètres de
diamètre à la base. Les tableaux suivants contiennent les résultati^
de CCS expériences :
GROSSE ARMATURE.
RAPPORT
DISTAMCE
ACTIOR
DE
CHAQIE ACnOR HAti.^ETIQlE
A LA Sl'BPACE POLAIRE.
MAOériQliE.
\ LA PRécÉDK^TB.
9 3-""
77,00
f
3q
73,75
0,96
fia
67,87
0,93
53
61,75
0,91
63
55, 5o
Moyenne.
•
0,90
. . . . 0,9335
ARMATLRE CO.MQIE.
RAPPORT
DISTABiCE
ACTION
DE
CHAQIiE ACTIOR HAG^KTIQCE
Al' SOUMET Dl COyt.
SIAGRÉTIQUE.
A LA PRÉCÉDENTE.
35'""
187,00
35
98,00
0,71
45
74,50
0,76
55
61,75
0,83
Enfin les expériences n° 111 et n" IV et les expériences n"* VI et
n" VII fournissent une vérification qui ne doit pas être négligée.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 151
Dans les expériences n° 111 et n° IV, j'ai mesuré les rotations pro-
duites par deux épaisseurs différentes d'un même morceau de verre
pesant; si ces mesures répondaient à des actions magnétiques égales,
les rotations devraient être proportionnelles aux épaisseurs , en vertu
de ridentité d'action de toutes les tranches de la substance. En réa-
lité, les actions magnétiques n'ont pas été les mêmes dans les deux
expériences; mais il est clair que, si les expériences ont été bien
faites, les rapports des rotations aux actions magnétiques doivent
être proportionnels aux épaisseurs. Or, ces rapports sont respective-
ment égaux à 9,88 et 1,93; en les divisant par les épaisseurs cor-
respondantes 87,9 et 96, on obtient les quotients 0,077 et 0,07^,
c'est-à-dire des nombres dont les différences n'excèdent pas les in-
certitudes des expériences. Les expériences n° VI et n° Vil relatives
au sulfure de carbone conduisent à la même conclusion. Les rap-
ports des rotations aux actions magnétiques dans ces deux expé-
riences sont 9,49 et 1,79 ; en les divisant par les épaisseurs corres-
pondantes && et 3i, on obtient les quotients o,o56 et o,o55^*l
^'^ Il n^aurait pas été possible de comparer directement les rotations produites par deux
épàVBaeuTS différentes sous l'influence d'une même action magnétique, au moins dans le
cas du verre pesant. La lumière solaire, en traversant le verre, réchauffe sensiblement,
et il en résulte que le verre acquiert un pouvoir biréfringent sensible dans toute direction
peqieodiculaire à celle du rayon de lumière. L'observation sous une épaisseur perpendi-
culaire a la première épaisseur étudiée est donc impossible tant que ce pouvoir biréfringent
n*a pas entièrement disparu , et cette disparition exige souvent plus d'une heure.
RECHERCHES
SCR
LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
DE? ELorrkCi) da>s les cuRp^ trarspareiits
PAR LACTIO> DL MAGNETISME.
DEUXIEME PARTIE.
i COMPTES ntyOLS DE L'ACADEMIE DES SCIEXCES, TOMK XXXIX, PAGE 54S.)
ïdi i*lioiuicur de présenter à TAcadéiuie ia suite d'un travail dont
je lui ai soumis la première partie, ri y a quelques mois.
Dans mes premières expériences, je me suis occupé de mesurer la
rotation du plan de polarisation d'un rayon do lumière qui traverse
une substance transparente monoréfringenle. dans une direction
parallèle à la direction de l'action niagnéti(|ue. et je crois avoir dé-
montré que cet((* rotation est proportionnelle à la grandeur de l'ac-
tion inagnéti(|ue. Dans mon nouveau travail, j'ai considéré les phé-
nomènes qui ont lieu lorsque la direction du rayon lumineux fait
un angle quelconque avec la direction de Faction magnétique, et je
suis encore arrivé à des lois d une grande sinq)licité.
Dans cette nouvelle série de rechercli(»s, j'ai dii renoncer à me
servir des appareils le plus généralement usités, qui ne permettent
de donner aux rayons lumineux qu'une seule direction, la direction
même de l'action magnétique. J'ai dû recourir à la disposition expé-
rimentale dont M. Faradav avait primitivement fait usage, et qui
consiste à faire passer le ravon lumineux un peu au-dessus du plan
SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES, ETC. 153
des bases d'un électro-aimant ordinaire en fer à cheval. 11 est clair
que Ton peut donner ainsi à Taxe de la substance transparente et
au rayon lumineux telle direction que Ton voudra par rapport au
plan de symétrie de Télectro-aimant, et, conséquemment, par rap-
port à la direction de Faction magnétique; mais il n'est pas moins
évident que, pour la rigueur des expériences, il importe que l'ac-
tion magnétique soit constante en grandeur et en direction dans tout
l'espace qu'occupe la substance transparente. Cette condition n'est
pas satisfaite lorsqu'on emploie les électro-aimants cylindriques qui
se trouvent dans les cabinets de physique; on y satisfait aisément
en fixant au-dessus des bases de ces électro-aimants deux fortes ar-
matures de fer doux, présentant en regard l'une de l'autre deux
bords rectilignes et parallèles d'une assez grande étendue. Dans mon
appareil, ces deux bords rectilignes avaient 16 centimètres de lon-
gueur, et étaient séparés par un intervalle de 8 centimètres; je me
suis assuré, par les moyens indiqués dans mon précédent mémoire.
que l'action optique et l'action magnétique étaient sensiblement
constantes dans toute l'étendue du rectangle dont ces deux bords
rectilignes seraient les bases, ainsi qu'un peu au-dessus et un peu
au-dessous.
Le rayon lumineux, réfléchi horizontalement par un héliostat et
polarisé par un prisme biréfringent, conservait une direction inva-
riable; il arrivait normalement sur la substance transparente, qui
gardait aussi la même position. L'électro-ainiant seul était mobile et
tournait autour d'un axe vertical passant à peu près par le centre de
la substance transparente. Au commencement de chaque série d'ob-
servations, le plan de symétrie de l'électro-aimant était parallèle au
rayon lumineux; on le faisait ensuite tourner d'un angle quelconque;
mais, afin de corriger les erreurs qui auraient pu tenir à un défaut de
symétrie dans l'ajustement de l'appareil, on répétait chaque obser-
vation deux fois, en faisant tourner successivement l'électro-aimant
d'un même angle à droite et à gauche de sa position primitive.
Les résultats des expériences peuvent, ainsi que je l'ai annoncé
plus haut, se formuler d'une manière très-simple. Quelle que soit
la direction du rayon luim'ncux par rapport à la direction de l'action
magnétique , le phénomène optique observé n'est jamais qu une rota-
154 SUR LES PROPRIETES OPTIQUES, ETC.
tion du plan de polarisation, et cette rotation est proportionnelle au
cosinus de l'angle compris entre les deux directions dont il s'agit,
proportionnelle, par conséquent, à la composante de l'action ma-
gnëtique parallèle au rayon de lumière. J'ai vérifié cette loi sur les
substances étudiées dans mon précédent mémoire, le verre pesant,
le flint ordinaire et le sulfure de carbone, et j'ai étendu mes expé-
riences jusqu'à des angles de 80 degrés, compris entre la direction
du rayon lumineux et celle de l'action magnétique.
RECHERCHES
SUR
LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
DEVELOPPEES DA^S LES CORPS TRANSPARENTS
PAR L'ACTION DU MAGNETISME.
DËLXlEMt: PARTIE.
{ÂNhALES DE CHIMIE ET DE PHYSIQUE, 3- SÉRIE, TOME \L1II , PAGE 37.)
En faisant connaître sa découverte de la rotation du pian de
polarisation produite par t'influence du magnétisme, M. Faraday
annonça que le phénomène se produisait avec sa plus grande inten-
sité lorsque la direction du rayon de lumière était parallèle à celle
des forces magnétiques, et qu'il disparaissait lorsque les deux direc-
tions précédentes étaient rectangulaires ; mais il ne dit rien de la
manière dont s'effectuait le passage d'un des extrêmes à l'autre. Les
observateurs qui ont suivi M. Faraday ont confirmé ces deux résul-
tats, mais ils n'y ont rien ajouté. M. Berlin a fait quelques expé-
riences en posant un morceau de flint ou de verre pesant sur la base
d'un électro-aimant cylindrique à diverses distances de l'axe : il a
observé ainsi des rotations du plan de polarisation variables avec
la position de la substance transparente , mais il n'a formulé aucune
loi, et d'ailleurs il est clair que la loi élémentaire des phénomènes
ne pouvait être découverte dans des circonstances expérimentales-
aussi complexes. M. Pouillet, M. Edmond Becquerel, M. Wiede-
156 SUR LES PROPRIETES OPTIQUES
niano , ont , dans toutes leurs e\périences , dirigé les rayons de lumière
parallèlement à l'action magnétique.
Je me suis proposé, dans cette deuxième partie de mon travail, de
compléter la connaissance du phénomène découvert par M. Faraday,
en déterminant d'une manière générale ce qui se passe lorsque
l'angle formé par la direction du rayon de lumière avec la direction
de l'action magnétique varie de o à 90 degrés. L'intérêt de cette
recherche n'a pas besoin d'être signalé : il est évident qu'elle doit
précéder toute discussion des théories qui ont été ou qui pourront
être proposées pour l'explication des phénomènes.
Les appareils ordinaires ne sont pas disposés de manière à se
prêter à ce genre d'expériences : le rayon de lumière ne peut y rece-
voir qu'une seule direction, qui est précisément la direction de l'ac-
tion magnétique. Cela arrive, par exemple, dans l'appareil de
Ruhmkorff , qui du reste n'a été construit qu'en vue de donner la
plus grande intensité |)Ossible aux phénomènes observés suivant la
direction dont il s'agit. J'ai cependant essayé d'abord de faire usage
de l'appareil de Ruhmkorff en donnant aux rayons lumineux une
direction variable à l'aide de deux réflexions successives sur des
miroirs plans parallèles. Il m'a sufli d'un petit nombre d'expériences
pour reconnaître que cette modification de l'appareil ne pouvait
donner aucun résultat digne de confiance. J'ai dû, en conséquence,
expérimenter à peu près comme l'avait fait M. Faraday, c'est-à-dire
en plaçant la substance transparente et faisant passer le rayon de lu-
mière un peu à côté ou un peu au-dessus des extrémités polaires
de l'électro-aimant : seulement j'ai du disposer l'appareil de manière
que l'espace occupé par la substance transparente fut, comme dans
mes premières recherches, un champ magnétique d'égale inietmté.
A cet effet, j'ai pris un fort électro-aimant en fera cheval, com-
posé de deux cylindres de fer doux do o*",9o do hauteur sur o",075'
de diamètre, environnés chacun de qSo mètres de fil de cuivre de
3"'"*,5 de diamètre, et fixés aux extrémités d'une barre de fer AB de
o"',35 de longueur sur o"',07 de largeur et o",oio d'épaisseur
(fig. ^3)^*^; je l'ai fait monter sur un pied de cuivre à quatre vis
'' La fi|;uro représente une vue. horizontale el supérieure de Tappareil. Le rayon de
lumière MN el la direction de l'action magnétique RQ y font un angle de 3o degrés.
DÉVELOPPÉES V\H l/MITtON OU M.VdNÉTISHE. ir.7
calantes, V, V, V, V", de inaiiière qu'il put tourner aiitour d'un
axe vertical passant par ie milieu de la barre transversale A6; l'ali-
dade G, en se déplaçant sur la {graduation du cercle horizontal DE,
faisait connaître le déplacement angulaire du système. Sur la base
horizontale supérieure de cbaquc branche verticale étaient fixées deux
armatures de Ter doux, dont \» fif^ure fera aisément comprendre la
disposition. Deu\ pièces prismatiques K et F' glissaient dans deux
espèces d'ornières G et G', et |iouvaienl s'y fixer dans une |)ositîon
quelconque à l'aide des vis de pression Ll et U'; h leurs extrémités
ces pièces portaient en regard l'une de l'autre deux lames de fer doux ,
HK, H'K'. de o".!!) de longueur sur o'",o/i de laifreur et o"'.oo.')
d'épaisseur. Les deux bords de ces plaques étaient exactement |iaral-
lèles, et, lorsqu'on les écartait d'un iutenalle convenable, il élitil
facile de reconnaître, par les moyens indiqués dans mon précédent
mémoire, que l'action magnétique était sensiblement constante dans
toute l'étendue du rectangle HKH'K'. ainsi qu'à une petite bauti-ur
en dessus el en dessous: entre les mêmes limites l'action optique
était également invariable. Au milieu de l'intervalle des deux branches
de rélectro-aimanl était une lige verticale de cuivre, s'élevanl à peu
près jusqu'au niveau de la .■iiirfacc su]»érieure des armatures, et
portant à son extrémité une plaque horizontale L, dont la circonfé-
rence était gi-aduée : au-dessus de cette plaijue se trouvai! une seconde
plaque 0, mobile autour d'un axe vertical qui coïncidait avec l'axe
158 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
de rotatioa de l'ëlectro-ainiant, et munie d'un vemier qui donnait
les dixièmes de degré. C'est sur cette seconde plaque, et contre un
petit rebord R, que la substance transparente était posée. Une tige
verticale, fixée latéralement à la barre transversale AB, portait un re-
père S à la hauteur de la graduation de la plaque L. Deux autres
tiges verticales, fixées au pied de l'appareil et indépendantes de
l'électro-aimant, portaient deux écrans noircis, de o",i5 de dia-
mètre. Au centre de l'un des écrans se trouvait un prisme biréfirin-
gent T, qui polarisait la lumière incidente ; l'autre écran était simple-
ment percé on son centre d'une ouverture de o",oo3 de diamètre,
destinée à laisser passer un faisceau cylindrique étroit ^^K L'sq)pareil
analyseur était complètement indépendant et se trouvait placé à
quelque distance. C'était la petite lunette qui m'avait servi dans mes
premières recherches.
La marche des expériences était la suivante : un faisceau de lu-
mière solaire, réfléchi par un héliostat, se polarisait en traversant
le prisme biréfringent T, rencontrait la substance transparente et
était ensuite analysé au delà du diaphragme. On amenait d'abord le
plan de symétrie de l'électro-aimant, et par conséquent la direction
de l'action magnétique, à être parallèle au rayon de lumière, en fai-
sant coïncider le zéro de l'alidade C avec le zéro de la graduation
correspondante ; on disposait la substance transparente de manière
que les faces d'entrée et de sortie fussent normales à cette même di-
rection , en faisant coïncider le zéro du vernier supérieur avec le zéro
de la graduation correspondante, et l'on observait le phénomène
optique. Ensuite on déplaçait d'un angle quelconque l'électro-ai-
mant; la substance transparente se déplaçait d'un angle égal, mais
on la ramenait dans sa position primitive par une rotation inverse
et exactement égale de la plaque 0; le rayon lumineux conservait
d'ailleurs une direction invariable, et par conséquent traversait tou-
jours la même épaisseur de la substance transparente. L'appareil
étant ainsi disposé, on observait le phénomène optique; mais on
avait soin de répéter chaque expérience deux fois , en faisant suc-
cessivement tourner l'électro-aimant d'angles égaux vers la gauche
et vers la droite, et l'on prenait la moyenne des résultats obtenus,
^'^ L^appareil a été conslruit par M. Ruhmkorff.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 159
afin d'éliminer l'influence possible d'un défaut d'exactitude dans l'ar-
rangement des diverses pièces de l'appareil. Pour de petits déplace-
ments angulaires de l'électro-ainiant, les deux résultats n'offraient
pas de différences sensibles: lorsque le déplacement angulaire attei-
gnait ou excédait 45 degrés, les différences des résultats étaient su-
périeures aux erreurs habituelles d'observation.
Il m'a été facile de constater, en premier lieu , que le phénomène
optique est, dans tous les cas, simplement une rotation du plan de
polarisation. En faisant usage de la lumière homogène, et disposant
d'abord l'analyseur de manière à éteindre complètement l'une des
deux images du diaphragme , j'ai vu reparaître cette image par l'in-
fluence du magnétisme; mais quelle que fût la situation relative de
l'électro-aimant et de la substance transparente, j'ai toujours pu
éteindre de nouveau l'image dont il s'agit par une rotation conve-
nable de l'analyseur. En opérant avec la lumière blanche, j'ai vu
reparaître l'image avec une coloration variable; et en faisant varier
la position de l'analyseur, j'ai toujours vu les teintes se succéder
dans l'ordre caractéristique du phénomène des rotations, quel que
fût l'arrangement de l'appareil. J'ai d'ailleurs reconnu, comme on
l'avait fait avant moi, qu'aucun effet n'est produit lorsque l'action
magnétique est perpendiculaire à la direction du rayon de lumière.
Ainsi les phénomènes se sont montrés tout de suite moins com-
pliqués qu'on n'aurait pu l'attendre. Lorsque la direction du rayon
de lumière polarisée est parallèle à celle de l'action magnétique , il
y a une certaine rotation du plan de polarisation ; lorsque ces deux
directions sont à angle droit, la rotation est nulle; lorsque leur angle
varie de o à 90 degrés, la rotation décroît d'une manière continue.
Ce fait général une fois constaté, il ne restait qu'à déterminer, par
des mesures exactes, la loi du décroissement des rotations. Les
appareils et les procédés optiques décrits dans mon précédent mé-
moire demeuraient donc entièrement applicables. Par les raisons
indiquées ailleurs, j'ai constamment préféré l'usage de la lumière
blanche et l'observation de la teinte de passage h l'usage de la lu-
mière homogène.
La mesure des phénomènes m'a conduit encore une fois 5 une loi
très-simple : La rotation au plan de polarisation est proportionnelle au
160 Sl'R LES PHOPRIÉTÉS OPTIQUES
cosinus de Vangle compris entre la direction du rayon de lumière et ceUe
de Vaction magnétique; en conséquence, elle est proportionnelle à la
composante de l'action magnétique parallèle à la direction du rayon
de lumière.
J'ai expérimenté sur les mêmes substances que dans mes pre-
mières recherches, savoir : le verre pesant , le flint et le sulfure de
carbone. Le sulfure de carbone était toujours renfermé dans les
petites cuves que mon premier mémoire a décrites ; Téchantilion de
flint était le même qui m'avait déjà servi; mais aux deux échantillons
de verre pesant dont j'ai donné les dimensions au même endroit
j'en ai pu ajouter un troisième, de dimensions un peu plus petites,
que M. Faraday avait bien voulu m'envoyer.
Je rapporterai seulement le tableau des résultats de deux expé-
riences, toutes les deux exécutées par la méthode de l'observation de
la teinte de passage : a désigne, dans ces tableaux, l'angle du rayon
lumineux avec la direction de l'action magnétique: R et R', les rota-
tions cmnplètes ^'^ observées suivant que l'angle a est compté à droite
ou à gauche: M. la moyenne de ces rotations; Q, le rapport de cette
moyenne exprimée en minutes au cosinus de l'angle a; iMj, les va-
leurs de M calculées en supposant exacte la loi du cosinus, et adop-
tant pour le rapport de la rotation au cosinus de l'angle a la moyenne
des valeurs de 0- A représente la différence de M et de M, '^•.
^'' Je rappellerai qu'on désigne ainsi les difTérences des deux azimuts de la teinte de
passage qui correspondent à deux directions inverses du courant électrique. Chacun de ce$
azimuts était déterminé, comme dans mes premières recherches, par quatre olisenations
individuelles difît'raot entit* elles de cinq à six minutes tout au plus.
^*^ Pour é\ iter relTet des variations du courant électrique , j'ai opéré par la méthode de»
alternatives, en prenant toujours pour terme de comparaison la rotation correspondante
à a =- o ; les valeurs observées inscrites dans les tableaux sont celles qui auraient été obser-
v»iessi la rotation correspondante à a— o était demeur»''e constante. Je les ai calculées à
Taide d'une proportion.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 161
EXPIÎRIENGES SUR LE VERRE PESANT.
Épaisseur : 'lo millimètres.
^
a
R
R'
M
Q
Ml
A
©•
II
//
S'^SG'AS"
535,75
8'»55'65''
0^' 0"
i5
S'qô'So"
8«32' 0"
8 29 i5
537,25
83750
-08 35
3o
788
7 63
7 60
53i,25
76/10
— 6
hb
6 17 /»5
6 23 l5
6 30
537,50
6 18 65
4-0 1 i5
60
A 23 3o
4 35
4 38 65
537,50
6 27 65
4-01
75
3 9 3o
3 39 3o
3 19 3o
539,00
2 18 65
M- 65
9
•
fenne
535,65
EXPERIENCES SDR LE SULFURE DE GARRONE.
Epaisseur: 66 millimètres.
a
R
R'
M
Q
M,
A
0*
//
II
5-58' 0"
358,
5''56' 0"
4-0''3' 0"
i5
5Vi6'
0"
5Vi7'3o''
5 65 65
307,30
5 66
+ 1 65
3o
5 5
2
5 10 3o
5 765
355,25
5 8 i5
— 3o
65
662
6160
690
352,
6 1 1 65
— 2 65
6o
2 52
Mo)
•
3 5 3o
Lrenne
3 58 65
357,50
a 58
n
-h 65
u
356,00
La forme de la loi qui vient d'être établie explique une circons-
tance que j'avais remarquée dans mes premières expériences: lorsque
le rayon de lumière est parallèle à la direction de l'action magné-
tique, on peut déranger, d'une manière très-sensible, l'ajustement
de l'appareil, et par conséquent faire varier l'angle a de zéro à 3
ou 4 degrés, sans altérer d'une quantité appréciable la rotation du
plan de polarisation.
Si l'on adopte les idées théoriques de Fresnel sur la rotation des
Vbbdbt, F. — Mémoires. 1 1
162 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES, ETC.
plans de polarisation , on se représentera les phénomènes en disant
qu'un rayon de lumière polarisée qui tombe normalement sur une
substance transparente soumise à l'influence magnétique se trans-
forme en deux rayons polarisés circulairement et en sens contraire
qui se propagent avec des vitesses inégales. Si l'on désigne ces vi-
tesses de propagation par v et v'y il résulte de la loi énoncée dans
ce mémoire que l'expression ; varie proportionnellement au
cosinus de l'angle compris entre la direction du rayon lumineux et
celle de l'action magnétique.
Je me bornerai à cette remarque théorique, et je m'abstiendrai,
pour le moment , de toute réflexion ultérieure sur la loi que j'ai
établie.
NOTE
SUR
LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
DÉVBLOPPiBS DANS LIS CORPS TRANSPARENTS
PAR L'ACTION DU MAGNETISME.
{COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, TOME XLIII, PAGE 529.)
Plusieurs physiciens ont indiqué des relations entre la rotation
du plan de polarisation produite sous l'influence du magnétisme et
diverses propriétés physiques des corps transparents. M. de la Rive,
en rapportant, dans le premier volume de son Traité de VEUctriciié,
les expériences de M. Rertin, fait remarquer que la rotation est, en
général, d'autant plus forte que l'indice de réfraction est plus élevé.
Deux substances, citées dans le tableau que M. Rertin a inséré dans
son mémoire, font exception à cette règle, savoir : l'alcool et l'éther,
qui sont, comme on sait, plus réfringents que l'eau, et qui cepen-
dant, sous l'influence du magnétisme, font tourner d'un angle
notablement moindre le plan de polarisation de la lumière. J'ai eu
particulièrement en vue, en commençant mon travail, de déterminer
la portée de la règle de M. de la Rive, que diverses raisons, qu'il
est inutile de reproduire, me faisaient considérer comme assez
fondée. J'ai, en conséquence, mesuré l'indice de réfraction d'un
assez grand nombre de substances, et j'ai ensuite comparé l'action
qu'elles exercent sur la lumière polarisée, lorsqu'on les place entre
les pôles d'un électro-aimant. Afin de n'employer que des corps
nettement définis et qu'on pût aisément obtenir sous des épaisseurs
égales, j'ai exclusivement opéré sur des liquides, et particulièrement
1 1 .
164
SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
sur des dissolutions salines. L'ensemble de mes expériences n'a pas
été favorable à la règle qu'il s'agissait de vérifier, et je crois en pou-
voir conclure qu'il n'existe pas de relation entre l'indice de réfraction
et ce que je me permettrai d'appeler, pour abréger le discours, le
pouvoir rotatoire magîiétique. Le tableau suivant contient les résultats
d'un certain nombre d'expériences où la règle proposée par M. de
la Rive s'est trouvée très-évidemment en défaut.
NATURE DE LA SUBSTANCE.
Eau dislilléo
Dissolution de sel ammoniac (étendae)
de protochlonire d'étain (étendue) . . .
de sel ammoniac (concentrée)
de carbonate de potasse
de chlorure de calcium
de protochlonire d'étain (étendue). . .
de chlorure de zinc
de protochlonire d'étaia (concentrée).
de nitrate d'ammoniaque
Chlorure de carbone liquide (C* CI*)
INDICE
BDB ériACTIOH
Hom.
1,334
1,359
1,364
1,370
1,371
1,379
1,378
1,394
1,434
1,448
1,466
ROTATION
GoiPLàn
produite
par one
de 44 oiilKin.
4- o'
4 45
5 37
5 39
4 91
4 55
6 10
5 57
816
3 44
5 19
M. Bertin a reconnu que certaines substances, savoir : le nitrate
d'ammoniaque et le sulfate de protoxyde de fer, en se dissolvant
dans l'eau, diminuent le pouvoir rotatoire magnétique de la disso-
lution. M. Fjdmond Becquerel a fait une observation analogue sur
le protochlorure de fer, et il a cru pouvoir dire d'une manière géné-
rale que la rotation du plan de polarisation due à l'influence du
magnétisme varie en sens inverse de la puissance magnétique des
corps. Les expériences que rapporte M. Edmond Becquerel ne per-
mettent pas de considérer cette loi comme absolue. On y voit, en
effet, que, la rotation de l'eau étant représentée par 10, celles de
deux dissolutions de protochlorure de fer inégalement concentrées
sont représentées par 9 et par 3 , et celle d'-tine dissolution de sul-
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 165
fate de nickel par i3,55; en d'autres termes, sur trois dissolutions
magnétiques, il en est deux qui produisent une rotation plus faible
que l'eau; mais la troisième produit une rotation plus forte. Néan-
moins, l'extrême faiblesse de la rotation d'une dissolution concentrée
de protochlorure de fer, rapprochée de l'observation de M. Bertin
sur le sulfate de protoxyde de fer, semble indiquer qu'il y a dans
les composés ferrugineux un mode d'action particulier, qui est digne
d'une étude approfondie.
J'ai fait dissoudre dans l'eau un certain nombre de sels de pro-
toxyde et de peroxyde de fer (chlorures, sulfates, nitrates), et j'ai
trouvé que le pouvoir rotatoire de la dissolution était, dans tous les
cas, moindre que celui de l'eau. Mais il y a plus : si, en tenant
compte de la densité et de la composition de la dissolution, on cal-
cule la rotation que produirait seule la quantité d'eau qu'elle ren-
ferme sous une épaisseur donnée , on trouve un nombre constam-
ment supérieur à la rotation observée. Les choses se passent donc
comme si le sel de fer dissous possédait un pouvoir rotatoire de
sens contraire à celui de l'eau.
Je me suis proposé de rechercher si cette hypothèse était la vraie
explication des phénomènes, et je crois être parvenu à le démontrer.
Après de nombreux et infructueux essais pour me procurer un com-
posé ferrugineux solide ou facilement fusible, suffisamment trans-
parent sous une épaisseur de i à â centimètres, et n'exerçant par
lui-même aucune action sur la lumière polarisée, j'ai complètement
réussi en dissolvant les sels de fer dans des véhicules, tels que
l'alcool et l'éther, capables de se charger d'une assez grande quan-
tité de sel , et doués d'un pouvoir rotatoire magnétique assez faible
pour laisser apparaître le sens du pouvoir rotatoire du composé
dissous. Ainsi, en mélangeant 8 grammes de perchlorure de fer
anhydre avec 3 a grammes d'éther rectifié , j'ai obtenu une liqueur
fortement colorée en rouge brun, mais parfaitement limpide, qui,
sous l'influence du magnétisme, dévie à gauche le plan de polari-
sation de la lumière dans les circonstances où l'eau et les autres
substances transparentes le dévient à droite, et vice versa. Avec
3a grammes d'éther et seulement li grammes de perchlorure,. j;'ai
obtenu une liqueur qui, sous l'influence de l'électro-aimant que
166 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
j'avais à ma disposition, n'exerçait à peu près aucune action sur la
lumière polarisée. Les dissolutions alcooliques m'ont donné des ré-
sultats entièrement semblables. D'ailleurs, il est facile de recon-
naître que les dissolutions éthérées ou alcooliques des sels alcalins
ou métalliques se comportent, en général, comme les dissolutions
aqueuses. C'est donc bien au sel de fer dissous dans l'éther ou dans
l'alcool que l'on doit attribuer le remarquable phénomène que je
viens de faire connaître , et l'on en doit conclure que les sels de fer,
soumis à l'influence du magnétisme, exercent sur la lumière pola-
risée une action contraire à celle de la généralité des substances
transparentes.
Je proposerai d'appeler direct le pouvoir rotatoire magnétique de
l'eau, du verre pesant, du sulfure de carbone et de la plupart des
corps transparents , et inverse celui des sels de fer.
n était naturel de se demander si les sels magnétiques autres que
les sels de fer ne présenteraient pas des phénomènes analogues. Je
ne suis en mesure d'émettre une opinion assurée que sur les sels de
nickel et les sels de manganèse : j'en ai examiné un certain nombre,
le sulfate, le nitrate et le chlorure de nickel, le sulfate et le chlo-
rure de manganèse, et j'ai reconnu qu'ils portent dans leur disso-
lution un pouvoir rotatoire direct qui s'ajoute à celui de l'eau. Ils
ne diffèrent donc en rien des sels métalliques ordinaires. Je ne puis
rien dire de certain sur les sels de chrome et de cobalt : ces com-
posés ont une si grande puissance colorante, qu'on ne peut en pré-
parer que des dissolutions très-étendues si on veut leur laisser une
transparence suffisante; l'influence des sels dissous est alors très-
faible par rapport à celle du dissolvant, et je n'ai pu encore en
constater le sens d'une manière certaine, les appareils que j'ai à ma
disposition ne possédant pas une puissance suffisante. Je n'ai pas
besoin de faire remarquer la difficulté nouvelle que l'opposition des
propriétés optiques des sels de fer et des sels de nickel apporte à
l'établissement de toute théorie des phénomènes. En tout cas, il
n'est pas possible de dire simplement que la rotation du plan de
polarisation est d'autant plus faible que la capacité magnétique est
plus forte, puisque l'on voit des corps magnétiques présenter des
pouvoirs rotatoires de sens opposés.
DÉVELOPPÉES PAR LACTION DU MAGNÉTISME. 167
J'ai enfin examiné la dissolution de nitrate d ammoniaque, qui,
d'après M. Berlin, posséderait un pouvoir rotatoire magnétique
moindre que celui de l'eau. Le fait est parfaitement exact, mais il
doit être intei*prété tout autrement que dans le cas des sels de fer.
Le nitrate d'ammoniaque est tellement soluble dans l'eau, qu'on en
peut aisément préparer des dissolutions qui contiennent 60 à 66
pour 100 de sel. La rotation magnétique du plan de polarisation
produite par ces dissolutions est plus faible que la dissolution pro-
duite par l'eau pure, mais elle est beaucoup plus grande que celle
que produirait à elle seule la quantité d'eau qui entre dans la disso-
lution. L'expérience prouve donc simplement que dans la dissolution
le nitrate d'ammoniaque apporte un pouvoir rotatoire moindre que
celui de l'eau, mais de môme sons.
NOTE
SDR
LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
DES CORPS MAGNÉTIQUES.
{COMPTES REIUDOS DE L'ACADÉMIE DES SCIESCES» TOME XLIV, PAGE 1909.)
Dans une note que j'ai eu l'honneur de présenter à rAcadémie,
il y a quelque temps, j'ai fait connaître des expériences d'où il ré-
sulte que les sels de fer, sous l'influence du magnétisme, exercent
sur la lumière polarisée une action contraire à celle de l'eau , du
verre, du sulfure de carbone et des autres substances transpa-
rentes. Depuis cette époque, j'ai soumis à une étude spéciale les
composés des autres métaux magnétiques, et j'en ai trouvé un cer-
tain nombre qui agissent sur la lumière à la manière des composés
du fer.
Je rappellerai que j'ai désigné sous le nom de pouvoir rotatoire
magnétique la propriété de faire tourner le plari de polarisation de la
lumière que le magnétisme développe temporairement dans les
substances transparentes. J'ai appelé direct le pouvoir rotatoire ma-
gnétique de la généralité des substances transparentes, et inverse
celui des sels de fer. Je remplacerai, dans ce qui va suivre, ces
expressions par celles de positif et de négatif, qui ont l'avanlage de
rappeler le sens de la rotation. En effet, l'eau, le sulfure de c^ir-
bone, le verre et les autres substances transparentes dont j'appelle
le pouvoir rotatoire positif font tourner le plan de polarisation de
la lumière dans le sens oii l'électricité positive parcourt le fil con-
ducteur de l'électro-aimant ; les sels de fer font tourner le plan de
polarisation dans le sens du mouvement dp réiectricité négative.
SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES, ETC. 169
Les métaux que j'ai regardés comme incontestablement magné-
tiques, et dont j'ai étudié les composés transparents, sont le fer, le
nickel, le cobalt, le manganèse, le chrome, le titane et le cérium.
Tous ces métaux sont attirables par les électro-aimants et forment
des composés doués de la même propriété.
Il est d'autres métaux, tels que le platine et ses analogues, qui
paraissent magnétiques, mais dont tous les composés sont diama-
gnétiques; le caractère magnétique de ces métaux n'est donc pas
absolument certain, et j'ai renvoyé à un travail spécial l'étude op-
tique de leur composés.
Fer, — Les sels de protoxyde de fer sont doués d'un pouvoir
rotatoire magnétique négatif qui est rendu manifeste par la faiblesse
/de l'action que les dissolutions aqueuses de ces sels exercent sur la
lumière polarisée. Cette action est toujours plus faible que ne le se-
rait celle de la proportion d'eau contenue dans la dissolution, mais
elle est de même sens, et je n'ai rencontré aucun sel de protoxyde
de fer dont le pouvoir rotatoire négatif fût assez grand pour faire
disparaître entièrement le pouvoir rotatoire positif de l'eau. C'est
pourquoi, afin de ne conserver aucun doute sur la réalité du phé-
nomène, j'ai préparé des dissolutions de sulfate de protoxyde de
fer à divers de degrés de concentration, et j'ai reconnu que les va-
leurs numériques des rotations observées s'accordaient entièrement
avec l'hypothèse qui consiste à regarder ces dissolutions comme des
mélanges en proportions variables de deux corps, l'eau et le sulfate,
doués de pouvoirs rotatoires contraires.
Le pouvoir rotatoire magnétique négatif des sels de peroxyde de
fer est beaucoup plus considérable que celui des sels de protoxyde.
Ainsi une solution aqueuse de perchlorure de fer, qui contient
4o pour 100 de sel, exerce sur la lumière polarisée une action
contraire à celle de l'eau et six à sept fois plus grande, à peu près
égale, par conséquent, à celle du verre pesant de Faraday. Les dis-
solutions éthérées et alcooliques donnent les mêmes résultats. Mais
le dissolvant qui m'a paru le plus convenable est l'esprit de bois,
qui peut se charger d'une quantité considérable de sel de fer, en
restant beaucoup plus transparent que l'eau, l'éther ou l'alcool
chargés d'une m^me proportion do sol. Ainsi, en dissolvant 55 par-
170 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
lies de perchlorure de fer dans 45 parties d'esprit de bois, on
obtient un liquide qui, par sa transparence, se prête à des obser-
vations précises, et dont l'action sur la lumière polarisée est presque
double de celle du verre pesant , mais de sens contraire. Je me suis
servi de ce liquide pour rechercher si le pouvoir rotatoire magné-
tique négatif des sels de fer variait suivant les mêmes lois que celui
des substances transparentes ordinaires. A cet effet, j'ai comparé la
rotation produite par une épaisseur d'un centimètre de la dissolu-
tion à la rotation contraire produite par une épaisseur égaie de sul-
fure de carbone , et j'ai fait varier la grandeur de cette rotation en
faisant varier soit l'intensité de l'électro-aimant , soit la grandeur et
la forme de ses armatures, soit leur distance à la substance trans-
parente. Le rapport des deux rotations a toujours eu la même va-
leur; j'en ai conclu que la rotation négative produite par les sels
de fer varie suivant les mêmes lois que la rotation positive produite
par la généralité des substances transparentes.
J'ai soumis à une étude spéciale les deux cyanures de fer et de
potassium. On sait, en effet, par les expériences de M. Plùcker et
de M. Faraday, que le cyanure jaune est diamagnétique et le cya-
nure rouge faiblement magnétique. J'ai reconnu que le pouvoir ro-
tatoire du cyanure jaune est positif et médiocrement considérable,
tandis que celui du cyanure rouge est négatif et très-grand. 1 5 par-
ties de cyanure rouge dissoutes dans 85 parties d'eau donnent un
liquide dont le pouvoir rotatoire est négatif et deux fois plus grand
que celui de l'eau, en valeur absolue.
Nickel, — Tous les sels de nickel, comme je l'ai annoncé dans
ma première communication , ont un pouvoir rotatoire positif, de
fayon que leurs dissolutions exercent sur la lumière polarisée une
action plus grande que celle de l'eau qu'elles contiennent Ce pou-
voir rotatoire positif est assez marqué et comparable à celui des sels
(le zinc ou d'étain.
Cobalt. — lie pouvoir rotatoire magnétique des sels de cobalt est
positif, mais plus faible que celui des sels de nickeK et assez diflicile
à manifester, parce qu'on ne peut dissoudre dans l'eau un sel de
cobalt en proportion un peu considérable sans diminuer beaucoup
la transparence du liquide.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 171
Manganèse. — J'ai étudié seulement les sels de protoxyde do
manganèse, et j'ai reconnu qu'ils possèdent tous un pouvoir rota-
toire magnétique positif comparable à celui des sels de cobalt ; les
sels dQ sesquioxyde ont un trop grand pouvoir colorant pour se
prêter aux expériences.
Rien n*est, d'ailleurs, plus facile à constater que le magnétisme
des trois métaux précédents et de leurs sels.
Chrome. — Les sels de protoxyde de chrome sont difficiles à pré-
parer; ceux de sesquioxyde ont un si grand pouvoir colorant, qu'on
n'en peut dissoudre quelques centièmes dans l'eau sans détruire
toute transparence; mais l'acide chromique et les chromâtes se
prêtent assez commodément aux expériences. J'ai examiné le chro-
mate neutre et le bichromate de potasse : le chromate neutre a un
pouvoir rotatoire négatif assez faible, mais impossible à mécon-
naître; le pouvoir rotatoire du bichromate est également négatif et
plus fort que celui du chromate neutre; enfin l'acide chromique a un
pouvoir rotatoire négatif comparable à celui des sels de protoxyde
de fer. On sait, d'ailleurs, que l'acide chromique et le bichromate de
potasse sont magnétiques, tandis que le chromate neutre est diama-
gnétique. En rapprochant cette circonstance des observations rela-
tives au ferrocyanure jaune de potassium, on sera porté à conclure
que le pouvoir rotatoire positif de ce ferrocyanure n'est pas dû à
ce qu'il est diamagnétique , mais à ce que les propriétés physiques
du fer sont aussi complètement dissimulées dans ce composé que
les propriétés chimiques.
Titane. — Je n'ai examiné que le bichlorure de titane. Ce com-
posé, qui est, comme on sait, liquide à la température ordinaire, a
un pouvoir rotatoire magnétique négatif un peu supérieur en valeur
absolue au pouvoir rotatoire magnétique de l'eau. Je n'ai pu , d'ail-
leurs, reconnaître avec certitude s'il est magnétique ou diamagné-
tique, mais il m'a été facile de constater le magnétisme du titane
métallique sur un échantillon d'une pureté absolue, qui m'a été
remis par M. Deville.
Dans les traités de chimie on considère en général le titane
comme voisin de l'étain, et en particulier le bichlorure de titane
comme l'analogue du bichlorure d'étain. Il est remarquable assu-
172 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES, ETC.
rémenl que sous l'influence du magnétisme ces deux corps ciercenl
des actions contraires sur la lumière polarisée.
Cériutn. — J'ai examiné une dissolution concentrée de sulfate de
cérium et une dissolution de chlorure du même métal, qui m'ont
paru toutes les deux posséder un pouvoir rotatoire magnétique un
peu moindre que celui de l'eau. 11 est donc probable que le pouvoir
rotatoire magnétique des sels de cérium est négatif. D'ailleurs, le
magnétisme des sels de cérium est aussi évident que celui des sels
de chrome ou de manganèse. C'est ce que j'ai constaté sur quelques
échantillons préparés avec le plus grand soin par M. Deville et qu'il
a bien voulu mettre à ma disposition.
En résumé, par les propriétés qu'ils communiquent à leurs com-
posés transparents, les métaux magnétiques se divisent en deux
classes, dont l'une contient le fer, le chrome, le titane et proba-
blement le cérium; l'autre contient le nickel, le cobalt et le man-
ganèse. Il est digne de remarque que les métaux les plus fortement
magnétiques, le fer et le nickel, soient le type de ces deux classes et
que les métaux les moins magnétiques établissent en quelque sorte
la transition.
DEUXIEME NOTE
SDR
LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
DES CORPS MAGNETIQUES.
{COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, TOME XLV, PAGE 33.)
J'ai l'honneur de communiquer à l'Académie quelques nouvelles
observations sur les propriétés optiques développées dans les subs-
tances magnétiques par l'action des électro-airaanls.
Dans la note qui a été insérée au Compte rendu de la séance du
8 juin dernier, j'ai annoncé que les composés du manganèse pre-
naient sous l'influence du magnétisme un pouvoir rotatoire positif.
Je dois aujourd'hui modifier cette assertion. J'ai trouvé un composé
de ce métal, le cyanure double de manganèse et de potassium, cor-
respondant par sa composition au cyanure rouge de fer et de potas-
sium, dont le pouvoir rotatoire magnétique est négatif. Ainsi le
manganèse représente, en quelque sorte, la liaison entre les deux
classes que j'ai cru pouvoir établir parmi les métaux magnétiques;
ce qui est la règle pour les composés de fer est l'exception pour les
composés de manganèse , et vice versa.
Cette propriété remarquable du cyanure de potassium et de man-
ganèse m'a conduit à étudier les combinaisons analogues du cobalt
et du chrome. Toutes deux ont un pouvoir rotatoire magnétique
positif; le cyanure double de cobalt et de potassium est même dia-
magnétique.
Dans la même note , j'avais considéré comme simplement probable
le caractère négatif du pouvoir rotatoire développé par le magné-
tisme dans les sels de cérium. Je n'ai maintenant aucun doute sur
Mil SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
ce point. Une dissolution aqueuse suffisamment concentrée de chlo>
rure de cérium, soumise à l'action du magnétisme, exerce sur la
lumière polarisée une action contraire à celle de l'eau et d'ailleurs
très-facile à constater en raison de la parfaite limpidité de la liqueur.
11 m'a élé facile de me procurer, soit au laboratoire de l'Ecole
Normale, soit au laboratoire de la Faculté des sciences, un assez
grand nombre de composés bien purs des métaux rares qui depuis
quelques années ont attiré l'attention des chimistes; j'en ai déter-
miné le caractère magnétique ou diamagnétique et l'action sur la
lumière polarisée, et cette étude m'a permis d'ajouter deux métaux,
l'uranium et le lanthane, à la liste des corps qui communiquent à
leurs composés un pouvoir rolatoire magnétique négatif.
Le nitrate d'urane, dans l'état de pureté où il est facile de l'amener
par des cristallisations successives, est diamagnétique; mais Toïyde
rouge et l'oxyde noir d'uranium , qu'il est possible d'en extraire par
l'action de la chaleur, sont l'un et l'autre magnétiques. L'uranium
doit donc être classé parmi les métaux magnétiques. D'ailleurs, en
dissolvant le nitrate d'urane dans l'eau, l'éther ou l'alcool, on ob-
tient des liqueurs dont l'action sur la lumière polarisée est moindre
que celle de la proportion de dissolvant qu'elles renferment. L'action
négative du sel dissous est donc incontestable.
Le carbonate de lanthane parfaitement pur, qui m'a été remû;
par M. Deville, est fortement magnétique. La dissolution de chlo-
rure de lanthane qu'on obtient en traitant ce carbonate par l'acide
chlorhydrique pur, soumise à l'influence du magnétisme, exerce sur
la lumière polarisée une action moindre que celle de l'eau. On doit
donc regarder comme négatif le pouvoir rotatoire magnétique du
chlorure de lanthane.
Je puis encore ajouter à la liste des métaux magnétiques le mo-
lybdène. Les échantillons de ce métal qui m'ont été remis par
M. Debray sont magnétiques, et, comme cette propriété se retrouve
dans l'acide molybdique purifié par plusieurs distillations, elle ne
saurait être attribuée à la présence de substances étrangères. Les
molybdates que j'ai eus à ma disposition , ceux de soude et d'am-
moniaque, sont diamagnétiques; leur pouvoir rotatoire magnétique
est positif, mais assez faible.
DÉVELOPPÉES FAR LACTION DU MAGNÉTISME. 175
C'est au contraire parmi les métaux diamagnétiques que doivent
se ranger le lithium et le glucinium; tous les composés de ces corps
qui m'ont été remis par M. Troost et par M. Debray sont repoussés
par les aimants de la manière la plus évidente.
RECHERCHES
SIR
LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
DETELOPPEBS DA5S LBS CORPS TRÂXSPARERTS
PAR L'ACTION DU MAGNETISME.
TROISIÈME PARTIE^^^
{A!V\ALES DE CHIMIE ET DE PHYSIQUE, 3« SÉRIE, TOMB LU, PAGE 129.)
Après avoir déterminé les lois suivant lesquelles les propriétés
optiques développées dans les corps transparents par Tactioa du
magnétisme varient avec la grandeur et la direction des forces ma-
gnétiques, je me suis proposé de rechercher l'influence que la nature
des corps transparents exerce sur les phénomènes, en mesurant,
dans des circonstances comparables, les rotations du plan de pola-
risation produites par des corps de nature très-diverse placés entre
les pôles d'un électro-aimant. Les travaux antérieurs des physiciens
ne m'ont appris que bien peu de chose sur cette influence. Un petit
nombre de déterminations numériques contenues dans les mémoires
de MM. Berlin, Edmond Becquerel, Wiedemann, des expériences
de M. Faraday, beaucoup plus nombreuses et plus variées, mais
destinées simplement à montrer la généralité du phénomène, sans
^'^ Les principaux résultais contenus dans ce mémoire ont été résumés dans trois notes
insérées aux Compte* rendu» de VAcadétnie de* teienees (séances du 8 septembre i856, du
8 juin et du 6 juillet i8r»7). [Voir pages i63, i68, 173.]
SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES, ETC. 177
prendre aucune mesure, sont les seules données que la science pos-
sédât lorsque j'ai entrepris mes recherches. Aucune loi générale ne
pouvait se conclure avec certitude d'un aussi petit nombre de faits.
Je montrerai qu'effectivement celles que l'on avait essayé d'établir ne
sont pas exactes.
Pour étudier la question, je n'ai eu qu'à appliquer à un nombre
suffisant de substances les méthodes décrites dans mon premier mé-
moire, en y apportant toutefois quelques modifications qui ont eu
pour effet d'augmenter la grandeur du phénomène à observer, ou
d'abréger la durée des expériences, sans diminuer en rien la préci-
sion des mesures. Aux grosses armatures que j'employais dans mes
premières recherches, j'ai substitué des armatures beaucoup plus
petites, composées d'une plaque de fer en forme d'octogone régu-
lier, de 1 3 millimètres de côté et de 8 millimètres d'épaisseur ^^^ Il en
est résulté, toutes choses égales d'ailleurs, un accroissement consi-
dérable de l'action magnétique et de l'action optique, et si en même
temps ces deux actions ont cessé d'être constantes dans toute l'éten-
due des substances que l'on a placées entre les armatures, ce chan-
gement a été sans inconvénient. Lorsque deux substances transpa-
rentes quelconques, de même épaisseur, ont été placées successive-
ment dans la même position entre les armatures de l'électro-aimant,
les diverses couches correspondantes de ces deux substances ont été
impressionnées par des actions magnétiques égales. Elles ont donc
exercé des actions proportionnelles à l'action spécifique des deux
substances, et il est facile de conclure de là que les sommes de ces
actions optiques élémentaires, c'est-à-dire les rotations totales ob-
servées, ont été dans le même rapport que si l'action magnétique,
et par suite l'action optique, eussent été invariables dans tout l'es-
pace intermédiaire aux armatures. Il est d'ailleurs évident que ce
rapport est la seule chose qu'il importait de déterminer.
L'intensité d'un courant, et par suite celle d'un électro-aimant,
ne demeure jamais constante pendant une série d'expériences de
quelques jours ou même de quelques heures; des variations plus
(*) Ce sont les armatures octogonales que M. Ruhmkorff joint à tous ses appareils et
qui sont mentionnées dans la première partie de mes recherches, Annales de chimie et de
pkfffîque, 3* série, t. XLI, p. 609. [Voir p. 168.]
ViiDiT, I. — Mémoires. 1 a
178 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
considérables encore ont Ueu toutes les fois que Ton renouvelle les
liquides de la pile, ou que Ton change le nombre de ses élémefits.
Pour rendre mes déterminations indépendantes de Tefiet de ces Ta-
nations, je me suis seni de deui méthodes. Dans la première, j^ai
fait précéder et suivre chaque mesure de Taction optique par une
mesure de Faction magnétique eiercée au milieu de Fintenralle des
armatures de Téieclro-aimant. et j'ai pris le rapport de Faction
optique à la moyenne des deu\ actions magnétiques mesurées suc-
cessivement. L'ei|>érience m'a appns que pour chaque substance ce
rapport est invariable, tant que les variations de puissance de Félec-
tro-aimant sont comprises entre de certaines limites, bien moins
resserrées d'ailleurs que les limites où sont comprises les variations
qui se présentent naturellement dans les expériences '^ . U m^a été
facile par conséquent de ramener toutes les rotations observées a
une action magnétique constante par une simple proportion.
Ce procédé de correction exigeait deux systèmes de mesures, des
mesures optiques et des mesures magnétiques, et comme, en raison
du grand nombre de déterminations que javais à faire, il importait
d'abréger le temp nécessaire à chaque expérience, je n'ai pas tardé
à y substituer un procédé plus expéditif et tout aussi exact, qui con-
sistait à comparer directement Faction optique de tous les corps à
celle de Feau distillée. A cet effet, tantôt j'ai effectué la mesure de
la rotation produite par une substance transparente entre deux me-
surfis de la rotation produite par une épaisseur égale «Feau distillée:
*' Ainsi , en (iûsaot passer suceessîveiueol dans ie fil de râectro>aimant le cooraftl de
30 flémenU de Bunsen et celui de i o élémonU, j'ai obtenu des actions magnétiqws hm^
Mirées par les nombres 1 00.7 et 78,3. Les rotations coiTe$pondaule^ du plan de polarisa-
lion produites par une t'paisseur de <>omilliniètres de solfur? de carbone ont été V16
*4 3* 18 . Le rapport de b rotation exprimée en minutes à Paction magnétique a donc
été 9,5^9 dans la première expérience et 9,099 dans la seconde; on peol le regarder
comme sensiblement invariable. D^ailleurs la différence onire 1 00,7 et 78,3 excède de
beaucoup la variation qne peut éprouier la puissance de rélectro-aimanl, dans une série
d^expériences prolongée pendant plusieurs jours sans renotnelcr Tacide nilriqoe de b
pile. Je n'ai jaihab laissé cette variation s'élever au dixième de la valeur initiale.
Le résultat empirique signalé dans celle note ne pouiait être conclu de la proporlion-
nalilé de b rotation et de Taction magnétique que j*ai démontree dans mon premier mé-
moire; car il n*ost pas certain que, lorsque Télectro-aimant \arie de puissance, les actions
qu*il t'xerct» aux fliv«>rs points de rintervalle des armatures varient dans le même rapport.
DÉVELOPPÉKS PAK r;\CTION DU MAGNÉTISME. 179
tantôt, lorsque la pile récemment montée donnait un courant pres-
que absolument constant , j'ai rendu le procédé encore plus expéditif
en opérant comme il suit. J'ai soumis d'abord Feau distillée à l'ac-
tion de l'électro-aimant, et j'ai déterminé l'azimut du plan de po-
larisation de la lumière émergente. J'ai remplacé l'eau distillée par
la substance à étudier, et j'ai déterminé le nouvel azimut du plan
de polarisation; renversant alors le sens du magnétisme de l'éleclro-
aimarit, j'ai mesuré le déplacement du plan de polarisation qui est
résulté de ce changement, et enfin, remettant l'eau distillée enlre
les armatures , j'ai déterminé un quatrième et dernier azimut. J'ai
considéré la demi-différence des deux a/imuts relatifs à l'eau dis-
tillée, et la demi-différence des deuv azimuts relatifs à la substance
transparente, comme exprimant exactement les rotations correspon-
dantes a une même puissance de l'électro-aimant^'^
J*ai toujours déterminé l'azimut du plan de polarisation par l'ob-
servation de la teinte de passage. Lorsque le corps étudié est inco-
lore ou faiblement coloré, on sait que la teinte de passage indique
la position du plan de polarisation des rayons jaunes moyens ; mais
il en est tout autrement lorsqu'il s'agit d'un corps fortement coloré,
et Ton s'exposerait à de graves erreurs si, pour obtenir le rapport
de l'action optique d'un tel corps à celle de l'eau, on comparait sans
confection les deux déviations de la teinte de passage. J'ai fait dis-
paraître cette cause d'erreur en ayant soin d'observer la teinte de
passage, dans le cas de l'eau distillée, au travers d'une épaisseur de
la substance colorée que j'étudiais égale à l'épaisseur de pette même
substance que je faisais ensuite agir sur la lumière. Le faisceau lu-
mineux qui arrivait sur l'analyseur avait ainsi, dans le cas de l'eau,
la même composition que dans le cas de la substance colorée; la
teinte de passage correspondait donc, dans les deux expériences, au
plan de polarisation de la même couleur du spectre, et le rapport
des déviations de cette teinte faisait connaître le rapport des actions
optiques.
Enfin la nature particulière des substances dont j'ai fait choix
pour les étudier a rendu nécessaire une autre correction. Afin de
(') Void ies éléments complets dVne comparaison de Teau et du sulfate de nickel en
difisoliilion , eflectuf^ par le second procédé. Les deux liquides étaient employés sous une
1 -1 .
i80 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
n'opérer que sur des corps bien définis et faciles à reproduire dans
épaisseur de 60 millimètres; rintervalle entre les armatures octogones était de 5o milli-
mètres, et la pile se composait de 30 éléments de Bunsen.
L''eau distillée étant placée dans Tappareil et la puissance de rélectro-aimant mise en
jeu, j'ai observé les azimuts suivants de la teinte de passage :
• 5o"38
5o hU
5o /ia
3o ko
Moyenne 5o*â 1 '
Le sulfate de nickel ayant remplacé Teau distillée, j^ai observé les azimuts :
5i*a6'
5i a3
ôi ao
ôi aG
Moyenne 5ra3'/i5''
Après le renversement du courant, les azimuts de la teinte de passage transmise par le
sulfate de nickel ont été :
/j6»37'
'16 3()
Moyenne
'16 33
'H) 3]
hO'Pi'iy
V^fin , Teau distillée étant remise à
nière série d''azimuL<t :
•
la place du su
/i7'io'
ff] la
'47 i3
67 i5
Ifate de nickel,
J'ai
obtenu
une
der
Moyenne
'i7«ia'3o''
On
déduit de lu les
valeurs suivantes des rotations
•
•
Eau distillée. .
i»/i.V
15'^
Sulfate de nickel a a'i /i.*)
Pour conclure de ces nombres le rapport vrai de Faction optique du sidfale de nickel
à celle de Teau , il faudrait leur faire subir deux corrections qui seront indiquées plus loin.
On reuiar(]uera qu'eu prenant la moyenne des azimuts relatifs ù Teau distillée et celle
des azimuts relatifs au sulfate de nickel on doit trouver dans Tun et l'autre cas Tazimut
du plan primitif de polarisation, et qu'en conséquence, si les expériences sont bien faites,
ces deux moyennes doivent être égales. Elles ont en effet respectivement pour valeur
h^'*b6'hy et /i8*59'; la différence de ces deux nombres est inférieure aux erreurs pos-
sibles d'observation.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU xMAGNÉTISME. 181
un état de pureté parfaite, je n'ai opéré que sur des liquides ^*^, et
il est clair que ces liquides ont dû être contenus dans des cuves
fermées à leurs extrémités par des plaques transparentes. En ayant
soin de choisir des plaques de verre non trempé , et d'adopter un
mode de fermeture tel, que la pression exercée sur les plaques fût
assez faible et répartie également sur toute leur circonférence, les
plaques n'avaient par elles-mêmes aucune action sur la lumière po-^
larisée. Mais, sous l'influence du magnétisme, elles exerçaient une
action sensible qui s'ajoutait à l'action du liquide, et dont il fallait
tenir compte. A cet effet, avant d'employer une cuve à mes expé-
riences, j'opérais sur la cuve, successivement vide et remplie d'eau
distillée, de manière à déterminer le rapport de la rotation produite
par l'action des plaques à la rotation totale produite par l'action si-
multanée des plaques et de l'eau. 11 est facile de comprendre com-
ment la connaissance de ce rapport permettait de corriger toutes les
observations faites avec la même cuve. Je répétais d'ailleurs cette
détermination toutes les fois qu'il m'arrivait de changer la situation
relative de la cuve et des armatures de l'électro-aimant. Dans mes
expériences, le double de la rotation du plan de polarisation due à
l'action des plaques de verre a varié, suivant la nature des plaques
et leur distance aux armatures, de 3o minutes à i degré ^^l L'épais-
seur sous laquelle j'ai employé les liquides a varié de lo à 5o mil-
limètres.
La température du laboratoire où ont été faites les expériences a
toujours été comprise entre 1 2 et 1 8 degrés.
La rotation du plan de polarisation, produite par une épaisseur
donnée d'une substance transparente soumise à une action magné-
tique de grandeur donnée, est une constante physique aussi carac-
téristique de la substance que l'indice de réfraction ou le pouvoir
^') Les seuls corps solides qui se prêtent aux expériences d'une manière commode sont
le8 verres, et la composition de ces corps est trop mal définie pour qu'il y ait un grand
intérêt â en étudier l'action. Les cristaux uniréfringents, qui pourraient convenir, s'ob-
tiennent si difficilement en échantillons de quelque épaisseur, bien purs et bien exempts
de trempe, que j'ai renoncé à en faire usage dans cette partie de mon travail.
^î On s'étonnera peut-être de voir que j'aie pensé à mesurer avec quelque précision
des rotations aussi faibles. Pour montrer que cette mesure est susceptible d'exactitude, je
rapporterai les éléments d'une détermination relative aux plaques qui fermaient une cuve
de 6 A millimètres d'épaisseur. La distance entre les armatures de l'électro-aimant était de
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 183
les [jrincipaies expériences relatives aux rotations magnétiques du
plan de polarisation , et développé quelques considérations théoriques,
s'exprime comme il suit^'^ :
« Ainsi la force magnétique n'agirait sur l'éther que par l'inter-
médiaire des particules, et que lorsqu'il est lui-même à un certain
état de densité provenant de l'action qu'exercent sur lui les parti-
cules entre lesquelles il est logé; et elle agirait d'autant plus forte-
ment que cette densité serait plus considérable. Comme elle ne dé-
pend pas seulement de celle du corps, c'est-à-dire du rapprochement
des particules qui le constituent, mais surtout de la nature de ces
particules, ce ne sont pas toujours les corps les plus denses qui
sont les plus réfringents, et par conséquent qui doivent éprouver
la polarisation circulaire magnétique la plus considérable. L'expé-
rience confirme tout à fait cette manière de voir, et si l'on jette les
yeux sur le tableau, encore très-limité il est vrai et très-imparfait,
des coefficients de polarisation magnétique, on est frappé du fait
que les substances se suivent dans ce tableau à peu près dans le
même ordre que dans le tableau de leurs pouvoirs réfringents. De
nouvelles recherches sont nécessaires pour établir sur des bases plus
solides l'analogie que je viens d'indiquer, et surtout pour déterminer
la nature de la modification qu'éprouve l'éther sous l'influence ma-
gnétique. y>
Cette remarque de M. de la Rive a attiré mon attention dès mes
premières recherches, et m'a paru digne d'un examen approfondi.
La simplicité des lois auxquelles sont soumises les variations des
pouvoirs rotatoires magnétiques m'a rendu pendant quelque temps
favorable à l'opinion qui rapporte les phénomènes à une action di-
recte des forces magnétiques sur l'éther plutôt qu'à une action des
mêmes forces sur la matière pondérable, et j'ai considéré en consé-
quence comme très-vraisemblable l'existence d'une relation simple
entre le pouvoir rotatoire magnétique et l'indice de réfraction qui
peut, comme on sait, être pris pour mesure de la racine carrée de
la densité de l'éther. On va voir que l'expérience n'a pas confirmé
mes conjectures.
J'ai, en effet, déterminé les pouvoirs rotatoires magnétiques cl
(') Tome !•', page 555.
ISà
SLR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
les indices de réfraction moyens d'un assez grand nombre de li-
quides, dont la plupart étaient des dissolutions salines plus on moins
concentrées^' . J'ai exclu de cette première étude tous les liquides
magnétiques qui , d'après les expériences de MM. Bertin et Edmond
Becquerel, me paraissaient deroir rester en dehors de la règle for-
mulée par M. de la Rive. J'ai mesuré les indices de réfraction à
l'aide du goniomètre de Babinet, les liquides étant renferma dans
un excellent prisme de verre construit par M. Brunner, dont l'angle
réfringent était de Â3*/ii'.
L'ensemble de ces mesures m'a fait voir qu'il n'y a pas de relation
simple entre les indices de réfraction et les pouvoirs rotatoires ma-
gnétiques. On en jugera par le tableau suivant, où j'ai inscrit les
résultats de mes expériences, en y rangeant les divers liquides sui-
vant l'ordre croissant de leurs indices.
LIQUIDES.
I!fDlCES
■irKAcnos.
Eau distillée
Dissolution de borate de soude
de chlorure de caldum . . .
de carbonate de potasse. . .
de nitrate de plomb
de chlorure de magnésium
de sel ammoniac .
de protochlorure d'étain . .
de chlorure de zinc
de sel ammoniac
de carbonate de potasse. . .
de chlorure de calcium . . .
de protochlorure d'étain . .
de chlorure de zinc
de protochlorure d'élain . .
de nitrale d^ammoniaque .
Chlorure de carbone G* Cl*
POUVOIRS
BMgnéCiqi
,336
,36 1
,354
,355
,355
,357
,359
,366
,368
,370
,371
,373
,378
,394
,448
,666
1,000
1,000
i,o85
i,o5o
1,000
1,137
i,i84
1,348
i,36i
1,371
1,087
i,93o
1,595
1,507
3,067
0,908
],a6&
^') Presque toutes les dissolutions dont j*ai fait usage ont été préparées et dosées au la-
boratoire de chimie de PEcole normale supérieure, par les soins de M. Debray.
DEVELOPPEES PAR L'ACTION DU MAGNETISME. 185
On voit dans ce tableau que Tordre des indices de réfraction est
entièrement différent de Tordre des pouvoirs rotatoires magnétiques.
Ainsi, pour ne citer que les exemples les plus remarquables, le ni-
trate d'ammoniaque, dont le pouvoir rotatoire magnétique est le
plus faible parmi ceux que je rapporte, a un des plus forts indices
de réfraction; le chlorure de carbone, plus réfringent que les trois
dissolutions de protochlorure d'étain que j'ai employées, a un moindre
pouvoir rotatoire magnétique que la moins concentrée de ces trois
dissolutions; les dissolutions de chlorure de calcium, de carbonate
de potasse et de sel ammoniac, qui ont des indices de réfraction
presque égaux, ont des pouvoirs rotatoires magnétiques très-diffé-
rents.
La règle énoncée par M. de la Rive ne se vérifie donc pas par
Texpérience, et le pouvoir rotatoire magnétique des corps ne paraît
pas dépendre uniquement de la constitution de Télher qu'ils con-
tiennent. Il était naturel de se demander s'il ne dépendrait pas plutôt
de leurs propriétés diamagnéliques , si par exemple, comme quel-
ques physiciens l'ont supposé, il ne serait pas d'autant plus grand
que le diamagnétisme des corps serait plus considérable. Je n'ai pas
fait d'expériences directes sur cette question; on verra plus loin que,
dans le cours de mes recherches, j'ai eu occasion de la résoudre in-
directement et d'une manière négative.
On trouve dans le tableau de la page précédente plusieurs séries
de nombres relatifs à des dissolutions inégalement concentrées d'un
même sel, qui donnent lieu à une> remarque importante. Si Ton
suppose que dans la dissolution les molécules de Teau et les molé-
cules du sel agissent sur la lumière polarisée indépendamment les
unes des autres et si, en vertu de cette hypothèse, tenant compte de
la composition et de la densité de la dissolution , on calcule Taction
exercée par le sel dissous, on trouve pour les diverses dissolutions
d'un même sel des nombres proportionnels à la quantité de sel con-
tenue dans Tunité de volume de la dissolution. L'hypothèse se vérifie
donc par Texpérience; le sel dissous dans Teau se comporte comme
le ferait par exemple du sucre dissous dans un liquide actif, et le
quotient constant de la rotation due au sel par la proportion de sel
contenue dans Tunité de volume (densité du sel dans la dissolution)
186 SUR LES PROPRIETES OPTIQUES
peut recevoir le nom de jwutvir rotatoire magnétique moléculaire. J'ai
réuni dans le tableau suivant les résultats donnés par les dissolu-
lions de prolochlorure d'étain, de chlorure de zinc et de sel am-
moniac.
^^sai
POIDS
POITOIR
DENSITK
POUVOIR
ROTATION DUE
MfTATWBI
91 SEL COST»C
*
>ATLHE
magne-
il«'
_ii -
■OTATOISI
— "^^^^^^^
,11
tiq.e
dans
dans
•
molértt-
Ot su DISMUÇ.
Ll DIS>0-
Panitr
rnoité
magne-
laire
LITIOS.
de poids
de la dis-
solution.
de volume
de la dis-
solatioa.
tiqac.
a 1 eau.
au sel.
dose!
dissous.
Pi-oloclilonire d'élai n.
1,3 3 80
<»,3o-j
0,601
9,067
0*937
1,130
3,79
Ideni
J,lG37
0,170
0,198
1,595
0,966
0,559
S.81
Idem
1 1 1 1 >l
0.1 30
O- 1 33
1.368
0,97^
0,963
0,370
0,566
3,71
1,65
Chlorure de zinc . . .
t , t J j j
i,*j85i
o,fi66
0,363
1,507
Idem
1,1395
0,1 5o
0,17'!
1,361
0,985
0,976
«,59
Sel aiiiinoniac. ....
1,07 iS
0,967
0, •!().')
1,371
0,807
o,566
3,l3
Idem
i,oû()3
0,109
(M 35
1,186
0,916
0,370
9,00
Je n'ai pas fait de calculs semblables sur les deux dissolutions de
chlorure de calcium et les deux dissolutions de carbonate de potasse
que j'ai étudiées; h^s pouvoirs rotatoires magnétiques de trois de
ces dissolutions étaient si peu différents de celui de l'eau, qu'il était
impossible de s'en servir pour calculer des valeurs exactes des pou-
\oirs moléculaires.
Ainsi, lors(juiiii sel se dissout dans leau, l'eau et le sel apportent
chacun dans la dissolution leur poutvir rotatoire magnétique spécial, et la
tvtation produite par la dissolution est la somme des rotations individuelles
dues aujo molécules de F une et de F autre substance.
II est très-probable que cette loi convient aux dissolutions de
toute nature et aux mélanges formés de liquides qui n'ont pas d'ac-
lion chimique Tun sur l'autre: mais je n*ai fait jusqu'ici aucune
expérience pour m'en assurer. Je me suis borné à reconnaître que le
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION Dli MAGNÉTISME. 187
sens général des phénomènes est le même; que, par exemple, les
sels qui, en se dissolvant dans Teau, dx)nnent à leurs dissolutions un
grand pouvoir rotatoirc magnétique, se comportent de même quand
on les dissout dans Talcool ou dans Téther; c'est ce que j'ai vérifié
sur divers chlorures métalliques solubles dans ces liquides : le bi-
chlorure de mercure, le bichlorure d'étain, le chlorure de cobalt,
le chlorure de nickel, ces deux derniers magnétiques, mais agissant
à la manière des corps diamagnétiques.
La plupart des sels donnent à leur dissolution aqueuse un pou-
voir rotatoire magnétique plus grand que celui de l'eau. Cependant
il en est quelquefois autrement, le sel contenu dans un volume
donné de la dissolution exerçant sur la lumière polarisée ime action
inférieure à celle de la quantité d'eau qu'il remplace. Ainsi la disso-
lution de nitrate d'ammoniaque mentionnée au tableau de la
page i84 est formée de 43 parties d'eau et de 07 parties de nitrate:
sa densité étant égale à i,!>r)66. on en conclut que l'unité de vo-
lume contient 0,6660 d'eau et o,5()o6 de nitrate. La rotation étant
seulement les 0,908 de la rotation de l'eau distillée, on peut la
considérer comme la somme d'une rotation égale à 0,666 pro-
duite par l'eau, et d'une rotation 0,2/19 produite par le nitrate; ce
dernier nombre conduit à une valeur assez faible du pouvoir molé-
culaire, o,4oi. Des phénomènes semblables auraient lieu si l'on
mélangeait à l'eau un li([ui(le dont le pouvoir rotatoire magnétique
serait plus faible, comnie l'alcool, l'éther ou l'esprit de bois.
D*après M. Berlin, les dissolutions de sulfate de protoxyde de
fer se rapprochent de la dissolution de nitrate d'ammoniaque par la
faiblesse de leur pouvoir rotatoire magnétique. M, Edmond Bec-
querel a fait une observation analogue sur les dissolutions de pro-
tochlorure de fer, et même il a cru pouvoir dire d'une manière
générale que la rotation du plan de polarisation produite sous
l'influence du magnétisme variait en raison inverse de la puissance
magnétique des corps ^^K Les expériences que rapporte M. Edmond
Becquerel lui-même ne permettent pas une conclusion aussi abso-
lue. On voit en elTel dans son mémoire que, la rotation de l'eau étant
■') Voyez Atinalen de chimie ei de phjfsifftte, 3* série, I. XXVIII , p. 33'i.
188 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
représentée par lo, celles de deux dissolutions inégalement con-
centrées de protochlorure de fer ont été représentées par 9 et par 3 ,
et celle d'une dissolution de sulfate de nickel par i3,55 : en d'au-
tres termes, sur trois dissolutions magnétiques examinées, il en est
deux qui produisent une rotation plus faible que celle de l'eau, mais
la troisième produit une rotation plus forte ^^^ Néanmoins l'extrême
faiblesse du pouvoir rotatoire magnétique des dissolutions concen-
trées de protochlorure de fer, rapprochée de l'obsenation de
M. Bertin sur le sulfate de protoxyde de fer, m'a semblé indiquer
qu'il y avait, sinon dans tous les composés magnétiques, au moins
dans les composés ferrugineux, un mode d'action particulier, digne
d'une étude approfondie.
Cette étude a été le principal objet de mon travail. Je vais en
faire connaître les résultats en considérant successivement les com-
posés des divers métaux magnétiques.
Fer. — Lorsque l'on dissout dans l'eau un sel de protoxyde de
fer, la dissolution a toujours un pouvoir rotatoire magnétique infé-
rieur à celui de l'eau pure et d'autant plus faible que la proportion
du sel dissous est plus grande. Mais il va plus : si, en tenant compte
de la densité et de la composition de la liqueur, on calcule la rota-
tion que produirait seule la quantité d'eau qu'elle renferme sous un
volume donné , on trouve un nombre constamment supérieur à la
rotation observée. Les choses se passent donc comme si le sel de fer
dissous exerçait sur la lumière polarisée une action contraire à celle
de Teau. Ainsi une dissolutien de protochlorure de fer, de densité
égale à 1,9999, et contenant sur 100, 5 parties pondérales 79,9 par-
ties d'eau contre 98,8 de protochlorure, produit, sous l'influence
du magnétisme, une rotation égale à o,58i, la rotation produite
par l'eau pure étant prise pour unité. 11 résulte de ces nombres que
l'unité de volume de la dissolution contient une proportion d'eau
^'^ M. Edmond Becquerel ne paraît pas s'être préoccupe de Piofluence que la coloratioo
des liquides exerce sur la détermination des azimuts de polarisation par la teinte de pas-
sage. Celle influence, presque nulle dans le cas des sels de protoxyde de fer, est très-
grande dans le cas des sels de nickel , ce qui m''a fait croire en commençant qu'il suffirait
d'en tenir compte pour faire rentrer les sels de nickel dans la règle générale énoncée par
M. Becquerel. 11 n'en est rien : on verra plus loin que les dissolutions de sels de nickel ont
réellement un pouvoir rotatoire magnétique plus grand que celui de l'eau.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 189
égale aux 0,9266 de l'unité de poids, et qu'en conséquence, si le
sel dissous était absolument inerte, la rotation devrait être préci-
sément égale à 0,9266. Comme elle est beaucoup plus petite, il
est naturel de penser que le sel dissous produit une rotation con-
traire à celle de l'eau et égale en valeur absolue à la différence
entre 0,926 et o,58i, c*est-à-dire à o,345.
Tous les sels de protoxyde de fer que j'ai étudiés m'ont donné
des résultats semblables. Si on les rapproche de la loi établie plus
haut sur les dissolutions non magnétiques , on sera convaincu que
les sels de protoxyde de fer, soumis à l'influence du magnétisme,
exercent sur la lumière polarisée une action contraire à celle de
l'eau, du sulfure de carbone, du verre et de la généralité des subs-
tances transparentes. Toutefois, afin de ne conserver aucun doute à
ce sujet, j'ai voulu répéter sur des dissolutions inégalement con-
centrées de sels ferrugineux les expériences que j'avais faites sur
des dissolutions de sels de zinc ou d'étain. J'ai fait choix à cet effet
de deux sels de protoxyde de fer qu'il est facile d'obtenir purs de
toutes traces de sel de peroxyde, le sulfate et le chlorure. M. De-
ville m'a remis une quantité assez considérable de sulfate cristallisé
préparé avec le plus grand soin, et je me suis servi de ces cristaux
pour faire deux dissolutions aqueuses contenant, la première 17,/i
pour 100, et la seconde 10, 5 pour 100 de sulfate anhydre. Leurs
densités étaient respectivement 1,1982 et 1,11 35, et leurs pou-
voirs rotatoires magnétiques 0,760 et o,838. En faisant sur ces
dissolutions les mêmes hypothèses et les mêmes calculs que sur les
dissolutions de chlorure de zinc et de protochlorure d'étain consi-
dérées plus haut, page 1 86 , on obtient deux valeurs à peu près égales
pour le pouvoir rotatoire magnétique moléculaire du sulfate de
protoxyde de fer, savoir : — 1,2/i et — i,35. Les valeurs étant de
signe contraire au pouvoir rotatoire de l'eau, et suffisamment con-
cordantes, on voit que l'hypothèse est justifiée. Les expériences sur
le protochlorure conduisent à la même conclusion. La dissolution
citée a la page précédente, préparée par l'action de l'acide chlorhy-
drique pur sur des cordes de piano, a donné pour le pouvoir mo-
léculaire du protochlorure le nombre — 0,9/1 ; une dissolution
étendue, préparée en ajoutant de l'eau pure à la dissolution précé-
190 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
dente, et ne contenant plus que 16 pour 100 de proiochlorure, a
donné le nombre — 0,82 ^'l
Il y a donc lieu de distinguer deux modes d'action sur la lumière
polarisée de la part des corps transparents soumis à l'influence du
magnétisme. J'appellerai positif le pouvoir rolatoire de l'eau et de
la généralité des substances transparentes non magnétiques ; négatif
celui des sels de proloxyde de fer et des corps qui agissent dans le
même sens sur la lumière polarisée. Ces expressions sont préfé-
rables à celles de V/t/vr/ et di inverse, que j'avais employées dans une
première publication, car elles ont l'avantage de rappeler le sens de
la rotation. L'eau, le sullure de carbone, le verre et les autres
substances dont le pouvoir rotatoire magnétique est positif, font
tourner le plan de polarisation dans le sens où l'électricité positive
parcourt le fil conducteur de l'électro-aimant ; les sels de protoxyde
de fer et les corps analogues font tourner le plan de polarisation
dans le sens où l'éleclricité négative parcourt le même fil. il est à
|)eine besoin de dire que dans les tableaux numériques je dési-
gnerai ces deux espèces de pouvoirs rotatoires par les signes + et — .
Quelque concentrées que fussent les dissolutions de sel de pro-
toxyde de fer, je n'ai jamais observé qu'une diminution plus ou
moins grande de la rotation du plan de polarisation ; une dissolu-
tion de protochlorure, concentrée jusqu'à cristalliser, a montré un
pouvoii* rotatoire magnétique absolument nul, mais il ne m'a pas
été possible d'obtenir un renversement complet de la rotation. J'ai
espéré v parvenir et rendre manifeste directement le pouvoir rota-
^'' Les résultats de ces expériences sont dignes d'attention à un autre point de vue. On
voit que j'ai pu représenter numénquement les phénomènes obsenés en considéraiil les
dissolutions de snlfnte comme formées d'eau et de sulfate anhydre et en attribuant à l'eau
i'i au sel des actions contraires et proportionnelles à la densité que ces deux corps pos-
sèdent dans la dissolution. Si, au contraire, on admet que les dissolutions sont formées
d'eau ot de sulfate cristallisé à 7 atomes d'eau, on trouve pour le pouvoir moléculaire de
ce sulfate deux valeurs fori peu concordantes, savoir : — 0,2 et — o,3. De oiéme, si Ton
suppose que les dissolutions de protochlorure contiennent du protochlorure cristallisé à
h atomes d'eau, on trouve pour le pouvoir moléculaire de ce corps deux valeurs absolu-
ment incompatibles, — o,5i et — u,i 3. 11 me semble résulter de là, avec quelque proba-
bilité, que dans l'un et l'autre cas le sel dissous n'est pas le sulfate ou le chlorure cristal-
lisé, mais le sulfate ou le chlonire anhydre, et je pense qu'on pourrait appliquer le même
genre d'expériences à la solution d'un certain nombre de questions analogues de chimie.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DL MAGNÉTISME. 191
toire négatif des sels de protoxyde de fer, en cherchant un composé
solide riche en protoxyde de fer, non cristallisé, ou cristallisé dans
le système cubique. Le grenat rouge, qui peut renfermer jusqu'à
3o pour 100 de protoxyde de fer, m'a paru convenir pour vérifier
cette conjecture; mais, parmi les nombreux échantillons que j'ai
essayés, je n'en ai trouvé aucun qui ne fut trop fortement trempé
pour être propre aux expériences.
Le pouvoir rotatoire magnétique des sels de peroxjde d(» for esl
négatif comme celui des sels de protoxyde, mais beaucoup plus
considérable et plus facile à manifester. Le perchlorure do fer on
particulier donne dos résultats Iros-romarquablos. Lne dissolution
aqueuse très-étendue de ce sel a un pouvoir rotatoire magnétique
plus faible que celui de l'eau : à mesure que l'on concentre la disso-
lution, ce pouvoir rotatoire diminue, se réduit à zéro et finit par
changer désigne; après le changement de signe, il augmente jus-
qu'au maximum de concentration. Ainsi une solution voisine de ce
maximum, qui contient 60 pour 100 de perchlorure, exerce sur la
lumière polarisée une action contraire à celle de l'eau et six à sept
fois plus grande, à peu près égale par conséquent à celle des échan-
tillons de verre pesant de Faraday que j'ai eus entre les mains.
On obtient plus facilement encore des rotations négatives en subs-
tituant à l'eau des dissolvants dont l'action propre sur la lumière
polarisée est moindre que celle de l'eau, ou qui se chargent d'une
proportion de sel plus grande. L'alcool et l'éther satisfont à la pre-
mière condition, et se prêtent très-bien par conséquent à la mani-
festation du pouvoir rotatoire négatif des sels de peroxyde de fer.
Ainsi, en faisant dissoudre 30 parties de perchlorure de fer cristal-
lisé, préparé par l'action directe du chlore sur le fer, dans 80 par-
ties d'éther, j'ai obtenu un liquide fortement coloré dont le pouvoir
rotatoire négatif a été très-manifeste. Avec une proportion de sel
environ deux fois moindre, j'ai obtenu un liquide à peu près dé-
pourvu d'action sur la lumière polarisée. Les dissolutions alcooliques
m'ont donné des résultats analogues. Mais le meilleur des dissol-
vants que j'ai employés est l'esprit de bois, qui, par lui-même, agit
à peine sur la lumière polarisée, et qui peut en même temps se
charger d'une quantité considérable de perchlorure tout on denieu-
192 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
rant beaucoup plus transparent que Teau, Téther ou ralcool, chargés
d'une proportion égale de sel. Ainsi, en dissolvant 55 parties de
perchlorure cristallisé dans lib parties d'esprit de bois, on obtient
un liquide qui, par sa transparence, se prête à des observations
précises, et dont l'action sur la lumière polarisée est négative, et
en valeur absolue presque double de celle du verre pesant, ou triple
de celle du sulfure de carbone ^^\
Cette dernière dissolution est, de tous les corps étudiés jusqu*à
ce jour, celui qui, sous l'influence du magnétisme, produit la plus
grande déviation du plan de polarisation. Dans mon appareil, une
couche de 10 millimètres d'épaisseur, placée entre les armatures
octogonales séparées par un intervalle de 37 millimètres, sous l'in-
Quence du magnétisme développé par le courant de âo éléments
de Bunsen, produisait une rotation de 6"3i'3o'^^*^ La grandeur
de ce résultat m'a fait choisir la dissolution de perchlorure de fer
dans l'esprit de bois, pour rechercher si le pouvoir rotatoire magné-
tique négatif des sels de fer variait avec la grandeur de l'action
magnétique suivant les mêmes lois que le pouvoir rotatoire positif
des substances ordinaires. A cet effet, j'ai comparé la rotation pro-
duite par une épaisseur de 1 centimètre de la dissolution h la rota-
tion produite par une épaisseur égale de sulfure de carbone, et
j'ai fait varier la grandeur de ces rotations en faisant varier soit l'in-
tensité de l'électro-aimant, soit la grandeur et la forme de ses
^') A l'aide des eipériences faites sur ces diverses liqueurs, j^ai déterminé plusieurs
valeurs du pouvoir rotatoire moléculaire magnétique du perchlorure de fer, mais je n^ai
obtenu que des résultats assez peu concordants. On sait, en effet, qu^en traitant le per-
chlorure de fer cristallisé par Teau, Téther, Talcool ou Tesprit de bois, on obtient, en
général , autre chose qu'une simple dissolution. On observe toujours une assex forte élé-
valion de température, indice assuré d'une réaction chimique plus ou moins complexe, et
dans le cas de Talcool, de Téther et de Tesprit de bois, M. Kuhlmann a reconnu depuis
longtemps qu'il se forme entre le perchlorure et le dissolvant une combinaison définie
susceptible de cristalliser. Les hypothèses sur lesquelles serait fondé le calcul des pouvoirs
moléculaires ne sont donc pas admissibles. ( Voyez le mémoire de M. Kuhlmann dans les
Mémoire t de la Société des Mcienceê de Lille, t. XVI, année iS^g.)
^*^ Ce nombre est corrigé de l'action des plaques de verre fermant la cuve et de l'in-
fluence de la couleur du liquide sur la position de la teinte de passage. La différence brute
des deux azimuts de cette teinte correspondant aux deux directions opposées du courant
était de g* ho'.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 193
armatures, soit leur distance. Le tableau suivant contient le résultat
des expériences ^^\
L Électro-aimant muni de ses grosses armatures de lAo millimètres de din*
mètre et de 5o millimètres d'épaisseur.
Distance entre les armatures, 5o millimètres.
Pile de 90 éléments.
Rotation produite par le sulfure de carbone 4- o^iA'
Rotation produite par la dissolution — s" h'l^b"
Rapport de la seconde rotation à la première — s, 83
IL Electro-aimant muni de ses armatures hexagonales.
Distance entre les armatures, 65 millimètres.
Pile de ao éléments.
Rotation produite par le sulfure de carbone 4- o"55'i5"
Rotation produite par la dissolution — n^aS'So"
Rapport — 9,83
IIL Électro-aimant muni de ses armatures hexagonales.
Distance entre les armatures, 97 millimètres.
Pile de 10 éléments.
Rotation produite par le sulfure de carbone -f- l'iS'iS"
Rotation produite par la dissolution — A'^Sâ'
Rapport — a,84
IV. Ékctro^imant muni de ses armatures hexagonales.
Distance entre les armatures, 37 millimètres.
Pile de 30 éléments.
Rotation produite par le sulfure de carbone -h 2°2 2'45"
Rotation produite par la dissolution — ô^Gi'So"
Rapport — 2,74
Valeur moyenne du rapport des deux rotations — 2.82
On voit que le rapport des deux rotations a eu la même valeur
dans toutes les expériences. Par conséquent la rotation magnétique
négative du plan de polarisation varie, comme la rotation positive,
proportionnellement à l'action magnétique. Il me paraît, d'après
cette conformité tout à fait probable, qu'elle varie aussi proportion-
nellement au cosinus de l'angle compris entre la direction de l'action
magnétique et la direction du rayon de lumière; mais je n'ai pas
^*) Les nombres inscrits dans ce tableau sont corrigés de TinflueDce de la couleur et dv.
rinfluence des plaques de verre fermant la cuve.
VuMT, I. — Mémoir<»s. 1 3
194 SLP. LES PI50PRIETES OPTIQUES
fait d'expériences sur ce sujet. Lue épaisseur de i centimètre de ia
dissolution de perchlorure de fer dans l'esprit de bois, placée sur
i appareil décrit dans mon deuxième mémoire ^^^. produisait des ro-
tations trop faibles; sous une épaisseur de 3 ou A centimètres, ia
dissolution était trop peu transparente pour se prêter à de bonnes
observations.
I^ nitrate de peroxyde de fer, soumis à l'action du magnétisme .
îifjit sur la lumière polarisée dans le même sens que le perchlorure,
mais avec moins d'énergie. Une dissolution aqueuse de ce sel a un
pouvoir magnétique moindre que celui de l'eau ; lorsque la dissolu-
tion est tout H fait concentrée, ce pouvoir rotatoire est presque nul ,
mais il n'y a pas changement de signe dans la rotation.
Les deux prussiates de potasse ou cyanures doubles de fer et d**
potassium m'ont paru dignes d'une étude spéciale. On sait en effet
par les evpériences de M. Faraday'^ , et par celles de M. PlûcLer *.
que le prussiate jaune est diamagnétique et le prussiate rouge ma-
gnétique. J'ai reconnu que le pouvoir rotatoire magnétique du prus-
siate jaune est positif et médiocrement considérable, tandis que
«*plui du prussiate rouge est négatif et très-grand : 1 5 parties de
prussiate rouge dissoutes dans 85 parties d'eau donnent un liquide
dont le |)ouvoir rotatoire magnétique est négatif et à peu près double
dp relui de l'eau en valeur absolue. Comme on verra plus loin t|u'il
existe des composés diamagnétiques de métaux magnétiques dont le
pouvoir rotatoire magnétique est négatif, il est probable que le pou-
voir positif du prussiate jaune n'est pas du à ce que ce composé est
diamagnétique. mais à ce que les propriétés physiques du fer y sont
iiussi complètement dissimulées que les propriétés chimiques.
Kien n'est plus facile à préparer qu une solutiou aqueuse de per-
chlorure de fer on de prussiate rouge propre à démontrer, même
dans un cours public, l'action négative des sels de fer sur la lumière
polariser*. Toutefois il serait utile pour cet objet, et intéressant à
d'autres points de vue, d'avoir des substances solides , transparentes,
douées des mêmes propriétés c|ue ces dissolutions. Je dois avouer
'5 Voyez Annale* de chitnie et de physique , H* s«'nr, !. \L111 , |i. 87.
>^'' TimtMcùou» philfMtopkûfitet pour 18A6.
•' Ptt'ffrfinhtrff'it \twrtlé>H . \. \^\\\\ .
DEVELOPPEES PAH LACTION DU MAGNETISME. IW
que j'en ai vainement cherché jusqu'ici. De l'alun de fer. bien trans-
parent, qui a été mis à ma disposition par M. Devillo, en cristaux
de 1 centimètre d'épaisseur, m'a présenté n un si haut degré les
phénomènes de la polarisation lamellaire, que j'ai dû renoncer à
m'en servir. Divers fragments de verres ferrugineux que j'ai essayés
ont tous été trop fortement trempés ou trop peu transparents. J'ai
espéré être plus heureux avec les veiTes à base de phosphate de
chaux que M. Margueritte a signalés récemment comme suscep-
tibles de se charger des oxydes métalliques les plus divers. \f . Mar-
gueritte a bien voulu m'en faire préparer quelques échantillons
contenant de 5 à *jo p. o/o de peroxyde de fer; mais aucun de ces
échantillons, même après un recuit très-prolongé, ne s'est montré
suffisamment dépourvu de trempe pour être propre aux expériences.
Il est probable que, parmi les nombreux verres à base ferrugineuse
que M. Matthiessen a examinés ^'^ il s'en trouvait qui auraient pu
convenir; mais il ne m'a pas été possible d'obtenir la permission d'en
essayer aucun.
Je n'ai pas mieux réussi lorsque j'ai cherché h préparer un com-
posé de fer facilement fusible et suiïisamment transparent à l'état
liquide pour que l'on en pût étudier l'action sur la lumière pola-
risée sans être obligé de le dissoudre. Les propriétés du chlorure
double d'aluminium et de sodium m'ont fait penser que le chlorure
correspondant de fer et de sodium, s'il existait, pourrait être conve-
nable. Ce composé existe en effet; il se prépare sans dilliculté en
chauffant ensemble 33 parties de perchlorure de fer et i*î parties
de chlorure de sodium ; il se fond aisément sur la lampe à alcool ,
mais à l'état liquide il n'a aucune transparence.
Nickel, — Tous les sels de nickel que j'ai essayés ont un pouvoir
rotatoire magnétique positif, de sorte que leiirs dissolutions exercent
sur la lumière polarisée une action plus grande que celle de l'eau
qu'elles contiennent. Ce pouvoir rotatoire positif est assez marqué,
et comparable à celui des sels de zinc ou d'étain. 11 est particulière-
ment essentiel, loi'squ'on veut le déterminer, de tenir compte de
l'influence que la coloration de la lumière émergente exerce sur la
t*^ CoMftlp» rendu* thn Hpnncen de V icadêmip den nciencfR, I. X\IV ol l. WV.
196 SCR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
posîlioD de la leîiite de passage. Ainsi , dans la farnî^ 4|iri a tiafersé
âne epaisgeor de ih miflimètres de cUonire de nickel en disg^rintioii
mëdiocremeiit foncentree, le rooge, forangé, le ïîi^ et Fînidi^
sont presque éteints, le Ueo et le jaone sont ncrfaUemenl afiubiis,
et le maiiniiini d'intensité correspond aoi rajons Terts ; 3 residie de
là que la teinte de passage est beaacoop plos déme que sî la tv-
mière passait à traTers le cUcHure sans altàation.
Coimli. — Le pooToir rotatoire magnétiqne des sels de «JnJt est
positif, mais plus faible qne criai des seb de nicàd, et assez difficile
a manifesta*, parce qne Ton ne peot dissoodre dans Tean une pro-
portion de ces sris nn peu considéfable sans diminuer beaucoup la
tran^rence du liquide. La coloration de la lomière émergeste
eierce sur la portion de la teinte de passage one influence O|^po8ée
à celle qui a lien dans le cas des sds de nickd : le rouge étant la
couleur dominante, la déviation de la trâite de passage se trouve
diminuée, de sorte que, si Ton négligeait la c<HTection nécessaire, le
pouvoir rotatoire magnétique des sels de cobalt paraîtrait négatif et
très-faible.
Manganèse. — Les sels de protoxyde de manganèse ont un pou-
voir rotatoire magnétique positif et peu considérable ; mais comme
leurs dissolutions sont parfaitement incolores, rien n'est plus facile
que de le manifester.
Les sels de sesquioxyde de manganèse ont un pouvoir colorant si
considérable, qu'il est impossible de s'en sarvir pour les expériences.
Mais j'ai trouvé au laboratoire du Collège de France un composé
correspondant probablement à ces sels, le cyanure double de man-
ganèse et de potassium K^Mn^C^-^, qui m'a donné un résultat remar-
quable. Ce sel dissous dans l'eau diminue tellement le pouvoir rota-
toire de la dissolution , que l'on doit le regarder comme doué d^uo
pouvoir rotatoire négatif. En est- il de même des autres sels de
sesquioxyde de manganèse? C'est ce que je ne saurais dire avec
certitude, mais la supériorité du pouvoir négatif des sels de peroxyde
de fer comparé à celui des sels de protoxyde me porterait à le penser.
Quoi qu'il en soit, et pour rester strictement dans les termes de
l'expérience , on voit que le manganèse établit en quelque sorte une
transition entre le fer d'une part et le nickel et le cobalt de l'autre.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 197
Ce qui est la règle pour les seis de fer semble Texceplion pour les
sels de manganèse, et vice versa,
La propriété intéressante du cyanure double de manganèse et de
potassium m'a fait examiner le cyanure double de cobalt et de potas-
sium avec l'espoir d'y rencontrer un mode d'action analogue ; mais
j'ai trouvé qu'il possédait un pouvoir rotatoire magnétique positif,
et d'ailleurs assez faible. Il est même diamagnétique.
Chrome. — Les sels de protoxyde de chrome sont si difficiles à
préparer, et surtout à conserver purs, que j'ai renoncé à les soumettre
à l'expérience. Ceux de sesquioxyde ont un si grand pouvoir colo-
rant, qu'il est impossible d'en dissoudre quelques centièmes dans
l'eau ou l'alcool sans détruire toute transparence ; mais l'acide chro-
mique et les chromâtes se prêtent à de bonnes observations. Le
chromate neutre de potasse, très-soluble dans l'eau, comme on sait,
donne des dissolutions d'un jaune clair, dont la coloration laisse aux
expériences toute la précision désirable, et n'exerce que très -peu
d'influence sur la position de la teinte de passage. Le bichromate
de potasse, moins soluble dans l'eau, donne cependant des dissolu-
tions plus colorées, mais encore fort transparentes, et qui n'exigent
aucune correction dans l'observation de la teinte de passage. L'acide
chromique au contraire donne des dissolutions d'un rouge très-
foncé, dont la coloration exerce une grande influence sur la position
de la teinte de passage, mais qui, sous une épaisseur de i à ^ centi-
mètres, oflrent une transparence suffisante. Les dissolutions de ces
trois substances m'ont donné les résultats suivants.
f)^
%l% LES MK^hMIETES (OrTIQCES
M
JV nlllMrM^^tH IIHMIIItDI.
T
»«0K^40liE
«lamvmm.JUifmii'^i iimtfnnuni
duiiilBini
awiriow^ ittK iiw«*«i»
* UnBHW..
'Ami^
•àm»
iigiH-
tb^m■ •
tfaim:.
ï
•o^^
Ij
3
•<K_.T!
— ««l,!*,, — '♦W2*
„„;.^..
•«.
— -NI?
il
\ut»i l<r» deai ciiroiuale^ de pola^siC' el Tacide clirouiîqii<? ont un
|M>u«oir roVêUfm magnétique o^alif. et la valeur abH>lae de ce
f»oa%oir augmente a%<T la |fro|Hirtion «Pacide cbrouiîf|ae. Le potiftNr
n<r^tirdu rhromale neutre est faible, mais impossible à méroiinaiirf :
rMui du bithromatf' est notablement plus fort, et celui de Fackle
clirofiiic|ue t'i^i comparable au pouvoir négatif des sels de protoxvde
tU' fer,
LVipérience relative au chromate neutre de potasse est surtout à
couf^idérer. On sait en effet que, tandis que l'acide chrouiique et le
bichromate de potasse sont magnétiques, le chromate neutre &\
dianiagnétique ' , et il est assez surprenant que le pouvoir rotatoîre
fiia^j^éliquf* d^une substance diamagnétique soit négatif. On trouvera
|ilii« loin rFaiitr^^s exemples analogues.
I>es cinq métaux dont y* viens d'étudier les composés sont depuis
lofiglenqis regardés comme magnétiques j)ar tous les physiciens. Il
n'en e«>l pas de même de ceux qui vont suivre, qui n'ont été signalés
«onime magnétiques que depuis les travaux de M. Faraday, et dont
(|uelqiies-uns mAme se trouvent ici examinés pour la première fois.
J'ai dij |iar conséepient m'atlacher h vérifier le caractère magnétique
de r«»s inétiiiix avant d'étudier le pouvoir rotaloire magnétique de
leurs «:oin|)osés. Dans cette vérification j'ai suivi la règle j^osée |>ar
^' Voyc'iK |c tticiiiuirt* de M. Faraday rilc |>lu!> liaul.
DÉVKL0I4»KKS PAR LMCTION DU MAGNETISME. 199
M. Faraday, qui consiste à regarder comme douteux le magnétisme
de tout métal qui n'est (jue faiblement magnétique et qui ne produit
aucun composé magnétique, particulièrement aucun oxyde. La pro-
portion d'un métal fortement magnétique (fer, nickel ou cobalt),
qu'il suffit en général d'admettre pour expliquer le magnétisme d'un
échantillon de métal faiblement magnétique, est tellement faible,
qu'elle échappe à toute analyse et qu'aucun procédé de purification
ne peut en garantir l'absence. 11 en est tout autrement lorsqu'il s'agit
d'un sel ou d'un oxyde; si l'on veut en expliquer le magnétisme par
la présence accidentelle d'un sel ou d'un oxyde de fer ou de quelque
autre composé analogue, comme le magnétisme de ces composés est
incomparablement moindre que celui des métaux cori^espondants, il
en faut supposer une proportion telle, que l'analyse peut aisément
l'accuser. C'est ainsi que l'on voit plusieurs métaux faiblement ma-
gnétiques en apparence ne donner, par oxydation ou dissolution , que
des composés diamagnéti([ues.
Titane, — C'est M. Faraday qui a classé le titane parmi les corps
magnétiques. J'ai vérifié ses observations sur des échantillons purs
de titane qui m'ont été remis par M. Deville. Le magnétisme du
titane m'a paru supérieur à celui du chrome pur, et trop fort pour
fitrc attribué à des impuretés qui échapperaient à l'analyse. Parmi
les composés de ce métal , l'acide titanique est magnétique et le bi-
chlorure de titane est diamafrnét!que^^\
J'ai néanmoins examiné le pouvoir rotatoire magnétique du bi-
chlorure de titane, qui est, comme on sait, liquide à la tenqjérature
ordinaire, transparent et incolore. Je l'ai trouvé négatif ci un peu
supérieur en valeur absolue au pouvoir rotatoire magnétique de
l'eau.
Il v a deux remar(|ues h faire sur cette expérience. Elle montre
d'abord qu(^ les phénomènes qui nous occupent dépendent bien peu
des analogies chimiques (|ui peuvent exister entre les divers corps.
Les chimistes considèrent en général le titane comme l'analogue de
^') Dans la note présentée à rAcadéniic des sciences, le 8 juillet 1857, j'ai dit que je
n'avais pu reconnaître avec certitude si le hicblorure de titane était magnétique ou dia-
magnétique. Cest en me servant de fingénieux procédé imaginé par M. Quel pour étudier
Tacïion des aimants sur le» liquides ({iie j'ai pu résoudre la question.
200 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
rétain, et regardent en particulier les bichlorures de ces deux mé-
taux comme des corps entièrement comparables. Rien de plus dis-
semblable au contraire que ces deux corps lorsqu'on les place entre
les pôles d'un électro-aimant et que l'on examine leur action sur la
lumière polarisée. En second lieu, par suite de l'état liquide et de
la transparence du bichlorure de titane, on en peut manifester direc-
tement le pouvoir rotatoire négatif sans qu'un dissolvant intervienne,
et par là se trouve écartée une objection qui avait été faite à mes
premières expériences. Quelques personnes avaient considéré l'action
négative de certaines dissolutions ferrugineuses comme due à ce que
les molécules du composé magnétique dissous, aimantées sous l'in-
fluence de l'électro-aimant, exerçaient sur les molécules voisines du
dissolvant une action magnétique contraire à celle de l'électro-
aimant lui-même. En présence d'expériences relatives à des dissol-
vants aussi variés et par eux-mêmes aussi peu actifs que ceux dont
j'ai fait usage, cette manière de voir semblerait bien peu admissible ;
les expériences sur le chlorure de titane la réfutent complètement
en montrant un liquide diamagnétique dont le pouvoir rotatoire est
négatif''^ ,
Cériuni. — Le magnétisme du cérium a été découvert par M. Fa-
raday, et il n'est pas plus difficile à constater que celui du chrome ou
du manganèse. A défaut de cérium métallique, que je n'ai pas eu à
ma disposition , j'ai examiné deux sels de ce métal parfaitement purs,
préparés par MM. Damour et Deville dans le cours d'un travail sur
le cérium et les métaux qui l'accompagnent dans ses minerais, un
sulfate et un chlorure ^^^. Tous deux se sont montrés fortement ma-
gnétiques, tous deux dissous dans l'eau ont manifesté un pouvoir
rotatoire magnétique négatif. Le sulfate a donné une dissolution
rougeâtre assez transparente, dont l'action sur la lumière polarisée
a été notablement moindre que celle de l'eau. Toutefois, comme je
n'ai pas analysé cette solution , je ne puis regarder que comme sim-
plement probable le caractère négatif que j'attribue au pouvoir
(*' L'objection dont il s'agit ne m'a été faite que verbalement et n'a jamais été men-
liouuée dans aucune publication relative à l'objet de mes recherches.
^^ MM. Damour et Deville n'avaient pas encore déterminé la composition exacte de ces
deux corps à l'époque où ils me les ont remis ; ils savaient seulement avec certitude qu'ils
ne renfermaieut aucune trace d'un métal quelconque autre que le cérium.
DÉVELOPPÉES PAR L ACTION DU MAGNÉTISME. 201
roialoii'e magnétique du sulfate. Quant au chlorure , il ne peut rester
aucun doute. Une dissolution concentrée de ce sel , placée entre les
pèles de l'électro-aimant , exerce sur la lumière polarisée une action
contraire à celle de Teau , et à peu près égale en valeur absolue. La
limpidité parfaite de la dissolution rend très-facile la constatation
du phénomène.
Uranium. — M. Faraday a laissé subsister quelque doute sur la
place que l'uranium doit occuper parmi les métaux magnétiques
ou parmi les métaux diamagnétiques. Il a trouvé en effet le protoxyde
faiblement magnétique et le peroxyde non magnétique. Néanmoins
le magnétisme de Turanium n'est pas douteux; l'oxyde rouge et
l'oxyde noir d'uranium, préparés en chauffant à une température
plus ou moins élevée des cristaux de nitrate d'urane purifiés par
plusieurs cristallisations successives, sont magnétiques. Ce qui rend
cette expérience tout à fait démonstrative, c'est que le nitrate d'urane
est lui-même diamagnétique. Le nitrate d'urane est d'ailleurs le seul
composé d'uranium dont j'aie déterminé le pouvoir rolatoire magné-
tique, et le résultat qu'il m'a donné est remarquable. Une dissolu-
tion aqueuse de ce corps, sous l'influence du magnétisme, exerce
sur la lumière polarisée une action moindre que celle de l'eau qu'elle
contient, ce qui conduit à regarder comme négatif le pouvoir rota-
toire magnétique du nitrate. Cette conclusion est confirmée par l'é-
tude des dissolutions que l'on peut préparer avec l'alcool ou l'éther.
Le nitrate d'urane fournit donc un troisième exemple à placer à côté
du chromate neutre de potasse et du bichlorure de titane ^'l La va-
leur absolue que mes expériences attribuent au pouvoir négatif du
nitrate d'urane est d'ailleurs très-faible.
Lanthane. — Le magnétisme du lanthane n'a pas encore été exa-
miné, à ma connaissance. Le carbonate de lanthane, parfaitement
pur, qui m'a été remis par M. Deville, est fortement magnétique :
ce qui suffit pour classer le lanthane parmi les métaux magnétiques,
comme sou analogue le cérium. En traitant ce carbonate par l'acide
(0 L^existence de trois composés diamagnétiques dont le pouvoir rotatoire magnétique
est n^tif montre bien que, comme on Ta annoncé plus haut, page 1 87, il n'y a pas de
relation simple entre la capacité diamagnétique des corps et leur pouvoir rotatoire magné-
tique.
202 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
chlorh> (irique pur, j'ai obtenu une dissolution dont le pouvoir ro»
tatoire niagnéti(|ue était moindre que celui de Teau. Il est donc
probable que le pouvoir rotatoire magnétique des sels de lanthane
est négatif: toutefois, comme je n'ai pas fait l'analyse de la disso-
lution, la chose n'est pas absolument certaine.
Molybdène. — Le molybdène métallique qui m'a été remis par
M. Debray est magnétique, et, comme cette propriété se retrouve
dans l'acide molybdique purifié par plusieurs distillations, elle ne
saurait être attribuée à la présence de substances étrangères. Le mo-
lybdène doit donc être ajouté à la liste des métaux magnétiques.
Les molybdates solubles que j'ai eus à ma disposition, ceux de
soude et d'ammoniaque, sont diamagnétiques; leur pouvoir rotatoire
magnétique est positif, mais faible.
Aluminium, — M. Deville a rangé l'aluminium parmi les métaux
faiblement magnétiques. L'analogie de l'aluminium et du fer a fait
généralement considérer ce résultat comme très-probable. Cepen-
dant je n'ai pu trouver aucun composé de ce métal qui ne fût dia-
magnétique. L'alumine même, quand elle est pure, est repoussée
par les électro-aimants. Je me suis procuré, en effet, au laboratoire
de l'Ecole i\ormale du nitrate d'alumine bien pur et fortement dia-
magnétique, et j'en ai extrait par calcination de l'alumine anhydre,
qui s'est trouvée aussi très-diamagnétique. J'ai déterminé, d'ail-
leurs, les pouvoirs rotatoires magnétiques de l'alun, du sulfate
d'alumine, du chlorure d'aluminium, du chlorure double d'alumi-
nium et de sodium, et je les ai trouvés positifs. Ceux du chlorure et
du chlorure double sont considérables.
Enfin j'cii profilé des ressources que m'offraient les collections de
chimie de l'Ecole Normale cl de la Faculté des sciences, pour sou-
njeltre à l'action du magnétisme les composés d'un certain nombre
de métaux rares qui, depuis quelques années, ont été l'objet d'une
élude nouvelle et approfondie. Ces expériences ont eu pour objets
le zirconium , le glucinium, le lithium et le tungstène. Les échantillons
de ces divers métaux, qui m'ont été remis par M. Debray, M. Troosl
ou M. Riche, ont tous paru, sauf un échantillon de glucinium,
sensiblement attirés par les pôles de rélectro-aimant : mais tous
leurs composés purs, |>articulièremenl leurs oxydes et leurs chlo-
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 203
rures, sont incontesiableijrienldiainagnéti(|ues, et tous ceux dont la
solubilité ou l'état liquide ni a permis d'étudier l'action optique ont
un pouvoir rotatoire magnétique positif.
Le magnésium s'est comporté de la même manière. Un morceau
de magnésium distillé, qui m'avait été remis par M. Troost, m'a
paru magnétique; mais la magnésie pure , que je me suis procurée
en calcinant du nitrate pur et diamagnétique , est diamagnétique.
Le pouvoir rotatoire magnétique de tous les sels magnésiens est
négatif.
D'après ces expériences, il me parait probable que l'aluminium,
lezirconium, leglucinium, le lithium, le magnésium et le tungstène
sont réellement diamagnétiques. On ne comprendrait guère, en
effet, que des oxydes diamagnétiques pussent résulter de l'union
de métaux magnétiques avec un gaz magnétique, l'oxygène. Toute-
fois nous savons encore si peu de chose sur la vraie cause du ma-
gnétisme, que je ne me crois pas autorisé, par cette seule considé-
ration, à me prononcer d'une manière absolue.
En résumé, toutes les substances diamagnétiques dans la compo-
sition desquelles il n'entre aucun métal magnétique ont un pouvoir
rotatoire positif; il n'en est pas de même des substances où il entre
quelque métal magnétique, et, d'après l'ensemble des phénomènes
obsen es jusqu'ici, on peut diviser les métaux magnétiques en trois
classes, qui ont pour tyjje le fer, le nickel et le manganèse. Le pou-
voir rotatoire magnéti(|ue de fous les composés du fer, à l'exception
des cyanoferrures , où l'on sait que les propriétés du fer sont entiè-
rement déguisées, est négatif; le pouvoir rotatoire magnétique de
tous les composés du nickel est positif. A côté du fer on doit placer
le titane, le cérium, le lanthane et probablement aussi le chrome et
l'uranium. A côté du nickel doivent se placer le cobalt et le molyb-
dène. Le manganèse représente un type intermédiaire, le pouvoir
rotatoire magnétique de ses composés étant tantôt |)ositif, tantôt
négatif; il est possible (pie le chrome et l'uranium se rangeni à côté
du manganèse plutôt «pi'à côté du fer.
204 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES, ETC.
D'ailleurs aucune relation ne parait exister entre le sens négatif
ou positif du pouvoir rotatoire magnétique et une propriété quel-
conque des métaux. Ce n'est pas la grandeur de la puissance ma-
gnétique qui détermine la répartition des métaux magnétiques dans
les trois classes précédentes, puisque le fer et le nickel, les plus
fortement magnétiques de tous les métaux, sont les types des deux
classes opposées. Ce n'est pas non plus l'analogie chimique qui peut
servir de règle. Si l'on voit sans étonnement le cobalt se ranger à
côté du nickel, le chrome à côté du fer, le lanthane à côté du cérium,
et le manganèse servir de transition entre les deux classes opposées,
on est surpris de voir le titane ou l'aluminium s'éloigner complè-
tement de l'étain ou du fer.
Une autre hypothèse sur la liaison des phénomènes m'a été sug-
gérée par d'anciennes expériences de M. Plûcker. On se rappelle
que ce physicien avait obtenu des mélanges de corps magnétiques
avec des corps diamagnétiques, qui pouvaient être repoussés parles
pôles d'un électro-aimant de puissance donnée et attirés par les
pôles d'un électro-aimant plus faible. 11 en avait conclu que l'attrac-
tion magnétique variait avec l'intensité de l'électro-aimant suivant
une autre loi que la répulsion diamagnétique ^^\ Je me suis demandé
si quelque chose de semblable n'aurait pas lieu dans le cas des pou-
voirs rotatoires magnétiques; si, par exemple, le pouvoir rotatoire
magnétique des sels de nickel ne pourrait pas être positif pour une
certaine grandeur de l'action magnétique, négatif pour une gran-
deur très-différente, et nul pour une grandeur intermédiaire. Il en
pourrait être ainsi sans que le changement de signe eât lieu entre
tes limites des forces magnétiques ordinaires; mais il est très-pro-
bable qu'entre ces limites on verrait au moins les sels de nickel
s'écarter sensiblement de la loi générale de variation des pouvoirs
rotatoires magnétiques. Pour le savoir, j'ai comparé, sous l'influence
d'actions magnétiques très-différentes , la rotation produite par une
dissolution de sulfate de nickel à la rotation produite par l'eau, et,
comme j'ai trouvé le rapport des deux rotations absolument inva-
riable, j'ai dû abandonner mon hypothèse.
^'^ Plus tard , M. Plùcker a reconnu l'inexactitude de cette interprétation de ses expé-
riences.
RECHERCHES
SUR
LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
DKVBLOPPÉES DAMS LES CORPS TRANSPARENTS
PAR L'ACTION DU MAGNETISME.
QUATRIEME PARTIE.
{COMPTES REWUS DE V ACADÉMIE DES SCIE^CES, TOME LXI, PAGE f.30.)
J*ai Thonneur de communiquer à l'Académie les résultats d'une
série d'expériences sur la relation qui existe entre la rotation magné-
tique du plan de polarisation d'un rayon de lumière homogène et
sa longueur d'onde. Une expérience de M. Edmond Becquerel, con-
sistant à compenser l'action d'un fragment de verre pesant placé entre
les branches de l'électro-aimant par l'action d'une colonne d'eau
sucrée, paraissait indiquer que, pour cette substance au moins, la
loi des rotations différait peu de la loi de la raison réciproque du
carré des longueurs d'ondulation. Des recherches plus récentes de
M. Wiedemann conduisaient, au contraire, à admettre : i" que la loi
ne s'appliquait pas au sulfure de carbone et manquait par conséquent
de généralité; s** mais que, lorsqu'on soumettait à l'influence magné-
tique une substance active, telle que l'essence de citron ou l'essence
de térébenthine, il y avait, pour chaque couleur, proportionnalité
entre la rotation magnétique du plan de polarisation et la rotation
due à l'action propre de la substance.
Je me suis servi, dans mes expériences, de la méthode générale
•206 SUR LES PROPRIETES OPTIQUES
de MM. Fizeau el Foucault, qui consiste, comme on sait, à recevoir
sur un prisme la lumière primitivement polarisée et transmise par
le corps transparent, et à étudier l'état de polarisation des diverses
parties du spectre. Aux rayons dont le plan de polarisation est pa-
rallèle à la section principale du prisme de .\icol analyseur corres-
pond une bande noire, dont on amène successivement le milieu
à coïncider avec les raies pour lesquelles la longueur d'ondulation
est connue par les expériences de Fraunhofer: le déplacement qu'il
faut donner à l'analyseur pour rétablir la coïncidence avec une raie
donnée, loi*squ'on change la direction du courant, est précisément
le double de la rotation due à l'action des forces magnétiques.
Le tableau suivant contient les valeurs relatives des rotations cor-
respondantes aux cinq raies C , D, E, F", G^*^, pour les substances que
j'ai étudiées, la rotation correspondante à la raie E étant prise pour
unité :
C b £ F G
Eau distillée o.63 0,79 1,00 i.«io t,55
Dissolution (le chlomre de ealciura. . 0,61 0,80 1.00 1.19 i.5&
Dissolution de chlorure de zinc. . . . 0.61 0,78 1.00 1.19 1,61
Dissolution de prolochlorure d'étain . // 0.78 1,00 i,9o iJy^i
Essence d'amandes amères 0,61 0,78 1.00 1,91
Essence d'anis o,58 0.75 t,oo i.*i5
Sulfure de carbone 0,60 0,77 1,00 i.aa i,65
(^inH)sote (ducounnerce) 0,60 0,76 1,00 1,^3 i.t>9
Essence de Laurus cassia (essence de
cannelle d(» (ihine) 0.69 0.7A 1,00 i.o3 t
La loi exacte de la raison réciproque du carré des longueurs
d onde aurait exigé la série de rotations
ar
S
V.
D
K
K
G
o,(Wj
0.80
1.00
1.18
i.5o
qui ne diflere beaucoup d'aucune des séries du tableau précédent.
' Pour ios raies B et H toute obsenalion est iuipossihlo , el je n\ii luèiue obtenu de
résultais un peu satisfaisants, pour les raies G et G, quVn mettant au devant de Tipil de<
>erres rolon*s ipii ••teij»nout la région moyenne et brillante du spectre. s.ins affaiblir ««mi-
siblenieiil TitIsiI de l.i |Mirlion >oisine de ces mies.
DÉVELOPPÉES PAU L'ACTION DU MAGNETLSME. iOl
Si Ton a égard à la nature des liquides qui s'écartent le plus de la
loi (sulfure de carbone, essences, créosote), ou résumera dans les
trois propositions suivantes les résultats de mes expériences :
i" Les rotations magnétiques du plan de polarisation des rayons
de diverses couleurs suivent approximativement la loi de la raison
inverse du carré des longueurs d'onde.
a** La loi exacte des phénomènes est toujours telle, que le pro-
duit de la rotation par le carré de la longueur d'onde aille en crois-
sant de l'extrémité la moins réfrangible a l'extrémité la plus réfran-
gible du spectre.
3" Les substances pour lesquelles cet accroissement est le plus
sensible sont aussi celles qui ont le plus grand pouvoir dispersif.
Une discussion mathématique qui ne peut trouver place dans cet
extrait montre que ces lois ne permettent pas d'attribuer aux équa-
tions différentielles du mouvement d'un système d'ondes planes nor-
males à l'ave des :^, dans un milieu soumis à l'influence magnétique,
la forme
dr
, dv
d'v
de
.d'v ,. d'v ,
'^o dz' '^ ^1 d? + •
• • - '« dl
que M. Charles Neumann a déduite d'une hypothèse particulière sur
la cause des phénomènes, et que M. Airy avait déjà proposée il y
y a dix-sept ans, peu de mois après la publication des découvertes
de M. Faraday. Au contraire, ces lois s'accordent également soit
avec les équations
W - ^- VP + ^^1 ;P + •••+''' dz'- ,u ^
dt^ '^^ d:' \d:' ' d:Ult
que M. Maxwell a déduites d'une hypothèse entièrement différente
de celle de M. Charles Neumann. soit avec les équations
dl* ^ '^"11^ + ^i ^^ "^ "^W
208 SDR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES, ETC.
La précision des expériences ne permet pas d'ailleurs de faire un
choix entre ces deux systèmes ^*^
Enfin des ex'périences sur les rotations magnétiques de l'acide tar-
trique dissous m ont fait voir que la proportionnalité supposée par
VI. Wiedemann entre les rotations magnétiques et les rotations
propres d'une substance active n'existe pas réellement. J'ai, en effet,
obtenu pour les deux ordres de phénomènes les séries suivantes de
résultats :
G D P G
Rotations magnétiques 0,79 1,00 i,59 <3.oi
RolatioDs naturelles o.85 1,00 1,01 0.89
La loi exacte du carré des longueurs d'onde aurait exigé
C D F G
0.80 1,00 1,48 1,88.
(') Il est indifTérent à ces conclusions qu*on admette avec Caochy que les coeflBdenIs
A^t Aj, A,,. . . forment une série rapidement décroissante, on, avec M. Christoflel, qoe
les coefficients A« et A ^ sont du même ordre de grandeur, tous les antres étant négligeables.
ADDITION
A LA QUATRIEME PARTIE DES RECHERCHES
srR
LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
DKVF.LOPPÉES DANS LES CORPS TRANSPARENTS
PAR L'ACTION DU MAGNETISME.
{COMPTES BESDVS DE L'ACADÉMIE DES SCIESCES, TOME LVll. PAGE f»70.)
Les recherches dont j'ai eu rhonnour de communiquer à l'Aca-
dëmie un résumé, dans la séance du 6 avril dernier, ont élabh' que,
dans la généralité des substances transparentes, la dispersion ma-
gnétique des plans de polarisation s'effectue approximativement sui-
vant la loi de la raison réciproque des carrés des longueurs d'onde,
et que celte loi ne souffre pas l'exception remarquable à laquelle
elle est sujette dans le cas des substances actives par elles-mêmes.
J'ai fait remarquer que cette loi était absolument contraire à une
théorie des phénomènes proposée par M. Charles Neumann, mais
qu'elle s'accordait également, soit avec les équations différentielles
qui se déduisent d'une théorie proposée par M. Clerk Maxwell,
soit avec d'autres équations différentielles renfermant les dérivées
troisièmes des déplacements moléculaires prises par rapport au •
temps. Mes expériences n'avaient pas la précision nécessaire pour
autoriser un choix entre ces deux derniers systèmes, et elles pa-
raissent d'ailleurs s'accorder avec une conséquence qui leur est com-
mune. Les mêmes calculs, en effet, qui montrent que ces équations
conduisent à la loi approximative du carré des longueurs d'onde,
montrent aussi que l'approximation de cette loi sera d'autant moin-
dre que les coefficients A, . Aj , d'où dépend le phénomène de la
Vrrdrt, I. — Mt'iiioiirs. l 'i
4
itO SLB LES PROPRIETES OPTI«^CES
lBper«ioo <^inaiv^, aiiro»ol 4^ taLrar^ phi» ^^ensAles^i «I. <fai
aotn* tèfié. lie» MiiKlanine» qui n'ont pam 4^*êrafft«r lif pisK ^ h kî
i^uifar^ dfp* cairl^iv». ««"-«(^iiHCif!^. «mpiOKSote) ^ font iiiwn|«iu par b
;^j]Kif^fir d<f^ iietir pouvoir dispersif.
Afin «ie* if^Toir ^vaHrlemeot ^ «nefiç «noînrMlciice aiaii lif caraclnv'
(fun^ loi g»fn«Tale de la nature, et ifapprmer la Talenr dh» it^nrep-
lions lh#^ri4r[n((^ d<p* M. Maiw Hl . j*ai entrepris d^ Doaiell«^ r^ K he ig ^»
A^ân^^ lo^u^llei^ je me Mii> efforré de donner plus de pn^rt^iou a«i
^\|#«fn<(^nrtf^. J'f" rroi^ % «flre panenu. tant par raagiBi'>iitalMMi de b
pui^«>^n<^e d<f^ appareîb magnétique^ que par rarrroîssenKnt dln-
ii-mîU^ An «^per-lre lumineux qui. dan< la méthode emploi ée (œlle
A** MM. Fizeau et Fou^^ault). e>t le >ujet final de TohcSierfatiott ^ .
WhU. Y*»ur ne con^enrer aucun doute sur le» résoilats, j'aî prié u
ob^n aleur. lnf>-e\erté a tp^ gennr d'expérience» - . de repiendri^
1^=^ ni^un**» le> plu> importantes, et faccord de se> déterraînatîoa^
:ivec le^ miennes a été entièrement satisfaisant. Pour de> rakoos
«'%id«'nte> dVIIe^méme*^. Jai soumis d'abord à Feipénence les deu
liquides l#^ plus trans^parenb et les moins colorés parmi les liquides
rorl^ruent di^persifs qui aTaienl fait Tobjet de mes premières re-
«'hf'rcbes. le sulfure de carbone et la créosote du conunerte. Conme
l'étude de les deux substances a suffi pour résoudre d une manière
décisive l#*s qur'stionsqne je m'étais posées, je n'ai pas jugé nécessaire.
fHiiir le moment, d'étendre mes expériences à d'autres corps.
J ai trouvé. fn\ i^lfet, pour ces deux liquides, les séries suivantes
le valeurs relali\es du pouvoir rotatoire magnétique correspondant
aux diverM's rai<*s du >pfH*tn* :
<
Vaksr afa ai^f
po«r b rûf E.
«: D E r G
Siilfur»» «If rarlicifie. o..i9*> 0.768 1.000 i.^3A 1.70A :io*.^8 ^A*.9
(Irt'fffiftU* it.'t-j't o.jôM 1.000 i.^kt i.'jû^ ii\ô8 -ik'.Z
A At's l<'iupér<ilures très-voisines, j'ai obtenu, à Faide d'un cercle
' iAii drrn>i«^<.^'mf n( d'inlensiié f«i résulté laolôl de la coiiceatraliou de la lumière au
moyit d%iii«* U'iililip (-)lirKlnqiK* «^iir la fente nécessaire a la produrtion du spectre, tantôl
(!«' I;j Mili44itiiliufi du fo\vr lint-airf^ de celle lentille à la fente.
W. Oern**!. (pii 5*cK<upe avec ^}cci^, depuis plusieurs niois, de Télnde du pouvoir
r(»tat<»ir»' des \a|irMir« des liquides actifs.
DÉVELOPPÉES PAK L'ACTION DU MAGNÉTISME. 211
horizontal ù collimateur et à lunette excentrique, construit par
M. Brunner^^^ les valeurs suivantes des indices de réfraction, qui
confirment ce qu'on savait déjà de l'inégalité de la dispersion du
sulfure de carbone ef do la créosoto :
TRMPKBATURK
DES
0B8BIITATI0!i!>.
c u K V a II
,^ , ! ^'^*^'* 1,61/17 1,6960 1,6368 1,6/187 1,6738 1,691)6 fî/i"./!
Cnfesoto. . . /' i.f)36(j i.o/i<^o i.I)/i88 i,oon3 1,5678 1.5790 o.S'.y
Ainsi la substance la moins dlspersive s'écarte de la loi exacle du
carré des longueurs d'onde au moins autant, et probablement même
plus que la substance la plus dispersive. La relation que mes pre-
mières expériences pouvaient faire soupçonner n'est donc pas gé-
nérale, et aucun des deux systèmes d'équations (|ui y conduisent ne
peut être pris pour l'expression de la vérité.
Des calculs qui ne peuvent trouver place dans ce résumé font
mieux ressortir le sens de cette conclusion. Si l'on considère l'indice
de réfraction w comme une fonction de la longueur d'onde X, les
équations de M. Maxwell conduisent à représenter le pouvoir rota-
toire correspondant à une longueur donnée d'ondulation par la
formule
(I) p=^^(„_a|),
m étant le coefficient proportionnel à la composante de l'action ma-
gnétique parallèle aux rayons lumineux qui entre dans ces équa-
tions. Les équations qui contiennent les dérivées troisièmes des dé-
placements prises par rapport au temps conduisent à la formule
(II) p-.m^(«-X^)-
Enfin les équations de M. Charles Neumann conduisent h la for-
mule
(iii) p-,»(«-x;g).
'*î Gel instrumenl donnait immédhitempnl los dix swomlos ei |»ormp|lail d'nppnVier
avec certitude le* rinq sorondes.
1^1.
ûii
SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQOES
Pour romparer ces diverses formules à robsenratioD, il soSt de
chercher des expressions empiriqaes qui représentent exactement
les indices obsenés pour chaque substance et de les appliquer an
calcul de ^- Des expressions à trois termes, du genre de c^es
quon déduit de la théorie de la dis|»ersîon de Cauchy, m'ont para
les plus commodes et les plus exactes. Elles m^ont seni à calculer
les nombres suivants :
c
»
E
F
c
l ForiDule 1 1 > . .
o^S89
0.760
1.000
i.^3i
..7.3
Sulfure i\e carimof^J Formnle i O i. .
0.606
0,77^
1.000
i.«i6
i.6ào
! Formule ( II! i.
0.9^3
0.967
1.000
i.o3^
1.091
i Formule (l). .
(-.réosoit*. . . .-* Formule 1 11 h .
' Formuler un.
0.617
0,780
1.000
l.<910
1.00^
0.6^3
0.789
1.000
i.-^oo
1.565
0.976
0.993
1.000
1.017
i.oài
li est clair que la formule (III ) est absolument contraire aui
observations, que la formule (II) s*en écarte beaucoup, et que la
formule (I). qui parait \ convenir dans le cas du sulfure de car-
bone, n\ satisfait en aucune façon dans le cas de la créosote. La
discussion des données numériques de Texpérience montre que pour
établir une coïncidence entre la formule ( 1 ) et Tobservation , dans
la cas de la créosote, il faudrait supposer une erreur moyenne de
quarante minutes sur les mesures des rotations: et même, si Ton ré-
tablissait ainsi faccord pour les raies C et D, on augmenterait le
désaccord pour les raies F et G. et rict verm,
Aucune des théories proposées jusqu'ici n'est donc confirmée par
IVxpérience. Il v a plus : on |>eut affirmer, ce me semble, que le
dévelop[>emenl du pouvoir rotatoire magnétique n'est pas le résultat
d'un niéranisnie unique, le même dans tous les corps, et troublé
seulement par les causes d'où ri'sulte le phénomène de la dispersion.
(Je mécanisme incounu a sans doute un caractère commun dans
tous les corps, [luisquil |>an)it que dans tous les corps les phéno-
mènes suivent approximativement la même loi: mais il doit aussi
offrir des particularités spéciales à chaque corps, que la connaissance
des propriétés optiques est insuffisante à faire prévoir.
Il reste d'ailleurs établi que l'existence d^une grande dis|)ersioD
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 213
a pour conséquences des perturbations sensibles de la loi simple du
carré des longueurs d'onde, sans être la cause uni(jue de ces pertur-
bations. C'est ainsi que l'existence d'une forte réfraction a pour con-
séquence habituelle un fort pouvoir rotatoire magnétique, sans (pie
ces deux propriétés physicjues soient dans une relation con.stanle
Tune avec l'autre.
RECHERCHES
SI n
LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
DEfELOPPKES 1»\>S LEs CORPS TR \>SP.4nE>T>
PAR LACTION 1)1 MAGNÉTISME.
QUATRIEME PARTIE^'.
DE LA DISPEUSIOX DES PLV>S DE POLVRISVTION DES RAYONS
DE DIVERSES COILEIRS.
i i.\.\ALl^ DE i:ni\UE tT UE l'inSlOit, 3^ SERIE, TOME L\l\, PAGE àlô.i
SI.
HISTORIQIE.
On sail que les corps Iransparenls soumis à riulliience du uia-
guclisuie e»\ercTiil sur les ra>ons polarisés de diverses couleurs une
action inégale, qui augmente à mesure que la longueur d'ondulation
diminue. Les plans de polarisation des divers éléments d'un faisceau
de lumière blanche primitivement polarisé se Irouvenl ainsi dispersés
sur une étendue angulaire tres-sensible. toutes les fois (|ue la dévia-
tion de l'un d'entre eux atteint (juelques degrés: et, par conséquent.
^'^ Les principaux résultais conleiius dans ceUe quatrième partie ont été indiqués daus
tleu\ Notes insérées aux Complet reiulut de$ géancet de V AcaAetnie des science» (séances du
Ti a>rij v{ du i<) octobre 1 8(î3 ) *-. Les observations relatives à Tacidc tartrique avaient été
connnuniquées dès 18O0 à PAssoi-ialion britannique pour Pavaiiccnient des sciences, réu-
nie à Oxloiti; le \\\* Happort de celle Socielé en a publié un résumé tivs-somioaire.
* Voir page> jo5 cl aoji de U pn*^riilc edilioii.
SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES, ETC. 215
a toute position de la section principale de l'analyseur qui n'approche
pas trop d'être perpendiculaire à la direction moyenne de ces plans
de polarisation correspond une coloration marquée de l'image ex-
traordinaire, rapidement- variable avec l'azimut. Le changement con-
tinu des teintes rappelle celui qui s'observe quand les rayons pola-
risés ont traversé une plaque de quartz perpendiculaire à l'axe ou
une colonne d'essence de térébenthine: il y a, dans l'un et dans
l'autre cas, une teinte sensible, qui présente les mêmes caractères
spéciaux et qui peut servir aux mêmes usages. Ces analogies évidentes
n'ont pas échappé aux nombreux observateurs qui depuis dix-sept
ans ont répété l'expérience fondamentale de M. Faraday; mais les
questions délicates qu'elles soulèvent naturellement ont été jusqu'ici
à peine abordées.
Deux citations assez courtes feront connaître tout ce (|ui a été
tenté sur ce sujet.
Dans un mémoire de M. Edmond Becquerel ayant pour titre :
Expériences concernant l'action du magnétisme sur tous les corps, qui a
été publié quelques mois après que la découverte de M. Faradav a
été connue en France ^^\ on rencontre le passage suivant :
f^ Quand on observe la rotation [magnétique] d'une substance et
que l'on tourne le prisme oculaire, on observe successivement une
série de couleurs qui sont dues à l'ensemble des rayons qui n'ont
pas été éteints par cette position du prisme, et, après avoir passe le
bleu, on arrive à une teinte violet-indigo que M. Biot a nommée»
teinte de passage. Cette teinte, par le mouvement du prisme oculaire
à droite ou à gauche, passe au rouge ou au bleu, ce qui la rend
facile à apercevoir; lorsqu'on l'a obtenue, et l'on ne se trompe pas
d'un demi-degré sur sa valeur, on est sûr que l'angle dont on a
tourné le prisme depuis sa position primitive correspond à la rota-
lion de la teinte complémentaire ou du jaune moyen de la portion
la plus lumineuse du spectre. Après avoir déterminé la rotation du
verre pesant par suite de l'action du magnétisme, soit 1 6 degrés, on
prépare, d'après la méthode indiquée par M. Biot, un tube d'eau
sucrée qui ait la même rotation que celle de ce verre. Si l'on place
^*ï Annakë de chitnie al de physique y .TscTio, I. XVI f, p. Mf\. — J'ai ajouté en In*
crochets quelques mots uliles a i*intclli(;eiice do la cilaliou que je donne.
216 SLR LES PROPRIETES OPTIQUES
ce tube entre l'oculaire et rélectro-airaaiit et (|ue l'on fasse passer le
courant successivement dans les deux sens, le verre est influencé; on
n'observe aucun effet lorsque les rotations sont inverses, mais on a
une rotation double quand elles agissent dans le même sens. Dans
le premier cas, on ne voit plus de couleur; dans le second, la rota-
tion est de Sa degrés.
rCes résultats montrent donc que l'effet produit par l'action du
magnétisme est une rotation du plan de polarisation, et que pour
les différents rayons simples la loi est sensiblement la même que
celle qui a été donnée par M. Biot pour le quartz, le sucre, etc.
[la loi de la raison réciproque du carré des longueurs d'onde]. ^
D'un autre côté, M. AViedemann a publié, en i85i , des expé-
riences sur le pouvoir rotatoire magnétique du sulfure de carbone^*
qui ne sont guère favorables à la conclusion générale de M. Edmond
Becquerel. Si l'on prend en effet pour unité la rotation correspon-
dante au rayon défini par la raie E de Frauenhofer, les rotations cor-
respondantes aux rayons définis par les autres raies principales du
spectre se trouvent représentées, suivant ces expériences, par les
nombres suivants^- *.
C b E b KG
o,5!>8 0,7/1^1 1,000 i.o55 1,186 i.65i
La loi de la raison réciproque des carrés des longueurs d'onde
aurait donné un tout autre svstème de valeurs, savoir :
c
D
E
b
F
G
0,6^1*2
0.798
1.000
u
1,180
i,5o3
^'^ Pof^gendorjf^s Annaleu^ I. LXWIf, |». ai.*), el Annalet de chimie et de physique^
3' .série , I. X \\ IV, p. 121.
t*^ Dans rexlnnl du mémoire de M. Wie<lemann que j'ai inséré au lome XXXIV de
la 3' .séiie de ces Annale» y on ne trouvera pas les nombres qui m'ont servi à calculer ce
tableau et qui sont ceux que donne Tau leur pour exprimer le résultat moyen de fensemble
de ses obsenalions. Par suite d'une inadvertance que j'ai peine à m'expliquer, je me suis
borné à reproduire, à la page 1 q3, le tableau des données immédiates de quelques expé-
riences, et je n'ai même pas indiqué exactement lu signiiicaliou des nombres inscrits dans
ce tableau. La deuxième et la tit)isième colonne de\ raient porter en tète, au lieu des
leltivs C et D, les lelliTs D et K. Ka proniière, la quatrième cl la cinquième colonne soûl
seules exactement tléMgnées.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 2*7
Si la loi du phénomène eut élé exactement pareille à la loi des ro-
tations produites par une colonne d'eau sucrée, M. Wiedemann au-
rait dû obtenir la série de valeurs
(] n K /; F
0,695 0,78.5 1,000 1,0*^7 1.187
qui se déduit des observations publiées par M. Arndtsen, dans le
tome LIV de ces Annales.
La dispersion des plans de polarisation ne paraît pas, d'après ces
données, suivre à beaucoup près la même loi dans le sulfure de
carbone et dans le verre pesant. 11 n'y a d'ailleurs aucune raison
pour attribuer à l'une des lois plus de généralité qu'à l'autre, ou
plutôt il y a des motifs sérieux de douter de l'exactitude des deux
séries d'expériences dont on vient de rappeler les résultats; car on
peut estimer, d'une part, que M. Wiedemann a toujours mesuré des
rotations beaucoup trop petites, et, d'autre part, que M. Edmond
Becquerel ne s'est pas placé dans les conditions les plus propres à
manifester la loi vraie des phénomènes.
M. Wiedemann ne parait pas avoir observé de rotations supé-
rieures à i%5 pour la raie D, à îi",îî pour la raie E, à -i",.) pour
la raie F, et, chacun des nombres qu'il rapporte étant déduit de
deux lectures qui ne sont individuellement certaines qu'à - ou
1 1 10 1*^
de degré près, on voit de quelles erreurs relatives ils peuvent être
affectés. M. Edmond Becquerel, en opposant l'une à l'autre les
actions d'un fragment de verre pesant et d'une colonne d'eao
sucrée qui imprimaient des rotations égales et contraires aux
pians de polarisation des /ayons moyens du spectre, a évidem-
ment réduit à la moindre valeur possible la différence moyenne
des deux rotations relatives à une couleur quelconque. Quand
bien même les lois des deux ordres de phénomènes auraient été
totalement différentes, l'image extraordinaire observée par M. Bec-
querel, entièrement privée des rayons jaunes moyens, c'est-à-dire
des rayons les plus intenses du spectre, n'aurait contenu «pic les
rayons les plus faibles, réduits eux-mêmes à une très-petite frac-
tion de leur intensité primitive; et comme celte intensité n'était
pas celle de la lumière solaire directe, mais celle de la lumière
218 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
des nuées, l'effet sensible n'aurait pu se distinguer de Tobscurité
absolue ^^^
Jai donc pensé qu'il importait d'étudier la question à nouveau,
en s'attachant à varier la nature des corps soumis à l'expérience et
surtout à augmenter la grandeur des phénomènes observés relative-
ment aux erreurs inévitables des mesures. Deux raisons m'ont par-
ticulièrement encouragé à entreprendre cette recherche. D'abord,
des considérations qui seront développées plus loin m'indiquaient
que si la dispersion des plans de polarisation était soumise à quelque
loi simple et générale, il serait possible d'en déduire la forme que
prennent les équations différentielles du mouvement de l'éther,
lorsque le corps où il est contenu est influencé par les forces magné-
tiques: j'espérais ainsi faire avec sûreté un premier pas dans la voie
qui peut mener à découvrir la théorie des phénomènes. En outre,
il ne me semblait pas moins intéressant de contrôler par des épreuves
décisives une loi énoncée par M. Wiedemann dans le mémoire cité
plus haut, et de savoir s'il était vrai en général que le pouvoir ro-
ta toire propre d'une substance active et son pouvoir rotatoire magné-
^'^ Qu'on suppose, par exemple, que la rotation pi*oduile par le verre pesant soit réci-
proque à la simple longueur d'ondulation ; la rotation produite par Teau sucrée étaot sen-
siblement réciproque au can-c de cette longueur, ces deux corps auront, dans Texpérieiioe
de M. Edmond Becquerel, imprimé les déviations suivantes aux plans de polarisation de?
ravons de diverses couleurs ^'^ :
Koug«.
Oraog^.
Jauuv.
Vert.
Bleu.
Indigo.
Violet.
Verre pesant
1 h%ù
i5%i
l6',o
«7%^
t8',6
i9%6
90\S
Eau suciw
ii\6
iV,3
i6*,o
i8',5
«r,5
2h\i
36*,5
Les deux actions s' exerçant à la fois et en sens contraire, les divers plans de polarisation
auront été distribués dans les azimuts suivants :
Rouge. Orangé. Jaune. Vert. Bleu. Indigo. Violet.
— 1',6 -o%8 o> -♦-i',3 -+-j',î» H-4'.5 -f-5-,7
La section principale de ranalyseur étant plante dans Tazimut zéro, on aura eu dans
rimage extraordinaire les fractions suivantes des intensités originaires des divers éléments
de la lumière blanche :
Rooge. Orangv. Jaunt-. Vert. Ble<i. Indigo. Violet.
0,0009 o,oooâ 0,0000 0.0008 o,ooa6 0,0090 0,0099
ci , l'ensemble de ces fractions ne pi*oduisant sur Tœil qu'un etret insensible, ou n'aura pa^
été averti fie rénorme diflernnce existant entre les deux lois.
*' J'iii calculé co dé«ialioll^ eu allriboanl aux lougucur* d*ondulalion do di>rn««*» rouleui? niojrnue» \*'f
valeurs qui se déduisent des espériences de .>ewton sur les anneaux coloré».
DÉVELOPPÉES PAR LACTION Dl MAGNÉTISME. 219
tique fussent pour les diverses couleurs proportionnels l'un à l'autre;
on sait que les expériences de M. Wiedeinann paraissent établir cette
proportionnalité dans le cas particulier de l'essence de térébenthine.
MÉTHODES D'OBSEnVATION.
J'ai fait bien des essais préparatoires avant d'arrêter définitive-
ment la forme de mes expériences et d'obtenir des résultats dignes
d'être publiés. Il ne sera peut-être pas inutile de dire quelques mots
de mes tâtonnements.
Dans mes précédentes recherches, l'emploi de la lumière homo-
gène indigo et l'observation de hi teinte de passage m'avaient fourni
des mesures à peu près égales en exactitude. Aussi ai-je cru pendant
quelque temps qu'il me serait possible d'appliquer mes anciens ap-
pareils à mes nouvelles études, en n'apportant au procédé expéri-
mental que des modifications secondaires, destinées à faire arriver
successivement sur le polariseur des rayons homogènes de natures
diverses. J'ai d'abord cherché s'il ne suffirait pas d'interposer tour à
tour sur le trajet de la luuiière un certain nombre d'absorbants mo-
nochromatiques convenablement choisis. Parmi les divers milieux
qui sont généralement cités comme laissant passer sous une épais-
seur médiocre une lumière sensiblement simple et d'une certaine
intensité, les milieux suivants m'ont paru réellement jouir de cette
propriété :
Pour la lumière orangée, le sulfocyanure de potassium eu disso-
lution aqueuse;
Pour la lumière y^u/^e^ le mélange d'une dissolution de sulfate de
nickel avec une dissolution de bichromate de potasse ;
Pour la lumière verte, le sulfate de cuivre dissous dans le carbo-
nate d'ammoniaque et mélangé de bichromate de potasse;
Pour la lumière bleue, le bleu de Prusse dissous ou plutôt émul-
sionné dans l'eau.
En ajoutant à ces divers milieux le verre rouge et le sulfate de
cuivre dissous dans le carbonate d'anunoniaque qui ne laisse passer
que les rayons indigo, il eut été aisé de mesurer avec une assez
±20 SUR l.iiS PROPIUÉTÉS OPTIQUES
grande [trécisioi) la rotatioD niagnéli<{uc du plan de |)oiansatîon
[>our siï espèces de lumières passalilement homogènes. Mais la diffi-
culté de mesurer et même de défitir les longueurs d'ondulatioD cor-
respondantes m'a semblé lelic, ipte j'iù aliitiidonné ce procédé e\pé-
rinienlal après nti petit nomliro d'essais.
Je n'ai pas été plus lieurc-ux lursijue j'ai pensé à isoler par un
diapliragnic d'étroites piirtioiis d'un spectre pur et à soumeltrc
;ui\ épreuves ordinaires les Taisceaiix lumineux ainsi limités, en les
définissant d'ailleurs d'une manière rigoureuse par la coîncideDce
du milieu dti diaphraj^nie avec l'une des raies principales de Frauen-
liofer. Le faisceau lumineux a toujours inaïKjné de l'intensité néces-
saire aux obsertations, dès i|ue je nie suis écarté de la région
moyenne du spectre. Je n'ai pu l'emédier à cet inconvénient qu'en
élargissant la fente par où ia lumière pénétrait dans la chambre
obscure, au point de rendre invisibles la plupart des raies du spectre,
et le faisceau isolé par le diaphgrame s'est alors trouvé si pou ho-
niog(-ne, qu'il a été impossible de l'éteindre complètement dans
aucune position de l'anahseur.
La médiode jjéiiérali' d'observation de MM, Fizeau et Foucault
m'a seule donné des résultats satisfaisants. Je l'ai d'abord apjiiiquée
à peu près de la même manière que M. \\ iedemann. Sur le trajet do
faisceau solaire réfléchi par un hélinstat j'ai placé successivement :
r l'ne fente verticale étroite F:
->" I n prisme de \icoi pohiriseur N, monté dans un tube de
cuivre portant à ses extrémités deuv diaphragmes circulaires de
S millimèlres de diamètre:
-f" I.'ap|i<ii'eil élerlro-mafjnélifpic. qui n'a pas été le même dans
fontes les expériemi's el que par celle raison on n'a pas représenté
sur la llmire:
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNETISME. 221
4" Un prisme de Nicol analyseur N', monté au centre d'un cercle
mobile dans l'inlérieur d'un cercle fixe, de manière à donner la
minute par la combinaison de la graduation du cercle fixe avec le
vernier du cercle mobile ^^^
5" Un prisme à sulfure de carbone P, de 6o degrés d'angle ré-
fringent, posé sur la platine centrale d'un goniomètre ordinaire do
Babinet G débarrassé de son collimateur et conservant seulement
la lunette mobile L.
Le chemin total parcouru par les rayons lumineux dej)uis la fenle
jusqu'à la lunette L était d'environ i"',70. Malgré cette faible dis-
tance, lorsque le prisme P était dans la position du minimum de
déviation, la lunette exactement mise au point, et que la totalité du
faisceau transmis far les appareils nuignétiques arrivait sur l'analyseur et
sur le prisme, on apercevait un spectre bien net où les raies princi-
pales de Frauenhofer étaient parfaitement visibles. Lorsque la troi-
sième condition n'était pas satisfaite, le spectre était, pour des rai-
sons assez évidentes, toujours plus ou moins baveux et estompé sur
ses bords, et la précision des observations pouvait souffrir notable-
ment de ce défaut. Avec la quantité de lumière que laissait passer
la fente F, l'usage d'une lunette de grossissement assez faible m'a
paru plutôt un avantage qu'un inconvénient. La lunette que j'ai
presque constamment employée avait (pour ma vue, et relativement
à des objets éloignés de i^jyo) un grossissement de 5 diamètres
seulement; des grossissements de *iO à n^S diamètres, que j'ai quel-
quefois essayés, m'ont fait voir un plus grand nombre de raies,
mais en diminuant l'éclat apparent du spectre ils ont rendu les ob-
servations beaucoup moins sûres.
On sait d'ailleurs que la méthode de MM. Fizean et Foucault
consiste à faire tourner le prisme de Nicol analyseur jusqu'à ce que,
sa section principale coïncidant avec le plan de polarisation d'un ou
de plusieurs rayons élémentaires, il apparaisse dans le spectre une ou
plusieurs bandes noires à la place de ces rayons, et à observer exar-
(') Cétait rinslrumeiil analyscnr décrit dans la pi^einière paitie de mes rerherches
(voir le lomo XLI de ces Annales, p. 38o)''^ dont j'avais roliré la iiineflo pour ia rem-
placer par un prisme de Nicol monti* dans nn manchon i\c enivre.
-'' Voirpa^ a de la présente édilion.
222 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
tement la posilion de ces bandes. Pour mesurer la rotation impri-
mée par les forces magnétiques au plan de polarisation d*un rayon
de longueur d'ondulation définie, j'ai donc fait coïncider d'abord le
fil vertical du réticule de la lunette avec la raie de Frauenbofer qui
caractérise cette longueur d'onde; ensuite, par le mouvement de l'a-
nalyseur, j'ai amené sur ce fil lui-même le milieu d'une des bandes
obscures dont je viens de parler; enfin j'ai fait disparaître la coïn-
cidence en changeant le sens du courant, et je l'ai rétablie par le
déplacement de l'analyseur. Ce dernier déplacement a été évidem-
ment le double de la rotation que je cherchais.
Les plans de polarisation des rayons de diverses couleurs n'étant
en général dispersés par les forces magnétiques que dans une assez
petite étendue angulaire, on ne peut éteindre complètement un
rayon à l'aide de l'analyseur sans beaucoup affaiblir l'intensité
des autres; le spectre ne contient donc jamais qu'une seule bande
noire, presque toujours si large, qu'il n'est pas possible de viser en
son milieu avec quelque exactitude. On peut, conune l'a montré
M. Wiedemann, écarter cette difficulté eu introduisant sur le trajet
de la lumière une substance active par elle-même, dont la rotation
est tour à tour augmentée et diminuée par la rotation magnétique,
suivant la direction de celle-ci ; il faut seulement choisir celle rota-
tion auxiliaire de telle manière que le déplacement de la bande
noire ne suive pas trop lentement celui de l'analyseur^*-. J'ai fait
usage tantôt d'une colonne d'eau sucrée donnant à la teinte de pas-
sage une déviation d'environ 9 5 degrés, tantôt d'une plaque de
quartz perpendiculaire à l'axe et de i millimètre d'épaisseur, produi-
sant par conséquent à peu près le même effet. La plaque de quartz
est d'un emploi plus commode ({u'une longue colonne d'eau sucrée,
niais il importe qu'elle soit exactement perpendiculaire aux rayons
'^ H est évident, en eflel, que, si la Ixande noire se rétrécit à mesure qu'augmente h
difféi-ence des rotations dos rayons de diverses réfrangibiiités, il devient en même tem|tf
nécessaire de faire tourner l'analyseur d'un angle plus considérable pour Taira parcourir à
celte bande une portion donnée du spectre. Ladditioo d'une rotation auxiliaire à la rota-
lion magnétique produit donc deux effets opposés, dont Tun favorise et Pnutre contrarie
l'exactitude des obsen allons. Il y a, ainsi que l'a remarqué M. Wiedemann, un certain
milieu à cboisir, qui dépend des conditions particulières de l'expérience et même de l'in-
dividualité de Tobservaleur.
DÉVELOPPÉES PAK I/ACTION Dlî MAGNÉTISME. 22:5
lumineux; on arrive aisément à satisfaire cette condition, en cher-
chant par tâtonnement l'inclinaison de la plaque qui donne à la
bande noire mobile le maximum de netteté.
J'ai exécuté, par ce procédé, les trois séries successives d'expé-
riences dont j'ai réuni les résultats dans le tableau de la page <:i33,
en les distinguant par les numéros 1, II et III. J'ai uniquement opéré
dans ces trois séries sur des liquides bien transparents, tant pour
écarter les effets de la trempe presque inévitable des corps solides
qu'à cause de l'intention où j'étais, en commençant ce travail, de me-
surer les indices de réfraction des substances étudiées. Mais je n'ai
pas toujours fait usage des mêmes appareils électro-magnétiques, et
dans la troisième série j'ai modifié en quelques points la méthode
optique d'observation.
Dans ma première série d'expériences, l'appareil électro-magné-
tique a été l'appareil ordinaire de Ruhmkoriï, disposé comme il a
été dit dans la troisième partie de ces Recherches ^^^ et mis en acti-
vité par le courant de âo éléments de Bunsen. Les liquides étaient
contenus dans la petite cuve de lia millimètres de longueur qui a
été décrite dans mon premier mémoire (voir le tome XLI de ces Att-
nalei, p. 397 )^^^ Les plaques de verre qui la fermaient exerçant sous
l'influence magnétique une action très-sensible sur la lumière polari-
sée, il fallait avant tout déterminer exactement pour chacune des cinq
raies G, D, E, F, G, qui se prêtent à des mesures, la valeur de la
correction résultante. A cet effet, j'ai séparé les plaques de la cuvo
qu'elles fermaient, et les superposant l'une à l'autre, sans intermé-
diaire, je les ai placées entre les deux branches de l'électro-ainjant
rapprochées presque jusqu'à les toucher, pour déterminer, par les
moyennes d'un grand nombre d'observations, les rapports des rota-
(') Sur les extrémités des axes creux des deux bobines, qui sont les pièces principales
de Fappareii, étaient vissées de petites armatures octogones destinées à concentrer dans
leur voisinage Taction de réiectro-aimaut. Dans les appareils ([u'il construit aujour-
d'hui, M. Rubmkorfl* donne à ces armatures la forme circulaire. Cecbaugement n'est d'au-
cune importance, et je n'en ferais pas mention si jo no savais, par M. RuhmkorfT, que
quelques-unes des personnes qui lui ont commandé des appreils depuis la publication
de mon troisième mémoire lui ont demandé si j'avais eu quelque raison pour donner
une forme polygonale à mes armatures.
(*^ Voir page i36 de la présente édition.
±2ti SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
fions coiTOspondanles aux diverses raies. II résulte des lois établies
dans mon premier mémoire que ces rapports sont indépendants de
la grandeur de l'action magnétique, et par conséquent qu'ils n'ont
pas dû changer lorsque les plaques ont été employées à fermer la
cuve à liquides et placées entre les branches de Télectro-aimant dans
les conditions habituelles des expériences. Pour apporter aux mesures
de chaque jour les corrections nécessaires, il a donc suffi de déter-
miner au commencement et à la fin de chaque séance d'observations,
et plus souvent s'il était nécessaire, l'action des plaques correspon-
dante à une seule raie, par exemple à la raie E.
Malgré le soin que j'ai mis à cette recherche préliminaire, il est
évident que les éléments de mes corrections ont dû rester affectés
de certaines erreurs qui sont venues s'ajouter aux erreurs inévitables
de chaque expérience. Aussi m'a-t-il semblé désirable de construire
un appareil oii l'influence perturbatrice des plaques de verre fût en-
tièrement éliminée. J'y suis parvenu aisément en faisant construire
une bobine de très-grandes dimensions, dans l'intérieur de laquelle
j'ai placé les liquides soumis à l'expérience , renfermés dans des tubes
qui dépassaient de quelques centimètres les deux extrémités de la
bobine. Cette bobine ne contenait pas moins de i s 5 kilogrammes
de fil de cuivre de 9""", 6 de diamètre recouvert de soie; sa longueur
totale était de 390 millimètres, son diamètre intérieur était de
t58 millimètres, son diamètre extérieur de 390 millimètres. Elle
reposait par ses deux extrémités sur un support solide en bois de
chêne et donnait place dans son intérieur à un manchon annulaire
en zinc, présentant sur chacune de ses bases une tubulure par où
pénétrait la tige d'un thermomètre, portant en outre d'un côté et
à la partie supérieure un tube à entonnoir, de l'autre côté et à l'ex-
trémité inférieure un tube à robinet. On remplissait ce manchon
d'eau froide avant l'expérience, et en renouvelant l'eau de temps à
autre, ou même d'une manière continue, s'il était nécessaire, on
resserrait entre des limites très-rapprochées l'élévation de tempéra-
ture qui tend nécessairement à se produire dans la cavité intérieure
d'une bobine dont le fi! est échaufl'é par le passage d'un puissant
courant voItaï([ue. Sans retlc précaution, les résultats obtenus au
commencement et à la fin d'une expérience de quehjue durée n'au-
DÉVEr.OPPÉES PAH i;\CT10N Dli MAGNÉTISME. 22»
#
raient pas élë réellement comparables^'^. Le tube qui renfermait
successivement les divers liquides était un long tube de verre de
600 millimètres de longueur, de i5 millimètres de diamètre inté-
rieur, et à parois de 9 millimètres d'épaisseur, monté dans une en-
veloppe de laiton et fermé à ses deux extrémités par deux glaces non
trempées de /i""",8 d'épaisseur que maintenaient des viroles à vis^-^
Ses extrémités dépassant de plus d'un décimètre celles de la bobine,
j'ai admis qu'on pouvait négliger le pouvoir rotatoire des plaques
de verre terminales ^^^. Des supports particuliers, indépendants do la
bobine électro-magnétique, le soutenaient sur la table qui portait
tous les appareils. Vingt éléments de Bunsen fournissaient !o courant
électrique.
C'est avec cet appareil qu'ont été exécutées ma deuxième et ma
troisième série d'expériences. La deuxième série n'a différé en rien
de la première quant au procédé optique; dans la troisième, j'ai eu
soin de placer au devant de l'œil un verre rouge lorsque j'observais
la raie C, et un verre bleu lorsque j'observais la raie G. Ces verres
étant choisis de manière à éteindre, ou du moins à affaiblir beau-
coup la portion la plus brillante du spectre, et à rendre l'intensité
lumineuse à peu près uniforme dans le voisinage des raies observées,
la bande noire mobile a dû s'étendre à peu près à la même distance
des deux côtés du point où l'extinction était complète, de façon qu'en
visant son milieu on a dû réellement viser la couleur dont le plan de
polarisation était perpendiculaire à la section principale du prisme
de Nicol analyseur ^*l En outre, la suppression de la partie la plus
^') Des variations de température encore plus considérables ont dû se communiquer
aux liquides placés sur Tappareil de Ruhmkoriï, qui est entièrement métallique; aussi
n'ai-je rapporté, parmi les observations de ma première série, que celles qui sont rela-
tives à Fessence de Ijaurus caisia, la forte coloration de ce liquide ne m^ayant pas permis
de Téludier dans un tube de 60 centimètres de longueur.
^') Ce mode de fermeture était exactement pareil à celui des tubes plus courts que
M. Dttboscq joint aux saccharimètres qui sortent de ses ateliers. Il m^a paru plus commode
qu^aucun autre et surtout plus propre à assurer Tuniformité de la pression exercée sur la
périphérie des plaques de verre.
<'J Voir la note A à la fin du mémoire.
(*) il est évident que, si l'intensité lumineuse est rapidement variable dans une certaine
région du spectre, lorsqu'on éteindra complètement un des rayons contenus dans cette
région, l'obscurité apparente s'étendra plus loin du côté vers lequel l'intensité est décrois-
sante que du côté opposé. Le milieu apparent de la Imnde obscure mobile sera donc très-
Veibit, t. — Mémoires. 1 5
226 SUR LES PROPRIETES OPTIQUES
brillante du spectro, qui, dans les observations de la première et
de la deuxième série, était toujours demeurée visible dans le champ
de la lunette, a rendu l'œil beaucoup plus sensible à la faible lu-
mière existant des deux côtés de la bande mobile, et lui a permis de
saisir avec moins d'incertitude la coïncidence de son milieu avec le
fd vertical du réticule. Je me suis enfin attaché^ dans cette troisième
série, à déterminer chaque rotation par un plus grand nombre
d'observations que dans la deuxième ou la première, et surtout à
répéter ces observations de manière à faire disparaître les erreurs
accidentelles dues à un pointé inexact de la lunette sur les raies du
spectre, aussi bien que les erreurs provenant d'une coïncidence im-
parfaite entre le fil vertical du réticule et le milieu de la bande
obscure mobile. A cet effet, lorsque j'ai voulu mesurer le rapport
des rotations correspondant à deux raies données du spectre, la
raie C, par exemple, et la raie E, j'ai exécuté le système suivant
d'opérations. J'ai d'abord déterminé pour la raie E les deux azimuts
de polarisation qui répondaient aux deux directions opposées du
courant de la bobine; chacun de ces deux azimuts a été lui-même
déduit de la moyenne d'au moins quatre et quelquefois d'un plus
grand nombre de lectures. Leur différence m'a donné le double de
la rotation correspondant à la raie E. Amenant ensuite le fil ver-
tical de la lunette sur la raie G , j'ai répété les mêmes observations ,
et, revenant à la raie E, j'ai poursuivi l'expérience jusqu'à ce que
j'eusse obtenu quatre mesures relatives à la raie C, intercalées entre
cinq mesures correspondant à la raie E. J'ai alors calculé le rap-
port des valeurs moyennes, et je me suis toujours assuré qu'il dif-
férait peu des rapports qu'on pouvait obtenir en comparant une
mesure relative à C avec les mesures relatives à E qui l'avaient im-
médiatement précédée et suivie , ou vice versa. Je ne crois pas inutile
de reproduire les données entières d'une détermination de ce genre,
se rapportant au sulfure de carbone. Ces données sont les azimuts
sensiblement diflerent du poinl où l'exlincUon esl complète, et il pourra résulter de ce
défaut de coïncidence d'assez notables erreurs. On échapperait à celle diflîcjilté en réiré-
rissant la bande mobile par Pusa^je d'une plaque de quartz auxiliaire plus épaisse; mais
on a vu plus haut que celte modification des expériences diminue, pour d^aulres causes,
l'exactitude du procédé.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 2â7
de polarisation successivement observes pour la raie E et la raie (1;
dans chaque observation, la colonne de {][auche contient les azimuts
correspondant à une direction donnée du courant; la colonne de
droite contient les azimuts correspondant à la direction contraire.
E, C, Kj Cj
958'a3' a/io-35' 96/4°/i5' 954"95' iiSS^io' a/io'/i;' aGA^Ôi' •j54":J7'
«58'i3' a/io-iS' 3G/i"5o' 95/^25' rî58"ia' .î/»o"r>i' rî65" o' a54°/i3'
a58M6' aW^' •>.64''5o' tî54\no' riSS^^iS' a/io''4/i' .îC/i"5i' ri5/iVir
958-18' •34o%3V o.6/r53' .).5V'i,V -ir^H-xÙ' -lào^hH' oC^roy' 9o/iVii'
Ej C^ E^ C^
•io8' a' a4o''/i3' •îG/i''/i8' ^iSi** o' -idS" 3' •2/jo"r)8' aG/i"59' ^^.Vrai'
.i58'i5' 9/io%53' ^iGi-iy' aô/i-ay' 958" i' a4o"5/i' 9G4°5â' aô/i^Sy'
a58-ii' a/io^/ig' aG4"53' ao/i'at' 0.55" a' a5o''r)7' ^.G/i-SS' a5/i"/i5'
a58' 9' a/io"/i8' ^G/r/ig' a5A"ti' -iiSS-ii' a4o"r)o' aG/i"/i8' a5/*"a8'
E.
a57''58' ^/io''5G'
a.57''5G' 'î/|0*58'
a57''59' a/it" T
a57"56' a4o"5r
On déduit de là, pour la valeur probable du rapport des deux rota-
tions .
i(c,4.c,4-c,+(;)
^ 0,()01 .
i(E, + E,-fE3 4-E, + E,)
et, par les diverses combinaisons (ju'on peut faire de trois expériences^
successives, une suite de valeurs comprises entre o,r)(jo et o,Gi3.
Malgré ces diverses précautions, j(» n'ai jamais été entièrement
satisfait d(»s mesures relatives aux raies C et G. Dans l'expérience
dont je viens de donner tous les détails, la différence entre les lec-
tures diverses d'un même azimut a atteint cpielquefois 27 minutes
pour la raie C, et on ne peut guère estimer inférieure àdir 10' la
limite de l'erreur dont peut être affectée la valeur mesurée du double
de la rotation. En d'autres termes, il ne paraîtra pas que l'erreur
1.).
228 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
relative dont celte quantité ait chance d'être affectée soit inférieure
à ^. Une erreur relative à peu près égale, correspondant à une
erreur absolue beaucoup plus forte , serait manifeste dans les obser-
vations sur la raie G. Les nombres qui expriment Terreur absolue
demeurant les mêmes, ceux qui expriment l'erreur relative aug-
menteraient encore, si l'on considérait les autres substances étudiées,
qui n'ont toutes qu'un pouvoir rolaloire magnétique inférieur à celui
du sulfure de carbone. En outre, l'aspect des phénomènes, une sorte
d'arbitraire qui paraissait toujours subsister dans l'appréciation du
milieu des bandes obscures correspondant aux raies C et G, lors
même que plusieurs observations consécutives semblaient s'accor-
der, me faisaient craindre l'influence de quelque erreur constante,
peu considérable en valeur absolue, mais assez forte cependant pour
affecter la solution des questions délicates qui seront discutées plus
loin. Une nouvelle modification du procédé optique a donc été né-
cessaire.
Quatre circonstances m'avaient paru principalement influer d'une
manière fâcheuse sur la pnVision ou la commodité des expériences.
D'abord , pour obtenir une bande obscure mobile ayant même
largeur et même intensité sur toute la hauteur du spectre , il fallait
donner à l'ajustement d'un appareil compliqué, où se trouvait un
long tube plein d'un liquide très-réfringent, une perfection qui se
conservait diflicilement pendant la durée d'une expérience entière.
En second lieu, malgré l'usage du verre rouge ou du verre bleu,
les deux bords de la bande obscure étaient loin d'offrir le même as-
pect, lorsqu'on approchait de la raie C ou de la raie G, le spectre
étant bien pur. En accroissant l'intensité du spectre par un élargis-
sement de la fente initiale, on parvenait bien à donner à la bande
deux bords également tranchés, mais il est clair qu'en sacrifiant
ainsi l'homogénéité de la lumière on ne savait plus si les obsena-
tions se rapportaient réellement à la raie qu'on voulait étudier.
Troisièmement, l'artifice emprunté à M. Wiedemann, qui consis-
tait à accroître la grandeur des rotations par l'addition d'une plaque
de quartz ou d'une colonne d'eau sucrée auxiliaire, conduisait à
mesurer successivement la somme et la différence de deux rotations,
c'est-à-dire à observer pour une même raie du spectre une bande
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 229
obscure correspondant tour à tour à des rotations totales quelquefois
très-différentes entre elles, et offrant par conséquent dans les deux
cas un aspect très-dissemblable. On manquait ainsi à l'une des règles
essentielles de toute métbode précise, qui est de ramener, autant
que possible, toute évaluation numérique à la différence de deux
observations faites dans des conditions identiques'''.
Quatrièmement, enfin, le grand nombre des observations néces-
saires à l'élimination des erreurs accidentelles obligeait souvent à
prolonger les expériences jusqu'au moment où, l'énergie de la pile
étant devenue assez rapidement décroissante, l'emploi des détermi-
nations alternées n'était plus une garantie suffisante d'exactitude.
Le premier de ces inconvénients a disparu de lui-même lorsque
j*ai supprimé la fente' F dont le prisme polariseur était précédé,
pour recevoir le faisceau transmis par l'analyseur sur la fente du
collimateur, suivi lui-même d'un prisme et d'une lunette. Il m'a été
facile d'obtenir un éclairement tout à fait uniforme de la fente très-
étroite et de faible hauteur que portait le collimateur, et de déter-
miner sur le spectre horizontal que j'observais la production d'une
bande noire verticale parfaitement identique à elle-même dans toute
sa hauteur. En même temps j'ai compensé l'extrême étroitesse que
doit avoir la fente d'un collimateur, en concentrant sur cette fente
au moyen d'une lentille tout le faisceau transmis par l'analyseur,
ou en substituant à la fente le foyer linéaire d'une lentille cylindrique
à court foyer, convenablement placée par rapport à la lentille du
collimateur; l'éclat du spectre est ainsi devenu tel, que les mesures
relatives aux raies C et G se sont trouvées tout aussi faciles et aussi
exactes que les mesures relatives aux raies D, E et F; l'usage d'une
rotation auxiliaire a même été rendu inutile, dès que la rotation
^') L*artificc de M. Wiedemann ne me parait, pour les raisons qu'on vient de lire, tout
â fait exact que lorsque la rotation à mesurer est petite par rapport à la rotation auxiliaire,
et par conséquent très-petite en valeur absolue, c'est-à-dire dans des conditions où il est
abeoltunent indispensable d'éliminer Tinfluence des erreurs accidentelles par une réitéra-
tion trè»-multipliée des observations. Une telle réitération est facile lorsqu'il s'agit, comme
dans les expériences de M. Arndtsen sur Tacidc malique, de mesurer le pouvoir rotatoirc
dVoe substance active. Elle cbt impossible lorsque la substance étudiée reçoit son pouvoir
rolatoire de l'action d'une forrp aussi peu constante que l'est celle d'un courant voltaïque
de quelque puissance.
230 SUR LES PROPRIETES OPTIQUES
luagnétiquc du plan de polarisation correspondant à la raie E a
atteint 8 à lo degrés. Les trois premiers inconvénients que je viens
de signaler ont été ainsi écartés en même temps. Je parlerai tout à
l'heure du quatrième.
Les dimensions du collimateur, le pouvoir dispersif du prisme qui
fournit le spectre, et le grossissement de la lunette qui sert à l'ob-
server, ne sont évidemment pas indifférents à la perfection des ob-
servations. Les deux derniers éléments exercent une double influence.
Plus, en effet, on augmente la dispersion du prisme et la puissance
de la lunette, plus le spectre a de pureté, mais aussi moins il est
intense. Il se produit donc deux effets opposés, que l'observateur
doit chercher à compenser l'un avec l'autre de la manière la plus
favorable. L'appareil qui m'a donné les meilleurs résultats se compo-
sait : t" d'une lentille cylindrique en verre ordinaire, de la milli-
mètres de largeur et de i centimètre de foyer; 3° d'une lentille
coUimatrice d'environ 2 4 centimètres de foyer; 3° d'un prisnae^e
flint de 60 degrés d'angle réfringent; 4** d'une lunette grossissant six
fois seulement, munie en son foyer d'un diaphragme étroit qui éli-
minait les parties médianes et brillantes du spectre, lorsqu'on en
observait les extrémités ^^\ Les mesures qu'il m'a servi à effectuer ont
constitué ma quatrième série d'expériences.
Pour corriger sûrement, dans cette quatrième série, l'influence
perturbatrice des variations du courant de la bobine, j'en ai me-
suré l'intensité avant et après chaque mesure de>rotation, en faisant
agir directement la bobine elle-même sur un barreau aimanté très-
éloigné, dont la très-petite déviation était mesurée à l'aide d'une
règle divisée et d'un miroir, suivant la méthode de MM. Gauss et
Weber, et j'ai comparé la rotation observée à la moyenne de ces in-
(') Cet appareil n^étail autre chose qu'un des spectroscopes que construit M. Duboscq
pour l'usage courant des laboratoires de chimie : dans ce spectroscope, la fente étroite
avait été remplacée par le foyer linéaire d'une lentille cylindrique. M. Gemez s'en était
seni avant moi dans ses recherches sur le pouvoir rotatoire de la vapeur des liquides
actifs. J'avais obtenu des résultats un peu moins exacts, mais déjà fort supérieurs à ceux
des (rois premières séries d'expériences, avec un grand goniomètre de Babinet, construit
par M. Brunuer, dont la lunette gro^issait vingt-deux fois, en concentrant, par une len-
tille d'un diitimèlre de foyer, le faisceau analysé sur la fente du collimateur, et produisant
le spectre à l'aide d'un prisme de flint de ao degrés d'angle seulement.
DEVELOPPEES PAU f/ACTION UU MAGNÉTISME. 231
leiisilés^*^ J'ai pu ainsi me dispenser de cette répétition multipliée
des mesures qui avait rendu si pénibles les expériences de la troi-
sième série sans leur donner toute l'exactitude que je cliercliais.
Enfin, dans ces dernières expériences, le nombre des éléments de
la pile a été porté à trente et quelquefois à quarante éléments.
.S m.
HÉSULTATS DES EXPÉIUENCES.
Je reproduirai d'abord, en y ajoutant quebjues indications sur
la nature des substances étudiées ^ le tableau déjà publié dans les
Comptes rendus des séances de l Académie des sciences (séance du 6 avril
i863), où se trouvent réunis les résultats des expériences des trois
premières séries, qui, par l'accord des déterminations individuelles,
m'ont paru le plus dignes de confiance. Bien que ces résultats ne
soient pas tout à fait définitifs, ils m'ont permis d'importantes con-
clusions générales, auxquelles je n'ai rien à changer.
On pourra remarquer dans ce tableau l'indication d'un certain
nombre de liquides, tels que la créosote du commerce et diverses
essences dont la nature est assez mal définie et qu'il ne serait pas
très-facile de se procurer deux fois dans un état identique. Ne cher-
chant plus en effet de relation entre la nature chimique des corps et
leur action sur la lumière, j'ai choisi la plupart des liquides étudiés
uniquement à cause de la grandeur de leur pouvoir rotatoire ma-
gnétique, et j'ai été ainsi conduit à expérimenter sur quelques li-
quides très-réfringents d'origine organique, que j'ai simplement
pris dans le commerce, sans travailler à les purifier ou même à les
définir bien exactement. J'en ai seulement déterminé le point d'é-
bullition sous la pression atmosphérique , afin de m'assurer qu'ils ne
différaient pas trop du liquide pur désigné sous le même nom dans
les traités de chimie; quelquefois je les ai entièrement distillés,
afin de diminuer la coloration qu'ils pouvaient offrir, par suite de la
présence de quelque matière étrangère moins volatile.
Les premières colonnes du tableau contiennent , pour les divers
liquides étudiés, les valeurs relatives des rotations correspondant
{') Voir la noie B a la fin du mémoire.
232 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
aux raies C^ D, E, F, G, la rotation correspondant à la raie E
étant constamment prise pour unité ^*. Dans la septième colonne,
marquée R , est indiquée la moyenne des valeurs absolues du double
de la rotation correspondant à la raie E^^'; la huitième, marquée X,
fait connaître la série d'expériences à laquelle appartiennent les
déterminations rapportées dans les colonnes précédentes; la neu-
vième renferme les observations auxquelles chaque expérience peut
donner lieu. Enfm, en tête du tableau, j'ai placé la suite des nom-
bres qu'on aurait dii observer si la loi des phénomènes avait été ri-
goureusement la loi de la raison réciproque du carré des longueurs
d'ondulation.
('^ J'ai choisi la raie E pour terme constant de comparaison , à cause de la précision que
peuvent atteindre les observations dans la région du spectre qu^eile occupe. Uerreiir qui
s'ajoute, dans le calcul des valeurs relatives, à Terreur des valeurs absolues a été ainsi
rendue la plus petite possible.
''^ Ces valeurs ne sont mentionnées que pour faire juger de la grandeur des phéuo-
mènes observés, car elles ne se rapportent pas à une intensité constante du courant ou des
forces magnétiques.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 233
DÉSIGNATION
C
»
E
F
G
'
«
OBSERÏATIOSS*.
L« de 11 ni»n rfci-
Eitidiitill^
DiMotutian de chlo-
niredenleium...
Di9H)iilHia de ihlo-
rundeiioc
ctalcmnd'éUiiD...
EMnee d'iniiidei >-
«M
o,«3
0,6.
o,6i
0.S8
a, 6a
o,So
'•19
-.80
0.78
■.,78
0,75
0,77
n,;6
0.7S
i,ao
I..9
1,19
.,.3
1,50
.,5S
..SI
i'hk
7<S
.0.3
• 161
.7!.
.ol>
111.
II.
II.
111.
Itl.
III.
DiooluUoB eonlenonl .5,1
portieidechlonindeeil-
deoiiljt itn:i,oBl.
l)i»lotioD eootenint I7,.
parlin de chlorure Je .inc
el Sg.o pirliea d'eau; den-
DiiaoluUon eonlenanl <3,5
tain et 8E,S parlin d'eau;
Rouilla.,! .ers. 9a degrà"
Uonlllaut -en .3o degré».
Ce liquide, vendu iUn< le
î^l" bouillir .é™"™7d°e-
f,fenlicr''jm"'88 l^'
il était Jonc pntbablenieDt
formé pour la plu grande
partie "Trarid/pb^que.
Néiu moins il ne K pranait
enn.aueaoliJp«geHrDn
r»idde-iidHcà:D'>ii-
feurs, bien queialimpl-
dilé fùld'abird parfaite.
lor«u'il .«il étT^umi,
•orboit «eo une gnnde
éutrgia l'eitréfliité la plui
,éfr.ngiWtdu.c«lK.!;'é-
acide phéidque â»A' im-
pur, et j'ai cru ile<oîr en
C'eitl'eiKncecannuedinile
con>nieru>ou.lenDi>id'«-
»M»d.c«>uUeA, CUmi
fortement colorée en brun,
Îi'l!^*<u7ju«ïîû«.el'l'>l^
EwKed'inù
SdTon de orboM...
Elienre ilc Lairnii rni-
» et 3» dnm* et dan
lor<ipeTa^iIp.de
nrMoBiiuSéruti,:
"PireelUinJiul
«itn dnni le limici
litre i l'eildrieur, aee
...lent (.il l'objet tft
celoUeniinnlIaulei éli riitsldei teDi|»raliim coninrii» entre
lui de ( i 5 d
oilellcindw
«"tel!e''oH leli
tropdetliqui
tiol de leon i
^i^-. i-our V
i7e'nqOiïS''E
leid|rf™iure.
ude,,j'.i'pg"
Heiiee de Ln
iDKhlMd>u<
Dillant,etde
Voulinl Mmol
r>< ('«•û •euleinenl telU. limite de
ce l.J.I».u,j-egteiiJ. qu'un Ihem»-
it la lige H trouve preiqBe loHl en-
ment reeuoniilre li Ira liquidn eni-
-omnic pnn par les cbiiniiln nui eo
uHgedonileitobonloi
m de
hîmie,
«
234 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
Aucune des suites de nombres contenues dans ce tableau n'esl ri-
goureusement conforme à la loi de la raison réciproque des carrés
des longueurs d'ondulation, mais aucune ne s'en écarte beaucoup,
et on a au moins le même droit que dans le cas des substances
actives par elles-mêmes de considérer cette loi comme une première
approximation des phénomènes ^*^ L'écart, variable de grandeur, est
d'stilleurs toujours dans le même sens. La rotation est toujours plus
petite pour les raies C et D, plus grande pour les raies F et G, que
la rotation qui se déduirait de la loi simple dont il s'agit en prenant
pour point de départ la rotation correspondant à la raie E. En
d'autres termes, la loi de variation des rotations est plus rapide que
la loi du carré des longueurs d'onde. On peut donc regarder comme
établi d'une manière générale par les expériences :
i"" Que In dispersion des plans de polarisation des rayons de diverses
couleurs, sous Vinjluence des forces magnétiques, se fait approximative-
ment suivant la loi de la raison réciproque des carrés des longueurs d'on-
dulation;
s"* Que la loi exacte de dispersion, spéciale à une substance donnée,
est toujours (elle, que le produit de la rotation par le carré de la longueur
d'onde aille en croissant de l'extrémité la moim réfrangible à Vextrémti
la plus réfrangible du spectre.
On remarque en outre que l'écart entre la loi réelle des phéno-
mènes et la loi du carré des longueurs d'onde n'est pas à beaucoup
près le même pour les diverses substances; que pour l'eau et la dis-
solution de chlorure de calcium il est très-peu sensible et à peine
supérieur aux erreurs inévitables des expériences; qu'il est plus mar-
qué pour la dissolution de chlorure de zinc, celle de protochlorure
d'étain et l'essence d'amandes amères, et enfin très-considérable
pour les autres essences, la créosote du commerce et le sulfure de
carbone. La vérité de ces remarques devient plus évidente encore, si
(') Aucune des substances que j'ai étudiées ne s'écarie autant de la loi que les dissolu*
tions alcooliques de camphre, qui, selon le degré de leur concentration, ont donné à
M. Arndtsen des rotations représentées par des nombres compris entre les deux séries
suivantes :
C D K F
o,5oo 0,693 1,000 if337
o,5i5 0.701 1,000 i,3i5
u
£
F
r.
0,99 1
1,00
1,01
1,06
1,00 1
1,00
1,01
1,03
0,98 1
1,00
1,01
1,07
0,98 1
1,00
1,03
1,06
0,97 1
1,00
1,03
II
0,96 1
1,00
1,0/1
1,11
0,95 1
1,00
i,o5
1,14
0,93 1
1,00
i,o4
II
0,93 1
1,00
1,06
II
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 235
Ton réunit en un tableau, au lieu des valeurs relatives des rota-
tions, les valeurs relatives du produit de ces rotations par les carrés
des longueurs d'onde, le produit correspondant à la raie E étant
toujours pris pour unité. On obtient ainsi le système suivant de
nombres :
c
Eau distillée 0,98
Dissolution de chlorure de calcium 0,96
Dissolution de chlorure de zinc 0,95
Dissolution de protochlorure d'étain //
Essence d'amandes anières 0,96
Siidfure de carbone 0,96
Créosote du commerce 0,9/i
Essence de Laurus cassia 0,93
Essence d'anis. ... 0,90
Si Ton cherche quelque caractère commun aux quatre substances,
si différentes par leur constitution chimique et leurs propriétés phy-
siques, qui constituent le groupe où la loi réelle des phénomènes
parait s'écarter le plus de la loi du carré des longueurs d'onde, on
n'en peut guère trouver d'autre que la grandeur du pouvoir disper-
sif (et celle du pouvoir réfringent, qui lui est toujours plus ou moins
corrélative). L'attention une fois appelée sur cette coïncidence, on
remarque que le pouvoir dispersif de l'eau distillée et de la dissolu-
tion pauvre de chlorure de calcium étudiée est très-faible, tandis
que celui des dissollitions riches de chlorure de zinc, de protochlo-
rure d'étain et de l'essence d'amandes amères est très-marqué, tout
en étant sensiblement inférieur à celui des quatre dernières subs-
tances du tableau ^^K On est donc autorisé à présumer que la loi du
carré des longueurs d'onde est d'autant moins exacte, ou que le
produit de la rotation par le carré de la longueur d'onde croit d'au-^
tant plus rapidement avec l'indice de réfraction que cet indice est
lui-même plus rapidement variable.
J'ai énoncé cette conclusion, avec les restrictions convenables,
dans la Note sommaire communiquée à l'Académie des sciences le
^*' Voyez les expériences de M. Badcn Powcll dans son Ettai sur la iliéorie des ondtdor-
tûnu, et dans le VIIl' Rapport de l* Association britannique pour l'avancetnent des sciences.
236 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
6 avril i863, où j'ai fait connaître les résultats de mes trois pre-
mières séries d'expériences, mais je n'ai pu en indiquer à cette
époque la signification et la portée réelles. J'ignorais alors s'il fal-
lait voir dans la relation que je >dens de signaler, soit une loi géné-
rale, soit une simple coïncidence empirique, vraie dans un cas,
fausse dans un autre, soit la marque d'une influence réelle, mais
non exclusive, des propriétés optiques de la substance.
C'est en vue de résoudre ces questions délicates que, pendant la
longue suite de beaux jours qu'a offerte l'été de cette année, j'ai
exécuté ma quatrième série d'expériences.
Parmi les liquides précédemment étudiés, j'ai du choisir, pour ces
nouvelles recherches, ceux qui m'offraient à la fois un grand pou-
voir dîspersif et une transparence à peu près complète pour les deux
extrémités du spectre. La créosote du commerce et le sulfure de car-
bone satisfaisaient seuls à cette double condition, mais, par une cir-
constance heureuse, il est arrivé que l'étude de ces deux liquides
m'a donné des éléments suffisants pour la solution des questions po-
sées. Je n'ai donc pas cherché à étendre mes observations à d'autres
substances.
Afin qu'on puisse juger de la valeur de ces nouvelles expériences,
j'en vais rapporter toutes les données.
SULFURE DE CARBONE.
Courant fourni par 3o éléments de Bunsen.
Teinpëralure du courant d^eau circulant dans le manchon de la bobine :
Avant rexpérience a5'*,a.
Après rexpérience 2/i',6.
Raie G.
Intensité du com'ant avant la mesure de la rotation : iSq.ô.
Azimuts de polarisation con*espondaut aux deux directions opposées du cou-
rant :
5^38' /io^aS'
5/i''43' lio^'ù'j'
bli^'d-j' /lo'sS'
S/i'/iti' 6o'3o'
Movenues 54** /io' ûo'â7',5
DÉVELOPPÉES PAU L'ACTION DU MAGNÉTISME. 237
Valeur du double de la rotation magnétique : lA"* iâ\5.
Intensité du courant après la mesure de la rotation : 167,7.
Rapport du double de la rotation (exprimée en minutes) à l'intensité moyenne :
5,373.
R41E D.
Intensité du courant avant la mesure do la rotation : 170,0.
Azimuts de polarisation correspondant aux deux directions opposées du cou-
rant :
57"2a'
37-4/1'
57-99'
37-40'
67° 37'
37° 46'
57" ai'
37-44'
Moyennes hf a5',5 37" /j3' 5
Valeur du double de la rotation magnétique : 19° A â'.
Intensité du courant après la mesure de la rotation : 169,0.
Rapport du double de la rotation à Tintensilé moyenne : 6,973.
Raie E.
Intensité du courant avant la mesure de la rotation : 169,0.
Azimuts de |K)larisation correspondant aux deux directions opposées du cou-
rant :
60" 93'
3/i-56'
60" 18'
3/1-59'
60-17'
3A-A8'
60-93'
3/1-59'
60'90'
3/1-59'
Valeur du double de la rotation magnétique : 98-98'.
Intensité du courant après la mesure de la rotation : 167,5.
Rapport du double de la rotation h l'intensité moyenne : 9,089.
Raie F.
Intensité du courant avant la mesure de la rotation : 167,5.
Azimuts de polarisation correspondant aux deux directions opposées du con-
rant :
3r59'
39-00
39-00
3o" 1
Moyennes 89- o
63-
7'
69-
58'
63-
5'
63-
3'
•>'
63- 3
238 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
Valeur du double de la rotation magaéUque : 31** 3'.
Intensité du courant après la mesure de la rotation : 1 65,o.
Rapport du double de la rotation à Tintensitë moyenne : i i.qo6.
Raie G.
Intensité du courant avant la mesure de la rotation : 1 6o,8.
Azimuts de polarisation correspondant aux deux directions opposées du cou-
rant :
97" 6
37* 12
27' 16
37* 1
26'57
68-35'
68-
«7
68-
26'
68-
29'
68-
21'
68-
20'
Moyennes 68" 2.^' 27- I
Valeur du double de la rotation magnétique : h\* \^',
Intensité du courant après la mesure de la rotation : 169,6.
Rapport du double de la rotation «à Tintensité moyenne : 1 5.675.
CRÉOSOTE ni) COMMERCE ^'^
PREMIERE EXpéR1B?CCE.
Courant fourni par ko éléments de Bimsen.
Température du courant d'eau circulant à Tintérieur de la bobine :
Au commencement de Texpérience •î3-,9.
A la fin de Texpérience 23-,8.
RâiE G.
Intensité du courant avant la mesui^ de la rotation : 181,6.
Azimuts de polarisation correspondant aux deux directions opposées du cou-
rant :
/ji^/iS 53-3/i'
/12'' 1' 53* 3i'
/jr56' 53'2A'
Ux'^hx' o3'i8'
Moyennes /ir56 53*27'
^'^ Ce liquide (*tait probablement à peu près identique au liquide de même nom de ma
troisième série dVxpériences. Il distillait également presque en entier aux environs de
187 degrés, et se prenait en une masse solide par un froid de — 98 degrés. Quelques
DÉVELOPPÉES PAK L'ACTION DU MAGNÉTISME. 239
Valeur du double de la rotation magnétique : 1 1" 33'.
Intensité du courant après la mesure de la rotation : lyS^i.
Rapport du double de la rotation à l'intensité moyenne : 3,885.
Raie I).
Intensité du courant avant la mesure de la rotation : i8/i,3.
Azimuts de polarisation correspondant aux deux dii*ections opposées du cou-
rant :
39» 4i' 55- 90'
39" A5' 55" 90'
39» /ly' 55"! A'
39" /iy' 55-9/1'
Moyennes 39" /i5' 55" 1 9' 5
Valeur du double de la rotation magnétique : 1 5" 36',5.
Intensité du courant après la mesure de la rotation : 181,/i.
Rapport du double de la rotation à l'intensité moyenne : 5.i 11 .
Raib E.
Intensité du courant avant la mesure de la rotation : 187,3.
Azimuts de polarisation correspondant aux deux directions opposées du cou-
rant :
37*^9' 57\56'
37'' 3' 57^53'
37^6' 57%53'
37"* 3' 58'* 00'
Moyennes 37" 3' 5 57" 55' 5
Valeur du double de la rotation magnétique : 90° 09'.
Intensité du courant après la mesure de la rotation : i84,3.
Rapport du double de la rotation à l'intensité moyenne : 6,738.
Raie P.
Intensité du courant avant la mesure de la rotation : 190.5.
autres échantillons de créosote, achetés chez le même fabricant (M. Fontaine) et (|iii ont
servi à des expériences dont nne grave erreur de lecture ne nie permet pas de rapporter
les résultaLs , se congelaient presque entièrement ù — 1 1 degrés et pouvaient passer pour
de Padde phénique à peu près pur. Ils étaient sensiblement plus réfringeuLs que le liiiuide
auquel 90 rapportent les données du présent tableau.
240 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
Azimuts de polarisation correspondant aux deux directions opposées du cou-
rant :
3/i-jîi' 6o*/i6'
3/1" Qo' 6o'/i6'
34» a3' 6o'/i3'
34" 18' 6o'3a'
6o'39'
6o' 38'
Moyennes 34" ai' 60*39'
Valeur du double de la rotation magnétique : 26* 18'.
Intensité du courant après la mesure de la rotation : 187,3.
Rapport du double de la rotation à l'intensité moyenne : 8,354.
RjkiE G.
Intensité du courant avant la mesure de la rotation : 199.0.
Azimuts de polarisation correspondant aux deux directions opposées
rant :
28" 35' 66*36'
38-98' 66" 35'
98" 18' 66*34'
08" 38' 66-38'
38° 3y 66» 39'
38-38' 66-39'
Moyennes 38-38' 66-33'
Valeur du double de la rotation magnétique : 38*4'.
Intensité du courant après la mesure de la rotation : 193,8.
Rapport du double de la rotation à l'intensité moyenne : ii.63o.
DECXlklIE EXPÉRIENCE ^''.
Courant fourni par 4o éléments de Runsen :
Température du courant deau circulant à l'intérieur de la bobine
Au commencement de lexpérience 31 ',8.
A la (jn de l'exjîérience oy*.6.
^'^ Les mesures de celle deuxième expérience ont été prises par M. Gernex, agrégé
préparateur de physique à TEcole Normale, qui avait acquis une grande habitude de ce
genre d^observation dans des recherches (encore inédites) sur le pouvoir rolaloire des va-
peurs des liquides actifs.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 241
Raie C.
Jiitensilé du courant avant la mesure de la rotation : 9 06, 5.
Azimuts de polarisation correspondant aux deux directions opposées du cou>
rant :
:59"33'
5ft"23'
.V29'
59" 91'
39-30'
59" 19'
39^3/1'
09/91'
3o\3i'.5
09" 9 1 '
Moyennes 39\3i'.5
Valeur du double de la rotation magnétique : 19° kç^\b.
Intensité du courant apràs la mesure de la rotation : 909,1 .
Rapport du double de la rotation à l'intensité moyenne :. 3,767.
Raie I).
Intensité du courant avant la mesure de la rotation : 908,1.
Azimuts de polarisation correspondant aux deux directions opposées du cou-
rant :
37-91'
37" 9 3'
37" 91'
Moyennes 37" 9 1 ' 5/i" 39',5
Valeur du double de la rotation magnétique : i7''i8',5.
Intensité du courant après la mesure de la rotation : 9o6,5.
Rapport du double de la rotation à l'intensité moyenne : 5, 010.
Raie E.
intensité du courant avant la mesure de la rotation : 910,6.
Azimuts de polarisation correspondant aux deux directions opposées du cou-
rant :
54"
4o'
54"
•4i'
54-38'
54'
%'
3/i''96'
57'98'
3/r9o'
57-31'
3/i''97'
•^^9
3A''95'
57%3o'
Moyennes ....
3/i''96'
57**99',5
Valeur du double de la rotation magnétique : 93'3',5.
Intensité du courant après la mesure de la rotation : 908.1.
Rapport du double de la rotation à l'intensité moyenne : 6,609.
VnDET, I. — Mémoires. 1 (>
âàâ SUR LES PHOPUIETES OPTIQUES
Raie F.
Inlensitë du courant nvanl la mesure de la rotation : *ji*j,6.
Azimuts de polarisation correspondant aux deux directions op|M>sées du cou-
rant :
3i-33'
3i'3fî'
3r3/i'
3i*35'
6o*3o'
60-3 r
6o'38'
60*27'
6o'29'
Moyennes. ... 3i'33'.5
Valeur du double de la rotation magnétique: 98*d5\5.
Intensité du courant après la mesure de la rotation : 2 io,().
Rapport du double de la rotation à Tintensité moyenne : 8,202.
Raie G.
Intensité du courant avant la mesure de la rotation : 2 1 9,1.
Azinuils de polarisation correspondant aux deux directions opposées du cou-
rant :
25'26'
66*
20'
25-3o'
66*
23'
25*27'
66"
18'
25*25'
i
f
Moyennes. . . . 25*27' 66*20'
Valeur du double de la rotation magnétique : ^o*53'.
Intensité du courant après la mesure de la rotation : 212,6.
Rapport du double de la rotation à l'intensité moyenne : 1 1,367.
C'était pour éliminer l'influence possible d'une erreur personnelle
que j'avais prié M. Gernez de répéter mes observations. Or, il était
arrivé que dans l'intervalle des deux séries d'expériences la distance
de l'aimant mobile à la règle et à la lunette qui servaient h mesurer
les déviations avait été fortuitement un peu augmentée, de façon
que, pour une même intensité réelle du courant, M. Gernez devait
observer un déplacement un peu plus grand que l'image de la règle.
Ces expériences devaient donc conduire à de plus petites rotations
que les miennes; mais, en prenant les rapports de mes nombres à
ceux de M. Gernez, on devait trouver un rapport sensiblement cons-
tant pour les diverses couleurs, s'il y avait ou réellement accord
DÉVELOPPÉES PAU L'ACTION DU MAGNÉTISME.. 243
entre nos mesures. Ce rapport présente, en effet, les valeurs sui-
vantes pour les diverses raies du spectre :
C D E F G
i,o3i8 1,090^2 1,0196 i,oi85 i,oâ3o
Si l'on multiplie les nombres de M. Gernez par la moyenne de ces
rapports, qui est 1,0236, on obtient la série de valeurs
c D E F G
3,859 5,193 6,768 8,387 *^693
qui diffère à peine de la série
c D E F G
3,885 5,111 6,738 8,35/i ii,63o
La moyenne de ces deux séries ne peut manquer de représenter
la loi réelle du phénomène avec une grande exactitude.
On obtient donc en définitive pour les pouvoirs rotatoires magné-
tiques du sulfure de carbone et de la créosote, correspondant aux
diverses raies du spectre et rapportés à une même intensité du cou-
rant, les valeurs suivantes :
c D E F G
Sulfure de carbone 5,373 6,973 9,089 11,906 15,^75
Créosote 3,869 ^^^^7 6,7^8 8,370 11,626
Les produits de ces nombres par les carrés des longueurs d'on- '
dulation (exprimées en cent-millièmes de millième) ont pour va-
leurs :
c D E F G
Sulfure de carbone 93i5o 9/1175 96908 96983 98^9^^
Créosote , 16669 >77^o 18670 19639 91^07
On retrouve ainsi le résultat déjà suflisamment établi dans le ta-
bleau de la page 2 35 , savoir : que le produit de la rotation magné-
tique par le carré de la longueur d'onde n'est pas constant dans toute
l'étendue du spectre, mais que ses variations sont beaucoup plus
petites que celles de la rotation ou du carré de la longueur d'onde.
16.
2M SUR LES PKOPRiETËS OPTIQUES
11 est en outre évident, avec un peu d'attention, que Timportance
relative de ces variations est notablement plus grande dans le cas de
la créosote que dans le cas du sulfure de carbone. Mais, pour bien
juger de cette différence, il convient de calculer les rapports des di-
verses valeurs de ce produit relatives à une même substance à la
movenne de ces valeurs elles-mêmes. On obtient ainsi les deux série>
suivantes de résultats :
C I) E F t.
Sulfure de carbone ^^9^9 0,969 0,987 i,o3«> i.«t9
Créosote 0,886 o,9/i»2 o.99»Ji i,o/i3 1.137
Ainsi le produit de la rotation magnétique par le carré de la lon-
gueur d'onde varie des -^^ de sa valeur movenne pour le sulfure de
o _ 1000 •> i
carbone, et des ^ pour la créosote. Il suffit, d'un autre côté, de
jeter les yeux sur les spectres que donne un prisme creux, fermé
par des lames de verre à faces parallèles et rempli successivement de
sulfure de carbone et de créosote, pour reconnaître que la dispersion
de la première substance est incomparablement la plus forte. On
ne peut donc regarder comme une loi générale la relation qui avait
paru ressortir de mes premières expériences.
Afin de ne conserver aucun doute sur ce point important, et de
fournir des éléments suffisants à la discussion théorique qui forme
le paragraphe h de ce mémoire, j'ai mesuré les indices de réfraction
du sulfure de carbone pour les sept raies principales de Frauenhofer,
et, le temps m'ayant manqué pour exécuter le même travail sur la
créosote, j'ai prié M. Gernez de s'en charger. L'appareil qui a servi à
nos observations était un cercle horizontal, construit par M. Brunner,
dont la division permettait de lire les 10 secondes et d'apprécier
sûrement les 5 secondes, et qui portait un collimateur à fente étroite
et une lunette mobile d'un grossissement de 29 diamètres. Les U-
quides étaient renfermés dans un prisme de oo^iy'iB" d'angle ré-
fringent, construit par le même artiste avec des glaces à faces
rigoureusement planes et presque rigoureusement parallèles, collées
avec de la gomme arabique mélangée de sucre en poudre fine^*.
(1)
Les prismes ainsi construils sont incomparablement supérieurs aux anciens prismes
DÉVELOPPÉES PAR LACTION DU MAGNÉTISME. 245
Les spectres obtenus, lorsque le liquide était bien en repos, étaient
d'une beauté remarquable; il n'était pas difficile, par exemple, de
pointer exactement dans la raie G le trait fin et très-noir qui a été
le véritable point de repère de Frauenhofer. J'ai obtenu , par le pro-
cédé ordinaire de la déviation minima, la série suivante d'indices
pour le sulfure de carbone, à la température de 2/i%/i :
B C D K F G H
1,61 i/i 1,61^7 1,62^0 1,6368 1,6/187 1,6738 1,6966
M. Gernez a obtenu de même, à la température de 9 3°,g, pour la
créosote même qui avait servi aux mesures des rotations, et le len-
demain du jour où ces mesures avaient été prises, la série suivante
d'indices^^^ à la température de a3°,9 :
c D E F G II
1,5369 1^5/iQo i,5/»88 1,5553 1,5678 1,579*:?
Les températures où l'on a mesuré les rotations et les indices d'un
même liquide dilïèrent assez peu pour autoriser la comparaison de
ces deux éléments^'^^ Il est donc établi que la créosote est beaucoup
moins dispersive que le sulfure de carbone, et que la variation de
ses rotations magnétiques avec la longueur d'onde est plus rapide
ou au moins tout aussi rapide que la variation des rotations du sul-
fure de carbone.
. Ainsi il n'est pas vrai d'une manière générale que la rotation
croisse d'autant plus rapidement d'une extréifaité à l'autre du spectre
que la substance considérée est plus dispersive.
On comprendra mieux l'intérêt et la portée de ce résultat lors-
qu'on aura lu la discussion théorique qui va suivre.
où les glaces à faces parallèles étaient appliquées contre les deux cotés d'un prisme massif
traversé par un canal cylindrique, et maintenues par une pression qui les déformait tou-
jours plus ou moins.
^*' C'est simplement par oubli cjuc M. Gernez a négli(jé de mesurer Tindice relatif à la
raie B.
^*^ Voir, sur les mesures d'indices. In note C à la fin du mémoire.
2/i6 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
nv.
DISCUSSION THÉORIQUE ET CONCLUSIONS.
Quelques mois après la publication des découvertes de M. Faradav.
M. Airy a fait remarquer le premier qu'il suffisait, pour rendre
compte des phénomènes, d'ajouter aux équations connues du mou-
vement vibratoire des corps isotropes certains termes proportionnels
aux dérivées d'ordre impair des déplacements prises par rapport au
temps ^^^ Supposons, en effet, que, négligeant d'abord l'influence
de la dispersion, on ne conserve dans ces équations que les coeffi-
cients différentiels du second ordre, et qu'on prenne pour axe des :
la direction même des rayons lumineux ou de la normale aux ondes
planes. Les équations différentielles du mouvement de l'éther dans
un corps isotrope se réduiront, en vertu de ces hypothèses, à
^ et 17 représentant les déplacements parallèles aux x et aux y, et A
le carré de la vitesse de propagation de la lumière dans le milieu.
On sait que ces équations sont satisfaites par tout systèmo do solu-
tions de la forme
Tf=:bcos{kz — st-j-x)j
pourvu qu'on ail «- = A/r^, le rapport -et la différence (p — ;^ demeu-
rant indéterminés, et par suite qu'il peut se propager parallèlement
à l'axe des z, avec une vitesse constante y égale à \'A, une infînito
d'ondes planes, polarisées de toutes les manières possibles. Qu'on
ajoute maintenant au second membre de chacune de ces équations
un terme proportionnel à la dérivée première par rapport au temps
^'' Philogophictd Magazirip, 3' sôrio, |. WVIII, p. 'ij^fi : \in>. On ihr rffHnlt*»m #i/>-
pUfinf^ tn light under the influence nf magnetitm.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 247
de celui des dépiacemeiits c|ui n'entre pas dans cette équation, et
qu'on donne au coedicient do ce terme additionnel des valeurs égales
et contraires dans les deux équations; il est visible que les nouvelles
équations, savoir :
^^ (Pv .(Pv d^
\ dP~-^d?"^di'
ne peuvent èive satisfaites par les valeurs précédentes de ^ et de v
qu'autant qu'il existe entre <i et b, ^ et;tdes relations particulières.
La substitution de ces valeurs donne en effet
as^ cos [kz — st-\-<p) = a\ k^ cos (^kz — st + <p) — bms sin (^kz — «^ + x) »
b^ cos (^kz — st + x,) = ^^^'^ ^os (^- ~ -''^ + x) + ^'^ ^^" (^^ ~" *' +^) '
et, ces équations devant être satisfaites quels (|ue soient : et t, il
faut qu'en développant on puisse égaler respectivement h zéro les
multiplicateurs de cosikz -st) et de sin (Ac -- .si), c'est-à-dire
qu'on ait
as^ cos (p — a \k- cos (p - bms sin x ,
as^ sin (^ - « AA- sin (^ -I />m,s cosx^
hs^ cos X ~ '' AA'*-^ cos X + ^'Wi5 sin (p ,
/w-sinx" ''AA^sinx- ^w."çcos(p.
De la première relation on conclut
b \k' - s' cos (p
a
m s
smx
de la seconde
b
\k'-
s- sin (p
a ms cosx
et, pour (|ue ces deux valeurs soient compatibles, il faut que
COS0 . sin0
— : ■ f- — ~' O
sinx <'Osx '
c'est-à-dire quo
cos^cosx^ sin(psinx=o,
2/i8 SUR LES PROPRIETES OPTIQUES
ou que ^ — X soit égal à un nombre iin|)air de quarts de circonfé-
rences. On arrive à la même conclusion par la comparaison de la
troisième et de la quatrième relation. On déduit encore aisément
des deux premières
et des deux dernières
d'oii
"5 = 14 OU o = ztrt.
a-
Les seules vibrations de période simple qui puissent se propager le
long de Taxe des z sont donc les vibrations circulaires représentées
par les équations
^=acos(k'z — st + (p).
tt = asin{k'z — st-\-^),
ou
^=avos(k": — st'h<p)^
v= as\n{k''z —st-\-(f>),
k' ou k" et s élanl choisis de manière que les équations dilTéreu-
lielles (I) soient satisfaites, c'est-à-dire étant liés entre eux par les
équations
ou
ITT
La période des vibrations étant d'ailleurs évidemment égale à — ^
on doit toujours regarder s comme positif, y: ou p étant la vitesse
de jiropagation. cette vitesse dépend du sens des vibrations circu-
laires.
Si les ondes à vibrations circulaires sont les seules qui puissent
se propager dans un milieu où les équations différentielles du mou-
vement de Féther ont la forme (I), et si In vitesse de propagation
de ces ondes dépend du sens des vibrations cirndaires. ce milieu
DÉVELOPPÉES PAH LACTiOîS DU MAGNÉTISME. 2/iî)
doit posséder, comme le quartz, le cinabre ou les liquides actifs,
la propriété de faire tourner le plan de polarisation des rayons lu-
mineux d'une quantité proportionnelle à la longueur du chemin
parcouru. Mais le pouvoir rotatoire dont les équations (1) im-
pliquent l'existence diffère par un caractère essentiel du pouvoir
rotatoire des substances actives par elles-mêmes.
Les deux relations démontrées en dernier lieu fournissent pour
k' et F deux valeurs égales et de signes contraires, savoir :
'-^^sj—r-
'•=±\/^
ms
Si l'on prend pour k\ par exemple, la valeur positive, il résulte de
la forme des équations par lesquelles on représente les vibrations
circulaires que l'état vibratoire qui existe, à une époque donnée /, i\
la distance z de l'origine, est identique à l'état vibratoire qui existe
à l'époque t + At h la distance z + Az, déterminée par la condition
/r'(z + Az) — s(/ + A() = k'z — st
ou
Az = j^ A/.
Ces équations sont donc celles d'un mouvement qui se propage dans
le sens des z positives avec la vitesse constante -n • La valeur négative
de k' donne au contraire une propagation du mouvement dans le
sens des :; négatives, la vitesse demeurant la même en valeur absolue.
Cela posé, concevons que le milieu transparent soit limité par
deux plans menés perpendiculairement à l'axe des z, aux distances
2^oCtZo + A2o de l'origine, et considérons un rayon polarisé dans le
plan yz qui tombe sur la face de ce milieu la plus voisine de l'ori-
gine. Les vibrations incidentes pourront se décomposer en deux vi-
brations circulaires d'amplitude égale et de sens contraires, repré-
sentées sur la face d'incidence par
Ç=^cos(/c'r„--«( + (p),
n-^am\{k'z^ - st-{-<p).
250 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
et
v-=--asin{k''z^-8t-h(p'),
si nous prenons k' et A" posilivement, el si nous choisissons Ç et ^'
de manière qu'on ait
En pénétrant dans le milieu transparent ou en en sortant, ces deux
espèces de vibrations circulaires éprouveront des modifications d'in-
tensité très-sensiblement identiques, à cause de la très-faible diffé-
rence de leurs vitesses de propagation. A l'émergence elles reprodui-
ront donc par leur combinaison des vibrations rectilignes qui auront
leurs projections sur les axes coordonnés exprimées par
X cos [^- (z.-h Az,) + 2^ I -
X sm [-^ ( -o + AîJ + ^^ J ^
H'oii. en ayant i^pard k la valeur de ^ <p',
- = lang -^- Ac..
Ainsi, les vibrations qui sont, à l'incidence, parallèles à l'axe des x
se trouveront, à l'émergence, inclinées sur cet axe d'un angle égal à
Az^. Si donc k' est plus grand que A*", la rotation du plan do
polarisation aura lieu dans le sens du mouvement des aiguilles d'une
montre pour l'observateur qui analyse les rayons émergents.
Considérons actuellement un rayon polarisé dans le même plan5f r,
qui tombe normalement sur la face du milieu la plus éloignée de
l'origine et qui par conséquent se propage dans le sens des r néga-
tives. On devra prendre négativement les valeurs de k' e( de k", et.
et
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTIOIN DU MAGNÉTISME. 251
par suite, les vibrations circulaires, dans lesquelles on décomposera
les vibrations rectiligncs incidentes, seront sur la face d'entrée re-
présentées par
V = as\u[<p -- k' [z^ + Az^) -■ si],
et
pourvu que
e = acos[Ç>' - k"{z, + Az,) - st] ,
rf'^-asm[(f>'-k"{z,+àz:)-stl
A rémergence la combinaison des vibrations circulaires reproduira
des vibrations rectilignes qui auront leurs projections sur les axes
coordonnés exprimées par
Xcos(--^-f--^z,),
Xsin(-^ + -^.,),
d'où Ton conclut, en ayant égard à la valeur do ^ — (p',
y /k — k" \
La projection des vibrations émergentes sur le plan xy aura donc
la même position absolue que dans le cas précédent; mais, pour l'ob-
servateur qui analyse les rayons émergents, la rotation du plan de
polarisation paraîtra s'effectuer en sens contraire, c'est-à-dire inver-
sement à la marche des aiguilles d'une montre, si k' est plus grand
que 4^.
Cette opposition des rotations correspondantes aux deux direc-
tions inverses des rayons de lumière est précisément le trait carac-
téristique qui dislingue les propriétés des substances influencées par
:252 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
les forces magnétiques de celles des substances actives. Donc , si l'on
admet que le coefficient m soit proportionnel à la composante de
l'action magnétique parallèle aux rayons lumineux et qu'il varie de
grandeur et même de signe d'un corps à l'autre, les équations (1)
pourront, sauf plus ample examen, servir à la représentation des
phénomènes^*'. Mais, comme M. Airy l'a remarqué lui-même, on
arriverait encore aux mêmes conclusions si l'on introduisait dans les
équations, au lieu de ^ et ^^ des dérivées d'ordre impair quel-
conque par rapport à t, ou des dérivées d'ordre pair par rapport à
z et d'ordre impair par rapport à t, ou même un système quelconque
de ces dérivées. 11 suffirait que, dans l'équation oii entre ^^ on ne
fît entrer que des dérivées de v, et vice versa, et que les coefficients
des dérivées de même ordre fussent dans les deux équations égaux
et de signes contraires. L'expérience, à défaut d'une vraie théorie
mécanique, peut seule décider entre ce nombre infini d'hypothèses
possibles.
Or, il n'est pas difficile de reconnaître que l'hypothèse simple
que nous venons de développer est entièrement inadmissible. La
petitesse des rotations magnétiques montre en effet que k' et A" dif-
fèrent très-peu l'un de l'autre, et, par suite, que le coefficient m est
très-peliL On peut donc poser, avec une approximation suffisante.
'■-V'-^^rÂ^-S
/,"=w^^;^=~fi+-
/,v' -f- ms s (
25
OU
2\ A
1 1^
^* Si dans les équations (I) on ne donnait pas aux coefficients de -7- et -j- des va-
leui-s égales et de signes contraires, les seules vibrations qui pourraient se propager sans
altération et avec une vitesse constante seraient des vibrations elliptiques, et le phéno-
mène résultant de la transmission d'un rayon à vibrations primitivement rectilignes ne
serait plus um* simple rotation du plan do polarisation. On peut sVn assurer par nn calcul
de tout point analogue à celui qui pnTède.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 253
La rotation serait donc indépendante de s, c'est-à-dire de la durée
des vibrations et de la nature de la lumière, ou plutôt elle ne varie-
rait d'une couleur à l'autre que d'une quantité comparable aux va-
riations de l'indice de réfraction , qu'on pourrait calculer en intro-
duisant dans les équations (1) les coefficients différentiels d'ordre
supérieur au deuxième, qui sont nécessaires à l'explication de la
dispersion. Nous venons de voir au contraire que la rotation est
sensiblement en raison inverse du carré de la longueur d'ondulation ,
et même que la loi exacte de ses variations est toujours sensiblement
plus rapide.
Ainsi on doit regarder comme définitivement condamnée par l'ex-
périence toute théorie qui conduirait aux équations (I) complétées
des termes nécessaires à la dispersion. De ce nombre est l'ingénieuse
théorie que M. Charles Neumann a d'abord esquissée dans une thèse
latine présentée à l'université de Halle ^'^ et qu'il a tout récemment
développée, avec une remarquable élégance analytique, dans un
écrit spécial ^^l L'hypothèse fondamentale de cette théorie est une
généralisation des idées de M. Wilhelm Weber sur la cause des phé-
nomènes électro-dynamiques. On sait que cet éminent physicien a
tenté de ramener à une origine commune les phénomènes électro-
dynamiques et les phénomènes d'induction, en admettant que l'ac-
tion réciproque de deux molécules électriques yi et ^î n'est pas la
même dans l'état de mouvement et dans l'état de repos. Si l'on dé-
signe par r la distance de ces deux molécules, elles exercent l'une
sur l'autre, dans l'état de repos relatif, une action dirigée suivant la
droite qui les joint, et représentée par la formule connue
±
f^f^
Dans l'état de mouvement relatif cette action conserverait la même
direction, mais elle deviendrait, suivant M. Weber, égale à
^') Explicare tentatur quomodojiat ut lucis planum polarisationis per vires eleclnea» vel
tuagnetica» decUnelur; Halis Saxonum, i858.
^^ Die magneiische Drehunf^ der Polarisation sehene (les Lichtes; Halle, 1 863.
H^lt SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
ou, Cl' qui revient au même, à
f^f^
d-'- d.-
r r
a- désignant une constante positive, et changerait par conséquent
de valeur avec la vitesse et l'accélération du mouvement relatif des
deux molécules. M. Charles Neumann admet que l'état de mouve-
ment relatif modifie d'une façon analogue l'action réciproque d'une
molécule de fluide électrique (x et d'une molécule d'éther M, en sorte
qu'en appelant ?(r) une fonction de r très-rapidement décrois-
sante quand la distance augmente, et absolument insensible pour
toute valeur appréciable (fe r. cette action soit dans l'état de repos
et dans l'état de mouvement relatif,
11 suit de là que, dans l'intérieur d'un corps transparent soumis à
l'action du magnétisme, une molécule d'éther en mouvement est sol-
licitée non-seulement par les forces qui agissent ordinairement sur
elle, mais encore par la résultante des actions des molécules élec-
triques composant les courants moléculaires situés à très-petite dis-
tance. Des calculs, en partie analogues à ceux de M. Weber, démon-
trent que cette résultante est à chaque instant proportionnelle à la
vitesse de la molécule d'éther et à l'intensité de l'action magnétique,
et perpendiculaire au plan mené par les directions de la vitesse et
de l'action magnétique. 11 en résulte évidemment que si l'on consi-
dère, comme tout à l'heure, un système d'ondes planes normales à
l'axe des z, les composantes parallèles aux x et aux y de la force qui
agit sur les molécules d'élher sont respectivement égales à
dfj , ^ d^
~m^ et +m^,
m étant proportionnel à la grandeur de l'action magnétique et au
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 255
cosinus de l'angle compris enln^ la direction de celte action el Taxe
des z. Or, ce sont précisément ces composantes qu'il faut ajouter au
second membre des équations ordinaires des corps isotropes, pour
déterminer, dans l'hypothèse admise, l'effet produit sur la propaga-
tion d'une onde plane à vibrations transversales par l'action des
courants moléculaires; quant à la troisième composante, elle est
sans influence sur la propagation des ondes lumineuses à densité
constante. M. Charles Neumann fait voir ensuite qu'il est possible
de rendre compte des faits que j'ai observés dans la troisième partie
de mes Recherches par la considération des deux espèces de courants
moléculaires de sens opposés, dont M. Weber a fait dépendre l'ex-
plication du magnétisme et du diamagnétisme. Tout paraîtrait donc
favorable à l'hypothèse si les relations qui existent entre la rotation
et la longueur d'onde no venaient la renverser '^K
{*) Puisque les ondes planes à vibrations circulaires sont les seules qui puissent se pro-
pager librement dans un milieu transparent soumis à Tinfluence magnétique , on peut i*e-
garder comme évident que la force qui agit, par suite de celte influence, sur une molécule
d^éther en vibration est constamment perpendiculaire à la direction de sa vitesse. Une telle
force , en efl*et , ne peut qu'accroître ou diminuer la vitesse de propagation des vibrations
circulaires, sans en modifier la forme, tandis qu'elle doit altérer immédiatement toute vi-
bration rectiligne ou elliptique. D'autre part, quelle que soij, l'origine réelle des forces ma-
gnétiques, on peut toujours les regarder comme émanées d'un système de courants fermés
existant tant à l'intérieur du corps transparent que dans les bobines et les électro-aimants.
Or nn pareil système exercerait sur un élément de courant voltaïque une action perpendi-
culaire à sa direction , en sorte qu'en assimilant une molécule d'éther en mouvement à un
élément de courant parallèle à la vitesse de la molécule on rendrait compte d'un des ca-
ractères essentiels des phénomènes. Cette assimilation conduirait immédiatement à des ro-
tations du plan de polarisation proportionnelles à la grandeur de l'action magnétique et au
cosinus de l'angle compris entre la direction de cette action et celle des rayons lumineux;
mais, pour rendre compte de la différence d'action des substances magnétiques et diamagné-
tiques, il faudrait modifier l'assimilation de manière qu'il n'y eût d'action sensible sur cha-
que molécule vibrante que de la part des courants intérieurs au corps transparent. On ar-
riverait ainsi, par une suite de conjectures probables, à quelque chose d'analogue à
l'hypothèse de M. Charies Neumann.
Ces idées se sont offertes à mon esprit dès le début de mes recherches et m'ont fait pré-
voir à l'avance les lois démontrées dans mes deux premiers mémoires (la proportionnalité
de la rotation à l'action magnétique et au cosinus de l'angle compris). Je les communiquai
vers cette époque à plusieurs personnes, notamment à mon vénéré maître et ami, M. Blan-
chet, mais je ne jugeai pas à propos de les publier avant d'en avoir obtenu de nouvelles et
plus décisives confirmations. Si j'en parle aujourd'hui, ce n'est assurément pas pour reven-
diquer la priorité d'une hypothèse dont je crois avoir démontré l'inexactitude , et dont
tout l'honneur appartiendrait de plein droit à M. Charles Neumann , si elle était conforme
256 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
Eli introduisant les dérivées du troisième ordre, au lieu de celles
du premier, dans les équations différentielles, il ne serait pas difli-
cile d'en faire sortir la loi de la raison réciproque du carré des lon-
gueurs d'onde. Soit, en effet, le système d'équations
(")
ou le système
(Ul)
\w = ^d?-^'''dë'
d^V _ A ^^ ^'^
dP~^d?'''^dF'
on y pourra satisfaire en faisant
v = ns\n[k'z — st)^
ou
^= a cos {k"z — st).
>?-= — (ïsin(i*''2 -«/),
pourvu que Ton ait, dans le cas des équations (il),
et, dans le cas des équations (III),
«2 = Ait'2 _ m^, .^= Ar-^ + ms".
A cause de la petitesse de m on en peut négliger les puissances su-
périeures, et conclure du premier groupe de relations
K\-ms v/A V 2A/
y/A — ms y/A
y/A-f-m5 yA V ^A; '
à la vérilé; mais je crois qu'il est toujours utile qu'un auteur fasse connaître la voie rêelU
qu'il a suivie dans ses travaux. Si, au delà d'un certain point, cette voie parait se ferraer
pour lui, elle peut s'ouvrir à d'autres, ou les aider à apercevoir des voies parallèles qui les
conduiront plus loin.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 257
>l du second,
•
1 , s\/\ -hms
v/Â
=;xi-
ms\
,„ s\/\ —nis
-v/Â^'
t)
On 8
{ donc.
avec les (équations (Il
k'-k"
1
ms'
•
avec
les éqii
allons (111),
k - k'
2
nis*
2 v/A
et comme s est inversement proportionnel à la durée des vibrations,
ou , ce qui revient au même, à la longueur d*ondulation , il résulte
de l'une et de l'autre des deux formules que la rotation magnétique
du plan de polarisation est en raison inverse du carré de la longueur
d'ondulation. L'un ou l'autre système d'équations différentielles est
donc également propre à fournir la représentation approchée des
phénomènes, mais ni l'un ni l'autre n'est l'expression exacte de la
vérité^ car, si l'on y ajoute les termes d'ordre supérieur d'où dépend
le phénomène de la dispersion , ils doivent conduire tous deux à une
loi s'écartant d'autant plus de la loi approchée du carré des longueurs
d'onde que la dispersion est plus énergique. Or on a vu que cette
conséquence n'est pas conforme à l'observation.
Je présenterai sur ce point essentiel quelcjues développements ana-
lytiques que je m'efforcerai de rendre aussi indépendants que pos-
sible de toute théorie particulière de la dispersion.
Quelle que soit la constitution de l'éther libre ou engagé dans les
corps transparents, les équations différentielles de ses mouvements
vibratoires doivent être compatibles avec le principe expérimental
des interférences, ou plus généralement de la superposition des pe-
tits mouvements, et donner en outre une même vitesse de propaga-
tion pour deux systèmes d'ondes se propageant en sens opposés,
suivant une direction commune. Elles doivent donc être linéaires, à
YcBDET, I. — Mémoires. 1 7
• « *
258 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
coefficients constants, et ne contenir que les dérivées d'ordre pair
(les déplacements (y compris peut-être la dérivée d'ordre zéro, c'est-
à-dire le déplacement lui-même). En réalité, les coefficients de ces
équations ne peuvent être rigoureusement constants: dans les corps
cristallisés ce sont très-probablement des fonctions périodiques des
coordonnées; dans les solides vitreux ou les liquides, ce sont des
fonctions des coordonnées, qui dans un espace inappréciable pren-
nent un nombre immense de valeurs oscillant autour de certaines
-valeurs moyennes, constantes dans toute l'étendue du corps. Mais
on conçoit qu'on puisse faire abstraction de ces variations et substi-
tuer à l'éther et à la matière pondérable dont un corps transparent
est réellement formé un éiher Jictif, homogène dans toute l'étendue
du corps, où les coefficients des équations différentielles soient en
conséquence constants ^^\ Alors , si l'on se restreint au cas des corps
isotropes, et qu'on considère, comme plus haut, un système d'ondes
planes normales à l'axe des z, les équations différentielles du mou-
vement se réduiront à
de
Of,
(Pv
5^ = 0,.
O^ et <^n désignant respectivement les fonctions linéaires de même
forme des dérivées paires de Cet de 17 prises par rapport à z^ ou, en
faisant usage des notations symboliques de Gauchy, à
D;ê=(p(D,)|,
D;, = (p(D.)n,
(•' Les travaux des géomètres sur la théorie de la lumière, sauf un petit nombre d'excep- .
tions récentes, se rapportent tous à cet étber fictif, et il me semble que si on a égard à celte
remarque on jugera que la seule voie rationnelle en cette matière est celle que Cauchy a ou-
verte dans ses mémoires sur l'équilibre et le mouvement intérieurs des corps homogènes
amsidérés comme des masses continues (voyez les anciens Exercices de Malhémaiiquft ,
passim), et que Green a suivie dans son mémoire sur la propagation de la lumière dans les
milieul cristallisés {TraMoctions philosophique» de Cambridge^ t. Vil, p. 131). Vouloir,
comme Ta fait Gauchy lui-même en d'autres travaux , que cet éther fictif ait les propriétés
d'un milieu formé de points matériels disjoints et ordonnés comme les sommets des mailles
d'un réseau prismatique, c'est faire une hypothèse gratuite et se créer de nouvelles diflB-
cuites, pent-éiro insolubles, telles, par exemple, que Texistence dn Iroisièrao rayon.
DÉVELOPPÉES PAR LACTION DU MAGNÉTISME. 259
Ç étant le signe d'une fonction entière et paire. Elles seront satis-
faites par des vsolutions simples de la forme
Ç==flCOs(A'Z— st+ fl),
pourvu que
= (p(i^).
«2
Si l'on suppose ensuite le corps soumis à l'action d'une force ma-
gnétique constante en grandeur et en direction, il s'introduira,
d'après les remarques de M. Airy, dans l'équation relative à Ç, une
fonction linéaire des dérivées de v qui sont d'ordre pair par rapport
à z et impair par rapport ht, et, dans Téquation relative à n, une
. fonction linéaire des dérivées correspondantes de Ç, ayant ses coef-
ficients égaux et de signes contraires à ceux de la fonction précé-
dente. On pourra donc, en conservant les notations symboliques
et ayant égard aux lois établies dans mes trois premiers mémoires,
écrire ces équations sous la forme
D?|=(p(D.)Ç+m>KD„D.),,
D?.,=^(p(D.)^-i»>KD„D,)l,
m désignant un coefficient caractéristique de la substance considérée
et proportionnel à la composante de l'action magnétique parallèle
aux z; 4/ étant le signe d'une fonction entière, paire par rapport à
Df et impaire par rapport h D^. Les solutions simples de ce système
seront les deux ondes planes à vibrations circulaires représentées par
les formules
^=acos[k'z — st'\-6)y
ri = asin [k'z — st + Q^^
et
^^acos[k"z — st + B),
ri = — asin (k^z — st + 6),
pourvu qu'on ait
En raison de la petitesse du coefficient m, on peut poser k' = k + e,
*7-
âÔO SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
et négliger les puissances de s supérieures à la première, ainsi que
les produits de m par e. On obtient ainsi, en ayant égard à la tela-
e =
ih^[k
rl>
On trouve de même que h'' = k — e^ e conservant la valeur qu'on
vient de lui donner. Il en résulte pour le pouvoir rotatoire magné-
y k' — k'
tique, égal, comme on l'a vu, à ^ précisément celte valeur
elle-même de e.
Le dénominateur de cette expression est facile à calculer si l'on
a mesuré un nombre d'indices de réfraction , de la substance consi-
dérée, suffisant pour déterminer la relation qui eiiste entre l'indice
et la longueur d'onde. Si, en effet, on appelle V la vitesse de pro-
pagation de la lumière dans le vide , T la durée des vibrations lumi-
neuses, X la longueur d'ondulation dans le vide, / la longueur d'on-
dulation dans la substance transparente, n l'indice de réfraction -p
on a évidemment
27r 27rV
s =
, 27r inn
k =
l X
La substitution de ces valeurs dans la relation ^ = (p(k^) donne
d'où l'on conclut, en différentianl,
5ë— = ^^'^(^)l-x^--irj'
et, par suite,
(ff(h^ V*V dX
En ayant égard à la valeur de A*, l'expression précédente du pou-
voir rotatoire devient
DÉVELOPPÉES PAR LACTION DU MAGNÉTISME. 261
et l'on voit que, si la relation entre l'indice et la longueur d'onde est
connue au moins d'une manière empirique, il sera possible de com-
parer les résultats de l'observation avec ceux d'une hypothèse quel-
conque sur la forme de la fonction >[/.
Si, par exemple, les équations différentielles (l) étaient vraies,
la fonction ^ se réduirait simplement à s et le pouvoir rotaloire ma-
gnétique p serait donné par la formule
Les équations (II) ou (III) impliqueraient que la fonction >(/ fût
de la forme sk^ ou «' et conduiraient à la formule
OU à la formule
(VI) p = -__^,,_X^j.
Toute expression propre à représenter la loi de la dispersion peut
servir au calcul de -i^; mais, parmi les expressions diverses qui ont
été proposées, soit par les observateurs, soit par les géomètres, la
plus simple et la plus commode dans les calculs est la formule de
Gauchy,
qu'on peut, indépendamment de toute théorie, regarder comme un
simple développement empirique se prêtant avec avantage à l'em-
ploi des méthodes ordinaires d'interpolation. Elle se rapproche d'ail-
leurs plus de la vérité qu'on ne l'a dit quelquefois ^'^ Il m'a suffi,
en effet, d'en prendre trois termes pour représenter les indices que
iMv Gernez et moi nous avons observés, avec un degré d'approxima-
tion égal à la précision des expériences. Les tableaux suivants en
donnent la preuve.
^'J Voyez la iioIp à ia fin du nirinoiro.
262 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
SULFURE DE CARBONE.
P , -Q Q . 122,83 8i45^ »'
formule: m=i.d8ioH ^ 1 ^k — •
B C D E F G H
Lidices observés. 1,611/1 1,6147 i,6â/io i,6368 i,6ii87 1,6728 1,6906
Lidices calculés . 1,6116 1,6167 i,6a/io i,6368 1,6690 1,67^5 1.6956
Excès du calcul
sur Tobservation.
0000 -1-3 —3
CREOSOTE.
o
P , r , , 76,918 , 28683
rormuie : «= 1,0176 -f -^—^ i Tr~ "
B c D E F G H
Imlices observés . » 1,5369 i,56âo i,5688 i,5553 1,5678 1.579:2
Indices calculés . 1,5369 i,5368 i.56âo 1,5689 i,5556 1,5676 1,5798
Eicès du calcul (
„, .-io —1 o -+-1 -M —a -hi
sur 1 observabon. (
En introduisant dans les formules (IV), (V) et (VI) les indices
observés et les valeurs de -^r données par les formules empiriques
que je viens de rapporter, j'ai obtenu trois séries de nombres aux-
quels les pouvoirs rotatoires magnétiques auraient dû être propor-
tionnels, si les équations différentielles du phénomène avaient été
les équations (I), (II) ou (IH), complétées des termes nécessaires
à la dispersion. Je réunis dans le tableau suivant les résultats de ces
calculs et les résultats de l'observai ion; le pouvoir rolaloire corres-
pondant à la raie E y est, comme précédemment, pris pour unité.
SULFURE DE CARBONE.
c D E F G
Pouvoirs rotatoires observés 0,59a 0,768 1,000 i,*j3'i 1.706
Pouvoirs / par la formule (IV). . 0,963 0,967 1,000 i,o36 1,091
rotatoires J par la formule (W . 0,589 0,760 1.000 i,!a36 1,713
calailés ( par la formule (^ VU. . 0,606 0,77a 1,000 1,916 1.660
' Les longueurs d'ondulation sont censées exprimées, comme plus haut, en renl-nùl-
lièmes de millimètre.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 263
CREOSOTE.
C D E F G
Pouvoirs rota toircs observés 0,578 0,768 1,000 1,9^1 1,723
Pouvoirs i par la formule (IV). . 0,976 0,998 1,000 1,017 i»o/ii
rotatoires | par la formule (V). . 0,617 ^^780 1,000 1,210 i,6o3
calcules ( par la formule (VI). . 0,627 ^'T^Q 1,000 1,200 i,565
D'après ces nombres, il est évident que la formule (IV) est le
contraire de la vérité; la formule (VI), quoique s'en rapprochant
davantage, ne saurait être prise dans aucun cas pour la représenta-
tion exacte des phénomènes; enfin la formule (V) elle-même, qui
dans le cas du sulfure de carbone conduit à des résultats sensible-
ment identiques avec ceux de l'observation, n'a pas non plus le ca-
ractère d'une loi générale. Il est facile de voir, en efl'et, que, dans
le cas de la créosote , elle s'écarte des nombres observés de quan-
tités très-supérieures aux erreurs d'observation. Elle assigne, par
exemple, au rapport des rotations correspondantes aux raies G et E
la valeur i,6o3, tandis que l'observation indique 1,728. Or, si l'on
se reporte aux tableaux des pages 238àâââ,on verra que, dans les
deux expériences d'où ce dernier nombre est déduit, l'erreur absolue
dans la mesure du double de la rotation est, pour la raie G comme
pour la raie E, certainement inférieure à lo minutes. Quant à l'é-
valuation de l'intensité, elle résulte de la moyenne de deux mesures
dont chacune est exacte à un millième près, mais qui diffèrent Tune
de l'autre d'un centième à un trente -sixième de leurs valeurs
moyennes. Elle peut donc être affectée d'une erreur supérieure à
l'erreur de lecture de l'appareil galvanométrique,. mais il est clair
que cette erreur ne peut dépasser la différence entre la valeur
moyenne et l'une des valeurs extrêmes. Admettons que toutes les
erreurs aient agi dans le même sens et aient contribué à augmenter
la valeur du rapport de la plus grande à la plus petite rotation, il
en résultera simplement qu'au lieu des nombres inscrits dans les ta-
bleaux , des observations d'une précision absolue auraient pu donner
ceux qui suivent :
â6A SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
PREMIÈRE EXPÉRIENCE.
E G
Rotation ûi"" ù 87* 54
Intensité 1 84' 3 1 99*
DEUXIÈME EXPÉRIENCE.
Rotation ^a*» i3 4o' A3'
Intensité a 1 o" 6 a 1 9* 1
Le premier système conduit au rapport 1,669, '^ second au rap-
port 1,686 ; et, pour trouver le rapport i,6o3, il faudrait supposer
des erreurs concordantes de plus de ûo minutes sur les mesures des
rotations. La discussion des autres observations conduirait à sup-
poser des erreurs du même ordre , et même à supposer, dans les
mesures sur la raie E, des erreurs de sens contraire, suivant qu'on
, chercherait à expliquer les résultats relatifs aux raies C et D ou les
résultats relatifs aux raies F et G.
11 n'est donc pas possible d'attribuer à la formule (V) la valeur
d'une loi générale: en d'autres termes, les perturbations de la loi
approximative du carré des longueurs d'onde n'ont pas pour cause,
ou du moins pour cause unique, l'existence de la dispersion.
11 suit de là que la fonction désignée plus haut par 4^ n'est pas la
même dans tous les corps; mais, quelle qu'en puisse être la forme,
l'expression générale du pouvoir rotatoire, donnée plus haut, fait
ressortir deux points avec évidence : d'abord, que l'existence d'un
grand indice de réfraction est favorable à l'existence d'un grand pou-
voir rotatoire magnétique; ensuite que ce pouvoir rotatoire magné-
tique est, ^iir une forme donnée de la fonction^ , d'autant plus variable
avec la longueur d'onde que l'indice de réfraction varie lui-même
davantage, c'est-à-dire que l'existence d'une grande dispersion est
favorable à une variation rapide du pouvoir rotatoire magnétique.
L'influence des propriétés optiques des corps sur le pouvoir rotatoire
magnétique est donc réelle sans être unique. L'influence de la ré-
fraction avait été signalée par M. de la Rive, qui lui avait attribué
un caractère absolu qu'elle n'a pas : j'aurais pu tomber dans la même
erreur au sujet de Tinfluenre de la dispersion, si j'avais voulu tirer
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 265
des conséquences définitives de mes trois premières séries d'expé-
riences.
Ces remarques complètent d'une manière essentielle les conclu-
sions qu'il est permis de tirer de mes expériences et de leur discus-
sion théorique. Je résumerai l'ensemble des faits observés et les ré-
sultats de la discussion dans la série de propositions suivantes :
1° Les rotations magnétiques du plan de polarisation des rayons de
diverses couleurs suivent approximativement la hide la raison réciproque
du carré des longueurs d'onde.
9° Les variations du produit de la rotation par le carré de la longueur
Jtonde sont toujours telles, que ce produit aille en croissant, à mesure que
la longueur d^onde diminue.
3* Les substances douées d'une forte réfraction possèdent généralement
un grand pouvoir rotatoire magnétique, sans qu'il y ait de rapport cons-
tant entre les deux ordres de propriétés. (Cette proposition est une res-
triction d'une règle trop générale, donnée par M. de la Rive.)
4* Les substances douées d'une forte dispersion s'écartent en général
très-notablement de la loi exacte du carré des longueurs d'onde, sans qu'il
y ait de rapport constant entre cet écart et la dispersion.
5* Les équations différentielles du mouvement de l'éther renfermé dans
un corps isotrope, soumis à l'action des forces magnétiques, contiennent
des dérivées partielles d'ordre impair des déplacements, qui sont Jt ordre
pair par rapport aux coordonnées, et d'ordre impair par rapport au temps
(remarque énoncée par M. Airy, dès i8û6).
6^ Le système des coefficients dont sont affectées ces diverses dérivées
est spécial à cliaque corps isotrope; dans certains corps (sulfure de car-
bone) il suffit de tenir compte des dérivées qui sont à la fois du premier
ordre par rapport au temps, et du second ordre par rapport aujo coor-
données; dans les autres corps, la loi approchée du carré des longueurs
(Tonde indùjue que ces dérivées sont probablement affectées du plus fort
coefficient, mais l'inexactitude de la formule (V) indique que les coefficients
des autres dérivées ne sont pas négligeables.
Il est à peine besoin de faire remarquer que, si ce qu'on a dit
plus haut au sujet de la théorie de M. Charles Neumann ou des
théories analogues avait pu laisser quelques doutes, ces doutes de-
vraient disparaître devant la comparaison des résultats de l'observa-
266 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
tion avec ceux de la formule (IV). L'insuffisance de la formule (V) a
également pour corollaire l'insuffisance d'une des théories par les-
quelles on a tenté d'expliquer l'action du magnétisme sur la lumière
polarisée.
M. Maxwell a, en effet, publié récemment dans le PInlosophical
Magazine (cahiers de mars, avril et mai 1861, et de janvier et fé-
vrier 1863) un mémoire sur les lignes de force (On physical linesof
force) y oii, en partant d'une hypothèse générale, destinée à expliquer
l'ensemble des phénomènes électriques et magnétiques , il est arrivé
à introduire des termes proportionnels à j-i-n et à j-ijr dans les équa-
tions différentielles du mouvement de l'éther contenu dans un milieu
soumis à l'influence du magnétisme. Son hypothèse consiste à ad-
mettre qu'il existe, dans tout espace placé sous l'action des forces
magnétiques, un nombre immense de petits tourbillons molécidaires,
dont les axes coïncident partout avec la direction des forces magné-
tiques, et qui développent par leur action centrifuge des pressions
propres à rendre compte des phénomènes magnétiques et électro-
magnétiques. Ces tourbillons sont renfermés dans des espèces de
cellules dont les parois sont composées de molécules très-petites par
rapport aux molécules des tourbillons; c'est par l'intermédiaire de
ces molécules que le mouvement se communique d'un tourbillon à
un autre. Les molécules intermédiaires ne sont autre chose que le
fluide électrique, leur mouvement constitue les courants; l'impulsion
tangentielle qu'elles reçoivent des tourbillons voisins est la force
électro-motrice. Enfin, la matière même des tourbillons est l'éther
lumineux, et les équations (II) s'obtiennent en considérant des ondes
planes qui se propagent dans un milieu divisé en tourbillons molé-
culaires^ sous l'influence d'aimants ou de courants électriques.
Mes premières recherches pouvaient sembler une confirmation de
l'hypothèse de M. Maxwell, et j'en avais fait moi-même la remarque
dans la note sommaire insérée aux Comptes rendus de VAcadémie
(séance du 6 avril i863). Toutefois, j'avais ajouté qu'au degré de
précision où elles avaient pu être portées les expériences ne per-
mettaient pas de faire un choix entre les équations de M. Maxwell et
les équations de forme différente qui conduisent aux formules (VI).
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 267
Les expériences nouvelles sur le sulfure de carbone el la créosote
montrent qu'on ne peut regarder aucun des deux systèmes comme
suffisant.
S V.
EXPÉRIENCES suit L'ACIDE TARTRIQUE.
La loi de la raison réciproque des carrés des longueurs d'ondula-
tion convenant avec la même approximation aux rotations magné-
tiques de la généralité des substances transparentes et aux rotations
propres des substances actives, il n'est pas étonnant que M.Wiedemann
ait observé, dans le cas de l'essence de citron, une proportionnalité
à peu près exacte entre les deux ordres de phénomènes. Cette pro-
portionnalité se retrouvera sans doute d'une manière approchée dans
tous les cas analogues, c'est-à-dire toutes les fois qu'on étudiera les
rotations magnétiques d'une substance qui, par elle-même, imprime
au pian de polarisation des rayons lumineux une déviation sensible-
ment réciproque au carré de la longueur d'onde. Mais faut-il con-
clure de là qu'un rapport étroit et constant existe entre deux ordres
de faits dont l'un reconnaît pour cause la structure la plus intime
des corps, et l'autre l'action d'une force magnétique extérieure? J'ai
cherché la solution de ce problème dans l'étude de ce groupe curieux
de substances actives que M. Biot a si patiemment étudiées, et qui,
bien loin de se conformer à peu près à la loi du carré des longueurs
d'onde, n'exercent pas même sur la lumière polarisée une action
croissant avec la réfrangibilité. Il m'a paru évident que, s'il existait
quelque connexion secrète mais réelle entre les pouvoirs rotatoires
naturels et les pouvoirs rotatoires magnétiques, elle devrait se ma-
nifester, lorsqu'on étudierait les rotations magnétiques des dissolu-
tions d'acide tartrique , par une altération sensible de la loi générale
de ces phénomènes. Si l'observation montrait, au contraire, qu'en
soumettant ces dissolutions à l'influence des forces magnétiques on
augmente ou l'on diminue, suivant les cas, l'action propre de la dis-
solution d'une quantité qui varie à peu près en raison inverse du
carré de la longueur d'onde, il devait être tenu pour certain que
les deux ordres de phénomènes n'ont pas de rapport l'un avec l'autre.
Parmi d'assez nombreuses expériences qui m'ont donné la même
268 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES. ETC.
conclusion générale, j'en citerai avec détail une seule. J'ai étudié
avec soin, en faisant usage des procédés de ma troisième série d'ex-
périences , une dissolution formée de poids égaux d'eau distillée et
d'acide tartrique cristallisé. La rotation due à l'énergie propre de
cette substance allait en croissant depuis l'extrémité la moins réfran-
gibie du spectre jusqu'à un point voisin de la raie E, puis devenait
décroissante, de fa^on que la rotation correspondant à la raie G
n'était pas de ^ supérieure à la rotation correspondant à la raie C.
11 suit de là qu'on apercevait en général dans le spectre deux bandes
noires mobiles qui tendaient à se confondre à mesure que la section
principale du prisme de Nicol analyseur approchait d'être parallèle
au plan de polarisation des rayons dont la rotation était maxima, et,
pour des raisons faciles à comprendre, toute observation précise
était impossible au voisinage de ce maximum. Il m'a donc fallu re-
noncer à mesurer la rotation correspondant à la raie E et prendre
pour terme constant de comparaison la rotation correspondant à la
raie D. La série des rotations magnétiques obtenues a été
c D F G
0,79 1,00 1,53 9,01.
La loi de la raison inverse du carré des longueurs d'onde eût exigé
c D F G
0,80 1,00 1,48 1,88.
Les différences étant du même ordre de grandeur que dans le cas
des dissolutions salines, on voit que la relation qu'on aurait pu
soupçonner d'après les expériences de M. Wiedemann n'existe pas.
NOTES^'^
NOTE A.
COMPABAISON DE L'ACTION EXfiRC^E PAR LA COLONNE LIQUIDE DES EXPERIENCES
ET DE L'ACTION DES PLAQUES DE VERRE TERMINALES.
J'ai supposé, dans toutes les expénences exëcutëes avec la grande bobine
électro-magnétique décrite page 2s5, que l'action optique des plaques de verre
terminales était négligeable par rapport à Faction totale de la colonne liquide
mise en expérience. Le calcul suivant montre qu il en est réellement ainsi.
L'action optique et l'action magnétique étant proportionnelles entre elles, si
l'on désigne par (?{x) l'action qu'exercerait la bobine sur une molécule de fluide
magnétique placée en un point de son axe, à la distance x de son milieu, l'ac-
tion optique de la colonne liquide peut s'exprimer par
-a
)dx
*k a étant la longueur entière de la colonne , qu on suppose placée de façon que
son milieu coïncide avec le milieu de Taxe de la bobine, et h un coefficient dé-
pendant de la nature du liquide. Si , comme cela est permis sans erreur sensible ,
on remplace chacune des couches de fil dont la bobine est composée par un
système de courants circulaires en nombre égal à celui des spires et de même
(Ûamètre, la valeur de^(;r) devient aisément calculable. Soit, en eflet, NPQM
un de ces courants circulaires ayant son centre au point C , à la distance £ du
point miheu de l'axe de la bobine : l'action qu'il exerce sur le point H . situé h
la distance œ du point , pourra s'exprimer par
2 7rfJLp^
fpV(a:-ÇnT
^*) Je réunis sous ce titre nn certain nombre de développements qu^il n^eiU pas été
possible d^insérer dans le corps du mémoire sans interrompre, par de trop longues di-
gressions, la suite des expériences et des raisonnements.
270 SUK LES PKOPRiETES OPTIQUES
si p osl ie rayon du cercle NPQM, et fi un coefficient proporlionQel à riDlensilp
du courant, et la valeur do ^ [x) se. composera d'un nombre (ini de termes de
ce genre. Comme on a. d'ailleurs,
[p'+ix-ei-]-;
-£)■ \/7T{ïï7Ç)-J
on pourra toujours exactement calculer la valeur de | p{x)dx. Mais
pour la commodité de la discussion il convient de substituer à cette valeur
exacte une valeur approchée, dont l'approximation est d'autant plus grande que
l'épaisseurdu fil employé est plus petite. Soient, en effet, 3/ la longueur totale de
la bobine , m le nombre de coiu'ants circulaires de mAme diamètre qui équivaut
à une coucbe de epires : si le nombre m est suilisamment grand, on peut re-
garder la somme des actions exerce sur la longueui' totale de la colonne liquide
par les m courants circulaires comme ne différant pas sensiblement de l'intégrale
c'est-à-dire de
Lv'p-+lo-5- v'p'+lo+Sl'J
îT^\/p-+i«+(l' - Vp-+(°-'iO ■
De même, si l'on appelle r le rayon intérieur île la bobine , R son rayon exu^rieur.
n le nombre des couches Ac ftl liont ta bobino est fonn^ . la somme des a ei-
pressions de ce geme correspondant aux diverses couches ne dilTi^ivra pas senst-
blemenl de l'intégrale
(■B.
(v/p'+(«+n'-\/p'+i«-i)'ljf
nrfp
-v/ii'
-V^N^
,| n+\/R'+(a+
:"^'li
DÉVELOPPÉES PAU L'ACTION DU MAGNÉTISME. 271
En multipliant celte expression par le coefficient h, spécial au liquide considère,
on obtiendra une représentation suffisamment exacte de Taction optique totale
de la colonne liquide.
L'action optique des plaques de verre par lesquelles le tube est fermé peut se
calculer d'une manière analogue. Si l'on suppose leur épaisseur e très-petite par
rapport à la distance qui les sépare d'un des courants circulaires de la bobine ,
on peut regarder l'action optique que l'une d'elles exercerait sous l'influence d'un
seul de ces courants circulaires comme sensiblement égale à
2 k TTfxp'^e
k étant pour le verre le coefficient de proportionnalité entre l'action optique et
Faction magnétique. Sous l'influence de la bobine entière, l'action optique d'une
seule plaque est donc exprimée, au même degré d'approximation que cinlessus,
par
kiFfimne r^ , , r-^ i à^
(an-/)!. ^ ^
'— (a — /)!. ^
kTTfimne} r-h\/r*-i- (a-+-Z)*
v/r'-f-(a-/)M
D suffit de doubler cette expression pour avoir l'action du système des deux
plaques.
Pour la bobine dont j'ai fait usage, on avait
a/^Sgo*"", R=i6o""", r = 79"".
Le diamètre du (il, recouvert de soie, étant de 3 millimètres, la bobine com-
prenait 517 coucbes de 117 spires chacune. Enfm la longueur sa de la colonne
liquide était de 600 millimèh*es et l'épaisseur e des plaques était de /i""",8. En
mettant ces valeurs dans les expressions ci-dessus , on trouve que l'action optique
de la colonne liquide devait être proportionnelle à
h X 96185
et celle des plaques à
k X i5a3.
La deuxième valeur peut ne pas sembler absolument négligeable devant la
première. Elle ne le serait point en efiet si l'on voulait comparer les pouvoirs
rotatoires magnétiques de deux liquides diflérents. Mais si, comme je l'ai fait,
on cherche pour un même liquide les rapports des rotations correspondantes à
diverses couleurs , il est facile de voir qu'il ne peut résulter d'erreur sensible de
272 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
rinfluence des plaques, k el h sont toas les deux variables avec la longueur
d'onde suivant des lois un peu plus rapides que la loi du carre des longu^irs
d onde. Admettons pour un instant que k varie exactement suivant la loi de la
raison réciproque du carré des longueurs d'onde et cherchons Terreur qui, dans
les expériences de la quatrième série, relatives h la créosote, est résultée de la
présence des plaques de verre, en supposante ce qui n'est pas vrai, que des
épaisseurs ^ales de créosote et de verre à glace impriment des rotations ^ales
au plan de polarisation des rayons dé6nis par la raie E. La rotation observée
correspondante à ces rayons, qui est prise pour unité, sera la somme des rota-
tions du liquide et des plaques de verre, et le rapport de la deuxième rotation
à la première étant celui de iSaS à 96 1 35 , la rotation propre au liquide devra
être exprimée par
t523
De rhypothèse qu on vient de faire il résulte que les rotations produites par les
plaques de verre sont représentées par la série des nombres
C D E F G
0,010 o,oi3 0,016 0,019 o,oqA.
D'un autre côté, les rotations observées ont été
c D e F G
0,578 0,768 t,ooo i,q4i 1,723.
Les rotations propres au liquide seul sont donc
c D E F G
0,563 0,7^5 0,984 i,sd3 1*699
ou, en prenant pour unité le nombre relatif à la raie E,
c D E F G
0,579 0,767 1,000 i.oAa *^7^7'
et cette série ne diflere de la série donnée par l'observation immédiate que de
quantités inférieures aux erreurs d'observation. Mais, en supposant le pouvoir
rotatoire moyen du verre ^l à celui de la créosote, on lui a attribué une va-
leur trop forte, et on a exagéré T influence perturbatrice des plaques terminales;
on a également exagéré cette influence en supposant que k varie en raison in-
verse du carré de la longueur d'onde, tandis qu'il varie en réalité suivant une
loi plus rapide, plus voisine par conséquent de la loi spéciale k la créosote ^^^
Donc, a fortiori, l'influence réelle des plaques de verre a été n^ligeable.
(') Cela résulte des mesures que j^ai prises pour déterminer la correction doe à la pré-
sence des plaques de verre dans ma première série d'expériences. (Voir plus haut, p. s 93. )
DÉVELOPPÉES PAR LACTION DU MAGNÉTISME. Î273
Les mêmes raisomiements s'appliquant avec plus de force au sulfure de car-
bone, dont le pouvoir rotatoire magnétique dépasse celui de la créosote, les con-
clusions tirées de la quatrième série d'expériences se trouvent justifiées.
On peut les appliquer également à tous les liquides de la deuxième et de la
troisième série d'observations, dont le pouvoir rotatoire magnétique est en
moyenne égal ou supérieur à celui du verre. Pour les autres liquides, l'erreur
résultant de la présence des plaques de verre est un peu plus grande; mais
comme Terreur relative des observations immédiates est plus grande aussi, il
n'y a pas lieu encore de se préoccuper de cette influence perturbatrice.
NOTE B.
SUR LA MESURE DE L'INTENSITE DES COURANTS.
Soit un système quelconque de courants électriques agissant sur un barreau
aimanté mobile et horizontal, assez éloigné pour que l'action exercée sur chaque
pôle puisse être regardée comme ayant la même grandeur et la même intensité,
lorsque Taxe du barreau est dans le méridien magnétique et lorsqu'il est dévié
d'mi angle quelconque. Soient / la composante horizontale de cette action , œ
Tangle de cette composante avec le méridien magnétique , t la composante ho-
rizontale de l'action terrestre : le barreau se placera en équilibre dans une posi-
tion faisant avec le méridien magnétique un angle a déterminé par l'équation
/ sin a =/sin (« — a).
Si Ton change la direction des courants sans changer leur intensité, on observera
une nouvelle position d'équilibre a' définie par l'équation
/sin a'=/sin («-+-«').
On conclut aisément de ces deux équations
2/ =/sin <y ( cot a -h cot a' )
ou
il tangatanga
./■ = n
sm w tang a -h tang cl
L'obsei'vation de a et de a' permet donc de calculer une valeur proportionnelle
à /, c'est-à-dire de mesurer l'intensité du courant qui traverse un système de
conducteurs donné, dans les conditions qu'on vient de définir.
Si la déviation du barreau est observée à l'aide d'une règle divisée et d'un
miroir, on a , en appelant x et x' les déplacements de Timage réfléchie de la
règle correspondant aux deux directions opposées du courant, R la distance de
la règle au miroir,
kV oc'
langQa = W^ tang 9 a' = -^i
Verdbt, I. — Mémoires. 18
27A SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
et, si les angles a et i' sont peu considérables, ces formules se réduisent par
approximation à
ce qui donne, pour exprimer Tintensitë do courant, au même degré d'approxi-
mation,
^ t XX / xx'\
^ ~~Rsin<ya;H-x \ * ~ 4l?y
Pour une intensité différente /j on aura de même
el par suil<»
OCX
1
/ XX a:, -h x\ 4R*
, X.X^ X -v" X XJX-^
Dans mes expériences R était d^nviron i mètres; x et x' n ont jamais atteml
xx'
1*30 millimètres, de façon que le facleiu: i — -nn a toujours été supérieur à
0,9991, et a pu, sans erreur sensible, être toujours censé ^1 à Funité. En
outre, le système des plus fortes valeurs observées de x et de x a été
x= 106, A, jr'= 119,7;
le plus faible a été
Si Ton admet que ces deiLx systèmes correspondent à une même valeur de
R. on aura, pour le rapport des intensités con*espondantes,
^ = ^^i^ = 1,3886;
y, a, a-, x-ifX
d'un autre côté.
—-—7= 1,3894.
La faible différence de ces deux rapports montre qu il a été permis de sup-
poser, comme on Ta fait dans ce mémoire, l'intensité du courant simplemait
proportionnelle à la somme x + x'. On s'est même dispensé d observer dans
cbaque cas particulier la position d'équilibre du barreau, ce qui eût été néces-
saire pour révaluation séparée de x et de x.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 275
é
NOTE C.
SDR LA MESURE DES INDICES DE REFRACTION.
On rencontre dans la mesure des indices de réfraction une difficulté que je
ne me souviens d*avoir vue signalée nulle part, et qui peut, si on la néglige,
être la source d'erreurs bien plus considérables que les erreurs qui tiennent à
l'observation optique elle-même. Je dois à M. Gemez de m'en avoir fait con-
naître l'importance. Dans une série de mesures d'indices, que je l'avais prié de
prendre pour moi au mois d'août 1869, il a observé que deux mesures de la
déviation d'une même raie du spectre , prises successivement le même jour, ne
s'accordent jamais; que la différence a le même sens pour toutes les raies du
spectre; qu'elle est d'autant plus sensible que l'intervalle a été plus grand entre
les deux observations, et qu'elle est souvent sensible lorsque cet intervalle n'a
été que de quelques minutes. Il a d'ailleurs reconnu que la cause de ces pertur-
bations devait êti*e cherchée dans les variations de la température atmosphérique,
car elles disparaissent presque entièrement aux heures du jour oii ces variations
deviennent très- lentes (dans le laboratoire où l'on observe), et elles s'exagèrent
au contraire singulièrement si l'on approche du prisme une source de chaleur.
Cette cause est d'ailleurs bien suffisante pour rendre compte des effets observés.
U résulte des expériences de MM. Gladstone et Dale ^*^ que les indices de réfrac-
tion du sulfure de carbone varient en moyenne de ^ de leur valeur, par une
élévation de température de 25 degrés; il suffit donc d'une variation de - de
degré pour altérer ces indices de ,-^^' c'est-h-dire de plus d'une unité déci-
male du quatrième ordre ^*\
La mesure de la déviation est facile à faire, de manière que le quatrième
ehiffi*e décimal de l'indice soit connu avec précision. Mais, si les indices des di-
verses raies ne sont pas mesurés exactement à la même température, cette pré-
cision est illusoire et les valeurs numériques obtenues ne peuvent être la base
d'une étude sérieuse de la dispersion. Toutes les recherches sur les indices où
il n'est pas fuit mention de cette difficulté sont par là même suspectes d'inexac-
titude. Les mesures de Frauenhofer lui-même, qu'on a si souvent employées pour
éprouver la solidité de telle ou lelle théorie .particulière de la dispersion, n'é-
chappent peut-être pas a cette critique.
La méthode suivante m'a servi à déterminer les indices rapportés dans ce
mémoire. Après avoir mesuré la déviation des sept raies principales du spectre,
^*^ Proceedmgs ofthc Hoyal Society, l. Xll, p. lifiS,
^*ï Je sais que M. Fouqué, ancien élève de TÉcolo Normale, a rencontré la même dif-
ficulté dans les recherches (encore inédites) qu^il exécute depuis quelques mois à TOb-
fervaloire de Paris sur la réfraction deTeau et des dissolutions saHnes, et qu'il a été obligé,
pour récarter, d^inslaller ses appareils dans le soos-sol de rObservatoire , où la variation
diurne de la température est extrêmement réduite. On peut d^ailleurs reconnaître IVxis-
tence de cette cause d^erreurs sans prendre de mesures. Il suffit de pointer exactement la
lunette d^un appareil tant soit peu sensible sur une raie déterminée du spectre, et d\')t-
18.
276 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQtES
en ailsDt par exemple de la rate B à la raie H , j'ai repris la intoe série de me-
sures en rélrogradant de la raie H vers la raie B, el j'ai r^pél^ cette double
alternative un certaio nombre de fois. Parmi les diverses séries successivement
ainsi obtenues, il s'est toujours trouvé un ou plusieurs groupes de deux séries
consécutives où les nombre relatifs à une même raie n'ont différé que très-pea.
Les moyennes de ces couples de nombres pouvaient évidemment être considé-
rées comme ne différant pas sensiblement des nombres qu'on aurait observés, s'il
avait été possible de mamtenir le liquide à une température rigoureusemoit
constante, égale à la moyemie des tempâ^tures très-peu différentes observées
au commencement d'une des séries et ii la fin de la suivante. Comme exempte de
ce mode de correction, je rapporterai la série entière des déviations que j'ai ob-
servées avec le sulfure de carbone, le 5 juillet i863.
8
DËVIITION DES RAIES.
■
C
D
'
'■
"
M bo
1 iS
3 i
• 4.3
36'>o^>o-
.......
Î7-o»«-
it^,-i«'
ÎS-io-io"
*.'.9Ïi'
*■ 63U
»...
3e>>:o
3fi.. ,i
36 s, .3
37 &, ..
37 Eo 3,b
38 39..
io.9.0
....
36» .3
M .0 se
IG &S SB
36 sa tb
3760 S5
3; S. 5
3S38i«
to 18 tG
tendre qadque teoip«. pour observer que le pointé n'est pluieiacL Le déplac«a«Qt de b
raie par rapport au fil vertical du rt'tïrulc a tinu. k un nionieni donaé du jour, dans le
même sens pour loiiles les raies et croit avec le lenips éroulé depuis le pointé initial.
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 277
En combinant d'abord la troisième série avec la quatrième , puis la quatrième
avec la cinquième, j ai obtenu deux systèmes d'indices qui ne différaient l'un de
Tautre que dans les unités décimales du cinquième ordre. J'ai conservé seule-
ment les quatre décimales communes dans les indices rapportés p. s/iS ; j'ai en
outre indiqué la température 2/i°,35 comme la température des observations. Il
serait peut-être plus exact de dire que les indices des diverses raies se rappor-
tent à une même température, comprise entre 2 6% 3 et a/i",/».
NOTE D.
SUR LES FORMULES PROPRES À REPRESENTER LE PHENOMENE DE LA DISPERSION.
D a été proposé bien des formules différentes de celle de Cauchy pour repni-
senter la relation de l'indice de réfraction et de la longueur d'onde. Dans le
nombre il en est de purement empiriques, telles que la formule de Rûdberg '^
ou la formule de Baden Powell ^*^; d'autres, comme les formules que MM. Red-
tenbacher et Cbristoffel ont proposées plus récemment ^^\ ont été déduites de
vues théoriques particulières. Je n'ai jugé utile de comparer mes observations
qu'avec ces deux dernières formules, et il m'a semblé qu'elles étaient un peu
moins propres à représenter les indices observés que la formule de Cauchy, si
commode d'ailleurs pour l'exécution des calculs.
La formule de M. Redtenbacher est
Si Ton détermine, pour le sulfure de carbone, les constantes a, b, c, au
moyen des indices relatifs aux raies B , E , H , on trouve
a = o,6ii/i3,
b=z — o,oooooi3a,
c = — 95,019.
On déduit de ces valeurs, pour les indices correspondants aux raies C, D, F, G :
C D F G
Indices calculés i,6i/i4 1,6934 i,6488 1,6797
Indices observés 1,6167 1,69/10 1,6/187 1,6798
Différences — o,ooo3 — 0,0006 -1- 0,0001 — 0,0001
Dans le cas de la créosote, l'indice relatif à la raie B n'ayant pas été observé,
j'ai déterminé les coefficients a, b,ch l'aide des indices relatifs aux raies C , E . G.
^'^ Annales de chimie et de physique , a* série, t. XXXVI, p. /iSg.
^') Transactions philosophiqufii pour i835 et i836.
^^ RiDTBRBAGHBR , Dos Dynamtdensystem ; Mannheim, 1867. — Cbbistoppbl, Annules
de chimie et de physique, 3* série, t. LXIV, p. 370.
278 SUR LES PROPRIÉTÉS OPTIQUES
J'ai ainsi obtenu
a=: 0,4/1039.
6 = — 0,00000076a ,
c = - 59,309,
et ii est résulté de ces nombres les valeurs suivantes des indices calculés relalife
aux raies D, F, H :
Il F H
Indices calculés i,54i8 i,5556 1*5795
Indices observés i,5/iâo i,5553 1,579a
Différences — 0,0002 -+■ 0.0001 -h o.ooo3
L'accord des nombres calculés et des nombres observés est sensiblement
moindre que dans les tableaux de la page 963.
La formule de M. Cbristoffel est
yt.y/â
v/'-T+V^'-
X
^o ^^ K étant deux constantes spéciales à chaque corps. En les déterminant au
moyen des indices relatifs aux raies B et G , j'ai obtenu pour le sulfure de cai^
bone
/è^ = 3,9338, A«= 36,685;
et, pour les cinq autres indices, la comparaison du calcul et de Tobservation a
donné les nombres suivants :
C D E F H
Indices calculés 1,6169 i,6343 1,6379 1,6/193 1,6965
Indices observés. .. . 1,61/18 i,63/i3 1,6873 1,6695 1.696Â
Différences -h 0,0001 -h 0,0000 -h 0,0000 —0,0009 -+- 0.0001
Pour la créosote , en me servant des indices relatifs aux raies C et G . j'ai
trouvé
n^=3,i4/i3, X„=3i,io3;
pour les autres indices la comparaison du calcul et de l'observation a donné le»
résultats suivants :
D E F u
Indices calculés i,5/i33 1.5/193 i,5559 1,5796
Indices observés i,5/i3o i,5/i88 i,5553 1.5793
Différences -j- o,ooo3 -+- 0,000/i -h 0,0006 -+- 0.0003
Dans le cas de la créosote, l'accord du calcul ot de l'expérience est un peu
moins satisfaisant qu'civec la formule de Gaucfa) .
DÉVELOPPÉES PAR L'ACTION DU MAGNÉTISME. 279
Je ne voudrais déduire aucune conclusion définitive de ces comparaisons, et
je ne crois pas qu'on puisse résoudre la question sans reprendre à nouveau la
mesure des longueurs d'onde et sans étendre les mesures d'indices au delà des
limites du spectre visible. Il est possible que l'avantage de la formule de Cauchy
tienne pour une grande part à ce que la méthode d'interpolation permet de faire
concourir toutes les observations à la détermination des constantes A, B, G,
tandis que les constantes n„ \de la formule de M. ChristoflTel sont calculées à
Taide de deux observations seulement, et les constantes a, ^, c de la formule
de M. Redtenbacher à l'aide de trois observations. Mais, pour l'usage spécial
que j'en ai fait, la formule de Gauchy me parait préférable aux autres.
• NOTE E.
SUR QUELQUES POINTS DE MES RECHERCHES PRÉCÉDENTES.
J'ai dit dans la troisième partie de mes Recherches, à l'occasion des expériences
sur les dissolutions de perchlorure de fer dans l'eau, l'alcool, l'éther et l'esprit
de bois, que ces diverses expériences n'avaient pas donné des valeurs concor-
dantes du pouvoir rotatoire moléculaire magnétique de la substance dissoute , et
j'ai considéré ce désaccord comme résultant de la formation de composés chi-
miques définis par la réaction du perchlorure de fer sur ses dissolvants. [ Voyez
AnmUes de chimie et de physique, 3* série, t. LU, p. i48, en note ^^\] Depuis
cette époque , M. Béchamp , en montrant qu'il existait plusieurs combinaisons
solubles de sesquioxyde et de sesquichlorure de fer, est venu confirmer indirec-
tement ma conjecture. {Annales, t. LVII, Mémoire sur quelques oxychlorures
nouveaux.)
J'avais soumis, dans le cours de mes recherches, à l'action d'un fort électro-
aimant quelques échantillons de platine , d'iridium , de palladium , de rhodium
et d'osmium , qui m'avaient été remis par M. Deville. Surpris de trouver tous
ces métaux assez fortenient magnétiques , et n'ayant pas d'ailleurs h ma dispo-
sition les sels de la plupart d'entre eux en quantités sufiisantes pour l'étude des
pouvoirs rotatoires magnétiques , je n'avais rien dit de ces expériences. Je n'ai
maintenant aucun doute sur leur vraie signification. Tous ces corps avaient été
extraits de minerais contenant /i à 19 pour 100 de fer métallique, et conser-
vaient sans doute, malgré la purification la plus soignée, une proportion de fer
suffisante pour rendre compte des effets observés. (Voir dans le mémoire de
MM. Deville et Debray, Sur le platine et les métaux qui raccompagnent, le tableau
qui donne la composition des divers minerais étudiés au laboratoire de l'École
Normale supérieure; Annales de chimie et de physique, 3' série, t. LVT p. 669.)
Le diamagnétisme évident de tous les sels formés par ces métaux les doit faire
classer parmi les corps diamagnétiques.
^^î Voir p. 193 du prosonl volume.
ÉTUDE
SUR
LA CONSTITUTION DE LA LUMIÈRE
NON POLARISEE
ET DE LA LUMIERE PARTIELLEMENT POLARISEE.
{ANNALES SCIENTIFIQUES DE L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE, TOME II, PAGE 291 ; 1865.)
I.
«Si la polarisation d'un rayon lumineux,?) dit Fresnel dans ses
Conndérations mécaniques sur la polarisation de la lumière ^^\ c( consiste
en ce que toutes ses vibrations s'exécutent suivant une même direc-
tion, il résulte de mon hypothèse sur la génération des ondes lu-
mineuses qu'un rayon émanant d'un seul centre d'ébranlement se
trouve toujours polarisé suivant un certain plan à un instant déter-
miné. Mais un instant après la direction du mouvement change, et
avec elle le plan de polarisation , et ces variations se succèdent aussi
rapidement que les perturbations des vibrations de la particule éclai-
rante; en sorte que, lors même qu'on pourrait séparer la lumière
qui en émane de celle des autres points lumineux, on n'y reconnaî-
trait sans doute aucune apparence de polarisation. Si l'on considère
maintenant Teflet produit par la réunion de toutes les ondes qui
émanent des diiïérents points d'un corps éclairant, on sentira qu'à
chaque instant, et pour un point déterminé de l'éther, la résultante
f') Annale» de chimir el dephyniqne^ a*" sério, f. XVII, p. iSf).
282 CONSTITUTION DE LA LUMIÈRE NON POLARISÉE
générale de tous les mouvements qui s'y exercent aura une direction
déterminée , mais que cette direction variera d'un instant à l'autre.
Ainsi la lumière directe ^^^ peut être considérée conmie la réunion ,
et, plus exactement, comme la succession rapide de systèmes d'ondes
polarisés suivant toutes les directions. »
Le seul complément un peu essentiel qu'on puisse ajouter à ces
paroles du créateur de la théorie des vibrations transversales con-
siste à dire qu'à un instant donné, et en un point donné de l'éther,
les vibrations d'un rayon naturel doivent être considérées non comme
rectilignes, mais comme elliptiques, puisque l'ellipse est la forme
la plus générale que ces vibrations puissent affecter et comprend
comme cas particulier la ligne droite et le cercle. En recherchant
d'abord l'effet produit dans des circonstances données par une vibra-
tion elliptique, et ensuite l'effet moyen qui résulte des variations
successives de cette vibration , on peut sans difficulté résoudre toutes
les questions relatives aux propriétés de la lumière naturelle et aux
modifications qui la transforment dans ce qu'on appelle lumière par-
tiellement polarisée. Dans les cas complexes, il devient souvent né-
cessaire de recourir à la traduction analytique des raisonnements;
on peut alors prendre exemple des méthodes de calcul développées
par M. Stokes dans son Mémoire sur la composition et la résolution des
faisceaux polarisés émanés de sources différentes^^\ Le sujet semble donc
épuisé, et cependant il arrive fréquemment que pour échapper à de
prétendues difficultés on a recours à de nouvelles hypothèses ^^^ et
même que l'interprétation inexacte de certains faits conduit à de
graves erreurs ^*^ Je ne crois donc pas faire une chose inutile en
^') On sait que Fresnel appelle lumière directe ou lumière ordinaire ce que tout le moude
aujourd'hui appelle lumière naturelle ou lumière non polaritée.
^'^ On the composition and resolution of streams of polarized Ught from différent somrets
(imprimé en i85a dans les Transactions de la Société philosophique de Cambridge, L IX,
p. 399). Ce mémoire a pour objet direct rinlerférence des rayons que M. Stokes appelle
indépendants, c''est-à-dire dont les phases changent a des époques tout à fait diverses el
indépendantes dans les deux rayons ; mais il renferme tout ce qu'il importe de connaître
pour déterminer sûrement les propriétés d'une succession de vibrations dont la période est
constante et dont les autres éléments varient suivant une loi quelconque.
"^^ Voyez ce qui est dit plus loin d'un mémoire récent de M. Lippich (S V ).
'' (i'esl ainsi que M. J. Stefan (de Vienne) a prétendu démontrer, par une expérience
d'ailleur? ruriouse etinléressanle, qiip la lumière naturelle ne contenait que des vibrations
ET DE LA LUMIÈRE PARTIELLEMENT POLARISÉE. 283
publiant un exposé de l'enseignement que j'ai plusieurs fois donné
sur cette question aux élèves de l'Ecole Normale supérieure.
Venant longtemps après celle de M. Stokes, cette étude ne peut
prétendre à la nouveauté que pour quelques détails, et peut-être
pour la méthode directement analytique qui y est suivie, et, bien
plus encore que le savant professeur de Cambridge, je dois dire en
commençant que la plupart des physiciens qui ont approfondi l'étude
de l'optique ont dû probablement faire pour leur instruction per-
sonnelle des raisonnements et des calculs tout semblables à ceux
que je vais développer. Mais, quand bien même on ne trouverait à
ce travail qu'un intérêt purement didactique , il ne serait pas déplacé
dans les Atmales d'une Ecole vouée avant tout aux progrès de l'en-
seignement.
IL
On sait que deux propriétés essentielles caractérisent la lumière
naturelle : premièrement, lorsqu'elle rencontre sous l'incidence nor-
male un cristal biréfringent, elle se divise en deux rayons dont les
intensités sont indépendantes de l'orientation du cristal ^^^ ; en second
lieu, elle conserve cette propriété après s'être réfléchie totalement
sous des angles quelconques autant de fois qu'on le voudra dans un
corps uniréfringent, tandis que la lumière polarisée circulairement,
qui se comporte comme la lumière naturelle lorsqu'elle rencontre
un rhomboèdre de spath, par exemple, se transforme en lumière
polarisée rectilignement par des réflexions totales opérées sous des
incidences convenables ^^^ Le système des vibrations diverses et di-
rectilignes, à rexclusion de toute vibration elliptique ou circulaire. L* Académie des sciences
de Vienne a même sanctionné cette conclusion de son autorité, en accordant à M. Stefan
le prix triennal fondé par M. Lieben pour récompenser les travaux de physique et de
chânie. (Voyez les Mondes, livraisons du i" et du 1 5 juin 1 865.)
^'^ On dit le plus souvent que ces doux rayons sont égaux en intensité , mais cela n'est
pas théoriquement exact, et, même dans les corps fortement biréfringents, la différcncp
peut être rendue sensible à Texpérience. (Voyez les Recherches photométri^ues de M. Wild ,
AtmaUs de cliimie et dephysifjuey 3' série, t. LXIX, p. a 3 8.)
f*) La réflexion totale peut être remplacée par le passage do la lumière à travers nue
lame cristalline à faces parallèles, trop peu épaisse pour séparer Tun de raiitm les deux
284 CONSTITUTION DE LA LUMIÈRE NON POLARISÉE
versement orientées, dont la succession rapide constitue la lumière
naturelle, doit donc satisfaire à deux conditions : il faut d'abord
que, si Ton projette à chaque instant la molécule vibrante sur un
plan mené par la direction du rayon, la composante du mouvement
vibratoire ainsi obtenue, considérée pendant un temps très-court,
mais suffisant pour contenir un nombre très-grand d'alternatives de
vibrations, ait la même intensité moyenne, quelle que soit l'orien-
tation du plan considéré; en outre, il est nécessaire que la même
propriété subsiste après qu'on a soumis le rayon naturel à une action
qui n'altère pas le rapport des intensités des composantes du mou-
vement estimées suivant deux directions rectangulaires, et qui ajoute
une quantité constante quelconque à la différence de leurs phases.
Trouver l'expression analytique de ces conditions , faire voir qu'il est
possible d'y satisfaire et de quelle manière on y parvient le plus sim-
plement, indiquer conunent on peut déterminer les modifications
éprouvées dans un phénomène optique quelconque par le système
de vibrations ainsi défini, tels sont les problèmes qui vont nous oc-
cuper successivement.
Quelques remarques générales sont utiles avant d'entrer en ma-
tière.
Les changements qui, suivant Fresnel, surviennent à des époques
très-rapprochées dans l'état vibratoire d'un rayon non polarisé, pa-
raissent quelquefois difficiles à concevoir; mais il ne faut pas beau-
coup d'attention pour faire évanouir la difficulté. D'abord, il est
deux cas où des molécules rayonnantes diverses se succèdent inces-
samment les unes aux autres en un point donné, ce qui a pour con-
séquence nécessaire le changement de la forme, de l'orientation et
de la phase des vibrations : il en est évidemment ainsi lorsque la
faculté lumineuse résulte directement d'une action chimique, et lors-
que, le corps lumineux étant fluide, les courants intérieurs renou-
vellent rapidement les molécules superficielles. Si la source lumineuse
est un solide porté par l'élévation de température à un état d'incan-
descence uniforme et constant, l'uniformité et la constance ne sont
jamais absolues et résultent en réalité d'un état variable qui oscille
rayons issus de la double réfraction , el assez faiblement biréfringente pour ne pas établir
de différence sensible entre leurs intensités.
ET DE LA LUMIÈRE PARTIELLEMENT POLARISÉE. 285
rapidement entre des limites très-resserrées, et il n'en faut pas da-
vantage pour faire varier à des instants rapprochés l'état des vibra-
tions émises par la source ^^\
Un point important, auquel en général on ne donne aucune at-
tention , c'est que les propriétés de la lumière naturelle s'expliquent
aussi bien par la coexistence de vibrations diverses dans un espace
très-resserré que par leur succession dans un temps très-court. Soit,
par exemple, un gaz incandescent, qui, comme on sait, émet tou-
jours et dans toutes les directions de la lumière non polarisée : à un
instant donné , une des molécules du gaz émet des vibrations pola-
risées d'une manière déterminée; mais une molécule voisine émet
des vibrations polarisées d'une autre manière, et à chaque instant il
y a compensation exacte entre les polarisations diverses sur une
très-petite étendue de la flamme ; en sorte que , si l'on regarde cette
flamme avec un analyseur biréfringent, l'intensité lumineuse est
réellement variable d'un point à l'autre dans chaque image ù l'instant
eonâidéré, mais ces variations, insensibles à cause de leur grand
nombre, donnent l'apparence d'une intensité uniforme indépendante
de l'orientation de l'analyseur. La durée de l'incandescence pourrait
donc se réduire indéfiniment sans que la lumière émise offrit des
traces sensibles de polarisation. Cette considération est peut-être
nécessaire dans certains cas pour expliquer l'absence de polarisation
de la lumière électrique ^"^K
^*) Ce qui a besoin réellement d'être expliqué , ce n est pas que les vibrations émises par
une source varient sans cesse, cest qu'on trouve dans ces vibrations quelque chose de
constant, l'intensité et la période. La constance de l'intensité résulte de la constance des
causes par lesquelles le rayonnement est entretenu ; la constance de la période tient à ce
que la période des vibrations est comme l'expression de l'élasticité propre du système mo-
lécalaire vibrant, et à ce que ce système ne change pas de nature. C'est ainsi que si Ton
avait diverses plaques vibrantes, de nature, de forme et de dimensions identiques,
maïs diversement orientées dans l'espace et ébranlées à des instants différents, il n'y aurait
de commun que la période dans, les mouvements vibratoires qu'au même instant elles
enverraient en un même point.
^*) Dans les expériences classiques de M. Wheatstone la durée de l'étincelle directe d'une
machine électrique a été reconnue inférieure à < — = de seconde. D'un autre côté,
^ 1 i5a ooo
M. Fizeau étant parvenu à produire des interférences avec des rayons dont la différence dp
marche atteignait 5o ooo ondulations, on doit admettre que, dans certains cas au moins,
les vibrations émises par une source lumineuse peuvent ne pas éprouver d^altération seii-
286 CONSTITUTION DE LA LUMIÈRE NON POLARISÉE
Les compensations entre les polarisations diverses des vibrations
émises à un même instant par les divers points d'une même source
peuvent avoir lieu d'une autre manière. Si, au moyen d*on dia-
phragme, on isole une portion du rayonnement d'une source lumi-
neuse de diamètre apparent sensible, il est facile de voir qu'aux di-
vers points d'une section transversale du faisceau ainsi obtenu l'ëtat
de polarisation ne saurait être le même. Supposons, pour plus de
simplicité, une source sphérique o-, et concevons une sphère S de
très-grand rayon, concentrique à la source : en un point de cette
sphère S la vitesse de vibration est à chaque instant la résultante
des vitesses envoyées par les divers points de la source; si tous les
points de la source avaient des mouvements concordants, les mou-
vements de tous les points de la sphère S seraient aussi concordants,
et on aurait une véritable onde sphérique polarisée de la même ma-
nière dans toute son étendue; mais comme les mouvements des di-
vers points de la source diffèrent les uns des autres, la résultante des
vitesses qu'ils envoient à un instant donné en un point de la sphère S
dépend de la position particulière de ce point Des calculs très-
simples démontrent que l'étendue de la surface sphérique S , dans
laquelle les mouvements vibratoires peuvent être regardés comme
concordants à chaque instant, est inférieure à celle d'un cercle qui
aurait pour diamètre le quotient de la demi-longueur d'onde par le
demi-diamètre apparent de la source vue d'un point de la sphère S,
et par conséquent devient très-petite dès que la source a un diamètre
apparent sensible ^^^. Dans le cas du soleil, le diamètre de ce cercle
sible pendant une durée très-supérieure à celle de 5o ooo \ibrations. U o^y a donc rien
d'impossible à ce que la durée de certaines étincelles descende à de seconde.
^ ' lOCXXtOOO
et que le mouvement \ibratoire d'un de leurs points ne subisse pas de perturbation pen-
dant la durée d'un million de vibrations. Dans ces conditions, le nombre des altematÎTes
de vibration que pourrait offrir la lumière serait au plus de 60 pour une longueur dVnde
égale à o°"",ooo5, puisque pour cette longueur d'onde le nombre des vibrations est d^ei»-
viron 600 trillions par seconde. Il serait bien difficile qu'un aussi petit nombre d'ailerna-
tives suffit à compenser les unes par les autres les diverses polarisations, et il semblerait
que la lumière de l'étincelle dût offrir des traces sensibles de polarisation , si l'on n'avait
égard aux considérations qu'on a indiquées dans le texte.
^•> Soient
^-»7--+-Ç ^p-, X -^ y -h :- = R-
les équations dp la sphère lumineuse a H de la sphère S qui lui est concentrique; la disUnrt*
ET DE LA LUMIÈRE PARTIELLEMENT POLARISÉE. 287
est d'environ o"",o55 pour une lumière de longueur d'onde égale
à o"",ooo5 , et, comme son étendue superficielle n'est pas la quatre-
centième partie d'un millimètre carré , on voit que sur chaque milli-
d*uii point tv de la source à un point P de S est
Si Ton considère sur S un point P' différent de P, dont les coordonnées soient .r + Aj?,
yH- Ay, z + Az, la distance au point 'cr devient
V/R*-f-p*— 2 (a;-f- AxjS— 2 (j-h Aj) >; — 2(2-f-A2)Ç.
Si Ton suppose R très-grand par rapport â p , et conséquemment aussi par rapport à f ,
n , Cf ces deux expressions se réduisent approximativement à
*^^2R R'^'R^ R^
et
et leur différence à
Si les points P et P' sont tellement rapprochés que, pour toutes les valeurs de f , r? , Ç,
cette expression soit en valeur absolue une très-petite fraction de longueur d'onde , les mou-
vements vibratoires élémentaires envoyés par tous les points de la source aux deux points P
et P' sont sensiblement identiques, et par suite les mouvements résultants le sont aussi.
GonsidéroYis pour le moment le point is en particulier : Tensemblc des points de la sphère S
auxquels ce point envoie un mouvement sensiblement identique à celui quMI envoie en P
forme une zone sphérique étroite, limitée par deux plans normaux au rayon de la sphère
qui passe par le point 17, menés de part et d'autre de P à des distances exprimées par
h\ R ^.
V
l\' "^ R' ^ 1\'
h désignant une très-petite fraction. Les points auxquels tous les éléments de la source en-
voient des mouvements sensiblement identiques sont contenus dans la partie commune à
ces diverses zones, c'est-à-dire dans une calotte sphérique ne différant pas sensiblement
d'un cercle qni aurait pour centre le point P et pour rayon
p
C'est dans l'intérieur de ce cercle seulement que les mouvements vibratoires peuvent être
considérés comme concordants sur la sphère S. La valeur de la fraction h n'est pas soscep-
288 CONSTITUTION DE LA LUMIÈRE NON POLARISÉE
mètre carré de la section transversale d'un faisceau solaire il y a, à
un instant donné, au moins /Voo modes de vibration différents, ce
qui peut suffire pour établir la compensation entre les polarisations
diverses ^^K
Ainsi la succession et la coexistence des vibrations diversement
polarisées doivent être prises également en considération pour rendre
compte des propriétés de la lumière naturelle , mais il n'est pas né-
cessaire de traiter à part des effets de ces deux causes, car tout ce
qu'on peut dire de l'une peut se répéter de l'autre. On se bornera
donc dans cette étude à considérer les effets d'une succession rapide
de vibrations diversement polarisées, conformément à l'usage suivi
en général, et on sous-entendra toujours l'effet identique de leur
juxtaposition dans un espace très-resserré.
III.
Soient, dans un plan perpendiculaire à la direction d'un rayon
lumineux non polarisé, deux axes rectangulaires. L'une quelconque
des vibrations qui se succèdent en un point du rayon à de très-courts
intervalles pourra être représentée par deux équations de la forme
x=as\n^Tr (rf + aU y=6sin97r frp + jSJ' .
tible d'être exactement déterminée, mais elle est certainement moindre que- i et par
conséquent \o cercle de diamètre égd à
RA
pa
osi une limite supérieure de Tétendue sur laquelle on peut regarder les mouvements vibra-
toires comme concordants. ^ étant le demi-diamètre apparent de la source vue de la dis-
tance R , la proposition contenue dans le texte se trouve démontrée. Ce cercle contient tous
les points tels, que la différence des distances de deux d^entre eux à un point queloonqne
de la source soit moindre qu''une demi-ondulation.
^'^ Le défaut de concordance entre les deux vibrations de deux points très-voisins sur la
sphère S se constate d'ailleurs par l'impossibilité d'obtenir des franges d'interférence en
faisant tomber la lumière d'une source de grand diamètre apparent sur deux fentes étroites .
qui donnent des franges très-visibles lorsque la lumière vient d'une source de très-petit
diamètre apparent.
ET DE LA LUMIÈRE PARTIELLEMENT POLARISÉE. 289
ou, en faisant a^r fnn + aj =(p, 99r(i8 — a)=<î.
On n'ôtera rien à la généralité de ces équations, et on rendra la dis-
cussion plus facile, en supposant que a et b sont toujours positifs,
pourvu qu'on regarde S comme susceptible de recevoir toutes les
valeurs comprises entre o et âw : les valeurs comprises entre o et tt
répondront dans cette hypothèse à des vibrations polarisées ellipti-
quement de gauche à droite, et les vibrations comprises entre tt et
S7 à des vibrations polarisées elliptiquement de droite à gauche.
Suivant deux autres axes rectangulaires menés dans le même plan ,
la même vibration elliptique aura pour composantes
x' ==^ œcosoj + 1/8111(0,
y = — xsintw+ycosfii»;
si ù) désigne l'angle de l'axe des x' avec l'axe des x, c'est-à-dire en
développant les valeurs de x et de y,
x' ==(acosùj -i- b cosS siiiùjj sm(P'i-b sinS sino) cos(p ,
y'=^(— rtsinfii> + ^cos<îcosfii>)sin(p + tsin^cosfii> cosip.
Si l'on reçoit le rayon normalement sur un cristal biréfringent orienté
de telle façon que les plans de vibration des deux rayons auxquels
il donne naissance soient parallèles aux axes des a/ et des y\ ces
deux rayons seront proportionnels aux intensités des deux compo-
santes représentées par les deux dernières équations, et par consé-
quent égaux à
m^ (^n^cos^cj + b^sin^ ù) + ^abcosS sino) coscû)
et
w^(a^sin^û) + t^cos^û)— 2atcos^sinfii>cos6i>),
m et n étant deux coefficients très-voisins de l'égalité, mais non
exactement égaux ^^l Ces expressions dépendent de l'angle cj, mais
(I) L*^lité absolue n^aurait lieu que si les deux ondes planes engendrées par la double
réfraction se propageaient avec la même vitesse, c^est-à>dire si en réalité il n^y avait pas
double réfracUon.
ViiDiT, I. — Mémoires. 1 9
290 CONSTITUTION DK LA LUMIÈRE NON POLARISÉE
elles varient d'un instant à l'autre avec les paramètres a, h et S. et,
pour que le rayon jouisse de la première propriété de la lumière na-
turelle, il faut et il suffit que les valeurs moyennes, prises pendant
un temps très-court, mais assez long pour contenir un nombre très-
grand d'alternatives, soient indépendantes de ù). Donc, en désignant
généralement par M (z) la valeur moyenne ainsi définie d'une quan-
tité quelconque z, il faul et il suffit que les expressions
M (<i-)cos-(w+ M(t^)sin^<i; + *iM(fl6cos^)sinû>cos<y
et
M(^-)sin-6y |-M (6'^)cos^û;~ QM(6r6cosA)sin^cos&F
gardent les mêmes vaieui*s, quel que soit ûj^ et par suite qu'on ait
La même propriété devant subsister encore après une réflexion totale
dans l'intérieur d'un milieu uniréfringent, et en particulier lorsque
le plan de réflexion est parallèle ou perpendiculaire à l'axe des x, il
faut et il suffit qu'en appelant e la différence de phase qui s'ajoute
dans ce cas particulier à la différence S on ait, quel que soit e,
M [ab cos {S+ e)] -= o .
c'est-à-dire à la fois
M(<itcos^)=-^o. M(^fcsin«î)--o.
Ainsi les trois conditions suivantes caractérisent toute succession
rapide de vibrations jouissant des propriétés par lesquelles on définit
la lumière naturelle :
M (abcosS)-- o.
M (nisinc^) - o.
Il n'est pas difficile de prouver que, si ces conditions sont satis-
faites relativement à deux axes rectangulaires 0\ et OV, elles le
seront par rapport à deux autres axes rectangulaires quelconques 0\'
ET DE LA LUMIÈRE PARTIELLEMENT POLARISÉE. 291
et OY'. Si en effet on représente le mouvement vibratoire décomposé
suivant ces nouveaux axes par les équations
on doit avoir, d'après ce qui précède ,
a'sin(p'-=(/icosfii> + tcos<îsinfii>)sin(p + isin<îsinfii> cos^.
6'sin (<p'+ y) = (— as\n(k) + bcosS cosci») sin ^ + tsin ^ cos6i> cos^ ,
et par suite, en vertu des règles connues du calcul des interférences
a'^=n^cos^ù) + h^sm^cû+ 9, ab cos S sincucoso).
b^=a^sin^c»)+ h^cofi-ùj- aabcosS sinoj cosgj ,
tang (p'— (p)= 7 — ^-. — 1
"• ^ ^«coscy-hocosa sin^
tang((p -+- S - (fi) ^ : r j-r— .
On déduit de là par un calcul facile
a'b'cosS' ^ nbcosS{cos^Gt) — sin-^^y)- (a'- b'^) sinoi cosci)
a'6' sin S' = ab sin <î,
et il est évident, à l'inspection de ces formules, que
iVl(a'2)^M(6'2^,
M(a'6'cos^)^-o.
M(V*'sin/)- o.
Un autre mode de représentation des vibrations elliptiques con-
duit à une autre expression analytique des mêmes conditions, qui
peut être quelquefois utile. On considère à un instant donné les
axes de Tellipse décrite par les molécules d'éther^, et on prend pour
équations des vibrations relativement à ces axes
Ç=--csin7 sin 4/,
);=^ccosy cos\f/,
xp désignant un arc qui vario proportionnellement à qtt ^i r un co-
«9-
292 CONSTITUTION DE LA LUMIÈRE NON POLARISÉE
efficient positif, et tang y le rapport des axes de l'ellipse; ce rapport
est positif ou négatif suivant que ia lumière est polarisée elliptique-
ment de gauche à droite ou de droite à gauche. Si est l'angle que
fait l'axe des f avec l'axe des x, on a
X = Çcosfl — y sinfl ,
y = fsinfl + ycosfl,
et si l'on pose de nouveau
j:=asin^. y= 6sin(9 + <î).
règles connues donnent
et par suite
a = r V^sin^y cos^fl+ cos^y sin^fl ,
b = c Vsin^7 sin^fl + cos^ycos^fl,
tang(^— 4')= — coty tang0,
tang (9+^- 4/) = cot7COtfl,
a6cos<î= — c^cos Q7 sinfl cosfl,
«Asin J= c^cosy siny.
Les conditions précédentes deviennent donc
M (c^sin^y cos^fl+c^cos^y sin^fl) = M (c^sin^y sin^fl+ f^cos'y cos^d).
M (c^cos 37 sinfl cosfl) = ,
iM (r^cos y sin 7) = o ,
ou, par des transformations évidentes.
M (c^cos 37 COS 30)= o ,
M (r^cos 37 sin 30) = •
M(f-sin37)=o.
C'est sous cette dernière forme que M. Stokes les a présentées.
ET DE LA LUMIÈRE PARTIELLEMENT POLARISÉE. 293
IV.
Ces conditions peuvent être satisfaites d'une infinité de manières
qu'il est inutile de spécifier, mais il est intéressant de rechercher
quelle est la combinaison de vibrations la plus simple qui les satis-
fasse. Une vibration à polarisation constante ayant des propriétés
parfaitement distinctes de celles de la lumière naturelle , il faut au
moins deux espèces de vibrations diverses alternant Tune avec l'autre.
Soient a^ , 6| , <^| , et a^^ h^ 4 ^^^ paramètres caractéristiques des
deux vibrations ; t la durée pour laquelle on prend la moyenne des
expressions a^, 6^, abcosS, absinS; m^ et m^ les fractions de cette
durée qui appartiennent aux deux modes de vibration , on aura
M{b^)^m,b\ + m^bl
M [ab cos S) =^ tHiûibi cos S^ + n^/içjb^ ^^^ *^2 '
M {ab sin S) = m^aib^ sin S^ + m^aj)^ sin ^2 ;
et par suite, si la succession alternante de ces deux rayons possède
les propriétés delà lumière naturelle,
m^a\ + nu^al = m^b\ + mji\ ,
m^aibi cos <î, + mçflji)^ ^^^ ^^=0^
mia^b^ sin S^ + iin^a,^^ sin ^Jl^ = o .
On déduit immédiatement des deux dernières équations
tang^, = tangua»
c'est-à-dire S^^^K ou <îi=-7r + <Î2' La première hypothèse conduit
immédiatement à ij = o , ^2 = o , ou à 62= o , ai= o , c'est-à-dire à
deux rayons polarisés à angle droit l'un sur l'autre, dont les inten-
sités flj et 62 sont en raison inverse de leurs durées. La seconde hy-
pothèse indique que les deux vibrations doivent être polarisées ellip-
tiquement en sens contraires, et donne de plus la condition
29à CONSTITLTION DE LA LUMIÈRE NON POLARISÉE
en la combinant avec la première, on trouve aisément
{m^n'^ -f- m.yni)[m,2al — m^b^) -^ o.
d'où
m,Aj^-//i.j«2,
et par suite
Les équations des deux rayons dont Talteroance peut constituer de
ia lumière naturelle sont donc
X, -- <i, sinip, x,2=hi i/^ sin(p,
//, -A,sin(<P"r^,). .y,--fi,Y/^^sin(<p-h^,).
Il est évident que les deux vibrations ainsi définies sont polarisées
elliptiquement en sens contraires, quelles s'exécutent suivant des
ellipses semblables, mais tellement orientées, que le grand axe de
l'une coïncide avec le petit axe de l'antre, et enGn que leurs inten-
sités sont en raison inverse de leurs durées relatives. Cette solution
comprend comme cas particulier la précédente, car deux vibrations
reclilignes perpendiculaires l'une à l'autre peuvent être regardées
comme deux ellipses semblables placées de manière que le grand
axe de l'une coïncide avec le petit axe de l'autre; en outre, comme
dans des vibrations rectilignes il n'y a rien d'analogue aux deux sens
de la polarisation elliptique, on peut toujours les assimiler à deux
vibrations elliptiques de polarisations opposées.
En ayant égard à cette remarque on peut énoncer comme il suit
le résultat des calculs précédents :
La lumière naturelle peut résulter de l'alternance de deux espèces
de vibrations elliptiques seulement,
I** Pourvu que les intensités de ces vibrations soient en raison
inverse de leurs durées;
a" Que l'une des vibrations puisse être considérée comme dérivée
ET, DE LA LUMIÈRE PARTIELLEiMENT POLARISÉE. 295
de l'autre par une rotation de 90 degrés et par une réduction des
axes dans un rapport déterminé;
3° Que les deux polarisations elliptiques soient d'espèces con-
traires.
M. Stokes a proposé d'appeler rayons contrairement polarisés deux
rayons polarisés elliptiquement qui présentent l'un avec l'autre les
relations (a**) et (3°). En adoptant celte définition, on peut dire que
le moyen le plus simple d'obtenir de la lumière naturelle consiste à
faire alterner l'un avec l'autre deux rayons contrairement polarisés,
les durées de leurs alternatives étant inversement proportionnelles
à leurs intensités. Un nombre quelconque de couples de rayons
contrairement polarisés satisfaisant à ces conditions est encore une
solution du problème ^*^
V.
Le théorème qu'on vient de démontrer donne une infinité de ma-
nières de constituer de la lumière naturelle; mais il y en a encore
une infinité d'autres, sur lesquelles on présentera quelques remar-
ques générales.
Considérons d'abord un système de /?— i vibrations rectilignes,
entièrement arbitraires. Le système satisfera toujours à l'une des
conditions caractéristiques de la lumière naturelle, puisque, S ne
pouvant être égal qu'à o ou à tt, on aura nécessairement
M (flisin^)=- 0.
Désignons maintenant par A , B , G les valeurs des trois expressions
M (a'), M(é2), \I(flicos^); c'est-à-dire, faisons
Mia] + //lofla + . . . + 'Wy- /'p- , = A ,
niib] + ,n.^bl + . . . H- m^_ ,6^_ , = B ,
±niiaib^±tn<ia^b^±. . .±mp_,aj,_,bp^, --C;
^') La considération des rayons contrairement polarisés s'offre d'elle-même dans l*étude
de la double réfraction du quartx. M. Stokes a fait remarquer que ces couples de rayons
296 CONSTITUTION DE LA LUMIÈRE NON POLARISEE
pour que le système jouisse des propriétés de la lumière naturelle, il
suiSra d'ajouter à ce groupe une ^*""' vibration définie par les para-
mètres Ap , ip , m^ , et satisfaisant aux conditions
m^a^ -f- A = m^6^4- B ,
nipOphp + C = G ,
ce qui a lieu si ntpaji, m^bp sont respectivement les racines positives
des équations
z2+(A-B)z-C2=o,
^2_Ja_B)c~C2=o,
et si Ton fait ^=o ou ^=7r, suivant que C est négatif ou positif.
Il y a donc une infinité de manières de constituer de la lumière na-
turelle avec des vibrations rectilignes , sans qu'il soit nécessaire que
ces vibrations se répartissent en groupes de rayons contrairement
polarisés.
Un calcul semblable montrerait qu'il y a aussi une infinité de ma-
nières de constituer de la lumière polarisée avec des vibrations el-
liptiques d'une forme déterminée , et a fortiori avec des vibrations
elliptiques de formes diverses. Il est toujours nécessaire que dans ces
divers systèmes les deux espèces opposées de vibrations elliptiques
existent simultanément, car avec des vibrations elliptiques d'une
seule espèce on pourra satisfaire aux conditions
M {a^) = M {b'') , M (ab cos ^) = o ,
mais non à la condition
M(a6sin^)--- o,
a6sin^ étant toujours positif ou toujours négatif, suivant que, tétant
compris entre o et tt, ou entre tt et a^r, les vibrations sont pola-
risées de gauche à droite ou de droite à gauche.
M. Dove a effectivement observé que, si l'on fait tourner rapide-
ment un prisme de Nicol sur lequel arrive de la lumière naturelle,
le faisceau émergent a toutes les propriétés de la lumière naturelle;
jouissent exclusivement de la propriété curieuse de donner par leur supeqx»silioQ une in-
tensité indépendante de la différence de marche.
ET DE LA LUMIÈRE PARTIELLEMENT POLARISÉE. 297
mais si Ton fait tourner avec la même vitesse et dans le même sens'
que le prisme de Nicol une lame de mica, le faisceau émergent,
formé de vibrations elliptiques identiques dirigées dans tous les azi^
muts, produit les mêmes phénomènes de polarisation chromatique
qu'un faisceau polarisé circulairement ^^\ Pour obtenir de la lumière
naturelle il aurait fallu laisser le prisme de Nicol immobile et faire
tourner la lame de mica, ce qui aurait changé le sens de la polari-
sation elliptique à chaque demi-révolution.
Au point de vue d'une théorie tout à fait rigoureuse , ces expé-
riences de M. Dove sont plutôt une imitation des propriétés de la
lumière naturelle qu'une reproduction exacte de sa constitution. Un
rayon polarisé dont le plan de polarisation tourne avec une vitesse
uniforme doit être, ainsi que Ta fait remarquer M. Airy ^^\ considéré
comme étant réellement la superposition de deux rayons polarisés
circulairement en sens contraires, dont les périodes de vibration ne
sont pas les mêmes. Soient en effet
a?=acosci)sm97r
y =asin6ysin97r (f + a)'
les équations d'une vibration rectiligne qui fait avec l'axe des x un
angle &>; si l'on suppose que cû varie proportionnellement au temps,
en sorte que cj^fi+vt, on aura
x=^acos[(i+vt)sintiir (f + *)'
y =^ a sin((jL + vt)sin an (f + aji
et, par une transformation connue,
j? = -sin \-j +v] t+2na-{-fi\ + -sin\ i-f~v) t+'^na—fiU
y = — ~cos| f-^ +»') ^+ 27ra + |!i +-cos| [~f~~^) ^~^ '^Tra — fiU
<') Poggmdorff's Annaien, l. LXXI, p. 97.
^*) Undulatonf theory qf Ught , art. t85(3* édition).
298 CONSTITUTION DE LA LUMIÈRE NON POLARISÉE
et ces équations représentent évidemment la combinaison de deux
vibrations circulaires de périodes différentes définies par les deax
groupes d'équations
j:, =-sin f Y ~^*') ^ + 3ira + |LtU
y,= — |cos[(y + *') ^+3^a + |E£j»
et
x.j = - sin (-Ty — *') ^ + 3^ût — jùt h
y.j = - cos f 7p vj t + 'iTra — fi\ -
Les mêmes remarques s'appliquent aux deux composantes d'une
vibration elliptique, et par conséquent à la vibration elliptique elle-
même.
Mais dans toute expérience du genre de celle de M. Dovc la dé-
composition d'un faisceau polarisé tournant en deux faisceaux de
périodes diverses, et par conséquent différemment réfrangibles et
différemment colorés, est absolument inappréciable. Les nombres
de vibrations de ces deux faisceaux sont représentés par ^ H et
j 9 c'est-à-dire, si l'on suppose que le prisme de Nicol fasse
1000 révolutions par seconde, sont entre eux comme 6oo billions
plus l'unité et 6 00 billions moins l'unité, pour une lumière de lon-
gueur d'onde égale à o""",ooo5. 11 n'y a aucun moyen d'établir entre
de pareils rayons une séparation sensible. Une vitesse d'un million
de tours par seconde serait encore très-éloignée d'être suffisante.
On reproduirait encore les propriétés de la lumière naturelle en
faisant tourner un prisme de Nicol au devant d'un parallélipipède de
Fresnel qui établit une différence de phase d'un quart de circonfé-
rence entre la composante du mouvement vibratoire parallèle au plan
de réflexion, et la composante perpendiculaire. La vibration recti-
ligne issue du prisme de Nicol serait ainsi transformée en une vibra-
tion elliptique dont les axes auraient une situation fixe, mais où le
rapport des axes prendrait successivement toutes les valeurs possibles
et où la direction du mouvement changerait à chaque demi-révolu-
ET DE LA LUMIÈRE PARTIELLEMENT POLARISÉE. 299
tion. Cette expérience donnerait lieu aux mêmes remarques que
Texpérience de M. Dove. Si le prisme de Nicol accomplissait n révo-
lutions par seconde, on aurait, pour représenter à chaque instant le
mouvement vibratoire, les deux équations
t
et le même mode de transformation donnerait
.t'^----smîi7r l'f + ") ^ + ~ sinQTT [j — '^) ff
y=- -sin-JTT (j + 'i) /— rsin*J7r fr"" ^j ^
ce qui permettrait de regarder le système comme résultant de la
superposition de deux vibrations rectilignes de périodes différentes
polarisées à angle droit , définies par les groupes d'équations
x^ — - sin 97r ij + nj t,
yi =- - sin 97r ij + nj t,
et
a . /i \
X.2 ^ - sm 97r I Tjn — nj t,
Dans toute expérience réelle cette remarque serait d'ailleurs sans
importance.
Ces développements conduisent à une conséquence curieuse que
M. Airy a sommairement indiquée sans la démontrer en détail , c'est
que les changements qu'éprouvent dans la lumière naturelle la forme
et l'orientation des ellipses de vibration ne peuvent être supposés
continus si la lumière est absolument homogène. Tout changement
dontinu d'une vibration elliptique consiste en effet en une série de
rotations infiniment petites des axes de l'ellipse , accompagnées d'aU
300 CONSTITUTION DE LA LUMIÈRE NON POLARISÉE
tératioDs inBniment petites simultaoées du rapport des grandeurs
des axes, et chacune de ces altérations élémentaires elles-mêmes peut
être censée résulter de la combinaison de mouvements vibratoires
de longueurs d'ondulation différentes. L'homogénéité absolue de la
lumière n'est donc compatible qu'avec des changements tout à fait
brusques et discontinus; une homogénéité sensiblement équivalente
à l'homogénéité absolue admet des changements continus très-lents
par rapport aux vibrations de la lumière; mais des changements con-
tinus qui s'accompliraient avec une vitesse comparable à celle du
mouvement vibratoire résulteraient en réalité de la superposition de
rayons diversement réfrangibles en même temps que diversement
polarisés.
A une époque récente, un physicien allemand, M. Lippich^ a
prétendu qu'il n'y avait d'autre lumière polarisée que la lumière hé-
térogène , et que les apparences de la lumière naturelle sont dues à
la combinaison de deux ou plusieurs rayons de longueurs d'onde
différentes. Les développements donnés dans ce mémoire me parais-
sent suffisants pour établir qu'il est inutile, pour rendre compte des
faits observés, d'avoir recours à une théorie aussi paradoxale ^^^
VI.
Un autre physicien allemand, M. Stefan, a cru démontrer par
l'expérience que la lumière naturelle ne contenait que des vibrations
rectilignes, à l'exclusion des vibrations circulaires ou elliptiques ^-\
Sa démonstration n'est pas exacte, mais l'importance que l'Académie
de Vienne a donnée au mémoire de iM. Stefan en le couronnant ne
permet pas d'en négliger l'examen.
On peut d'abord remarquer que l'assertion de M. Stefan ne sau-
rait être prise pour absolue, et ne pourrait s'appliquer tout au plus
qu'à des lumières d'origine déterminée , mais non à toute espèce de
^') Le mémoire de M. Lippich a été publié dans les Comptes rendus de VAeadémie dt
Vietine pour i863.
(^) Voyez les Comptes rendus de P Académie de Vienne pour 1 863 , les Amudes de A y y pii
dorff, A* iÎYraisoD de 1 865 , et les Mondes, livraison du s juin 1 865.
ET DE LA LUMIÈRE PARTIELLEMENT POLARISÉE. 301
lumière non polarisée. Quand bien même il serait vrai, par exemple,
que la lumière solaire ne contient que des vibrations rectilignes, en
la faisant réfléchir totalement dans un parallélipipède de Fresnel , on
transformerait ces vibrations rectilignes en vibrations elliptiques,
sans lui faire perdre les propriétés caractéristiques de la lumière na-
turelle. Au reste, M. Stefan parait avoir lui-même senti cette diffi-
culté, car il a soin de mentionner les sources de lumière qu'il a
soumises à Texpérience (lumière solaire, lumière Drummond,
lumière d'une lampe ordinaire, lumière dépolarisée par diffu-
sion), et il annonce l'intention d'étendre ses recherches à d'autres
sources.
Mais la conclusion que i\f. Stefan a prétendu tirer de ses expé-
riences est fondée sur un raisonnement inexact , quoique peut-être
spécieux. M. Stefan remarque d'abord, ce qui est parfaitement juste,
que si Ton divise en deux parties un faisceau polarisé rectilignement.
et qu'on fasse tourner de 90 degrés le plan de polarisation d'une
des parties, il est impossible de produire des phénomènes d'interfé-
rence par la réunion ultérieure des deux faisceaux ainsi obtenus,
tandis que, si l'on effectue une expérience analogue sur la lumière
polarisée elliptiquement, la possibilité d'interférer subsiste, le résul-
tat de la rotation de 90 degrés n'étant que d'amener le petit axe des
ellipses de l'un des faisceaux sur le grand axe des ellipses de l'autre ,
et vice versa; sur la lumière polarisée circulairement, une rotation de
90 degrés est évidemment sans aucun effet. De là l'expérience sui-
vante : Soit le système d'un collimateur, d'un prisme et d'une lunette
donnant un spectre bien pur et bien net. Si l'on recouvre d'une
plaque de verre la moitié de l'objectif du collimateur ou de la lunette
qui est tournée du côté de l'arête réfringente du prisme, le spectre
devient sillonné de bandes noires équidistantes, dont les lois ne
peuvent s'établir rigoureusement que par une théorie assez compli-
quée ^^\ mais qui résultent en définitive de la différence de marche
établie par la plaque entre les deux moitiés du faisceau lumineux.
Si l'on substitue h la plaque de verre une plaque de quariz perpen-
^'' Voye2 le mémoire de M. Stokes sur la théorie de certaines bandes vues dans ie
spectre, dans les Traruactiotit philotophiqws pour i8/j8.
302 CONSTITUTION DE LA LUMIÈRE NON POLARISÉE
diculaire à Taxe, qui fasse tourner de 90 degrés le plan de polari-
sation des rayons d'une longueur d'onde déterminée, les vibratioos
rectilignes qui peuvent entrer dans la composition de la lumière na-
turelle ne contribueront plus à la formation des bandes d'interfé-
rence dans la région correspondante du spectre; il semble au con-
traire que les vibrations elliptiques devront continuer d'interférer
d'une manière plus ou moins sensible. M. Stefan ayant vu les franges
disparaître dans cette région ' et devenir d'autant plus intenses qu'on
s'en écartait davantage jusqu'à la ré-gion où la rotation atteignait
180 degrés, il en a conclu qu'il n'y avait dans la lumière naturelle
que des vibrations rectilignes.
L'erreur de ce raisonnement consiste dans la confusion des effets
des vibrations elliptiques polarisées en sens opposés. Il est facile de
voir en effet que si, dans la région du spectre correspondant à la
rotation de 90 degrés, les vibrations elliptiques polarisées de droite
à gauche doivent donner en un certain point un maximum d'inten-
sité, les vibrations elliptiques polarisées de gauche à droite doivent
donner au même point un minimum, et rtrf versa; de sorte que, s'il
y a dans la lumière naturelle compensation exacte entre les deux
espèces opposées de vibrations, aucune bande d'interférence ne doit
être visible. Soient
a et b étant supposés de même signe, les équations d'un rayon po-
larisé elliptiquement de gauche à droite. Si l'ellipse des vibrations
tourne de 90 degrés vers la droite dans sqn plan, ces équations de-
viennent
Ç'-- tccs^, 17'--= -asin^:
enfin, si les rayons définis par ces deux systèmes d'équations rien-
nont concourir au même point, après qu'il s'est établi entre eux une
différence de phase S. les équations du mouvement résultant sont
x = Ç-f-C^<«sin^-f icos(^ -^),
y v + yi' bcosÇ ~as\n(<p S),
^'^ Avec ia plaqup de quarU dont M. Stefan faisait usag<>, ceUp ivgion élail eiilre la
raie C ot ia raie D , mais très-voisine de la raie C.
ET DELA LUMIÈRE PARTIELLEMENT POLARISÉE. 303
et les règles ordinaires de l'interférence donnent pour l'intensité
correspondante
9(a^+ b^+ îiabsinS).
Si Ton fait un calcul semblable sur la lumière polarisée elliptique-
ment de gauche à droite, on doit changer le signe d'un de^ coeffi-
cients a ou b, et l'expression à laquelle on parvient est
et il est clair que la moyenne des deux intensités ainsi déterminées,
savoir :
est indépendante de la différence de phase S. Par conséquent, toute
lumière où il y aura compensation entre les deux espèces de pola-
risation elliptique ne donnera aucune frange d'interférence dans une
expérience pareille à celle de M. Stefan. 11 est donc inutile de rien
changer à l'idée qu'on se fait généralement de la lumière naturelle.
Vil.
Lorsqu'un faisceau de lumière naturelle est soumis à une action
qui modifie dans des rapports différents les intensités des compo-
santes du mouvement vibratoire parallèles h deux plans rectangu-
laires, on dit que le faisceau résultant est partiellement polarisé ^^\ Le
plan parallèle à la composante dont l'intensité est devenue la plus
faible s'appelle le plan de polarisation partielle.
Or, si l'on représente par a' et i' dans le faisceau modifié les ana-
logues de a et de ( dans le faisceau naturel primitif, par p ci q les
rapports constants — <» t^^ on aura
(*' Il est indifférent qu'en même temps que les intensités des romposantes se modifient
dans des rapports différents une quanlit<f conslante s^njoute à leur différence de plins«%
car celle addition laissée h lumière naturelle tontes ses propriétés.
30iSi CONSTITUTION DE LA LUMIÈRE NON POLARISÉE
et comme M(a^) = M(é*), puisque le faisceau primitif n*esl pas po-
larisé, M (a'^) et M (6'^) auront des valeurs différentes. D'ailleurs on
aura évidemment
M (a'i'cos^) =pqiA (^abcosS) = o .
M (a'i'sin<î) =pqM[abs\nS) = o.
Donc les vibrations diverses qui par leur succession constituent un
rayon partiellement polarisé doivent satisfaire aux équations sui-
vantes, où A et B désignent deux nombres quelconques différents
l'un de l'autre ,
M(a2) = A,
M(V) = B,
M(aécos^) = o,
M (ai sin ^) = o ,
lorsque les axes coordonnés sont l'un parallèle et l'autre perpendi-
culaire au plan de polarisation partielle.
Lorsqu'on change la direction des axes coordonnés, on a , en vertu
des calculs développés à l'article III, cj étant l'angle de l'axe des x
avec l'axe des x,
M (a'2) = M (a2) cos^û) 4- M (i^) sin«û),
M(é'2) = M(a2)sin2û,-hM(6«)cos2fi.,
M [a'b' cos<r) = [M (i2)_ M (a^)] sinciicosfii,,
M(a'é'sin<r) = o.
Réciproquement , si une succession de vibrations est telle , qu'on
ait
M (flisin<î) = o,
cette succession constitue un faisceau partiellement polarisé. Soient
en effet A, B, C les valeurs des trois expressions M (a*), M(i^).
M(a6cos^); A', B', C ce que deviennent ces expressions lorsqu'on
passe du système donné d'axes rectangulaires à un autre système
défini par l'angle cû compris entre l'axe des x et l'axe des jr, on aura
A' = A cos^cy -f- B sin^û) 4- aC sinoi coscii,
B' = A sin^fiij -h B cos^w — qCsxdcj coscij,
C' = C(cos"-(y — sin-ca) — (A — B)sinaycosay.
ET DE LA LUMIÈRE PARTIELLEMENT POLARISÉE. 305
et on trouvera toujours deux valeurs de ûj différant entre elles de
90 degrés, telles que C' = 0, en résolvant l'équation
tang2 cj + —p — tango» —1 = 0.
L'une de ces directions sera parallèle et l'autre perpendiculaire au
plan de polarisation partielle. On donnera plus loin les conditions
auxquelles doivent satisfaire les coefficients A, B, C pour convenir à
un système réel de vibrations.
Les axes coordonnés étant l'un parallèle et l'autre perpendiculaire
au plan de polarisation partielle, le faisceau polarisé partiellement
est entièrement défini par les coefficients A = M(a^), B = M(A^).
En posant A = B + A — B , si A est plus grand que B , on peut con-
sidérer le faisceau polarisé partiellement comme constitué par un
groupe de vibrations d'où résulterait un faisceau naturel d'intensité
égale à 2B, et un groupe de vibrations rectilignes d'intensité égale
à A — B, polarisées dans le plan de polarisation partielle. L'expres-
sion de faisceau partiellement polarisé se trouve ainsi justifiée.
VIII.
Les calculs développés dans l'article III de ce mémoire conduisent
encore aux deux conséquences suivantes :
Premièrement, les valeurs moyennes des composantes parallèles
à deux axes rectangulaires d'un système quelconque de vibrations
dépendent des valeurs moyennes A et B relatives à deux axes
donnés, et d'un troisième coefficient C = M [abcosS), L'action
d'un analyseur biréfringent sur le système des vibrations est donc
entièrement déterminée par ces trois coefficients.
En second lieu, si l'on ajoute à chaque instant une quantité ar-
bitraire constante à la différence des phases de ces deux compo-
santes au moyen de la réflexion totale ou du passage à travers une
lame cristalline, le coefficient G change de valeur et sa variation
dépend d'un quatrième coefficient D = M (a6 sin^).
Par conséquent, si les valeurs de ces quatre coefficients sont con-
Ybrdbt, ï. — Mémoires. so
506 CONSTITUTION^ DE LA LIMIÈRE NON POLARISÉE
nues, toutes les modifications que pourra éprouver le système par
réflexion, réfraction, double réfraction, sont entièrement détermi-
nées, et deux systèmes pour lesquels ces coefficients ont les mêmes
valeurs jouissent de propriétés tellement identiques, qu'aucun des
phénomènes qu'on vienl d'énumérer ne permet de les distinguer l'un
de l'autre.
11 existe encore un mode particulier d'analyse de la lumière, très-
peu usité pratiquement, mais d'une grande importance théorique,
consistant à recevoir la lumière sur un cristal doué de pouvoir ro-
tatoire qui la décompose généralement en deux rayons à \ibralions
elliptiques contrairement polarisées. Le calcul suivant fait voir que.
soumis à ce mode d'analvse. deux svstèmes de vibrations diverse-
ment polarisées, pour lesquels les quatre coefficients A, B, C. D ont
les mêmes valeurs, produisent encore les mêmes effets. Soient tou-
jours, à un instant donné,
.r -^ ^ sin ^ ,
les équations d'une vibration particulière. Décomposons cette vibra-
tion en deux vibrations elliptiques contrairement polarisées et telles,
que le grand axe de l'une fasse un angle cj avec l'axe des x. Rap-
portées à leurs axes, les équations de ces vibrations elliptiques se-
ront de la forme
Ç— rsin7sin(^ — 6j,
jj ^ r rosy cos (^ — 0).
et
Ç - r cosySïn[^-r6),
1? - — f'sin^ cos(^-T-& )-
et, pour qu'elles reproduisent par leur superposition la vibration
donnée, il faudra que
X cosûi -r y sin « = Ç-i- S^
— xsin&i-rjf cosfii;= 17 -J- fi\
c*est-à-dire, en développant chaque équation et triant les cœQi-
ET DE LA LUMIÈRE PARTIELLEMENT POLARISÉE. 307
cients de sîn^ et de cos^ dans les deux membres de chacune d'elles,
/ïCOS6y + icos^sinci> ■- c cosO siny -{- c vosff cosy,
h sin^sinci) -^ c sinô siny + c sin 6^ cosy,
— a sinfiij+ 6 cos^cosci) =-- c sinô rosy + c .sin (f siny,
6sin^cos(y-^r cosScosy - c'cosS'siny.
On déduit de là, par des calculs faciles,
c cosô-- n siny cosei)-|- h cos^siny sin^ + 6 sin<îcosy cosca,
c sin 9 --- 6 sin <î sin y sin Cf)-\-n cos y sin ^ - h cos ^ cos y coso» •
r- - cos^y (fi^sin-^cij-l-i- cos-o;— adAcos^sinfii^cosfii))
+ sin- 7 {a- cos^ci) 4- V^ sin-ci> -r- '>nh cos^sino; cosct»)
+ fi siny cosy (iAsin^(cos*-fii> — sin-^oi);
c cosff a cosy cos<y + b coseîcosy sin&> - 6 sin^siny cosû;,
c' sinô' -^ b sin ^cosy sin rij — a sin y sincii 4- ^ cos^sin y coscii.
r'2 =-_= cos^y (a^ cos^ei)+ 6^ singea + a^fi cos jsinfii> cos&y)
+ sin^y (fl^ sin^fii» + ^^ cos^o» - 9«6 cos^sin-i» cos^» )
3 siny cosy «isin<î(cos-fii) sin-^w).
Si l'on reçoit le rayon lumineux considéré sur un cristal à double ré-
fraction elliptique tellement choisi que, dans les vibrations ellip-
tiques des deux rayons auxquels il donne naissance, le rapport des
axes soit égal à tang y, les intensités de ces rayons seront respec-
tivement égales aux produits de é et de c'*^ par des coefficients très-
voisins de l'égalité, et leurs intensités moyennes seront proportion-
nelles à M(r2) et M (r^), c'est-fi-dire à
cos-y ( A sin'-fii>+B cos^ca- »iC sinci^cosw)
!-sin*-y(Acos'^ci>-T"Bsin^w+ aCsinwcosû;)
4- '> sin y cosyD (cos^ey sin^Si)),
et
cos-^y ( A cos'^w + B sin^^H- •iC siufii) cos<y)
-\- sin^^y (A sin^ci>-r B cos^w - ȔC sinoi cos^w )
îi siny cosyD(cos*^fiij sin^fii)).
Elles ne dépendront donc que de A, B, C, D.
Ainsi tous les systèmes de vibrations où les quatre coefficients A,
90.
308 CONSTITUTION DE LA LUMIÈRE NON POLARISÉE
B, C, D ont les mêmes valeurs ont exactement les mêmes propriétés
et ne peuvent être distingués les uns des autres par aucun moyen.
On peut donc, avec M. Stokes, les appeler systèmes équivalents.
IX.
Une seule question reste encore à examiner, celle de savoir si les
divers systèmes de vibrations caractérisés par des valeurs diverses
des coefficients A, B, C, D peuvent se répartir en un petit nombre
de groupes, présentant chacun un ensemble de propriétés communes,
ou s'il faut se borner dans chaque cas particulier à déterminer, par
une application des méthodes précédentes, les propriétés des divers
systèmes qu'on rencontrera.
Il faut remarquer d'abord qu'à tout système de valeurs numé-
riques des coefficients A, B, C, D ne répond pas nécessairemenl un
système possible de vibrations diversement polarisées. Il est bien évi-
dent, par exemple, que les coefficients C et D ne sauraient être tous
deux très-grands par rapport aux coefficients A et B. 11 est même
facile de démontrer qu'on a nécessairement, dans tout système réel
de vibrations.
En effet, si l'on reprend les notations de l'article IV, on a
C^ -i- D^ = (mi^ifc, cos^, -r m2fl2^2 cos J'o -r • • • V-
-r (wj^ji, sin^i -r ff^a.Jy.j smS.^ -r • • )*'•
et on groupe aisément les termes de ce« deux expressions de manière
à leur donner la forme suivante :
AB = m\à\l)\ + ^2^2*2 -f- • • • 4- wiimo [à^hl -f a\l)\) 4- • •
C*-^ -h D^ - m\a\()\ -^ n^(iif>\ + • • • -r im^m^tiih^iib^ cos ( ^, J^^ H" • •
-f- ùm^m^j,b^^bj, cos ( jp - j;,) -r . . • •
ET DE LA LUMIÈRE PARTIELLEMENT POLARISÉE. 309
Il en résulte que AB — (C^ + D^) se réduit à une somme de termes
de la fonne
or chacun de ces termes est évidemment plus grand que
c'est-à-dire qu'une quantité qui est toujours nulle ou positive.
AB- (C^ + D'-^) est donc nécessairement nul ou positif.
Si d'abord on suppose AB — (C^ + D^) égal à zéro, le système est
équivalent à une vibration unique, invariable de forme, de gran-
deur et de position, car en faisant
a^ = A, 6^=-B, tang<î=p^
on a
Si AB est plus grand que C^ + D^, il y a une infinité de systèmes
satisfaisant aux conditions
M(a^) = A, M(62) = B, M(aicos(î)=-C, M(«isin^) = D.
En effet, AB étant plus grand que C^ + D^, on peut trouver une in-
finité de groupes de nombres A' et B' tels, que l'on ait
A'<:A, B'<:B, A'B' = C2 + D2.
Les nombres A', B', C , D peuvent être considérés comme caractéris-
tiques d'une vibration elliptique déterminée, et si l'on suppose que
cette vibration alterne avec des vibrations constituant un faisceau
partiellement polarisé suivant l'axe des x ou l'axe des y, dont les
composantes parallèles à ces axes soient A — A' et B — B', on aura
obtenu un des systèmes caractérisés par les valeurs données de A,
B,C,D.
310 CONSTITUTION DE LA LUMIÈRE NON POLARISEE
Parmi les systèmes en nombre infini qui jouissent tous des mêmes
propriétés, il en est un qui par sa simplicité offre un intérêt parti-
culier : c'est le système pour lequel A — A' = B — B', et qui en con-
séquence peut être représenté par un faisceau de lumière naturelle
et par un faisceau de lumière elliptique. Ces deux faisceaux sont l'un
et l'autre entièrement déterminés. En appelant H la valeur commune
(\o A — A' et B B'. on aura en effet
(A-H)(B H)^ C^^D^
d'oii
Ces deux valeurs sont réelles et positives, mais la plus grande étant
supérieure à A et à B, la plus petite répond seule à la question, de
sorte que
H - ^^ ' \ (A-Br^UC^-^T)*) .
Le double de cette expression est l'intensité du faisceau de lumière
naturelle qui peut être censé entrer dans la constitution du faisceau
que l'on considère. Les éléments du faisceau elliptique qu'il y faut
joindre sont d'ailleurs
A-B
^r- A H — -r \(A-B)»H-MC:'-+^DM
A-B I
h' W H - 4- \(A-Br-t-4'C^-^D').
Ainsi tout faisceau lumineux homogène peut être constitué par
des proportions déterminées de lumière naturelle et de lumière po-
larisée à vibrations rectilignes, circulaires ou elliptiques. On peut
dire, en généralisant des expressions usitées, que tout faisceau lu-
nn'neux est polarisé, naturel ou partiellement polarisé. Les caractères
de la polarisation complète et de l'absence de toute polarisation sont
connus: ceux des divers genres de polarisation partielle sont main-
tenant faciles à apercevoir.
ET DE LA LUMIÈRE PARTIELLEMENT POLARISÉE. 311
1** Si un faisceau lumineux peut être censé formé d'un faisceau
naturel et d'un faisceau polarisé rectilignement, les deux faisceaux
en lesquels il se partage lorsqu'il rencontre sous l'incidence normale
un cristal biréfringent ont des intensités variables avec l'orientation
du cristal; l'intensité de chaque faisceau réfracté est maxima lorsque
son plan de vibration est parallèle au plan de vibration de la lumière
polarisée qui dans le faisceau incident se superpose à la lumière na-
turelle, et minima lorsqu'il lui est perpendiculaire. Le plan perpen-
diculaire à ce plan de vibration est, dans l'hypothèse de Fresnel, le
plan de polarisation partielle. Une réflexion totale opérée dans le
plan de polarisation partielle ou dans le plan perpendiculaire ne
modifie pas les propriétés du faisceau; une réflexion totale opérée
dans un autre plan transforme la lumière polarisée rectilignement
en lumière elliptique, sans produire d'effet sur la lumière naturelle,
et par conséquent modifie les propriétés du faisceau. C'est à un pa*
reil faisceau qu'on applique ordinairement d'une manière exclusive
l'expression de faisceau partiellement polarisé. On pourrait lui substi-
tuer celle de faisceau en partie polarisé rectilignement.
a" Si le faisceau lumineux peut être censé formé de lumière po-
larisée circulairement et de lumière naturelle , les intensités des deux
faisceaux dans lesquels il est divisé par un analyseur biréfringent
sont indépendantes de l'orientation, comme dans le cas de la lu-
mière naturelle, mais ses propriétés sont modifiées par la réflexion
totale qui transforme les vibrations circulaires en vibrations ellipti-
ques ou rectilignes. La rotation uniforme d'une vibration elliptique
de sens, de forme et de grandeur invariables est un moyen d'obtenir
un pareil faisceau. On pourrait, pour le désigner, employer l'expres-
sion de faisceau en partie polarisé circulairement.
3** Si le faisceau peut être censé formé de lumière polarisée ellip-
tiquement et de lumière naturelle, les intensités des faisceaux dans
lesquels il est divisé par un analyseur biréfringent dépendent de
l'orientation, comme dans le cas de la polarisation rectiligne par-
tielle; mais la réflexion totale modifie toujours les propriétés du
faisceau, dans quelque plan qu'elle s'opère. On pourrait désigner un
pareil faisceau en disant qu'il est en partie polarisé elliptiquement.
312 CONSTITITION DE LA LUMIÈRE NON POLARISÉE, ETC.-
X.
Dans d*assez nombreuses recherches, particulièrement dans les
expériences polarimétriques , on a considéré comme lumière partiel-
lement polarisée la lumière qu'on obtenait en superposant deux fais-
ceaux inégaux, polarisés à angle droit, issus d'un même faisceau
primitivement polarisé et présentant l'un par rapport à l'autre une
très-grande différence de marche. Si les deux faisceaux superposés
étaient égaux, on considérait la lumière comme naturelle. En réa-
lité, dans ces expériences, chaque lumière homogène avait un état
de polarisation déterminé; mais, cet état variant très-rapidement
avec la longueur d'onde, à cause de la grande différence de marche,
les polarisations les plus diverses appartenaient à des rayons que
l'œil est incapable de distinguer, et, tant qu'on laissait le faisceau
indécomposé, les propriétés de la lumière naturelle ou de la
lumière partiellement polarisée étaient très-suffisamment imitées.
Mais les expériences de MM. Fizeau et Foucault ont fait voir depuis
longtemps quelle est la constitution réelle d'un pareil faisceau.
INTRODUCTION
AL\
OEUVRES D'AUGUSTIN FRESINËL'".
{ŒUVRES COMPLÈTES D'AUGUSTIN FRESNEL; PARIS, 1866.)
1.
La présente édition n'a pas seulement pour objet de réunir les
écrits de Fresnel dispersés dans divers recueils ^^\ dont quelques-
uns sont devenus aujourd'hui d'un accès difficile; à ces œuvres déjà
publiées et connues de tous ceux qui ont fait de la théorie de la
lumière une étude tant soit peu approfondie, elle ajoute une série
considérable de pièces inédiles, que la mort prématurée de l'auteur
ne lui à pas permis de faire imprimer lui-même, et que la piété
d'un frère a scrupuleusement recueillies et conservées, jusqu'au jour
oii le Gouvernement impérial a décidé que les œuvres de Fresnel
seraient comprises dans la [jrande collection d'histoire scientifique
nationale qui s'est ouverte |)cir les œuvres de Laplace et continuée
par celles de Lavoisier^^^
Ou peut être surpris de l'étendue de ces œuvres inédites, qui
forment plus de la moitié de la présente édition: mais si l'on réflé-
^*) Les Mémoires de VAcadéinip (les sciences , les Annales de chimie el de physique , la
Bibliothèque universelle de Genève , le Bulletin de la Société philomalhique et le Bulletin de
FérusMoc.
^^ Voyex rAvertissement des Œuvres de Fresnel.
^*^ Publication posthume d'après un manuscrit qun l'aute^ir n'a pas pu revoir. — On a dis-
tîngiié par des crochets les mois suppléés ou douteui.
31/1 INTRODUCTION
chit aux principales circonstances de la vie de Fresnel, à la prodi-
gieuse activité scientifique qu'il a déployée de 1810 à iSuS. aux
travaux d'ingénieur et aux maladies qui ont rempli les quatre années
suivantes, les dernières de sa vie, on comprendra que le temps lui
ait manqué pour s'occuper de la publication de ses écrits, et qu'en
dehors du mémoire couronné en 1819 par l'Académie des sciences,
et de l'article Lumière du Supplément à la Chimie de Thomson, il
n'ait jamais fait imprimer lui-même que de courts extraits des mé-
moires qu'il présentait à l'Académie des sciences, ou des éclaircis-
sements, sur certains points de ces mémoires, rendus nécessaires
par les objections des partisans de l'ancienne doctrine. Quant aui
mémoires eux-mêmes qui contenaient l'exposé détaillé de ses décou-
vertes, un très-petit nombre seulement a été mis au jour depuis sa
mort, principalement par les soins d'Arago et de Biot : ce sont le
mémoire sur la double réfraction, inséré au tome \ II des Mémoires
de l'Académie des sciences; le mémoire sur les modifications que la
réflexion imprime à la lumière polarisée, retrouvé en i83o dans les
papiers de Fourier, et publié à la fois dans les Mémoires de fAca-
démie et dans les Annales de chimie et de physique; le mémoire
sur la réflexion de la lumière et le mémoire sur la coloration des
fluides homogènes, publiés en i846 dans les mêmes recueils par
les soins de Biot , qui en avait emprunté les manuscrits à M. Léonor
Fresnel ^*-.
Ce sont là, à vrai dire, les plus importantes des œuvres de Fres-
nel, et quiconque les a sérieusement étudiées ne trouvera aucune
^'^ Le passage suivant de ia note que Biot lut à cette occasion devant IWcadémie des
sciences, dans la séance du 9 mars i8â6, fait connaitre suffisamment Thistoire de ces
manuscrite et en général de tous ceux qui sont aujourd'hui publiés pour la première fois :
"Fnisuel, dit Biot, était un inventeur infatigable. Dans la voie qu'il s'était ouverte, un
mémoire terminé devenait pour lui Tinstruroent indispensable de nouvelles recherches et
de travaux ultérieurs. Il est naturel qu'il sentit le besoin de s'en consener longtemps la
possession , se bornant à prendre date par des extraits publiés. Lorsque la mort vint le saisir
dans sa trop courte carrière, son frère, alors absorbé dans le service des phares, auquel il
venait d'être attaché , conBa tous ses papiers scientifiques, et jusqu'à ses moindres Dotes,
à Savar>', leur ami commun , qui cons«^rva ce précieux dépôt avec toute la fidélité de Taffec-
lion. Après le décès de Savary, ils furent recueillis encore , avec des soins non moins scru-
puleux, et remis aux mains de M. Léonor Fresuel, désormais fixé dans la capitale. Cest
ainsi qu'ils se sont conservés complets , intacts , sans que la science ait rien à en regretter.?»
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 315
nouveauté essentielle dans les nombreux écrits qui paraissent ici
pour la première fois. C'est au contraire dans ces pièces inédites
seulement qu'on rencontre l'indication exacte du développement
progressif des conceptions théoriques et des découvertes expérimen-
tales «qui forment aujourd'hui les bases fondamentales de l'opti-
que^^^. » Elles rectifient en bien des points les opinions qu'on s'était
fbrmées sur la marche des travaux de Fresnel; elles éclaircissent
tout ce qui a rapport à l'influence directe et indirecte des travaux
de Young et à la collaboration d'Arago; quelquefois même elles
modifient la signification qu'on doit attacher à certaines recherches
théoriques et en font mieux comprendre la véritable portée et le
degré de certitude ^'^K Aussi croit-on ne pas faire une chose inutile
en essayant de raconter, d'après ces précieux documents, l'histoire
d'un des progrès les plus mémorables que la philosophie naturelle
ait accomplis.
H.
On établit facilement dans l'œuvre scientifique de Fresnel trois
divisions principales , liées ensemble par une évidente dépendance
logique, et correspondant assez exactement à l'ordre chronologique
de ses divers travaux.
Dans une première série de recherches , Fresnel suppose simplement
que la lumière est produite par des vibrations périodiques de durée
très-courte, se propageant avec une vitesse immense qui varie d'un
milieu à l'autre, et capables d'interférer, c'est-à-dire déconiposables
d'une infinité de manières en demi-vibrations exactement contraires
Tune à l'autre : sans rien spécifier sur la forme et l'orientation de
ces vibrations, il épuise la suite des conséquences qui peuvent se
déduire de ce postulatum fondamental, et c'est ainsi qu'il rend
compte des lois de la difl*raction et de la formation des ombres , de
celles de la réflexion et de la réfraction, les ramenant toutes à dé-
^') Voyez la leUre de M. de Senarmont insérée dans rAverlissomenl.
^ Voyez en particulier ce qui est dit ci-après à Tarticle X de la lliéorif* de la double
réfraction.
316 INTRODUCTION
pendre du fécond principe des interférences. Ses raisonnements, en
apparence restreints aux milieux uniréfringents , ont, pour qui sait
les comprendre, une portée plus générale et sont applicables, sauf
d'évidentes modifications dans les calculs, aux milieux oii la vitesse
de propagation n'est pas la même en tous sens, pourvu que la loi
de cette vitesse soit connue. Ils ne sont pas moins indépendants
d'une hypothèse sur la nature des vibrations lumineuses, dont
Fresnel adopte le langage dans ses premiers écrits; comme tous ses
devanciers et tous ses contemporains ^^^ il admet qu'il n'y a dans ces
milieux élastiques d'autres vibrations que des vibrations normales à
la surface des ondes , accompagnées de dilatations et de condensa-
tions alternatives ; mais le fond de sa théorie est si peu lié avec cette
manière de s'exprimer, qu'il n'a pas eu dans la suite un seul détail
à y changer, lorsqu'il les a reproduits dans l'article Lumière du Sup-
plément A la Chimie de Thomson, après avoir reconnu la différence
essentielle qui existe entre les vibrations du son et celles de la lu-
mière.
L'établissement de cette différence, la démonstration du prin-
cipe des vibrations transversales, l'étude des phénomènes qu'il suffit
à expliquer, [forment la deuxième partie de ses recherches.] Les
conditions de l'interférence des rayons polarisés sont d'abord déter-
minées par des expériences aussi variées que rigoureuses; de ces
conditions Fresnel déduit que, dans la lumière polarisée, les vibra-
tions sont parallèles à la surface des ondes > rectilignes et parallèles
ou perpendiculaires au plan de polarisation. Comme toute espèce de
lumière peut être obtenue par la combinaison de lumières pola-
risées dans divers plans, la généralité du principe des vibrations
transversales est complète, et. par une conséquence facile à
apercevoir, tous les phénomènes qui dépendent du partage de la
lumière entre les rayons réfléchis et les rayons réfractés et entre
deux ravons réfractés différemment, et de la réunion ultérieure
de ces rayons, sont ramenés aux lois mécaniques de la décom-
position et de la composition des mouvements. La simplicité de
cette théorie nouvelle contraste étrangement avec la complexité
(') On verra plus loin jusqu'à quel point il y aurait lieu d'excepter Young deoeUe asser-
tion générale.
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 317
des hypothèses où les partisans du système de l'émission avaient
à peine trouvé un semblant d'explication des phénomènes; la
confirmation expérimentale de l'infinie variété de ses conséquences
est une seconde démonstration du principe de la transversalité des
vibrations.
. Enfin , après avoir ainsi défini la nature des vibrations lumi-
neuses, Fresnel cherche à pénétrer le secret de leur origine, et tente
de découvrir comment est constitué le milieu qui les propage . non-
seulement en lui-même, mais en tant qu'il est modifié parles corps
pondérables à l'intérieur desquels il est engagé. Les mémoires sur
la double réfraction , dont la série complète paraît ici pour la pre-
mière fois, sont l'œuvre principale de cette nouvelle tendance; mais
on y doit aussi rattacher les dernières recherches sur la loi des mo-
difications que la réflexion (ou la réfraction) imprime à la lumière
polarisée, les travaux relatifs à la double réfraction particulière du
cristal de roche et de certains fluides homogènes, l'explication de
l'influence du mouvement de la terre sur les phénomènes d'optique,
et enfin quelques indications sommaires sur la théorie de la disper-
sion et de l'absorption , jetées comme en passant dans plusieurs de
ces mémoires ^'l
On étudiera séparément ces trois groupes de recherches, en fai-
sant précéder chaque étude d'une esquisse rapide des progrès que
la science avait pu accomplir avant Fresnel.
^*) Ces divisions correspondent à peu près, mais non tout à fait exactement, à la pre-
mière, ]a seconde et la quatrième section de celte (édition. Pour Ta commodité du lecteur,
on a placé dans la deuxième section tous les mémoires relatifs à la polarisation chroma-
tique et à la réflexion de la lumière, soit que Fresnel y développe simplement les consé-
quences du principe des vibrations transversales, soit qu'il essaye d'y remonter jusqu'aux
causes mécaniques des phénomènes. L'article Lumière du Supplément à la Chimie de
Thomton, qui est comme un résumé dos doux premières sections, joint à quelques pièces
de controverse, a formé une troisième section; dans une cinquième et dernière section
on a réuni des écrits d'importance très-inégale, où Fresnel a traité des sujets qui ne pa-
raissent l'avoir occupé que d'une manière incidente.
318 fiNTRODUCTION
III.
Les devanciers de Fresnel n'ont guère dépasse ce premier poinl
de vue, où l'on considère la lumière comme un système d'ondes à
vibrations indéterminées, ou plutôt ils ont admis comme évident que
ces ondes ne différaient des ondes sonores que par la période des
vibrations et la vitesse de propagation. L'idée même d'ondulations
et de vibrations périodiques ne s'est formée que par degrés. Le fon-
dateur de la théorie, Huygens^^^ n'a jamais ^gard dans ses rai-
^'^ Ni Huygens, ni aucun des auteurs qui, au x?ii* siècle, ont considéré la lumière
comme un mouvement, ne présentent cette idée comme une invention personnelle; ils la
traitent comme une de ces hypothèses courantes qui n'appartiennent à personne, mais que
chacun est tenu de discuter. 11 serait bien difficile d'ailleurs d'assigner le moment où celte
hypothèse a été énoncée pour la première fois : on la trouve, à ce qu'il paraît, dans les
manuscrits de Léonard de Vinci (voyez Libri, Histoire de* mathématique* en Italie, t. III,
p. A3 en note), et il est à croire qu'elle est beaucoup plus ancienne; si, dès l'origine de
la philosophie grecque , le feu a été considéré tantôt comme une matière, tantôt comme
un mouvement, ces deux expUcations ne pouvaient manquer d'être étendues jusqu'à la
lumière, qui est un des effets sensibles du feu. Mais le véritable fondateur delà théorie des
ondes n'est pas l'alchimiste ou le scolastiquc chez qui l'on parviendra à en découvrir le
premier aperçu plus ou moins explicite; ce titre devra toujours appartenir à celui qui, le
premier, a su tirer un corps de doctrine scientifique de ce qui n'était avant lui qu'une
vague hypothèse, cl personne, à notre avis, ne pourra le disputer à Huygens.
Descartes, qu'on a l'habitude de citer comme le premier inventeur avant Huygens,
ne considère pas la lumière comme un mouvement propagé par ondes successives, mais
comme une pression transmise inêtantanément par l'intermédiaire du second. élément; il
ne peut d'ailleurs de cette étrange notion déduire l'explication d'aucun phénomène : il ne
sait que comparer la réflexion et la réfraction à la réflexion d'une bille qui rencontre an
plan solide et à la déviation d'un projectile qui, traversant une surface résistante, comme
celle d'une toile bien tendue, conserve la même vitesse de propagation parallèlement
à cette surface, tandis que la composante normale de la vitesse est modifiée. 11 est difficile
de concevoir comment Ëuler a pu trouver dans cette vaine doctrine une première esquisse
de la théorie des ondes, et comment l'assertion d'Euler a pu être répétée par tout le
monde; Huygens, qui probabionicnt avait lu Descartes avec plus d'attention que ses
successeurs, présente lui-même son propre système comme entièrement opposé au système
rart«*sion. (Voyez le Traité de la Lumière, ch. i".)
Young et Arago ont souvent cité llooke à côté de Huygens, comme un des fondateurs
de la théorie des ondes, et lui ont même attribué la découverte du principe des interfé-
rences. Il est bien vrai que Hooke définit la lumière comme Run mouvement rapide de
vibrations de très>petile amplitude,*^ a motemeiU quick, eibratile, of extrême tkorime$9.
( Microffraphia , p. 55.) xMais ce mouvement aurait, suivant lui, i'inronce\'able pct>-
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL 319
sonnements qu'à Tonde produite par une impulsion unique des
molécules du centre lumineux; il la conçoit bien précédée et suivie
d*ondes pareilles se propageant avec la même vitesse et douées des
mêmes propriétés; mais comme il ne suppose pas qu'il y ait aucune
relation générale entre les mouvements de ces ondes successives^*^, il
n'en combine jamais les effets , et en particulier la notion de l'inter-
férence constante de deux ondulations qui apporteraient sans cesse
en un même point des mouvements opposés l'un à l'autre lui est
absolument étrangère. De là une grande lacune dans sa théorie.
Lorsque, considérant deux positions successives d'une même onde,
il cherche à faire voir que la deuxième onde résulte de la combi-
naison de toutes les ondes élémentaires qui ont pour centres les divers
points de la première , il n'a pas de peine à établir que ces ondes
élémentaires ont une enveloppe commune, qui est l'onde dont il
s'agit, et qu'au delà de cette enveloppe il ne saurait y avoir de mou-
vement; mais il ne prouve pas d'une manière suffisante qu'à l'inté-
rieur de cette enveloppe le mouvement soit insensible. Le lecteur
admet volontiers que les ondes élémentaires doivent être constituées
de manière que cette condition soit satisfaite, parce qu'il est Impos-
priëtéde se propager instantanément à toute distance et ne différerait guère par consé-
quent de la pression de Descartes. Hooko revient sans cesse sur cette notion d^une propa-
gation instantanée; il essaye môme, dans ses Lecture» on Light (page 76 dos œuvres
posthumes), de réfuter, par des objections aussi vagues que peu concluantes, les consé-
quences que Rœiner a tirées de l'observation des satellites de Jupiter. Il est bien évident
que ridée d^une propagation instantanée est incompatible avec celle des interférences; et
en effet, si on lit avec attention l'explication des anneaux colorés, où Ton a voulu trouver
le germe de la graude découverte de Young (Micrographîa , p. 64), on n'y reconnaît que
le développement d'une théorie dos couleurs assez analogue i^ celle que plus tard Gœthe a
vainement tenté de substituer à la théorie de Newton.
Le seul auteur qu'on puisse raisonnablement mentionner comme im devancier d'Huy-
gens est le jésuite Pardies, connu dans l'histoire de la philosophie par son DUcoun de la
amtudssance dei bélei, où il réfute l'opinion cartésienne. Le P. Pardies n'a rien publié lui-
même sur la théorie de la lumière; mais Huygens a vu ses manuscrits, et le jugement
qu^il en porte dans son Traité de la lumière (p. 18) autorise à penser que les idées du
P. Pardies ont été exactement reproduites par le P. Ângo, dans son Optique, imprimée en
1689. Dans cet ouvrage, comme dans le Traite de la Lumière, il n'est jamais question
que d^ondes indépendantes, et les difficultés résultant de cette manière d'envisager les
choses, que Huygens n'a pas su résoudre entièrement, ne paraissent pas même être soup-
çonnées.
^'^ Il dit même précisément le contraire à la page 1 5 du Traité de la Lumière»
320 INTRODUCTION
sible que deux modes de raisonnement également légitimes condui-
sent à des conséquences contradictoires; mais cette justification
indirecte lui fait défaut lorsque Huygens traite de la même manière
la réflexion et la réfraction, prenant, sans autre démonstration,
pour surface de l'onde réfléchie ou réfractée l'enveloppe des ondes
élémentaires qui ont pour centres les divers points de la surface
réfléchissante ou réfringente^*^. La formation des ombres n'est pas
expliquée d'une manière plus satisfaisante. Néanmoins, malgré toutes
ces difficultés non résolues, en substituant une onde au point lumi-
neux qui en est le centre et décomposant cette onde elle-même en
une infinité d'éléments dont chacun agit à son tour comme un point
lumineux, Huygens a donné à ses successeurs la méthode féconde
(|ui devait les conduire aux plus importantes découvertes, lorsque la
notion de la périodicité des vibrations lumineuses leur serait devenue
familière.
C'est comme une conséquence nécessaire des découvertes de
Newton que cette idée s'est introduite dans la science ^'^^ La démons-
tration de l'hétérogénéité de l'agent lumineux conduisait en eflfet à
distinguer divers modes d'ondulation caractéristiques des diverses
couleurs, et le phénomène des anneaux colorés impliquait si évi-
demment le retour périodique de quelques affections des rayons lu-
mineux, que Newton lui-même a du admettre quelque chose de
semblable ^^L Le premier qui, moins sensible à l'autorité de Newton
('^ Huygens se contente de dire que ie mouvement qui peut exister sur chacune des
ondes éii^mentaires ne peut être qu'infiniment faible par rapport à celui qui existe sur
l'onde enveloppe <^à la composition de laquelle toutes les autres contribuent par la partie
de leur surface qui est la plus éloignée du centre.?) ( Traité de la Lumière, p. 18.) A Tins-
peclion do la 6gure jointe à ce passage et des Ggures relatives à la réflexion et à la réfrac-
lion y Tassertion peut sembler évidente ; mais en réalité ces figures ne représentent que la
combinaison d'ondes ciixulaires situées dans un même plan, et si à ces ondes circulaires
on substitue par la pensée les ondes fphériquet par lesquelles la lumière est propagée, on
voit, en approfondissant le sujet, qu'à une distance finie de l'onde enveloppe l'intensité
des mouvements est moindre que sur l'enveloppe, mais non pas infiniment moindre. Les
expériences sur la combinaison des ondes liquides décrites dans la Wellenlehre des frères
VVeber, qu'on a quelquefois citées à l'appui du raisonnement incomplet de Huygens, se
rapportent à des ondes qu'on peut regarder comme circulaires, car elles n'ébranlent le
liquide que jusqu'à une bien petite profondeur.
('^ On en trouverait cependant quelques traces dans V Optique d'Ango , mais sans
aucune des conséquences qu'on en a déduites plus tard.
(^) On sait même que Newton avait cherché à rendre compte du phénomène par dts»
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 321
qu'aux dilllcultés de son système, oserait revenir à la théorie des
ondulations, ne pouvait manquer de considérer les ondes lumineuses
comme se succédant périodiquement à des intervalles réguliers, dé-
pendant de la couleur, ou, ce qui revient au même, de la réfrangi-
bilité de la lumière. Euler l'a fait, et, bien qu'il ait considéré la
durée des vibrations tantôt comme croissant et décroissant avec la
réfrangibilité , tantôt comme variable en sens inverse ^^^, bien qu'il
ait donné de la plupart des phénomènes connus de son temps les
explications les plus inexactes ^^K il ne mérite pas moins de conserver
dans l'histoire de l'optique une place éminente pour avoir dit d'une
manière expresse que les ondulations lumineuses sont périodiques
comme les vibrations sonores, et que la cause des différences de co-
loration est au fond la même que la cause des différences de tonalité.
IV.
Toutes les vibrations sonores qui résultent du libre jeu des forces
élastiques d'un corps primitivement ébranlé sont décomposables
d'une infinité de manières en deux demi-vibrations exactement con-
traires l'une à l'autre , do sorte qu'à deux époques séparées par une
vibratioDA propagées dans un milieu spécial appelé élher, qui contrariaient ou favorisaient
la réflexion des molécules lumineuses sur la deuxième surface de la lame mince, suivant
qu^elies tendaient à les pousser vers celte surface ou à les en écarler. (Voyez V Optique de
Newton, livre II, 3* partie, proposition xii, et les questions xvii, xxi et xxix à la suite de
VOptiq^ie,)
(*) La première opinion est adoptée par Euler en suite d'une théorie tout à fait inexacte
delà dispersion, dans la Nova theoria lucis et colorum imprimée à Bcriin en 1766; la
iiteconde se trouve dans la Nouvelle explication physique de» couleurs engendrées par des
surfaces extrêmement minces (Mémoires de V Académie de Brrlin pour 1759); mais elle
n^est appuyée que sur une explication très-imparfaite des anneaux colorés.
(*) On sait, par exemple, qu'Ëuler expliquait la coloration des corps par des vibrations
de leur matière qui seraient entretenues par Texcitalion continuelle des vibrations lumi-
oeiues incidentes. Une autre erreur, qui n'est guère moins surprenante, est d'avoir sup-
poeé qu'un rayon de lumière consistait en des impulsions périodiques extrêmement
courtes, séparées par des intervalles de repos relativement très-longs. C'était suivant lui le
seul moyen de concevoir comment une infmité de rayons de directions différentes peuvent
traverser, sans se troubler, un trou de petit diamètre. Huygens avait cependant donné du
phénomène l'explication mécanique la plus clairo et la plus exacte. (Voyez le Traité de la
lumière, page 16.)
Verdet, I. - Mémoires. -ji
Z±2 IMHODLCTION
demi -vibration, et plus généralement par un nombre impair de
demi-vibrations, les vitesses des molécules sont égales et opposées.
Si deux vibrations de ce genre, parties d'une même origine, vien-
nent, après avoir parcouru des chemins inégaux, se réunir en un
même point sous des directions sensiblement parallèles, elles de-
vront se renforcer ou s'affaiblir réciproquement, suivant que la
différence de leurs durées de propagation à partir de l'origine sera
d'un nombre pair ou impair de demi-vibrations; et si la différence
des chemins parcourus n'est qu'une petite fraction de ces chemins
eux-mêmes, l'intensité des deux vibrations étant à peu près égale,
il y aura repos presque absolu au point oii elles seront en discor-
dance complète. Si les vibrations lumineuses sont constituées d'une
manière analogue , il sera possible, en ajoutant de la lumière à de la
lumière dans des conditions convenables, de produire de l'obscurité.
Telle est la substance des raisonnements qui ont conduit Thomas
Young a l'expérience mémorable par laquelle le système de l'émis-
sion a été définitivement réfuté, et l'existence des ondes lumineuses
rendue, pour ainsi dire, aussi palpable que celle des ondes sonores^' .
Sur deux trous étroits et voisins, percés dans un écran opaque,
Young a fait arriver le faisceau des rayons solaires transmis par un
autre trou étroit pratiqué dans le volet de la chambre obscure; les
deux cônes lumineux qui se sont propagés au delà de l'écran opaque
ont été dilatés par la diffraction, de manière à empiéter l'un sur
l'autre, et dans la partie commune il s'est produit, au lieu d'un
(') C'est le phénomène des battements qui parait avoir suggéré à Young la première
idée de rinlerférence des vibrations. Les ondulations d'où résultent les battements ne sont
ni de même origine ni de même période: mais si les périodes sont peu différentes, ces
vibrations se trouvent alternativement dans les conditions favorables à leur renforcemeot
et à leur affaiblissement réciproques , et ces effets contraires sont sensibles à Toreille.
Un principe de Newton a été souvent mentionné par Young comme renfermant nne
première application du principe des interférences : c'est l'explication de certaines roané«8
anormales, observées par Haliey dans la mer de Chine, qui se trouve au troisième lirre
des Principet (prop. xxiv). Suivant Newton, les ondes de la marée océanique pénétre-
raient dans cette mer par les deux détroits situés au nord et au sud de l'archipel des Phi-
lippines, et, dans les ports où ces deux ondes arriveraient avec un retard de six heures
l'une sur l'autre, elles se détruiraient réciproquement, au moins lorsque, la lune étant
dans le plan de l'éqnatpur, il y a égalité outre tes deux marées consécutives d'un même
jour.
AUX ŒUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 323
accroissement général de l'intensité lumineuse, une série de bandes
alternativement obscures et brillantes, occupant exactement les po-
sitions 011, d'après la théorie, les mouvements vibratoires devaient
réciproquement se renforcer et s'afFaiblir. Les bandes ont disparu
lorsqu'on a fermé l'un des deux trous. Elles ont disparu également
lorsqu'au faisceau unique originaire d'un Irou étroit on a substitué
la lumière solaire directe ou celle d'une flamme artificielle : il est
facile de comprendre cet effet, vu que dans ce cas les conditions de
maximum et de minimum d'intensité lumineuse ne sont pas satis-
faites aux mêmes points par les divers groupes de rayons qu'on peut
concevoir émanés des divers points de la source^''.
Rien de plus varié que la série des conséquences que Young a
su déduire de sa découverte. Elle lui a d'abord expliqué, jusque
dans leurs plus minutieux détails, ces couleurs des lames minces
dont Newton avait déterminé les lois avec tant de soin et d'exacti-
tude : les rayons réfléchis aux deux surfaces de la lame parviennent
évidemment à l'œil en des temps Inégaux, puisque les uns tra-
versent deux fois la lame et que les autres n'y pénètrent pas. Sui-
vant les valeurs diverses de cette inégalité des durées de propaga-
tion, c'est-à-dire suivant l'épaisseur et la nature delà lame, suivant
l'inclinaison de la lumière incidente, ces deux groupes de rayons
doivent alternativement se renforcer et s'afi'aiblir; et comme les con-
ditions de ces effets opposés, liées avec la durée des vibrations, ne
sont pas les mêmes pour tous les éléments de la lumière blanche,
l'inégale modification d'intensité de ces divers éléments en un point
donné de la lame a pour conséquence l'apparition des couleurs; et
si, pour rendre un compte tout à fait exact des particularités du phé-
^'^ Grimaidi, à qui Ton a souvent attribué la première observation des interférences,
recevait la lumière solaire directe sur deux trous très-étroits, percés dans le volet même
de sa chambre obscure. Les deux cônes transmis étaient légèrement colorés sur leurs bords
par la diffraction , et, lorsque ces bords venaient à empiéter Tun sur Tautre, il en résultait
des effets qui ont paru indiquer à Grimaldi que, dans certains cas, la lumière en s\')joutant
à de la lumière produisait de Tobscurité. Lumen aliqttando per sui communicationem reddit
whseunorem Muperficiem corporis alicundo ac p^us illustratam. (Physico-matheni* de lumine^
prop. XXII.) Mais il n'a rien décrit et n'a rien pu observer de semblable aux bandes alternées
que Yoang a obtenues un siècle et demi plus tard et qu'obtiennent sans didicullé tous ceux
qui répèlent son expérience. (Voyez la traducHon de la xxiii" proposition de Grimaldi dans
ip9 Aunalei dp ehtmie et dp phijuiqne, *>.' série, f. \ , p. 3ofi.)
•j I
3â6 ïiNTRObLîCTION
nomèiie, il faut aduieltre une nouvelle propriélé de la réflexion , l'ex-
périence directe confirme l'existence de cette propriété. Les couleurs
semblables à celles des lames minces, que Newton a obtenues avec
des plaques épaisses, et qui lui ont semblé un corollaire de la
théorie des accès, s'expliquent par les mêmes principes. Tandis que
Newton était obligé de supposer, ce qui est contraire à l'expérience,
que la deuxième surface de ces plaques possédait, à un degré très-
sensible, la faculté de diffuser la lumière en tous sens, la théorie
nouvelle attribue cette propriété à la première surface rencontrée par
les rayons lumineux, et l'expérience confirme encore cette conclu-
sion. Les phénomènes de diffipaction, ces franges intérieures et exté-
rieures à l'ombre des corps opaques , qui se montrent toutes les fois
qu'on réduit suffisamment le diamètre de la source lumineuse, et
qui, dans les conditions les plus habituelles des expériences, se
cachent dans la confusion de la pénombre, résultent aussi de mou-
vements vibratoires qui, venant de divers côtés, et en suivant des
chemins inégaux, concourir en un même point, tantôt se renforcent,
tantôt s'affaiblissent. Un grand nombre de phénomènes naturels
doivent être rapportés aux mêmes principes, entre autres les arcs
colorés qui s'observent souvent au delà du violet de l'arc-en-ciel
ordinaire, et dont les théories de Descartes et de Newton sont inca-
pables do rendre compte: les couronnes qui, dans une atmosphère
chargée de gouttelettes d'eau en suspension , apparaissent autour
du soleil et de la lune: l'irisation superficielle des minéraux, le re-
flet chatoyant des plumes des oiseaux et. en particulier, de toute
surface présentant de fines inégalités régulièrement espacées. Par-
tout où l'on peut distinguer deux groupes de rayons dont les durées
de propagation sont inégales, soit parce qu'ils ont pénétré à de>
hauteurs inégales dans la goutte de pluie productrice de l'arc-en-
ciel, soit parce que les uns ont cheminé dans l'air, les autres dans
des gouttelettes aqueuses, soit parce que les uns se sont réfléchis
sur le sommet . les autres sur le point le plus bas des stries d'une sur-
face, partout l'observateur reconnaît les alternatives de lumière et
d'obscurité et les colorations variables caractéristiques de l'interfé-
rence. Enfin ces divers phénomènes déterminent les éléments numé-
liques fondamentaux des vibrations lumineuses, et substituent des
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 3^25
données précises aux vaines conjectures d'Euler. Us s'accordent tous
à démontrer que les ondulations les plus réfrangibles sont aussi les
plus rapides; d'ailleurs, même dans les ondulations les plus lentes»
cette rapidité est de nature à confondre l'imagination : en une se-
conde il ne s'accomplit pas moins de quatre à cinq cenls trillions de
vibrations sur un rayon de lumière rouge, et de sept à huit cents
trillions sur un rayon de lumière violette.
L'admiration qu'inspireront toujours les écrits où sont exposées
ces immortelles découvertes ^'^ n'en doit pas dissimuler les imperfec-
tions et les lacunes. Comme il arrive souvent aux génies qui se sont
formés eux-mêmes sans recevoir et sans se donner la forte discipline
d'une étude régulière de la tradition scientifique ^'^\ Young n'a ja-
(*) Ce soiil lus trois roéiiioires lus à la Sociélé ix)valo de Londres le l 'j novembre 1 801,
le 1" juillet 1802 et le ait novembre i8o3, qui ont respectivement pour titres : On the
tkeory qf Li^ht and Colours ; — An account of some cases oj the production of Colours not
hUkerto described; — Experimmls and Calculalions relative tophysical Optics, Le mémoire
plus anden , qui a pour titre : Experiments and Inquiries respecting Sound and Light , ne
contient guère qu^un examen comparatif des mérites du système de rémission et du sys-
tème des ondulations, où il n'y a rieu de très-nouveau. Seulement un passante sur Tanalogie
qai existe entre les lois des anneaux colorés et celles des tuyaux fermés, rapproché de
Texplication qui est donnée de ces dernières lois, montre que Young était déjà en posses-
sion du principe des interférences et quMI en connaissait toute la portée. Les Lectures on
naiural Philosophy, publiées en 1807, résument d'une manière systématique les idées de
Young sur la nature de la lumière, sans beaucoup ajouter à ce qu'on trouve dans les mé-
moires déjà cités. Depuis cette époque jusqu'au moment où les travaux de Fresnel sont
vraus réveiller l'activité de Young, il a peu écrit et n'a rien publié sous son nom sur des
matières scientifiques; il s'est contenté de défendre ses anciennes idées et d^y ajouter un
petit nombre de développements nouveaux (dont il sera question plus loin), dans quel-
ques articles anonymes de la Quarterly Beview, où il faisait la critique des travaux ins-
pirés aux savants contemporains par le système de l'omission.
(*) Dès son enfance, Young avait montré les facultés les plus rares et surtout une sou-
plesse d'esprit qui lui permettait de les appliquer, au même moment et avec un égal
succès, aux études les plus diverses. A treize ans, au sortir d'une école privée où on lui
avait enseigné les langues anciennes et les premiers éléments des mathématiques, seul et
sans maître, dans la maison paternelle, il tentait d^apprendre à la fois l'hébreu, la bota-
nique et l'optique; à seize ans il étudiait en même temps Hésiode et Aristophane, Simp-
son et Nevirton, Linné et Boërliave, Lavoisier el Black, et lorsqu^à l'entrée de la jeunesse
il sortait du cercle étroit où l'avaient d'abord confiné les opinions religieuses de sa fa-
mille t'\ il attirait tout de suite sur lui l'attention des esprits les plus éminents et des plus
grands personnages de l'Angleterre. Porson l'admettait à discuter avec lui les points con-
troversés d'archéologie et de philologie grecques; le duc de Richmond lui pro|>osait d'en-
^** Il était qnakor de naissaiirc.
326 INTRODUCTION
mais bien compris la différence qu'il y a entre un aperçu et une vé-
ritable démonstration, ainsi que Laplaee le lui reprochait dans une
lettre que l'éditeur des œuvres de Young a publiée (t. 1**, p. 3 7 4).
Il ne faut pas entendre par là seulement que Young a ignoré ou
négligé Tart de présenter ses découvertes sous cette forme classique
qui les aurait fait accueillir plus promptement par les interprèles
autorisés de la science contemporaine; il faut reconnaître que, dans
bien des cas, il a passé à côté de difficultés déjà signalées, sans pa-
raître les apercevoir, et que, d'autres fois, il s'est contenté d'expli-
quer en gros les phénomènes sans instituer entre l'expérience et la
théorie cette comparaison minutieuse qui garantit seule la posses-
sion de la vérité ^^K Ainsi il n'a fait faire aucun progrès à la théorie
de la réflexion et de la réfraction, acceptant comme entièrement
satisfaisant tout ce que Huygens en avait dit^^^ Il n'a pas peut-être
trer dans la carrière politique ea devenant son secrétaire; Burke et Windham lui conseil-
laient le barreau et lui offraient leur direction pour Tétude des lois. Mais personne ne
paraissait soupçonner que les sciences physico-mathématiques, la philosophie naturelle,
comme on disait alors, fussent la vocation propre de ce brillant et universel génie, et lui-
même ri|;norait probablement. Des considérations de famille, le désir de s'assurer ta
bienveillance d'un oncle riche lui firent embrasser la profession médicale; la nécessité
d'un apprentissage régulier le conduisit successivement à Londres, à Édimboui^, à Gœt-
lingue e( à Cambridge, et c'est durant son séjour à Gœttingue que sa pensée commença
à se fixer sur les objets qui ne devaient plus cesser de l'occuper. Pour le sujet de la thèse
qu'il était tenu de composer, il choisit la théorie de la voix humaine; l'étude de la pro-
duction et de la propagation du son le conduisit bientôt à la théorie générale des onde»
et à Toptique.
Bien des gens penseront que cette éducation tout individuelle et spontanée était la
meilleure que pût recevoir une pareille nature. Peut-être Young en jugeait-il autrement,
lorsqu'il prononçait cette parole mélancolique, conservée par la tradition de ses amis :
"Quand j'étais un enfant, je me croyais un homme; maintenant que je suis homme,
je vois que je ne suis qu'un enfant^' .->
^'^ H a dit lui-même qu'il mettait sa gloire et son plaisir à se passer autant que pos-
sible de l'expérience.
"• For my pari , it is my pride and pleasure, as far as 1 am able, to supersedc the neces-
sity of experiments.-j (Lettre à M. Gurney, citée par Pbacock, f^ifiof Young ^ p. 477.)
^-^ Dans ses Experimentx and Inquirie» regperting Sound and Ligkt, Young admet, à
peu près sans démonstration, comme avant lui le P. Pardies. que Tonde réfractée est le
lieu des points où le mouvement vibratoire arrive dans le même temps (S 10); dans le
mémoire On the theory nf Light and Colours. il adopte sans restriction la théorie de la
-\Mien I ua> a boy, I lliou};ii( iiiNselfa iiiaii ; now Ihat I am a iiian. I lind ni}$o|( a tM^y.*-
( IVarork . Life nj Younn , p. 117.)
AUX QKUVRKS D'AUGUSTIN FRESNEL. 327
été assez difficiie pour la démonstration expérimentale de son prin-
cipe fondamental : les deux rayons qu il faisait interférer lui étaient
fournis par un phénomène aussi mystérieux pour lui que pour ses
prédécesseurs, rinjlexton de la lumière dans l'ombre des corps
opaques, et les partisans de l'ancien système pouvaient soutenir,
avec quelque apparence de raison , que les interférences n'étaient
qu'une particularité spéciale aux phénomènes de diffraction^*^. Ce
qu'il a dit de la diffraction est à peu près entièrement inexact. Sui-
vant lui ce phénomène résulterait, dans certains cas, de l'interfé-
rence des rayons directs avec les rayons réfléchis sur les bords des
corps, et, dans d'autres, de l'interférence des rayons infléchis de
côtés opposés par une atmosphère condensée au voisinage de ces
bords. Fresnel a montré depuis que les circonstances les plus propres
a modifier la proportion de la lumière réfléchie sur les bords, et
l'état de l'atmosphère condensée dans leur voisinage, n'exerçaient
pas la moindre influence sur les phénomènes de diffraction.
V.
Si, en tenant compte de ces remarques critiques, on rapproche
l'œuvre de Young de celles de Huygens et d'Euler, on reconnaîtra
qu'au commencement de ce siècle trois points fondamentaux étaient
acquis à la science : la notion de la périodicité des vibrations lumi-
neuses, le principe des interférences, et la méthode de raisonne-
ment oii l'on considère, à l'exemple de Huygens, chaque élément
d'une onde comme un centre lumineux particulier. Mais on recon-
propagation rectiligne donnée par Huygens, qui est au l'ond la même que la ihéorie de
la réflexion et de la réfraction.
^'^ L'obscurité, le manque de rigueur et tous les défauts de forme qu'il est si facile de
relever dans les écrits de Young ne leur ont pas seulement attiré le jugement défavorable
de Laplace et de Poisson, elles ont été l'occasion d'attaques insultantes que la Revue d'E-
dimbourg a publiées à diverses reprises, et qui par leur succès immérité ont découragé
Yoaog et l'ont éloigné de la science pour plusieurs années. L'illustration que s'est acquise
au barreau et en politique l'auteur de ces attaques (M. Henri Brougham, depuis lord
Brougham) leur a conservé une sorte de célébrité; pour les réduire à leur juste valeiu%
il suffira dédire rpic l'auteur, ne pouvant s'expliquer l'expérience fondamentale des in-
terférences, prend le parti de In nier, sans songer lui moment à la répéter lui-même.
328 INTRODUCTION
naîtra aussi qu'il existait de {jraves diilicultés dans presque toutes
les applications qu'on avait faites de ces principes, et que les géo-
mètres illustres, dont Topinion gouvernait alors le monde scienti-
fique, ne manquaient pas de bonnes raisons pour justifier leur
opposition persistante à la nouvelle doctrine. Personne ne soupçon-
nait qu'une combinaison du principe des interférences avec le prin-
cipe de Huygens donnerait la solution de la plupart de ces diffi-
cultés.
Cette découverte était réservée à un jeune ingénieur des ponts et
chaussées, qui, peu d'années après sa sortie de l'Ecole polylech-
nique, dans les circonstances les moins favorables à l'étude, fut
amené, par ses réflexions sur les propriétés de la lumière, à sentir
l'insuffisance du système newtonien. Adgistin-Jean Fres.xel (né à
Broglie, département de l'Eure, le lo mai 1788), malgré une
santé délicate qui l'avait d'abord retardé dans ses études, était
entré à l'Ecole polytechnique à l'âge de seize ans. Admis, à sa sortie
de l'Ecole, dans le corps des ponts et chaussées, il avait passé près
de trois années à l'Ecole d'application, et. devenu ingénieur, avait
d'abord été attaché aux travaux des routes que le gouvernement im-
périal faisait construire autour de Napoléon-Vendée, puis, vers la
fin de Tannée 1819. chaîné de prolonger au delà de Nyons ^^' la
route qui, en rejoignant par la vallée d'Eygues le passage du mont
Genèvre, devait établir la communication la plus directe entre l'Es-
pagne et l'Italie. Dans l'isolement à peu près complet où il dut ainsi
passer plusieurs années, il chercha à se distraire, par des études
personnelles, des soucis et des dégoûts de la vie prati(|ue, auxquels
il resta toujours très-sensihle ^^'. Ce n'est pas du côté de l'optique
cpie se tournèrent d'abord ses pensées. Sous l'influence des souve-
nirs d'une éducation de famille où la religion avait tenu la première
*' Chef-lien d'arrondissoincnt du départemcnl de la Drôme.
^*' cCe genre de vie, quoique un peu pénible, écrivait-il quelques années plus lard à
Aragu, en lui raconlanl ses travaux d'ingénieur, me conviendrait assez si je ne fatiguais
que mon corps, et si je n'avais Tesprit tourmenté par les inquiétudes de la surveillance
et par la néa>ssité de gronder et de faire l«» méchanl." ( Lettre à Arago du i U décend»ne
181O, \" LVII.) — "Je ne trouve rien do si pénible que d'avoir à mener des hommes,
pI j'avoue qup je n'y rnlends ri»»n «lu loul.- ( Lellro ilii ao d«'reudn-o 1*^1 <î à M. I^imr
M»'niii»H^, si»n ouri»', N' M\.)
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL 329
place, il commença à méditer sur les questions philosophiques et
s'efforça de trouver une démonstration scientifique et rigoureuse de
la vérité de quelques-unes des croyances qui avaient été jadis pour
lui l'objet de la foi la plus ardente; mais il ne communiqua jamais
ses pensées qu'aux membres de sa famille et à ses plus intimes
amis. Quelques études d'hydraulique et de chimie industrielle l'oc-
cupèrent dans le même temps et le firent entrer en relations avec
plusieurs membres de l'Académie des sciences, notamment avec
Darcet, Thenardet Gay-Lussac. Enfin, probablement dans les pre-
miers mois de 1 8 1 4 , son attention fut attirée de nouveau sur les
difficultés que lui avait présentées, à l'Ecole polytechnique, la doc-
trine acceptée de la matérialité du calorique et de la lumière, et la
recherche d'une théorie plus satisfaisante devint bientôt le but de
ses efforts ^^K
m
H n'était point préparé à cette recherche par les études de l'Ecole
polytechnique. L'enseignement de la physique, confié depuis l'ori-
gine à l'ancien membre de la Commune de Paris, Hassenfratz, était
bien loin d'avoir dans cette grande Ecole l'importance que Petit lui
donna quelques années après ^^^ Fresnel n'avait pu y trouver aucune
notion tant soit peu exacte des travaux de ses devanciers sur la théo-
rie des ondes, et, dans l'isolement où il avait toujours vécu, il n'avait
pu suppléer à Tiraperfection de ses connaissances par la lecture
de bons traités généraux de physique, qui faisaient défaut à cette
époque ^^^. Cette situation, qui l'exposait îi se consumer en efforts
^'^ La première indication de la direction nouvelle des |)cnsées de Fresnel se Iroiivo
dans la lettre à Léonor Fresnel du iT) mai i8i/i. ^Jc voudrais bien,?) lui disait-il après
a?oir demandé Tenvoi d'un exemplaire de la Pliynique de Haûy, «avoir aussi des mé-
moires qui me missent au fait das découvertes des physiciens français sur la polarisation
de la lumière. J'ai vu da^s le Moniteur, il y a quelcpies mois, que Biol avait lu à rinstitiil
un mémoire fort intéressant sur la polarixation de la Unmht». J'ai beau ujo casser la tète,
je ne devine pas ce que c'est.» (Voyez N" LIX.)
Le mémoire de Riot est probablement le Mémoire sur une nouvelle application de la
théorie des osciUaiions de la lumière, qui a été lu à la première classe de l'Institut le 37 dé-
cembre j8i3. Celte date fixerait à peu près l'époque des premières réflexions do Fresnel
sur la lumière.
^'^ Voyez, sur Hassenfratz el son ouseignemeul , Vllittlniro de wa jeunexne , d'Ara|jo,
». r',p. 13.
^^^ Kn dehors dos aurions «Mivrajros des autours du wm' siôrli», «mi n'avail jfuèn» à
330 ^ INTRODUCTION
stériles sur des questions déjà résolues ou trop éloignées encore de
leur solution ^^\ aurait pu se prolonger longtemps si les événements
politiques de 181 5, en arrêtant pendant quelques mois la carrière
d'ingénieur de Fresnel, ne lui avaient donné des loisirs forcés, dont
l'emploi fut décisif pour son avenir scientifique. Suspendu de ses
fonctions d'ingénieur et mis en surveillance à Nyons, au début des
Gent-jours, pour s'être joint comme volontaire à la petite armée
qui, sous les ordres du duc d'Angoulême, avait tenté an moment
de résister dans le Midi à Napoléon revenu de l'île d'Elbe, il ne fut
réintégré dans le cadre des ponts et chaussées qu'au mois de juillet
par la seconde Restauration , et rappelé au service actif qu'à la fin
de 181 5. L'intervention bienveillante du préfet de police des Cent-
jours, M. le comte RéaK en obtenant pour lui l'autorisation de se
rendre de Nyons au village de Mathieu, près de Caen, où s'était
retirée sa mère, le ramena à Paris pour quelques jours et lui per-
mit de solliciter les conseils de quelques-uns des maîtres de la
science et particulièrement d'Arago. Ce qu'on connaît de ces con-
seils^'^^ n'est pas de nature à faire penser qu'ils aient été d'une grande
utilité directe pour le jeune physicien; mais l'accueil bienveillant
d'Arago lui fut sans doute un encouragement puissant à poursuivre
ses recherches.
C'est à l'étude de la diffraction qu'il consacra son séjour au vil-
lage de Mathieu. Comme Young, il avait promptement reconnu que
le phénomène des ombres, qui passait pour la difficulté la plus
tulle épo<jiie que le Traite fie physique de Haùy el celui de Libes, lous deux bien incom-
plels sur Toplique.
^'^ On ne peul guère jugpr d'une autre manière rexplicalion prélendue nouveli<t de
Paberraliun, el Tessai d'une ihéorie de la dilalalion des corps, dont il est question dans les
lettres à Léonor Fresnel en dale de 1 81 û. (Voyez le N" LfX.) LVxplicalion de rabemlioa
csl Tobjet principal d'un ëcrilélendu, que Fresnel appelait lui-même ses Rêveries, et qu'il
a plus tard condamné à un oubli d'où il paru inutile de le tirer. La correspondance qu^oo
\ienl de citer en donne suffisamment l'idée.
^*^ Voyez le billet d'Arago mentionne dans la note de M. de Senarmontsur la lettre de
Fresnel à Arago en dato du 33 septembre i8i5. (N° I de cette édition.) Aragose borne à
indiquer à Fresnel des écrits sur la diffraction qu'il lui était impossible de consuller bors
de Paris, cl dont la plupart, rédigi-s on langue anglaise, n'auraient pu lui élre utiles
qu'avec le concours d'un inl«Tpî-èl«' suffisiiiiuiieiil vorsé dans la science pour en coropreiidn'
le sens véritable.
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 331
grave du système des ondulations, offrait dans le phénomène acces-
soire de la diffraction des particularités inexplicables pour le sys-
tème de l'émission, et il avait compris l'importance d'une connais-
sance exacte de ces particularités. Il n'avait dans son isolement ni
micromètre pour mesurer la largeur des franges qu'il s'agissait d'ob-
server, ni héliostat pour donner aux rayons solaires une direction
constante; il se fit lui-même un micromètre avec des (ils et des
morceaux de carton; il atténua par l'emploi d'une lentille à court
foyer les inconvénients du mouvement apparent du soleil; le serru-
rier du village lui construisit quelques supports, et avec ces appa-
reils grossiers il sut, à force de soins et de patience, obtenir des
résultats suffisamment précis pour établir quelques-unes des lois les
plus remarquables des phénomènes. Deux mémoires étendus, pré-
sentés à l'Académie des sciences à quelques semaines d'intervalle ^^\
furent le fruit de ces premières recherches. Arago, qui fut chargé
de les examiner de concert avec Poinsot, obtint du directeur géné-
ral des ponts et chaussées, par l'entremise de Prony, que Fresnel
fût autorisé à venir passer quelques mois à Paris, au commence-
ment de 1816, pour répéter ses expériences dans de meilleures
conditions, et dans ce séjour Fresnel refondit ses deux premiers
écrits pour en composer le Mémoire sur la diffraction qui est inséré
au tome I" de la a* série des Annales de chimie et de physiqm ^'^K Ces
rédactions successives ne diffèrent en rien d'essentiel, mais les pre-
mières contiennent des développements, supprimés dans la dernière,
qui donnent une idée plus complète de la marche progressive des
recherches de l'auteur, surtout quand on les rapproche de quelques
lettres adressées à Arago dans les derniers mois de 181 5 ^^\
C'est, comme on l'a dit tout à l'heure, par l'étude des ombres
que Fresnel a commencé ses recherches; c'est par l'observation de
l'ombre d'un fil étroit qu'il a été conduit au principe des interfé-
rences.
«J'avais déjà collé plusieurs fois, dit-il dans son premier nié-
^'^ Ce sont les iiuniéros 11 cl IV do la pivisciil»- ôdiiioii.
t-> N- VIII de celle édition.
<^> \'"l, III .'tV de colle ôdilioii.
332 INTRODUCTION
moire '^, un petit carré de papier noir sur un côté du fil de fer
dont je me servais dans mes expériences, et j'avais toujours vu les
franges de l'intérieur de l'ombre disparaître du côté du papier,
mais je ne cherchais que son injluence sur les franges extérieures et je
me refusais en quelque sorte à la conséquence remarquable où me
conduisait ce phénomène. Elle m'a frappé dès que je me suis oc-
cupé des franges intérieures, et j'ai fait sur-le-champ cette réflexion :
puisque en interceptant la lumière d'un côté du fil on fait dispa-
raître les franges intérieures, le concours des rayons qui arrivent
des deux côtés est donc nécessaire à leur production.
tç Elles ne peuvent pas provenir du simple mélange de ces rayons,
puisque chaque côté du fil séparément ne jette dans l'ombre qu'une
lumière continue: c'est donc la rencontre, le croisement même de
ces rayons qui produit les franges. Cette conséquence, qui n'est
pour ainsi dire que la traduction du phénomène, est tout à fait op-
posée à l'hypothèse de Newton et confirme la théorie des vibrations.
On conçoit aisément que les vibrations de deux rayons qui se croisent sous
un très-petit angle peuvent se contrarier, lorsque les nceuds des unes cor-
respondent aux ventres des autres, t)
Ce passage est tout à fait caractéristique : l'aveu sincère de la
préoccupation qui lui a d'abord caché l'importance de son expé-
rience est un exemple de la scrupuleuse fidélité que Fresnel a tou-
jours apportée à l'exposition de ses recherches; la singulière erreur
théorique contenue dans les dernières lignes fait voir combien ses
premières études scientifiques étaient demeurées incomplètes: mais
l'ensemble témoigne la faculté précieuse, qu'il posséda tout de suite,
d'apercevoir le germe des plus importantes découvertes dans un
détail expérimental. La suite du travail montre de quelle manière
il savait faire porter toutes ses conséquences à un principe solide-
ment établi.
On y voit d'abord Fresnel, après avoir retrouvé le principe des
interférences, retrouver encore les autres idées fondamentales de
Young, entre autres l'explication des couleurs des lames minces et
la théorie des franges extérieures aux ombres, fondée sur l'hypo-
"' N" II, SS iT» ol i(>. — Le passa^je •»sl mprodiiil \" MIL S <»: voyei sur rasst*Hion
ornMH'p qui lo loruiinr^ ios notos ilc l'^Mlilour.
All\ OEUVUES D'AUGUSTIN FKESNEL 333
thèse inexacte de l'interférence des rayons transmis directement avec
les rayons réfléchis sur les bords des corps. Mais la vraie théorie de
la diffraction se trouve implicitement contenue dans la partie de la
première communication académique de Fresnel, oii il donne de la
réflexion et de la réfraction une théorie exempte des difficultés
attachées à la théorie de Huygens : il prouve en eff'et qu'il résulte
de l'interférence des vibrations envoyées par les divers éléments de
la surface réfléchissante ou réfringente qu'il n'y a pas de lumière
sensible en dehors de la direction des rayons réfléchis ou réfractés,
toutes les fois que l'étendue de la surface est un peu considérable,
c'est-à-dire dans les seules conditions où les lois de la réflexion et de
la réfraction soient réellement vérifiées; il ne lui restait qu'à appli-
quer le même principe à la recherche des effets produits par la
combinaison des mouvements vibratoires émanés des divers élé-
ments d'une onde lumineuse, et la formation des ombres serait
expliquée. Dans la seconde communication, qui est datée du lo no-
vembre 181 5, Fresnel approche encore de cette découverte, en
déduisant du même principe l'explication des couleurs des surfaces
striées.
11 ne lui fallut pas bien longtemps pour apercevoir cette consé-
quence de ses principes, et pour reconnaître, dans une étude expé-
rimentale plus complète, à quel point la théorie de Young, qui
était un moment devenue la sienne, était contredite par les faits.
Dès le 1 5 juillet 1816, il présentait à l'Académie un supplément à
îîes premières communications ^^\ où la diffraction est pour la |)re-
mière fois rapportée aux effets de l'interférence des vibrations en-
voyées par les divers points d'une onde que limitent des écrans opa-
ques. Dans les cas relativement simples d'un fil de petit diamètre et
d'un diaphragme étroit, en supposant l'observateur placé à une
grande distance du fil ou du diaphragme, il fait voir sans calcul que
ces effets doivent être précisément des franges comme celles dont
Tobservation atteste l'existence, et, à défaut d'une comparaison nu-
mérique entre la théorie et l'expérience, il établit par une discussion
minutieuse que sa théorie rend compte d'im grand nombre de
particularités qui sont tout à fait incompatibles avec la théorie de
*'' N° X de la présente «'ditiiui.
33/i I^TR01)UCT10^
Young; dans le cas d'un corps ayant de grandes dimensions, les
mêmes raisonnements démontrent qu'en raison de la petitesse des
longueurs d'onde la lumière doit décroître très -rapidement dans
l'intérieur du cône géométrique, de manière à devenir totalement
insensible à une faible distance; mais ils démontrent aussi que ce
décroissement doit se faire d'une manière continue. La formation
de l'ombre et l'inflexion de la lumière dans cette ombre se trouvent
ainsi simultanément expliquées.
Ce fécond aperçu , qui est devenu plus tard une théorie complète,
n'est pas la"^ seule découverte qui ait signalé le séjour de Fresnel à
Paris pendant une partie de l'année 1816. Le même supplément
aux mémoires sur la diffraction contient la description des expé-
riences célèbres qui ont établi d'une manière définitive que la pro-
priété d'interférence n'appartenait pas seulement aux rayons que la
diffraction a détournés de leur direction initiale, et qu'elle peut être
manifestée par les rayons réfléchis et réfractés dans les conditions
les plus diverses. La détermination des conditions particulières de
l'interférence des rayons polarisés, qui a été l'origine du principe
des vibrations transversales, remonte à la même époque : il ne
pourra en être question que plus loin.
Les nécessités de sa carrière, en rappelant Fresnel à Rennes, où
l'attendait un service des plus pénibles ^'^ ralentirent pendant près
d'une année son activité scientifique. C'est vers l'automne de 1817
qu'il fut autorisé à revenir en congé à Paris, et c'est seulement au
printemps de 1818 qu'une nomination à un emploi dans le service
du canal de l'Ourcq lui permit de considérer ce retour comme défi-
nitif. La science^devra toujours un souvenir reconnaissant à l'auteur
de ces deux mesures, l'honorable M. Becquey, qui, dans les derniers
mois de 1817, avait succédé à M. le comte Mole comme directeur
général des ponts et chaussées.
C'est précisément vers cette époque qu'une décision de l'Acadé-
mie des sciences vint engager Fresnel à donner une forme précise
et des développements étendus à ce qui n'avait été d'abord qu'un
aperçu rapide et un peu vague des véritables causes de la diffraction.
(') La surveillance des ateliers de charité' que radmiiiistratinn des travaux publics avait
ôtnblis à la suite de la disetlo do 1^16.
AUX OEUVKES D'AUGUSTIN FRESNKL. 335
Parmi les membres les plus influents de l'Académie se trouvaiout
des hommes tels que Laplace et Biot, qui avaient longtemps regardé
le système de l'émission comme l'expression de la réalité , et qui
croyaient même avoir fait dépendre de ce système des phénomènes
qu'avant eux on n'avait pas su y rattacher. Les découvertes de
Young et de Fresnel ne les avaient point ébranlés ^^^; et, persuadés
qu'une étude plus approfondie de ces phénomènes de diffraction et
d'interférence, qu'on opposait à leur doctrine chérie, fournirait à
cette doctrine l'occasion d'un nouveau triomphe, ils firent mettre au
concours par l'Académie, pour le grand prix des sciences mathéma-
tiques de l'année 1819, la question de la diffraction dans les termes
suivants :
«Les phénomènes de la diffraction, découverts par Grimaldi, en-
suite étudiés par Hooke et Newton, ont été, dans ces derniers temps,
l'objet des recherches de plusieurs physiciens, notamment de
MM. Young, Fresnel, Arago, Pouillet, Biot, etc. On a observé les
bandes diffractées qui se forment et se propagent hors de l'ombre
des corps, celles qui paraissent dans cette ombre môme, lorsque les
rayons passent simultanément des deux côtés d'un corps très-étroit,
et celles qui se forment par réflexion sur les surfaces d'une étendue
limitée, lorsque la lumière incidente et réfléchie passe très-près de
leurs bords. Mais on n'a pas encore suffisamment déterminé les
mouvements des rayons près des corps mêmes où leur inflexion s'o-
père. La nature de ces mouvements offre donc aujourd'hui le point
de la diffraction qu'il importe le plus d'approfondir, parce qu'il ren-
ferme le secret du mode physique par lequel les rayons sont inflé-
chis et séparés en diverses bandes de directions et d'intensités iné-
(>) Voici, à ia fin de 1816, tout ce que Biot jugeait à propos de dire des interférences
dans son grand Traite de phygique expérimentale et mathématique.
«En analysant cette idée ( Tidée d'une atmosphère moins réfringente que L'air, voisine
de la surface des corps), on pourrait peut-être, on devrait du moins, y trouver la cause
du phénomène suivant, qui a été observé pour la première fois par M. Young. C'est que,
lorsqu'une lame étroite et opaque forme derrière elle des franges intérieures à son ombre,
OD peut faire disparaître ces franges en plaçant un écran opaque en contact avec la lame,
ou en plongeant cet écran à une certaine profondeur dans le faisceau des rayons, soit
avant la lame étroite, soit après. M. Arago a trouvé que la disparition a lieu égalennent
quand on emploie un écran diaphane d'une épaisseur suffisante. t) (T. IV, p. 77^.)
330 IiNTRODUCTION
jjales. (i'esl ce c|ui détermine rAcadémie à proposer cette recherche
pour sujet d'un prix, en Ténonçantde la manière suivante :
r I ° Déterminer par des expériences précises tous les effets de la diffrac-
tion des rayons lumineux directs et réfléchis, lorsqu'ils passent séparément
ou simultanément près des extrémités d'un ou de plusieurs corps d'une
étendue, soit limitée, soit indéfinie^ en ayant égard aux intervalles de ces
corps , ainsi qu'à la distance du foyer lumineux d'où les rayons émanent.
•^ iî° Conclure de ces expériences, par des inductions mathématiques, les
mouvements des rayons dans leur passage près des corps,
ïtLe prix sera décerné dans la séance publique de 1819, mais le
concours sera fermé le 1'' août 1818; et ainsi les mémoires devront
être remis avant cette époque, pour que les expériences qu'ils con-
tiendront puissent être vérifiées ^^^ »
Ce programme singulier, qui trahit les préoccupations systéma-
tiques de ses auteurs, et où le véritable état de la question ne semble
pas même soupçonné, n'était pas fait pour engager Fresnel à con-
courir. Il s'y décida cependant, sur les instances pressantes d'Arago
et d'Ampère, et avant le terme fixé il présenta dans les formes vou-
lues '^^ le Mémoire sur la diffraction, que l'Académie couronna l'an-
née suivante, et qu'elle fit insérer dans le tome V de ses Mémoires,
après qu'elle eut appelé Fresnel à prendre place dans son sein.
Les questions formellement posées par l'Académie ne tiennent
dans ce mémoire qu'une place très -secondaire. L'auteur prend de
plus haut le problème de la diffraction , et ne se propose rien moins
que de soumettre le système de l'émission et le système des ondes à
l'épreuve d'une comparaison avec l'ensemble des phénomènes que
présente la lumière lorsqu'elle se propage dans un milieu homo-
'' Extrait du pi*ocès-verl>ai do In séance publique du 17 mars 1817, inséré dans le
lome IV des Annales de chimie et de physique, p. 3o3.
(^) Une vieille tradition académique exige que, dans la plupart des concours, les noius
des auteurs soient tenus secrets jusqu'au moment 011 le jugement de TAcadémie est pro-
noncé. Cet usage est sans inconvénient dans les concours d'éloquence et de poésie; mais
dans un concours scientifique il peut arriver que Tauleur d'une découverte importante s'en
\oie frustré par une publication survenue dans Tintervalle, quelquefois assez long, qui
s'écoule entre la clôture et le jugement du concours. Afin de prer autant que possible à
«ette éventualité, Fresnel déposa, le ao avril 1818, sous pli cacheté, au secrétariat de
l'Académie, une Note sur la théorie de la diÛVaclion, laquelle contenait les principaux ré-
sultats développés dans son mémoire. — C'est le N" \l «le la pivsente inlitiou.
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 337
gène, uniréfringent , et qu'elle y rencontre des corps opaques. Des
expériences nombreuses lui démontrent clairement que le système
de rémission ne peut rendre raison du moindre fait exactement et
complètement observé; le système des ondes, tel qu'on le trouve
dans les écrits de Young, n'a pas beaucoup plus de puissance; mais
une conception plus forte du système fait évanouir les difficultés , et
la simplicité des explications devient telle, qu'il n'est pas besoin
d'une analyse bien savante pour les traduire en calcul et en com-
parer les résultats numériques avec ceux de l'observation.
«Nous n'envisageons pas, dit Fresnel, le problème des vibrations
d'un fluide élastique sous le même point de vue que les géomètres
l'ont fait ordinairement, c'est-à-dire en ne considérant qu'un seul
ébranlement. Dans la nature les vibrations ne sont jamais isolées;
elles se répètent toujours un grand nombre de fois , comme on peut
le remarquer dans les oscillations d'un pendule ou les vibrations des
corps sonores. Nous supposerons que les vibrations des particules
lumineuses s'exécutent de la même manière, en se succédant régu-
lièrement par séries nombreuses; hypothèse où nous conduit l'ana-
logie, et qui d'ailleurs parait une conséquence des forces qui tien-
nent les molécules des corps en équilibre. Pour concevoir une
succession nombreuse d'oscillations à pou près égales de la particule
éclairante, il suffit de supposer que sa densité est beaucoup plus
grande que celle du fluide dans lequel elle oscille. C'est ce qu'on
devait déjà conclure de la régularité des mouvements planétaires au
travers de ce même fluide, qui remplit les espaces célestes. Il est
très-probable aussi que le nerf optique n'est ébranlé de manière à
produire la sensation de la vision qu'après un certain nombre de
chocs successifs ^^^ »
Il résulte de là que, lorsqu'on décompose, à l'exemple de Huy-
gens, une onde lumineuse en éléments infiniment petits, on doit
avoir égard, non-seulement aux ondes qui peuvent simultanément,
à un instant donné, résulter de ces divers éléments, mais aux ondes
antécédentes et aux ondes consécutives, et combiner, d'après le prin-
cipe des interférences, les mouvements différents, mais dépendant
les uns des autres suivant une loi régulière, que des ondes d'origine
t»> Voye£N'XlV,S3/i.
Vehoet, I. — Mémoires. 'î«j
338 INTRODUCTION
diverse apportent à un moment donné en un point donné de l'espace.
Des considérations géométriques très-simples et faciles à généraliser
font ressortir une conséquence importante de cette combinaison :
c'est que le mouvement transmis par une onde sphérique à un point
extérieur se réduit au mouvement qui lui est envoyé par une très-
petite partie de Tonde, dont le centre est en ligne droite avec la
source lumineuse et le point éclairé. — Ainsi se trouve justifiée la
notion habituelle d'une propagation rectiligne de la lumière, en
même temps que disparaissent les difficultés inhérentes auï raison-
nements incomplets de Huygens ^^\ Chaque point extérieur à Tonde
ne reçoit de lumière que de la région de Tonde très-voisine du point
dont il est le plus rapproché, et tout se passe comme si la lumière
se propageait en ligne droite de la source éclairée, parce que celte
ligne droite est le chemin le plus court. Tous les points cpii se trou-
vent à la même distance de Tonde considérée recevant de cette onde
au même instant des mouvements identiques, on doit les regarder
comme formant une nouvelle onde, qui est Tenveloppe de toutes les
ondes élémentaires, ainsi que Huygens Tavait pressenti. Comme au
fond toutes ces conclusions ne reposent que sur les propriétés géné-
rales des maxima et des minima, et ne dépendent en rien de la
forme sphérique des ondes, elles s'étendent immédiatement à tous
les milieux, quelle qu'y puisse être la forme des ondes élémentaires,
et quelle que soit la surface que les conditions particulières d'une ex-
périence doivent faire regarder comme Tonde primitive. Enfin la so-
lution des problèmes de la réflexion et de la réfraction est implicite-
ment contenue dans celle du problème de la propagation rectiligne :
ce qu'on appelle la direction du rayon réfléchi et du rayon réfracté
n'est autre chose que la direction de plus prompte arrivée du mou-
vement vibratoire, et Tonde réfléchie et réfractée dérive de Tonde
incidente, absolument comme dans un milieu illimité une onde
quelconque dérive d'une onde antécédente.
^'^ Ce n^cst pas que pour donner une rigueur complète aux raisonnements de Fresnel il
ne soit nécessaire d'y ajouter un commentaire assez étendu; mais ce commentaire n^est
qu'un déveJoppi^ment do Pidée fondamentale de Fauteur, tout comme le commentaire qu'il
a «'lé indispensable d'ajoiitor aux ôrrils de Newton et de Leilmitz sur les principes de Pa-
nalyse inlmitésimale.
AUX ŒUVKES D'AUGUSTIN FllESNEL. 339
Fresnel indique à peine ces conséquences de ses princi()es. Dans
les notes annexées au mémoire où il traite de la réflexion et de la
réfraction, il se restreint même au cas simple d'une surface plane
et d'une onde incidente également plane. Un lecteur attentif ne sau-
rait douter qu'il n'ait aperçu toutes les généralisations que compor-
tait sa pensée : peut-être les a-t-il jugées trop évidentes pour les
exposer formellement; peut-être a-t-il cru qu'il n'était pas opportun
de le faire dans un mémoire dont l'objet essentiel devait être la théo-
rie de la diffraction.
C'est en effet à fonder définitivement cette théorie sur ses véri-
tables bases que la plus grande partie du mémoire est consacrée.
Les traits généraux des phénomènes, ia formation des ombres, l'ap-
parition constante de franges colorées à l'extérieur des ombres, la
présence d'un autre système de franges dans leur intérieur, qui se
manifeste toutes les fois qu'on réduit suffisamment les dimensions
des corps opaques, trouvent aisément leur explication. Si au moyen
d'un corps opaque on arrête une partie de l'onde émanée d'un point
lumineux, le mouvement vibratoire ne se propage pas seulement
suivant le prolongement des rayons qui ne sont pas rencontrés par
le corps opaque; il pénètre dans le cône que circonscrivent les rayons
tangents à ce corps, mais en s'affaiblissant rapidement, de manière
à être insensible lorsque la distance des limites de ce cône est con-
sidérable par rapport à la longueur d'ondulation; en dehors de
l'ombre ainsi formée et à une grande distance, la lumière transmise
est sensiblement la même que si ce corps .opaque n'existait pas,
car il ne supprime que des éléments de l'onde dont l'influence sur
le mouvement propagé en ces points est négligeable, mais il en est
autrement au voisinage de l'ombre : les éléments supprimés de l'onde
lumineuse ont une influence sensible, et, suivant le signe de la vi-
tesse des vibrations qu'ils enverraient au point considéré et le signe
de la vitesse qu'envoient les éléments conservés, l'effet de cette sup-
pression est tantôt un accroissement, tantôt un affaiblissement de
la lumière; de là les franges extérieures. Enfin, lorsque l'ombre est
de faible étendue , les mouvements vibratoires qui pénètrent de
divers côtés dans son intérieur ont une intensité sensible dans toute
cette étendue, et comme évidemment ils n'ont pas tous |)arcouru
3/iO INTRODUCTION
(les chemins identiques, leurs interférences doivent produire des
franges.
A cette confirmation générale de la théorie s'ajoute la confirma-
tion bien plus puissante d'un accord numérique minutieux entre le
calcul et l'observation, dans le cas où l'application du calcul est pos-
sible. Lorsque les corps opaques sont limités par des bords recti-
lignes indéfinis, parallèles entre eux et équidistants de la source de
lumière, la solution numérique du problème dépend seulement de
deux intégrales qui ne peuvent s'exprimer en termes finis, mais que
Fresnel a évaluées par approximation et ensuite discutées dans un
certain nombre de cas particuliers. L'accord du calcul et de l'expé-
rience se maintient toujours jusque dans les détails les plus minu-
tieux.
Tel est le mémoire dont l'Académie confia le jugement à une com-
mission où trois partisans avoués de la doctrine de l'émission. La-
place, Biot et Poisson, se trouvaient réunis à Arago et à Gay-Lussac,
le premier tout dévoué aux idées nouvelles, le second peu familia-
risé par ses études avec la question agitée, mais disposé par carac-
tère à une sage impartialité. Un seul concurrent entra en lice avec
Fresnel; c'était, à ce qu'il parait, un physicien exercé, mais peu au
courant des progrès récents de la science, et disposé à se contenter
de moyens d'observation médiocrement précis ^*^ et son travail ne
fut pas mis un instant en balance avec celui de Fresnel. Un in-
cident remarquable lit une grande impression sur l'esprit des juges,
et, sans changer le fond de leurs convictions, détermina probable-
ment l'unanimité de la sentence académique. Poisson remarqua que
les intégrales d'où l'auteur faisait dépendre le calcul des intensité^
de la lumière dilTraclée pouvaient s'évaluer exactement pour le centre
de l'ombre d'un petit écran circulaire opaque et pour le centre de la
])rojection conique d'une petite ouverture circulaire. Dans le pre-
mier cas, elles donnaient la même intensité que si l'écran circulaire
n'existait pas; dans le second cas, elles donnaient une intensité va-
riable avec la distance et sensiblement égale à zéro pour un certain
nombre de distances déterminées par une loi très-simple. Fresnel fut
<*^ Vovoz 1p rRp|>ort (i'Ai*a|To, N' Mil de la pivsenle «édition, vers la fin.
AUX ŒUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. Ui
invité à soumettre à l'épreuve de l'expérience ces deux cas, épreuves
imprévues et paradoxales de sa théorie, et l'expérience les confirma
victorieusement ^^K
La postérité a ratifié le jugement de l'Académie, et aujourd'hui,
près d'un demi-siècle après le concours de 1818, le mémoire de
Fresnel est considéré par tous comme une de ces œuvres impéris-»
sables dont l'étude est encore fructueuse longtemps après que la
science les a dépassées. Il n'a pas. même été dépassé de bien loin.
La question que Fresnel avait expressément laissée de côté, celle du
mécanisme par lequel naissent les ondes élémentaires issues des di-
vers points d'une onde primitive , et des lois que suivent à la surface
de ces ondes la direction et l'intensité des vibrations, n'est pas ré-
solue d'une manière satisfaisante, malgré les efforts de quelques-uns
des physiciens les plus distingués de notre temps ^^K Ce qu'on a ajouté
de tout à fait solide et d'universellement accepté à l'œuvre de Fres-
nel se réduit à un développement de seâ idées et même à un per-
fectionnement de ses méthodes de calcul. D'habiles géomètres ont su
ramener à une analyse simple et élégante des problèmes beaucoup
plus complexes que ceux que Fresnel avait abordés. Dans tous les
cas, Taccord de l'expérience et de la théorie s'est maintenu, et l'on
a pu dire sans exagération que cda théorie des ondulations prédit les
phénomènes de diffraction aussi exactement que la théorie de la
gravitation prédit les mouvements des corps célestes ^'^ »
VI.
Vers l'époque où il commençait d'apercevoir le principe de la vraie
théorie des phénomènes de diffraction, Fresnel entreprenait ces
<') Voyez le rapport d^Arago (N"* XIII de cette édition) et la première des notes ajoutées
par Fresnel à son Mémoire.
(s) Voyez, dans les Armaleê de chimie et de physique, 3* série, poMêim, les travaux de
MM. Stokes, Hoitzmann, Eisenlohr, Lorenz, sur les changements de polarisation produits
par la diffraction.
^'^ Sohwerd, Die Beugung$er$cheinungen , p. x (vers la Gn de la préface).
342 INTRODUCTIOiN
études sur Finlerférence réciproque des rayons polarisés ^*^, qui de-
vaient, en le conduisant au principe des vibrations transversales,
devenir le fondement de recherches ultérieures. L'histoire de cette
seconde série de travaux est rendue particulièrement intéressante
par l'intervention de Young rappelé à ses études chéries par les
succès de son jeune rival ; on ne peut d'ailleurs l'exposer clairement
sans remonter aux origines.
C'est à Huygens qu'appartient la première observation des phé-
nomènes de polarisation. Vers la fin du chapitre v du Traité de la
Lumière se trouvent rapportées des observations qui établissent qu'on
rayon transmis par un premier cristal biréfringent, qui en rencontre
un deuxième, donne généralement naissance à deux rayons d'inten-
sités inégales, variables avec l'orientation de ce deuxième cristal.
Mais y ajoute l'auteur en terminant, /Hmr dire comme cela se fait, je nai
rien trouvé jusqu ici qui puisse me satisfaire ^^K II était en effet assez dif-
ficile de concevoir comment des vibrations parallèles à la direction
du rayon lumineux pouvaient agir de manières différentes dans des
plans différents menés par le rayon.
Newton a beaucoup insisté sur cette difficulté et l'a opposée comme
une objection irréfutable à la doctrine des ondes. Peut-être, s'il avait
ignoré l'observation de Huygens, aurait-il fini par se ranger à cette
doctrine : comment n'aurait-il pas senti que, contrairement à une
des maximes de la philosophie, il multipliait les êtres sans nécessité en
admettant à la fois des molécules d'une nature particulière pour
constituer les rayons lumineux, et les vibrations d'un éther pour dé-
terminer ces molécules à la production de certains effets ? Mais sup-
poser qu'un système de vibrations, telles qu'on les concevait de son
temps, présentât des côtés différents, lui parut toujours entièrement
inadmissible : il lui sembla au contraire que des molécules douées
d'une polarité analogue à celle des aimants devaient donner lieu à
des effets variables avec l'orientation de leurs axes, lorsqu'elles ren-
contreraient un milieu constitué par des molécules également po-
laires, comme paraissent devoir l'être les molécules qui, pour for-
^'^ Le premier mëmoire de Fresnel sur ce sujet ( N* XV) a été prcsenlé à l'Acadéinie àes
sricnces le 7 octobre 1816.
î*^ Voyoz pages 89-91 du Traité de la Lumière.
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 3/i3
mer un cristal, se groupent suivant un arrangement toujours le
même ^^K
Cette idée de Newton reçut de nouveaux développements lorsque,
dans les premières années de ce siècle, Malus eut confirmé et géné-
ralisé dune manière inattendue les observations de Huygens, et il
sembla un moment que l'existence des molécules lumineuses et les
mouvements de leurs axes de polarisatimi eussent le droit d'être con-
sidérés comme des faits d'expérience. On ne s'arrêta pas devant la
complexité croissante des hypothèses qu'il fallut imaginer pour faire
concorder cette hypothèse avec les phénomènes nouveaux dont la
science s'enrichit si rapidement vers cette époque, particulièrement
avec ceux de la polarisation chromatique. On sait que, dans l'été de
Tannée 1811, Arago fut conduit, par l'étude suivie d'une première
observation fortuite, à découvrir dans la lumière polarisée la faculté
de se diviser en deux rayons teints de couleurs complémentaires,
lorsque, après l'avoir transmise par une lame mince douée de la
double réfraction , on la reçoit sur un analyseur biréfringent. Arago
considéra tout de suite le développement des couleurs comme dû à la
diversité des modifications apportées par la lame mince à l'état de
polarisation des divers éléments simples de la lumière blanche; mais
c'est Biot qui s'attacha spécialement à l'étude du détail de ces modi-
fications. Frappé d'une circonstance remarquable, le retour pério-
dique de deux polarisations différentes, séparées par des états inter-
médiaires où la lumière offrait les apparences d'un mélange de lu-
mière naturelle et de lumière polarisée, Biot crut avoir découvert
une oscillation périodique des axes de polarisation, précédant le
moment où ils se répartissent d'une manière définitive entre la sec-
tion principale du cristal et le plan perpendiculaire. Si l'on rapproche
cette notion d'un mouvement oscillatoire des autres hypothèses qu'a-
vaient déjà exigées les autres phénomènes de l'optique, on verra
qu'il fallait concevoir dans les molécules lumineuses le système sui-
vant de propriétés :
t" Les molécules lumineuses sont des polyèdres où l'on doit re-
marquer à la fois l'axe de polarisation, qui est un axe de symétrie,
^*^ \o^ezVOj)tiqiie de Ncwlon, quoslions ixviii et xxix.
34A INTRODUCTION
et un autre axe perpendiculaire sur le précédent, dont une extrémité
est attirée et l'autre repoussée par les corps réfringents.
q" Dans un rayon de lumière naturelle les axes de polarisatioD
des molécules successives sont orientés de toutes les manières pos-
sibles, mais toujours perpendiculaires à la direction du rayon.
3° Les molécules tournent sans cesse autour de leur axe de pola-
risation avec une vitesse uniforme dépendant de la couleur, de ma-
nière que l'extrémité attractive et l'extrémité répulsive se présentent
tour à tour à l'action des milieux réfringents qu elles peuvent ren-
contrer; de là dépendent les accès de facile transmission et de
facile réflexion.
4° La réflexion n'exerce aucune influence sur la rotation de cha-
que molécule autour de son axe de polarisation; mais elle tend à
amener les axes de toutes les molécules à être parallèles au plan de
réflexion , et c'est dans cet arrangement régulier que l'état de polari-
sation consiste.
5° La réfraction altère la vitesse de rotation des molécules dans
un rapport qui dépend de la nature du milieu réfringent et de l'angle
d'incidence; en outre elle tend à amener les axes de polarisation à
être perpendiculaires au plan de réfraction.
6** Lorsqu'il y a double réfraction, les axes de polarisation com-
mencent par afi'ecter un mouvement oscillatoire entre leur position
initiale et une position symétrique par rapport à la section princi-
pale; les durées de ces oscillations sont, pour les molécules de cou-
leurs diverses, proportionnelles aux durées des rotations autour des
axes de polarisation.
7° A une certaine profondeur ces oscillations sont terminées et
font place à une répartition des axes de polarisation entre deux plans
perpendiculaires l'un sur l'autre; on a toujours négligé de dire com-
ment la transition devait être conçue.
Pour renverser ce pénible échafaudage d'hypothèses indépendantes
les unes des autres, il suffit presque de le regarder en face et de
chercher à le comprendre. Que peuvent être ces faces réfléchissantes
et réfringentes qui, en même temps qu'elles repoussent, attirent les
molécules lumineuses, tantôt donnent à leurs axes de polarisation
une direction fixe et commune, tantôt commencent par les faire os-
AUX ŒUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 345
ciller entre de certaines limites, tantôt modifient la vitesse de rotation
des molécules autour de ces axes, etc., etc.? Quelles sont les véri-
tables forces élémentaires, simplement attractives ou répulsives et
fonctions des seules distances, d'où résultent ces opérations diverses?
On n'a pas même essayé de le rechercher, et cependant on a long-
temps présenté ce chaos d'hypothèses comme une vraie théorie mé-
canique des phénomènes, et, dans les diverses éditions de son Précis
de Physique, Biot n'a cessé de l'opposer aux idées si claires et si
simples de Fresnel.
Le seul Young s'était montré rebelle à l'opinion commune, et
n'avait cessé de protester contre les prétendus triomphes du système
de l'émission. Dans les articles de la Quarterly Review où il a résumé,
de 1809 à 181 4, les travaux de quelques-uns des principaux phy-
siciens ses contemporains, tout en avouant qu'il n'avait pas la solu-
tion des difficultés reconnues par Huygens et Newton, il a main-
tenu qu'à tout prendre le système des ondes avait encore l'avantage
sur le système de l'émission, et que, s'il ne permettait pas de con-
cevoir la nature de la lumière polarisée, il suggérait au moins,
entre les propriétés les plus remarquables de ce genre de lumière et
le principe des interférences, un rapprochement important, où de-
vait se trouver le germe d'une vraie théorie. La loi à laquelle Biot
a ramené tous les phénomènes de la polarisation chromatique est
simplement, suivant lui^^^ :
«Une expression des phénomènes considérés à part de tous les
phénomènes optiques ; ce n'est pas une explication qui les ramène à
être les analogues d'une classe de phénomènes plus étendue. . . Ces
phénomènes, comme tous les autres cas des couleurs récurrentes,
sont parfaitement réductibles aux lois générales de l'interférence. . .
Toutes leurs complications apparentes, tout le caprice de leurs va-
riétés ne sont que des conséquences nécessaires de la plus simple
application de ces lois. Ce sont en réalité de simples variétés des
couleurs des plaques mixtes (mixed plates^ ^ dont les apparences re-
produisent les couleurs de simples lames minces, si l'on suppose les
densités de celles-ci augmentées dans le rapport de la différence des
(1)
Voyex les Œuvre» de Younfr , hcI. do Ponrocke, l. I, p. îifi().
346 INTRODUCTION
densités rëfractives au double de la densité réfractive totale. . . Les
mesures que M. Biot a prises diffèrent beaucoup moins des résultats
d'un calcul fondé sur ces seuls principes qu'elles ne diffèrent entre
elles. »
A la suite de ce passage, où les prétendues explications de Biot
sont si bien réduites à leur juste valeur, Young présente, sous la
forme brève et parfois obscure qui lui est propre, une remarque ca-
pitale : c'est que l'épaisseur d'une lame de quartz et l'épaisseur d'une
lame d'air, qui transmettent la mémo couleur dans l'expérience
d'Arago et dans l'expérience des anneaux de Newton, sont précisé-
ment telles, que la différence des durées de propagation du rayon
ordinaire et du rayon extraordinaire, dans la lame cristallisée, soit
égale à la différence des durées de propagation du rayon transmis
directement par la lame d'air et du rayon transmis après deux ré-
flexions intérieures. Si l'un des phénomènes est un effet d'interfé-
rence, il est difficile de croire que l'autre ne le soit pas.
11 manquait bien des choses, et Young le reconnaît lui-même, à
cette généralisation, pour devenir une théorie. Pourquoi était-il né-
cessaire au développement des couleurs, dans ce mode particulier
d'interférence, que les deux rayons fussent issus d'un rayon déjà
polarisé et non d'un rayon naturel? Pourquoi les couleurs n'appa-
raissaient-elles qu'à la condition d'une seconde action polarisante,
consécutive au passage de la lumière de la lame? Et lorsque cette
action polarisante était le résultat d'une double réfraction , pourquoi
apparaissait-il dans les deux faisceaux ainsi engendrés des couleurs
complémentaires? A ces diverses questions le principe des interfé-
rences, tel que Young l'avait conçu et démontré, n'apportait aucune
réponse. Ce puissant esprit, qui sentait clairement qu'il était près
d'atteindre la vérité, devait cependant reconnaître qu'un dernier
obstacle, dont il ne soupçonnait même pas la nature, l'en tenait
encore écarté. Vers la fin de 1 8 1 5 , il exprimait à Brewster le dé-
couragement dont il ne pouvait plus se défendre après d'infructueux
efforts.
'« Quant à mes hypothèses fondamentales sur la nature de la lu-
mière, je suis, disait-il, tous les jours moins disposé à en occuper
ma pensée, à mesure qu'un plus grand nombre de faits, du genre
AUX (OUVRES D^AUGUSTIN FRESNEL. 347
de ceux que M. Malus a découverts, viennent à ma connaissance;
car si ces hypothèses ne sont pas incompatibles avec ces faits, as-
surément elles ne nous sont d'aucun secours pour en trouver l'ex-
plication ^^\ y>
VII.
Gomme Young, Fresnel reconnut à la fois qu'une analogie re-
marquable existait entre les lois des couleurs produites par l'inter-
férence et les lois de la coloration des lames cristallisées dans la lu-
mière polarisée, et que cette analogie n'était pas une explication
suffisante du second de ces phénomènes ^^K Mais il chercha tout de
suite à déterminer la raison de cette insuffisance , en examinant si la
polarisation de la lumière ne modifiait pas profondément les lois
ordinaires de l'interférence.
Ses premières recherches sur ce sujet remontent à cet été de 1 8 1 6
que la bienveillance de ses chefs l'autorisa à passer à Paris, et qu'il
sut rendre si fructueux en découvertes; le 7 octobre de cette année
il en communiqua les résultats à l'Académie ^^\ Après avoir rappelé
son expérience de l'interférence des rayons réfléchis sur deux mi-
roirs, il ajoutait :
«Cette expérience, dont j'ai donné les détails dans le dernier mé-
moire que j'ai eu l'honneur de présenter à l'Académie, m'a conduit,
par analogie, à essayer si les deux images que l'on obtient en pla-
çant un rhomboïde de spath calcaire devant un point lumineux pro-
duiraient le même efi'et que celles qui sont réfléchies par deux mi-
roirs. Le rhomboïde dont je me suis servi n'ayant pas une grande
épaisseur, les deux images se trouvaient assez rapprochées pour que
les franges eussent une largeur suffisante. Ainsi il ne restait plus à
^*J Miscellaneous Worhs, 1. 1 , p. 3Gt.
^*^ Fresnel eut connaissance, par l'intermédiaire d'Arago, de Tarticle de la Qiwrierly
Rmew auquel on a emprunte la citation précédente, mais seulement après que ses pro-
pres réflexions Teurent conduit aux mémos conclusions.
^'^ Voyez le mémoire sur rinflucncc de la polarisatiou dans raclion que les rayons lu-
mineux exercent les uUvS sur l«'s aulros, qui paraît pour la promièrc fois dans celte édition.
[N'XV(B).]
348 INTRODUCTION
remplir que la condition d'égalité entre les chemins parcourus au
même instant par les deux systèmes d'ondulations lumineuses. Pour
cela j'ai fait traverser au faisceau extraordinaire une plaque de verre
dont l'épaisseur avait été déterminée de manière à lui faire perdre à
très-peu près, sous l'incidence perpendiculaire, toute l'avance qu'il
avait prise dans le cristal sur le faisceau ordinaire; en sorte qu'en
inclinant légèrement cette plaque on pouvait établir à cet égard une
compensation exacte. Cependant je n'ai jamais aperçu de franges,
quoique j'aie répété cette expérience un grand nombre de fois.
« A la vérité l'espace dans lequel j'espérais les découvrir était peu
étendu, et occupé d'ailleurs en partie par les bandes que projetait
le bord de la plaque de verre. Mais en la plaçant de manière qu'elles
fussent dirigées dans un autre sens que les franges qui devaient ré-
sulter de deux points lumineux, elles ne pouvaient plus se confondre
tellement avec celles-ci qu'elles empêchassent entièrement de les
distinguer. Néanmoins, pour éviter tout à fait cet inconvénient, j'ai
enlevé la plaque de verre , et j'ai reçu les rayons, qui avaient traversé
le cristal, sur une petite glace non étamée, dont l'épaisseur avait
été calculée de manière que la différence entre les chemins parcou-
rus par les rayons réfléchis à la première et à la seconde surface,
sous l'incidence perpendiculaire, fût un peu plus grande que celle
qui résultait de la double réfraction, en sorte que, par un tâtonne-
ment facile, on pouvait trouver une inclinaison telle que ces diffé-
rences fussent égales. Les rayons ordinaires réfléchis à la première
surface et les rayons extraordinaires réfléchis à la seconde se trou-
vaient alors dans les circonstances propres à la formation des franges.
Cependant je n'en ai jamais pu découvrir aucune , avec quelque
lenteur que je fisse varier l'inclinaison de la glace.
«J'ai essayé encore un autre procédé, qui conservait à la lumière
incidente toute sa vivacité, et resserrait tellement les limites du tâ-
tonnement, que j'étais sûr d'apercevoir les franges qui résulteraient
de l'action réciproque des deux faisceaux lumineux , si toutefois ils
pouvaient en produire. J'ai fait scier en deux le rhomboïde de spath
calcaire dont je m'étais déjà servi, et, ayant obtenu ainsi deux rhom-
boïdes d'une épaisseur égale , je les ai placés l'un devant l'autre , en
croisant leurs axes, de manière que les deux sections principales fus-
AUX OEUVRES D AUGUSTIN FRESNEL. 349
seDt perpendiculaires entre elles. Dans cette situation des cristaux,
je ne voyais au travers que deux images du point lumineux, et les
deux faisceaux ayant subi successivement des réfractions différentes
devaient sortir au même instant du second rhomboïde , puisque son
épaisseur était égale à celle du premier. Je faisais d'ailleurs varier
légèrement et très-lentement l'inclinaison du second relativement au
rayon incident, pour compenser parla la différence d'épaisseur, s'il y
en avait une, tandis que je cherchais les franges à l'aide de la loupe.
Malgré toutes ces précautions je n'en ai jamais aperçu, et ce troisième
essai n'a pas eu plus de succès que les précédents.
«J'en ai conclu que les deux systèmes d'ondes dans lesquels se
divise la lumière en traversant les cristaux n'avaient aucune action
l'un sur l'autre , ou du moins que leur influence mutuelle ne pouvait
pas produire de résultat apparent. 99
Fresnel se hâta de communiquer cette conclusion à Arago, qui
était devenu bien vite le confident de toutes ses pensées scientifiques
et le défenseur le plus actif de ses découvertes. Arago en sentit toute
l'importance, et par cette raison même jugea qu'il était nécessaire
d*en chercher une démonstration tout à fait directe, «en s'assurant
si, dans les circonstances ordinaires où se forment les franges,
elles disparaîtraient par la polarisation en sens contraire des deux
faisceaux lumineux qui concourent à leur production. >) Ainsi se
forma entre les deux amis une association qui doit rester à jamais
mémorable, tant par l'importance des résultats que par le soin
scrupuleux qu'ils ont pris, en les exposant, de distinguer ce qui,
dans ce travail commun, appartient plus particulièrement à chacun
d'eux. On ne saurait mieux faire que de leur emprunter l'expression
définitive des conséquences de leurs expériences.
« 1" Dans les mêmes circonstances, disent-ils, oii deux rayons de
lumière paraissent mutuellement se détruire, deux rayons polarisés
en sens contraires n'exercent l'un sur l'autre aucune action appré-
ciable.
« 9" Les rayons de lumière polarisés dans un seul sens agissent
l'un sur l'autre comme les rayons naturels : en sorte que, dans ces
deux espèces de lumière, les phénomènes d'interférence sont abso-
lument les mêmes.
350 INTRODUCTION
ce S"" Deux rayons primitivement polarisés eti sens contraires peuvent
ensuite être ramenés à un même plan de polarisation , sans néanmoins
acquérir par là la faculté de s'influencer.
^ k^ Deux rayons polarisés en sens contraires, et ramenés ensuite à des
polarisations analogues, s'influencent comme les rayons naturels , s'ils
proviennent d^ttn faisceau primitivement polarisé dans un seul sens,
« 5* Dans les phénomènes d'interférence produits par les rayons
qui ont éprouvé la double réfraction, la place des franges n'est pas
déterminée uniquement par la différence des chemins et par celle
des vitesses; et dans quelques circonstances il faut tenir compte,
de plus, d'une différence égale à une demi-ondulation ^'^ »
Ces lois étaient le complément nécessaire qui manquait à l'expli-
cation de Young.
VIII.
Mais Fresnel ne ])ouvait se contenter d'avoir ramené à des lois
générales les conditions particulières du développement des couleurs
dans l'expérience des lames cristallisées. Le principe des interférences
n'était pas pour lui ce qu'il était pour Biot , une propriété curieuse
de la lumière, explicable peut-être par les lois de notre organisa-
tion : c'était à la fois la conséquence la plus évidente de l'hj'pothèse
des ondes, et le fondement de la plupart de ses théories. Comment
la destruction réciproque de deux rayons lumineux pouvait-elle
exiger d'autres conditions qu'une valeur particulière de la différence
de marche, si celle valeur particulière était toujours accompagnée
de l'opposition de signe des vitesses de vibration? Comment d'ailleurs <»
ainsi que se l'était demandé \ewton, un système de vibrations pou-
vait-il offrir quelque chose d'analogue à la diversité des propriétés
des faces d'une molécule polaire? Fresnel comprit bien vite qu'il n'y
'^^ L.e mémoire d^Arago et de Fresnel n'a été inséré dans les Annales de chimie et de
physique qu'au printemps de i Si 9, mais les expériences qui y sont décrites remontent à
Pété de 181 G. Le mémoire présenté à TAcadémie des sciences en octobre 1816 contieot
de ces expériences un récit plus détaillé, où Ton voit mieux encore comment sont nées
successivement les pensées des deux auteurs. ( Voyex le N" XV de ceUe édition.)
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 351
aurait jamais de réponse à ces questions tant qu'on n'abandonnerait
pas la notion des vibrations purement longitudinales. Il supposa
d'abord que la lumière polarisée pouvait consister dans des vibra-
tions transversales présentant à la fois des nœuds condensés et di-
latés sur une même surface sphérique, de sorte que, dans certains
cas d'interférence, les points d'accord et de discordance fussent rap-
prochés les uns des autres au point de donner à l'œil une sensation
de lumière continue. Ampère lui suggéra que deux systèmes d'ondu-
lations où le mouvement progressif des molécules du fluide serait
modifié par un mouvenient transversal de va-et-vient, qui lui serait
perpendiculaire et égal en intensité, pourraient n'exercer aucune
action l'un sur l'autre , lorsqu'à l'accord du mouvement progressif
répondrait la discordance des mouvements transversaux, ou réci-
proquement ^^^ Mais l'idée d'un système d'ondes qui propageraient
des vibrations transversales parut une absurdité mécanique à tous
les savants contemporains, spécialement à Ârago, qui ne put, à
aucun moment de sa vie, se décider à l'admettre ^^\ et l'influence de
ce puissant collaborateur détermina Frcsnel à abandonner pour un
temps toute explication fondée sur cette hypothèse. 11 s'attacha même
à conserver dans plusieurs de ses écrits, notamment dans son mé-
moire définitif sur la difi*raction, le langage implicite de l'hypothèse
des vibrations longitudinales.
Des idées semblables se présentèrent à l'esprit de Young aussitôt
qu'il eut connaissance des expériences de Fresnel et d'Arago. Mais,
pas plus que Fresnel, il n'osa franchement adopter l'hypothèse
des vibrations transversales ; tout en reconnaissant que deux mouve-
ments transversaux perpendiculaires l'un sur l'autre étaient inca-
pables d'interférer, et que tout autre genre de mouvement devait
toujours donner lieu à des interférences, il ne donna pas cette re-
marque pour une explication physique des faits ; il y vit seulement
<»> Voyez dans le N" XV ( A), S i /i , variante.
(*) Lorsqu^en i85i Tauleur de celle Introduction pria Arago de présenter h rAcadcmio
des sdences une Note sur les intorférencos de la lumière polarisiMî, Arago, loul en ac-
cueillant ce vœu avec une exlrOme bienveillance, lui dit rormellemenl qu'à partir du mo-
ment où Fresnel avait parlé de viliralions transversales il n'avait pu se décider à le
suivre.
352 INTRODUCTION
une analogie plausible, ulile pour une représentation symbolique
des phénomènes^ et ne parla jamais du mouvement transversal de
la lumière polarisée comme d'une réalité ^^K Tout ce qu'il put dire
en faveur de la possibilité d'un tel mouvement se réduit aux consi-
dérations suivantes.
((Dans le cas d'une onde qui se propage à la surface d'un liquide,
si nous considérons les particules en mouvement un peu au-dessous
de la surface conmie prenant part à la propagation de l'onde dans
le sens horizontal, nous pourrons remarquer qu'il y a réellement
dans le liquide un mouvement latéral contenu dans un plan dont la
direction est déterminée par celle de la gravitation ; mais il en est
ainsi parce que le liquide est plus libre de s'étendre d'un côté que
de l'autre, et que la force de gravitation tend à le ramener en arrière
par une pression dont l'opération est analogue à celle de l'élasticité;
et nous ne pouvons trouver l'analogue de cette force dans les mou-
vements d'un milieu élastique. A la vérité il est très-facile d'obtenir
un mouvement transversal à la direction générale de propagation ,
par la combinaison de deux ondulations parties d'origines très-voi-
sines, qui interfèrent l'une avec l'autre lorsque la différence des
chemins parcourus est d'une [demi-] longueur d'onde ; car le résul-
tat de cette combinaison est une très-faible vibration transverse qui
subsiste sur la ligne de propagation des vibrations combinées, mais
qui certainement n'a pas la force nécessaire pour produire le moindre
effet perceptible. 11 doit aussi exister une différence, dans toute
ondulation simplement divergente, entre les mouvements des divers
éléments de la surface sphérique où s'étend cette ondulation ; car,
si l'on suppose que les vibrations à l'origine soient contenues dans
un plan donné, la vitesse de vibration sur l'onde sphérique sera
maximum dans le plan dont il s'agit, et nulle suivant la direction
perpendiculaire, ou plutôt sera suivant cette direction transverse au
rayon de l'onde sphérique : dans tous les autres points de l'onde il
y aura une très-faible tendance à la production d'un mouvement
transversal, par suite de la différence d'intensité des mouvements
longitudinaux voisins, et de l'inégalité des condensations et des di-
' LVxprifision wmginury transvrrse motion revient à chaque instant dans l'arlide
<jHROM\tics (Iii Supplémnil à VEncyclopédie hritnnniqup, composé en 1817.
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 353
latatioDs qu'ils occasionnent Il est vrai que ces divers mouve^
meuts seraient d'une faiblesse inimaginable , même par rapport à
d'autres mouvements n'ayant eux-mêmes qu'une amplitude tout à
fait imperceptible à nos sens , et cette remarque diminue peut-être
la probabilité de la théorie en tant qu'explication physique des faits;
mais elle n'en diminuerait pas l'utilité en tant que représentation
mathématique de ces inêmes faits, pourvu qu'on put rendre cette
représentation générale et la soumettre au calcul; et même, au point
de vue physique ^ s'il n'y avait pas d'autre alternative, il serait en-
core plus facile d'imaginer une sensibilité presque infinie de notre
faculté de perception relativement à des phénomènes d'une extrême
faiblesse, que d'admettre tous ces mécanismes si prodigieusement
compliqués qu'il faut accumuler lorsqu'on veut résoudre les diffi-
cultés que présentent, dans la théorie de l'émission, tous les phé-
nomènes de la polarisation et des couleurs ^^K v
Ainsi, aux yeux de Young, il ne pouvait exister dans la lumière
polarisée qu'un très-faible mouvement transversal, le mouvement
principal étant toujours conçu dirigé suivant la direction même
de propagation , et c'est dans ce mouvement à peine sensible qu'il
semblait que l'on dût chercher Texplication de tous les phénomènes
de la polarisation; ou plutôt, l'extrême faiblesse du mouvement
transversal s'opposant à ce qu'on en fît le principe d'une véritable
théorie physique, on devait se borner à considérer les modifica-
tions du mouvement transversal et les propriétés de la lumière
polarisée comme deux séries parallèles de termes corrélatifs, la
première servant plutôt de symbole que d'explication à la seconde.
On laissera au lecteur le soin de juger si ces suggestions de
Young ont pu être de quelque utilité à Fresnel ^^\ Ce qui est cer-
^*ï Arlicle Chbomatics du Sttjfplêmenl à V Encyclopédie britannique (Mitcellaneom
»forJlcf,t.I,p. 333).
^*) Il ne parait pas que Fresuel ail eu connaissance de Tarticle Chbomatics ni de la
lettre d*Young â Arago, en date du i a janvier 1 81 7, où les mêmes idées étaient exposées;
mais il a paHé lui-même de cette lettre de Young à Arago, en date du 39 avril 1 8 1 8 , où
les vibrations de la lumière polarisée étaient assimilées à celles d^une corde flexible ten-
due. Cette assimilation était-elle aux yeux de Fauteur un symbole utile à la représentation
des faits ou un argument destiné à prouver la possibilité des vibrations transversales ?
Cest ce qu'il est impossible de savoir, la lettre du 39 avril 1818 n'ayant pas été con-
servee»
Vbbdbt, I. — Mémoires. q 3
:J5à liNTRODUCTION
tain, c'est que, lorsqu'eD 1891, après le rapport favorable d'Arago
sur ses travaux relatifs à la polarisation chromatique, il s'est décidé
à présenter au public son hypothèse des vibrations transversales, il
l'a fait dans des termes dont la précision et la fermeté ne ressemblent
guère au passage de Young qu'on vient de citer. Le calcul de l'in-
tensité lumineuse produite par l'interférence de deux vibrations po-
larisées dans des plans rectangulaires lui montre que, si l'expérience
atteste que cette intensité est indépendante de la différence des
phases, ces deux vibrations sont nécessairemeiU rectilignes, perpen-
diculaires au rayon et parallèles ou perpendiculaires au plan de
polarisation. L'existence des vibrations transversales est donc, à vrai
dire, un fait d'expérience, ou plutôt on ne peut le nier sans nier en
même temps que la lumière consiste dans un mouvement ondula-
toire. D'ailleurs, la propagation de ces vibrations n'est pas plus diffi-
cile à concevoir que celle des vibrations longitudinales : de même
que toute variation locale de densité d'un milieu élastique fait nattre
des forces qui tendent à rétablir la densité primitive, tout glisse-
ment d'une couche de molécules, relativement aux couches voisines,
doit faire naître des forces qui tendent à la ramener dans sa pre-
mière position , et , si le glissement initial n'excède pas une certaine
limite, le jeu de ces forces doit déterminer la naissance du nouveau
système de vibrations par lequel on admet que la lumière polarisée
est constituée Quant à la lumière naturelle, pour se rendre
compte de ses propriétés , il suffit d'y voir une succession rapide
d'ondes polarisées dans un grand nombre de plans différents : en
particulier, toutes les lois de l'interférence des rayons polarisés
sont des conséquences mécaniques de cette manière de voir * . Le
phénomène de la polarisation lui-même consiste donc, non pas à
créer, mais à séparer des mouvements transversaux de direction
déterminée.
(I) Voyez les Considération* uiècaniqufis xur la pUarisalion de la lumièrf (N* WII de
cette édition. S5 10 ù i3).
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 355
IX.
La confiance avec laquelle, en i8si, Fresnel présentait son
hypothèse venait peut-être moins des conceptions mécaniques plus
ou moins imparfaites par lesquelles il cherchait à la justifier, que de
l'étude approfondie des propriétés de la lumière polarisée, qui lui
avait sans cesse rendu plus évidente l'analogie de ces propriétés avec
celles d'un mouvement perpendiculaire au rayon.
Une observation fortuite sur la réflexion avait été le point de dé-
part de ces études. En recevant sur un cristal de spath un rayon
lumineux , primitivement polarisé par double réfraction , et ensuite
réfléchi, tantôt sur une glace non étamée, tantôt à la surface d'un
liquide, il avait reconnu que ce rayon continuait à se partager en
deux rayons d'intensités inégales, qui disparaissaient tour à tour dans
des positions rectangulaires du cristal ; il était donc polarisé comme
avant sa réflexion, mais dans un plan qui difi'érait en général du
pian primitif de polarisation. Lorsque ce plan primitif était paral-
lèle ou perpendiculaire au plan de réflexion, tout se bornait à un
changement d'intensité du rayon réfléchi, sans que le plan de po-
larisation fût déplacé par la réflexion, et ce second fait devenait
l'explication du premier, si l'on admettait, comme semblait l'indi-
quer la loi de Malus, qu'un rayon polarisé dans un plan donné fût
l'équivalent de deux rayons de même phase, polarisés dans des plans
rectangulaires, les vitesses de vibrations de ces trois rayons étant
liées entre elles par les mêmes relations que l'intensité de deux
forces rectangulaires et celle de leur résultante.
La simplicité de ces lois, qui paraissaient avoir échappé à Malus,
et qu'en tout cas les physiciens contemporains ne connaissaient
guère, conduisit Fresnel à étudier la réflexion de la lumière pola-
risée sur la deuxième surface des corps transparents et sur la sur-
face des métaux. Jusqu'à la limite où elle commence d'être totale ,
la réflexion intérieure ne lui offrit rien qui la distinguât de la ré-
flexion extérieure; mais au delà de cette limite des phénomènes
imprévus se manifestèrent, et on ne saurait trop admirer la saga-
•i3.
S56 INTRODUCTION
cité qui sut les ramener à des lois simples et précises, sans le se-
cours des conceptions théoriques qui vinrent plus tard les éclaircir.
Excepté aux deux limites où commence et oii finit le phénomène, la
lumière polarisée, en se réfléchissant totalement, se dépolarise plus
ou moins suivant Tincidence: si, après la réflexion, on la reçoit sur
un cristal biréfringent, elle se partage en deux faisceaux d'intensités
inégales et variables, mais dont aucun ne peut se réduire à zéro pour
aucune position de l'analyseur. Elle paraît donc analogue à la lu-
mière partiellement polarisée qu'on obtient en faisant réfléchir de
la lumière naturelle sur un corps transparent, sous un angle diffé^
rent de l'angle de polarisation; mais, en réalité, elle en diffère
profondément, car, si on la fait réfléchir totalement une deuxième
fois sous le même angle, mais dans un plan rectangulaire, elle re-
prend l'état de lumière polarisée. Dans le cas du verre, sous aucune
incidence une seule réflexion totale ne produit une dépolarisation
complète ; deux réflexions au moins sont nécessaires pour que la
lumière prenne la propriété de se partager toujours en deux fais-
ceaux égaux dans un analyseur biréfringent, quelle que soit l'orien-^
tation [de l'analyseur]. Mais cette dépolarisation complète n'est ja-
mais un retour à l'état de lumière naturelle, car deux réflexions
nouvelles, opérées dans les mêmes conditions, ramènent l'état de
polarisation complète: seulement le nouveau plan de polarisation
est perpendiculaire sur le plan primitif. En outre, la lumière, en
apparence complètement dépolarisée par deux réflexions totales,
conserve la propriété de faire naître deux images colorées de teintes
complémentaires lorsqu'on la reçoit sur une lame mince, cristallisée,
suivie d'un analyseur biréfringent.
L'étude de ces teintes montre qu'elles suivent de tout autres lois
que les teintes ordinaires de la polarisation chromatique; mais on
peut les représenter, et c'est là le résultat fondamental du travail
de Fresnel, en supposant que la lumière est formée de deux rayood
polarisés, l'un dans le plan d'incidence, l'autre dans le plan per-
pendiculaire, présentant l'un par rapport à l'autre une différence
de marche d'un quart de longueur d'ondulation, et en appliquant
au calcul de leurs eflets les règles générales de l'interférence des
rayons polarisés. Le même mode de représentation peut s'appliquer
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 357
à celles de la lumière partiellement dépolarisée par la réflexion
tptale : ses propriétés sont celles de deux faisceaux polarisés dans
des plans rectangulaires, en retard Tun sur Tautre et d'intensités
différentes.
Les métaux aussi dépolarisent partiellement la lumière polarisée
qu'ils réfléchissent, toutes les fois que le plan de polarisation n'est
ni parallèle ni perpendiculaire au plan d'incidence , et cette lumière
dépolarisée est encore constituée comme celle que peut donner la
réflexion totale. Dans le langage que Fresnel employait à cette
époque, tout se passe comme si le rayon polarisé dans le plan d'in-
cidence et le rayon polarisé dans le plan perpendiculaire, qu'on
peut substituer au rayon incident, éprouvaient des modifications
inégales d'intensité et se réfléchissaient à des profondeurs inégales au-
dessous de la surface du métal ^^K
Eiifin, suivant la diversité des conditions expérimentales, on
peut obtenir deux espèces difi'érentes de lumière complètement dé-
polarisée, qui ne donnent pas les mêmes teintes en traversant une
l^me cristallisée suivie d'un analyseur biréfringent, mais qui pré-
sentent l'une avec l'autre la relation la plus remarquable : si l'on
superpose l'un à l'autre deux de ces rayons d'espèce différente qui
Soient égaux en intensité, le résultat de la combinaison est un rayon
polarisé, dont l'azimut de polarisation dépend de la différence de
marche des rayons superposés. Il en résulte qu'on peut, au moyen
4'uQ: système convenable de réflexions totales et de doubles réfrac-
tions, transformer un rayon polarisé en un autre rayon polarisé
dont le plan de polarisation fasse tel angle qu'on voudra avec le
plan primitif, c'est-à-dire imiter jusqu'à un certain point les pro-
priétés du cristal de roche et des liquides qui font tourner le plan
de polarisation de la lumière qu'ils transmettent ^^\ La propriété
reniftrquable que désigne l'expression de pouvoir rotatoire est ainsi
(') Cette interprétation des phénomènes de la réflexion métallique, qui ne diffère pas
de celle que M. Neumann a donnée quinze ans plus tard, est très-clairement exposée
d^ps le premier mémoire de Fresnel sur les modifications que la réflexion imprime à la
lainière polarisée, présenté à TAcadémie des sdences le lo novembre 1817. (Voyei
N* XVI, S 8.)
^'' Les propriétés dont il s'agit ne sont imitées de ^tte manière que relativement à une
lumière homogène. Si la lumière est complexe, la rotation du plan de polarisation est,
358 INTRODUCTION
ramenée à une espèce particulière de double réfraction; les cou-
leurs que développent les corps qui la possèdent sont l'effet (fun
mode particulier d'interférence, et disparaissent lorsque, l'un des
'•ayons produits par cette double réfraction étant supprimé, il n'y
a plus lieu à interférence ; cela arrive quand la lumière incidente a
été primitivement polarisée, puis complètement dépolarisée par
leux réflexions totales.
Ces lois, dont la découverte aurait sufli pour assurer à l'inven-
teur une place éminente dans l'histoire de l'optique, ont été ex-
posées par Fresnet, comme des déductions immédiates de l'expé-
rience, dans trois mémoires sur les modifications que la réflexion
imprime à la lumière polarisée et sur les couleurs développées dans
les fluides homogènes par la lumière polarisée, présentés à l'Aca-
démie des sciences le i o novembre 1 8 1 7, Je 19 janvier 1818 et le
3o mars de la même année ^^^ La conception théorique des vibra-
tions transversales leur a donné un caractère tout nouveau, en les
réduisant, comme on l'a indiqué plus haut, à n'être plus que des cas
particuliers des lois générales de la composition et de la décomposi-
tion des vitesses, et celte belle simplification est devenue un des ar-
guments les plus puissants en faveur de la conception théorique elle-
même. Si l'on admet en effet que les vibrations de la lumière polarisée
soient transversales , rectilignes et parallèles ou perpendiculaires au
plan de polarisation , il est clair qu'on peut les remplacer par leurs
projections sur deux plans rectangulaires menés par la direction da
rayon , c'est-à-dire remplacer un rayon polarisé par deux rayons de
même phase polarisés dans des plans rectangulaires, et les intensités
de ces deux rayons composants sont telles que la loi de Malus sur
le partage de la lumière polarisée entre le faisceau ordinaire et le
faisceau extraordinaire trouve son explication immédiate. Si les deux
vibrations dans lesquelles on décompose la vibration donnée éprou-
vent des modifications inégales d'intensité, comme cela a lieu pour
|>ourses divei-s élémenls, sensiblemeDl réciproque à la longueur donde, taudis qu^elle
devint élre sensiblement réciproque au carré de la longueur d'onde, si rimitatioD élail
complète
^*^ Ce sont les numéros XVI , WU et XXllI de cette édition. Les deux preroien^ voient
le jour pour la première fois.
AUX œUVRES D'AUGUSTIN FRESxNEL 359
les vibrations parallèles et perpendiculaires au plan d'incidence,
dans la réflexion partielle à la surface des corps transparents, et
dans la réfraction simple y il en résulte un changement dans la posi-
tion de la vibration résultante, c'est-à-dire un déplacement du plan
de polarisation; si à l'inégale modification des intensités s'ajoute
l'inégalité des chemins parcourus, ou quelque phénomène équivalent
donnant lieu à une inégalité de phases des vibrations, le mouve-
ment cesse en général d'être rectiligne pour devenir elliptique et,
dans certains cas, circulaire. Lorsque le mouvement est circulaire, il
paraît assez évident que le rayon ne peut plus rien offrir qui rap-
pelle la diversité des propriétés d'un rayon polarisé relativement à
divers azimuts; un calcul facile démontre d'ailleurs que, comme
un rayon naturel , il doit toujours se partager également entre le
rayon ordinaire et le rayon extraordinaire d'un analyseur biréfrin-
gent. Gomme la différence de marche correspondant aux vibrations
circulaires est d'un quart d'ondulation, en répétant une seconde
fois l'opération qui a transformé les vibrations rectilignes en vibra-
tions circulaires, on élève la différence à une demi- ondulation et on
en conclut aisément que les vibrations redeviennent rectilignes, mais
perpendiculaires à leur direction initiale. Ainsi se conçoivent les re-
marquables propriétés des rayons obtenus par Fresnel au moyen de
deux réflexions totales, et qui peuvent aussi s'obtenir par l'action
d'une lame mince cristallisée d'épaisseur convenable. La répartition
de ce groupe remarquable de rayons en deux groupes secondaires,
opposés par certaines de leurs propriétés, résulte de ce qu'une
molécule vibrante peut parcourir en deux sens différents le cercle
qu'elle décrit; la reproduction d'une vibratioxi rectiligne par la su-
perposition de deux vibrations circulaires d'espèces opposées est un
fait géométrique évident, et l'explication des propriétés du quartz et
de9 liquides actifs^^^ prend le caractère, non d'une représentation
symbolique, mais d'une véritable théorie physique.
Fresnel s'est contenté d'indiquer très-sommairement ces consé-
quences de son principe ^^\ laissant à ses successeurs le soin de les
^*) On sait que Biot a employé cette expression pour désigner les liquides qui ont la
propriété de faire tourner le plan de polarisation de la lumière qu^ils transmettent.
^*) Voyez en particulier les Considérations mécaniques sur la polarisation d$ la lumière.
360 INTRODUCTION
développer. Ce n'est point ici le lieu de dire comment ils se sont ac-
quittés de cette tâche; mais il suffira de citer les noms de MM. Air}*,
John Herschel [Ncumann. Mac GuUagh], pour rappeler aux physi-
ciens de quelle variété de phénomènes le principe des vibrations
transversales a donné l'explication.
X.
La conception des vibrations transversales fut le point de dépari
de recherches qui constituent la troisième et. peut-être la plus im-
portante partie de l'œuvre de Fresnel.
La propriété de diviser la lumière en deux rayons doués de pro-
priétés distinctes, qu'on avait d'abord regardée comme une faculté
tout exceptionnelle du spath d'Islande, avait été peu à peu reconnue
dans un nombre de corps de plus en plus grand, à mesure que
s'étaient perfectionnés les moyens d'observation. Huygens l'avait
reconnue dans le cristal de roche ^*^; Malus l'y avait mesurée, et
l'avait reconnue et mesurée, incomplètement il est vrai, dans l'ara»
gonite et le sulfate de baryte, et, lorsque la découverte de la pola-
risation chromatique était venue donner une méthode incompara-
blement plus propre que l'observation directe à manifester la plus
faible double réfraction dans les cristaux les plus petits, les obser-
vations de Biot, de Brewster et des minéralogistes avaient bientôt
rendu la liste des substances biréfringentes pour le moins aussi
nombreuse que celle des cristaux à réfraction simple. Biot avait dis-
tingué deux espèces diverses de double réfraction, suivant que les
phénomènes étaient symétriques tout autour d'un axe qui n'avait
pas lui-même la faculté biréfringente, ou qu'ils semblaient se coor-
donner par rapport à deux axes de ce genre, inclinés l'un sur l'autre
d'un angle variable, et chacune de ces espèces à son tour s'était
subdivisée en deux variétés selon le signe de l'action attractive ou
jointes aux notc^ sur le calcul des teintes des lames cristallisées, le MétHoire tur la dombU
réfraction particulière du cristal de roche , et le Second mémoire «mi* la double réfraction.
( \- XXII , XXVUI et XLVU de celle édition. )
^'î Vovd le Traité de la Liimièrf, chap. f, S âu.
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 361
répulsive que Taxe unique et les deux axes semblaient exercer sur le
rayon qui obéissait à la loi de Descartes , ou qui du moins paraissait
fr'en rapprocher le plus.
Mais, en se généralisant ainsi, le phénomène de la double réfrac-
tion n'avait pas paru devenir plus facile à comprendre. On sait que
Huygens avait admis dans le spath d'Islande l'existence de deux
systèmes d'ondes , des ondes sphériques transmises par l'éther con-
tenu dans le cristal, et des ondes ellipsoïdales transmises à la fois
par l'éther et par la matière pondérable ; mais il n'avait pas même
essayé d'expliquer comment ces ondes se produisaient, ni pourquoi
elles présentaient l'une avec l'autre les relations impliquées dans les
lois que l'expérience lui avait fait connaître ^^\ Dans le système de
l'émission, Laplace se borna à déduire des lois de Huygens que
l'action du milieu biréfringent sur les molécules du rayon ordinaire
est constante, et que son action sur les molécules du rayon extra-
ordinaire en diffère par un terme proportionnel au carré du cosinus
de i'ângle que le rayon fait avec l'axe, sans donner d'ailleurs aucune
raison de cette inégalité ^^l Dans le système des ondes, Young indi-
qua l'inégalité d'élasticité des milieux comme pouvant donner nais-
<0 Voyei le Traité de la Lumière , cbap. v, SS 18 et 19.
(*) Yoyei Mémoiret d'Arcueil , t. II , p. 3 , Sur le mouvement de la lumière dan» let cris-
taux diaphanes, Lapiace attachait beaucoup de prix à ce mémoire ; son analyse était fondée
sur le principe de la moindre action , qui a généralement lieu dans le mouvement d^un
point soumis à des forces attractives et répulsives; il a cm avoir démontré que les phéno-
mènes de la double réfraction étaient explicables par des forces de ce genre. Young a fait
remarquer qu^on aurait le même droit de dire que la réfraction régulière d^un son produit
dans feau et transmis à Pair prouve que le son est attiré par Tair ou repoussé par IVau.
La. critique est juste, mais, après tout, la théorie de Laplace n*est pas physiquement in-
oonoevable, et ne doit pas être confondue avec Texposé très-inexact que Biot en a donné
dans le chapitre de la double réfraction de son Traité de physique expérimentale et ma-
Ûémaiique et que bien des auteurs ont ensuite reproduit de conBance. Laplace n^a jamais
dit que les molécules des rayons extraordinaires fussent sollicitées par une force émanée de
Vaxe du cristai , c'est-à-dire d'une abstraction géométrique qui est indispensable à con-
sidérer pour la coordination des propriétés du cristal , mais qui ne saurait être prise pour
on système de centres attractifs et répulsifs. Il a simplement supposé que Faction exercée
sur les molécules dépendait de la direction du rayon lumineux, c'est-à-dire, au fond, de
la situation de Taxe des molécules par rapport à Taxe du cristal, et cela n'aurait rien d'im-
fKWsible si, comme on doit le supposer, les forces attractives et répulsives des molécules
cnslaflinefl n'étaient pas les mêmes dans tous les sens aux petites distances où la forme des
molécules peut influer.
362 INTRODUCTION
sauce à des ondes ellipsoïdales, mais il resta bien loin encore d'une
véritable explication.
ce M. de Laplace, dit-il dans un article de la Quarterly Review
principalement consacré à la critique de l'aperçu théorique qu'on
vient de rappeler, remarque très-justement que dans les phéno-
mènes de la double réfraction, comme dans ceux de l'astronomie,
la nature a prU la forme de l'ellipse après celle du cercle. Mais en
astronomie nous savons pourquoi la nature a pris la forme de Tel*
lipse, puisque cette forme elliptique est une conséquence nécessaire
de la loi de variation de la force de gravitation : dans la théorie de
la double réfraction , au contraire , on n'a rien tenté de satisfaisant
pour obtenir une simplification de ce genre. Les principes de Huy-
gens donneraient cependant une solution de la difficulté, si l'on
admettait, ce qui est la plus simple supposition possible, que le
milieu qui transmet les ondes est plus compressible suivant une di-
rection déterminée' que suivant toute direction perpendiculaire,
comme s'il était formé d'une infinité de plaques parallèles, réunies
par une substance un peu moins élastique. On peut se figurer on
pareil arrangement des atomes élémentaires d'un cristal, en le com-
parant à un morceau de bois ou de mica. M. Chladni a trouvé que
l'obliquité des fibres ligneuses dans une barre de sapin d'Ecosse di-
minuait la vitesse du son dans le rapport de 5 à &. Il est par con-
séquent évident qu'un morceau de ce bois transmettrait un ébran-
lement par des ondes sphéroîdales, c'est-à-dire ovales : or on peut
démontrer que ces ondes seront vraiment elliptiques si le corps est
formé de couches planes et parallèles, et de fibres équidistantes
réunies par une substance moins élastique, les couches ou les fibres
étant supposées extrêmement minces: dans le cas des couches l'el-
lipsoïde serait allongé; il serait aplati dans le cas des fibres. On
peut aussi prouver que, tandis qu'une ondulation sphéroïdale com-
plète se propage en tous sens, perpendiculairement à sa surface,
une portion isolée, comparable à un rayon lumineux ou sonore,
s'avance obliquement suivant la direction du diamètre ^^^.»
^'^ Quarterly Review for november 1809, et Mitcellaneous Worh, 1 1, p. 9t8, artide
ayant pour titre : Review oj Laplaee*» Memoir «sur la loi de la réfradioo extraordinaire
r dans les cristaux diaphanes.'». — Young a cru un moment que Tobtiquilé des
AUX ŒUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 363
Ni dans ce passage, ni dans un mémoire -mathématique qui y
est ajouté sous forme de note , ni dans l'article Chromatigs , publié
par Young quelques années après ^^\ la vraie difficulté de la question
ne se trouve abordée ni même soupçonnée. Une inégalité d'élasti-
cité a sans doute pour conséquence nécessaire une inégalité des vi-
tesses de propagation des mouvements vibratoires, et si des ébranle-
ments partis au même instant d'une même origine se propagent
avec des vitesses inégales, il est bien évident qu'ils ne peuvent cons-
tituer une onde sphérique; il ne faut pas non plus beaucoup de
sagacité pour apercevoir que, dans un milieu constitué symétrique-
ment autour d'un axe, cette onde sera une surface de révolution,
qu'elle différera peu d'une sphère si les inégalités de vitesse sont
peu sensibles^ et qu'en conséquence on pourra, au moins à titre de
première approximation, l'assimiler à un ellipsoïde de révolution.
Le point important est d'expliquer comment de cette inégalité d'é-
lasticité résulte la formation de deux rayons, doués de propriétés
distinctes qu'ils transportent partout avec eux, et cette explication
ne peut être donnée tant que les vibrations sont regardées comme
longitudinales.
L'hypothèse des vibrations transversales, au contraire, conduit
naturellement sur la voie d'une solution de la difficulté. Un rayon
de lumière tombant sur la surface d'un cristal, les réactions élas-
tiques que ses vibrations mettent enjeu, et d'où résulte la propaga-
tion ultérieure du mouvement, dépendent non - seulement des
vibrations du rayon ^ mais de la situation du plan dans lequel s'exé-
cutent ses vibrations transversales. Si la réaction est dirigée dans le
plan même de vibration, ce plan doit demeurer invariable, et le
rayon lumineux doit se propager dans le cristal en conservant sa po-
larisation initiale, avec une vitesse déterminée par les conditions
la sarface des ondes était une explication suffisante de la polarisation ; à son avis , de tels
rayons ne doivent pas être regardés comme identiques dans tous les sens. Mais il n'a pas
penifté dans cette explication lorsque Malus a eu découvert, dans la réflexion de la lu-
mière, un moyen de la polariser indépendant de la double réfraction.
^') Young est encore revenu une fois sur la théorie de la double réfraction dans un ar-
tide du Supplément à TEncydopédie britannique, intitulé : Tkearetical invuttgationa m-
tmML to ittuitratê the phenomena of pdariiotion , mais il connaissait alors Tensemble des
travaux de Fresnel.
36a INTRODUCTION
mêmes de rexpérience. Mais on conçoit qu'en général la réaction
élastique ne satisfera pas à cette condition , et la symétrie d'un cris-
tal à un axe autour de son axe optique paratt indiquer qu'il est né-
cessaire que les vibrations soient contenues dans sa section princi-
pale ou lui soient perpendiculaires. Toute autre vibration, en vertu
du principe de la superposition des petits mouvements, donnera
naissance aux mêmes effets que le système des deux vibrations , Tune
parallèle, l'autre perpendiculaire à la section principale dont elle
peut être censée la résultante, et, si chacune de ces vibrations élé-
mentaires a une vitesse particulière de propagation, l'existence de
deux rayons inégalement réfractés se trouve expliquée.
Telle est la substance des idées que Fresnel a sonmiairement ex-
posées dans ses Considérations mécaniques sur la polarisation de la
lumière ^^^ et dont le développement l'a conduit à la plus grande de
ses découvertes.
XI.
Dans le passage auquel il vient d'être fait allusion , Fresnel donne
des raisons plausibles (mais non des preuves rigoureuses) pour ad-
mettre que, dans les cristaux symétriques par rapport à un axe, des
\ibrations perpendiculaires à l'axe se propagent avec la même vitesse
dans tous les sens. L'existence d'un rayon ordinaire et la relation re-
marquable qu'il présente avec le rayon extraordinaire se trouvent
ainsi justifiées, pourvu qu'on admette que dans la lumière polarisée
les vibrations sont perpendiculaires au plan de polarisation; toute
lumière incidente polarisée dans la section principale d'un cristal
donne alors naissance à des vibrations qui se propagent toujours
avec la même vitesse, et par conséquent se réfractent suivant la loi
de Descartes; les vibrations polarisées perpendiculairement à la sec-
^') .%* XXII, S 16. — DaDs la note mathématique qui suit le passage cité plus haut,
YouDg fait hieu remarquer que, dans un milieu cristallisé, la réaction élastique mise eo
jeu par une vibration donnée fait généralement un angle avec la direction du déplace-
ment, mais, supposant toujours les vibrations longitudinales, il ne peut avoir la pensée de
les résoudre en deux vibrations élémentaires qui , donnant naissance à des forces élastiques
dirigées en sens inverse du déplacement, se propagent dans le milieu sans s^altérer et arec
des vitesses différentes.
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 365
tion principale se propagent au contraire avec une vitesse variable;
mais à mesure que la direction du rayon se rapproche de l'axe, par
cela seul que ces vibrations sont transversales , elles tendent à deve-
nir perpendiculaires à l'axe, et par suite leur vitesse de propagation
se rapproche de celle des vibrations ordinaires, de façon que les di-
rections du rayon ordinaire et du rayon extraordinaire doivent finir
par se confondre. Mais ces considérations font entièrement défaut
pour les cristaux à deux axes; l'existence même de deux axes op-
tiques, si nettement accusée dans les phénomènes de polarisation
chromatique, montre que le milieu qui transmet les vibrations lumi-
neuses n'est pas constitué symétriquement autour d'une droite; la
forme et l'ensemble des propriétés physiques des cristaux de ce
genre permettraient moins encore une telle hypothèse ^^\ On conçoit
bien encore que l'inégalité de l'élasticité engendre la double réfrac-
tion, mais on ne voit plus de raison pour admettre l'existence d'un
rayon ordinaire.
Cette remarque profonde, qui avait échappé à tous les contem-
porains de Fresnel, puisqu'aucun d'eux n'avait cessé de parler du
rayon ordinaire des cristaux à deux axes, fut immédiatement soumise
par lui à l'épreuve de l'expérience. En accolant l'un à l'autre deux
(*) A mesure que la liste des corps biréfringents avait été en s^étendant, d'importantes
rdations avaient été établies entre la forme cristalline et la propriété biréfringente. Haûy
le premier avait fait remarquer que la réfraction simple n'appartenait qu^aux substances
non cristallisées et aux substances crislaliisées dans le système cubique : toutes les subs-
tances biréfringentes se trouvant appartenir aux systèmes à axes inégaux, la corrélation de
la double réfraction et de l'inégalité d'élasticité , ou plutôt de la diversité des propriétés
physiques suivant diverses directions, devenait évidente. Un peu plus tard, à la suite d'une
étude des propriétés optiques de plus de cent cinquante matières crislaliisées, M. Brewster,
et c^est peut-être la plus belle de ses découvertes, a montré que l'existence d'un axe op-
tique caractérisait les cristaux du système hexagonal et du système du prisme droit à hann
carrée, qu'on peut regarder commç symétriques autour d'un axe principal, tandis que,
dans les cristaux des autres systèmes, où aucun axe ne jouit de cette propriété, il existe
toujours deux axes optiques. ( Trtuitaclion» philosophiquei pour 1818 : On the law» ofpo-
laniotion and dmibU refraction in cryitaUized bodiet.)
Fresnel a eu connaissance du travail de Brewster par l'extrait qui en est donné dans le
mémoire de Biot sur la double réfraction , inséré dans les Mémoiren de l'Académie de»
êciencee pour l'année 1818, page 177. (N" XXXVIII, S i3 ^'K)
*'* Ici se trouvent en marge du manuscrit autographe ws mots au erayoo : «Note à trans^
Uirm après le compte rendu des travaux de Fresnel. r
:\66 INTRODUCTION
prismes de topaze blanche, d'angles réfringents exactement égaox,
mais taillés suivant des directions différentes dans un même cristal,
et observant au travers de ce système une mire éloignée parallèle à
i'aréte commune des deux prismes, il a facilement constaté que les
deux images de la mire formées par les rayons que tous les physi-
ciens appelaient ordinaires étaient en général réfractées de quantités
tout à fait différentes; dans certains cas particuliers leurs réfractions
pouvaient être égales, mais dans d'autres cas les réfractions des deux
images dites extraordinaires pouvaient l'être aussi , et ni Tun ni l'autre
des deux groupes de rayons désignés par ces expressions ne présen-
tait le caractère essentiel des rayons ordinaires d'un cristal uniaxe,
celui d'être soumis à la loi de Descartes ^^\
Ce résultat mettait à néant la généralisation hypothétique de la
construction de Huygens, par laquelle Young avait tenté de repré-
senter le loi de la double réfraction des cristaux à deux axes, en
joignant à l'onde sphérique des rayons ordinaires une onde extraor-
dinaire en forme d'ellipsoïde à trois axes inégaux ^^\ Mais la forme
que prenait en même temps le problème laissait bien peu d'espoir
de le résoudre par la simple induction et sans le secours d'une théo-
rie mécanique complète et rigoureuse. Il s'agissait en effet de trou-
ver une surface de l'onde, symétrique par rapport à trois axes rec-
tangulaires, qui, dans l'hypothèse où deux de ces axes deviendraient
identiques, se réduirait au système formé par la sphère et l'ellip-
soïde de révolution de Huygens; celte surface devait être à deux
nappes, puisqu'elle devait rendre compte de la formation des deux
ravons réfractés, et aucun des deux rayons ne se distinguant par un
^') Pour rendre TexpérieDce plus facile, Fresnel avait soin d^achromatiser ses deux
prismes par un prisme de crown d^angle convenable; Tachromatisme ne pouvait d^ailleurs
être complet que pour un seul prisme. 11 est eucore arrivé aux mêmes conclusions en me-
surant le déplacement des franges d'interférence qui s'observait lorsque les deux faisceaux
interférents étaient transmis par deui plaques de topaze de même épaisseur taillées dans
un même cristal suivant des directions différentes.
'^'^ L'hypothèse d'une onde extraordinaire amygdaUnde a été très-brièvement indiquée
par Young dans deux passages de l'article Cbrohatics du Supplément à VEneydopêJie bri-
tannique publié en 1817, oii il a traité d'une manière générale de tous les modes de pro-
duction des couleurs. 11 n'est d'ailleurs entré dans aucun détail sur son hypothèse, ei en
partinilier il a négligé de déGnir la situation exacte de l'onde extraordinaire par rapport à
Ponde sphérique des rayons ordinaires. (Voyez MitceUaneoua Workt^ t. I, p. 817 et 3ts.)
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 367
caractère spécial , comme celui du rayon ordinaire des cristaux à un
axe, il était probable que les deux nappes devaient être contenues
dans une seule équation : la surface cherchée était donc au moins
du quatrième degré, et cette remarque fait sentir quelle était l'in-
détermination du problème.
Une heureuse conception de Fresnel, qui n'est autre que la con-
ception fondamentale de la méthode infinitésimale, a fait disparaître
l'indétermination. Ce qui semblait impossible est devenu simple et
évident dès qu'à la considération de l'onde entière on a substitué
celle de ses plans tangents, c'est-à-dire dès qu'on a passé de la pro-
pagation des rayons divergents à partir d'un centre à la propagation
des ondes planes. Dans un cristal à un axe les ondes planes polari-
sées dans la section principale se propagent toutes avec la même vi-
tesse, et cette vitesse peut être représentée par le rayon de la sphère
des rayons ordinaires, qui est en même temps le demi-axe polaire
de l'ellipsoïde des rayons extraordinaires; les ondes planes polarisées
perpendiculairement à la section principale se propagent au contraire
avec une vitesse variable, qui, pour chacune d'elles, peut être re-
présentée par la perpendiculaire abaissée du centre de l'ellipsoïde
de Huygens sur le plan langent parallèle à l'un des plans [d'onde]. Or,
si l'on compare les vitesses de propagation des deux ondes d'espèce
oppQsée qui sont normales à une même droite, et qui par conséquent
se propagent suivant la même direction , on reconnaît aisément que
ces vitesses sont liées entre elles par une remarquable relation géo-
métrique : elles sont réciproques des longueurs des axes de la sec-
tion elliptique faite par le plan des ondes dans un ellipsoïde de ré-
volution autour de l'axe optique, ayant pour demi-axe polaire l'inverse
du demi-axe équatorial de l'ellipsoïde de Huygens, et vice versa; en
outre, le plan de polarisation de chaque onde est perpendiculaire à
l'axe de la section elliptique qui est réciproque de sa vitesse de pro-
pagation. Toutes les propriétés des cristaux à un axe, qu'on a l'ha-
bitude d'exprimer par la construction de Huygens et par les lois de
polarisation du rayon ordinaire et du rayon extraordinaire, peuvent
donc se représenter au moyen d'une surface unique, et comme cette
surface est un ellipsoïde de révolution autour de l'axe optique, il est
bien naturel de supposer qu'en lui substituant un ellipsoïde à trois
:\6H l\TRODLCTIO\
aies inégaux on obtiendra la représentation de toutes les propriétés
optiques des cristaux à deui axes. Les axes de la section elliptique
faite dans cet ellipsoïde par un plan quelconque seront encore réci-
proques des vitesses de propagation des deux systèmes d'ondes planes
auxquels on peut concevoir que ce plan soit parallèle, et respective-
ment perpendiculaires aux plans de polarisation de ces ondes. D'ail-
leurs, les ondes planes étant tangentes à la surface de Tonde, cette
surface elle-même peut être prise pour l'enveloppe commune de
toutes les ondes planes de directions diverses qu'on peut concevoir
comme ayant passé à un instant donné par un même point et s'étant
ensuite propagées avec leurs vitesses et leurs polarisations respec-
tives pendant une même durée, Tunité de temps, par exemple. La
recherche de cette surface sera ainsi réduite à un simple problème
d'algèbre, n'offrant d'autres difficultés que celles qu'on pourra trou-
ver dans le calcul d'élimination qu'implique toujours la recherche
d'une surface enveloppe ^^K Si l'expérience vérifie les résultats de ces
inductions, on aura le droit de se considérer comme en présence de
la loi véritable des phénomènes, et cette loi sera la condition à la-
(|uelle devra satisfaire toute théorie de la constitution mécanique
des milieux biréfringents.
Xll.
dette belle méthode, qui a conduit Fresnel à la découverte de la
loi la plus générale de l'optique, n'a été exposée par lui que dans
son premier mémoire sur la double réfraction, et dans l'extrait qu'il
en a lu devant l'Académie des sciences le 96 novembre 1831 ^*.
^') Fresnel n'a pu lui-même venir à bout de ces difficultés et n'a su obleoir Téquatioo
de la surface de Tonde qu'en la supposant a priori du quatrième degré , et calculant la va-
leur de ses coefficients de manière qu'ils satisfissent à certaines conditions faciles a déduire
de la considémlion des ondes planes normales aux trois plans de symétrie du milieu.
Ampère est le premier qui ait effectué le calcul d'une manière rigoureuse.
^*^ Ce sont les numéros XXXVIII et XXXIX de cette édition. Le premier mémoire sur
la double réfraction (N** XXXVIII) a été déposé le 19 novembre 1891 au secrétariat de
l'Académie, ainsi qu'il résulte d'une apostille de Delambre au manuscrit original. Les rai-
sonnemenls qui y sont développés diflerent un peu de ceux qu'on vient de présenter et ne
conduisent pas à la loi exacte de la double réfraction ; mais l'extrait du mémoire N* XXXIX .
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESJNEL. 369
Tous ses mémoires subséquents sur le mc^me sujet sont uniquement
consacrés à la comparaison de cette loi générale avec l'expérience et
au développement de la théorie mécanique par laquelle Fresnel a
essayé de retrouver ce qu'une profonde intuition lui avait réellement
fait découvrir. Le seul de ces écrits qui ait été imprimé, le Mémoire
sur la double réfraction, qui fait partie du tome VII des Mémoires
de V Académie des sciences ^^\ ne contient pas autre chose, et ne
laisse en aucune manière soupçonner la voie si originale qu'avait
suivie rinventeur. Il serait sans doute inutile de faire ressortir l'in-
térêt qui s'attache à la publication des précieux documents oii la
pensée première de Fresnel se révèle tout entière.
Les mêmes expériences qui avaient montré à Fresnel qu'aucun
rayon dans les cristaux à deux axes n'avait réellement droit à la qua-
lification de rayon ordinaire lui fournirent d'importantes vérifications
de ses lois générales. Les conditions particulières oii il était arrivé
que deux prismes d'angles égaux, mais de directions différentes,
avaient réfracté un même rayon de la même quantité, se trouvèrent
en effet les conséquences de ces lois; il en fut de même des condi-
tions oii deux plaques de même épaisseur et de directions différentes
avaient transmis ces mêmes rayons avec la même vitesse. Les règles
données par Biot pour définir la position des plans de polarisation
des deux rayons réfractés et pour évaluer la différence de leurs vi-
tesses de propagation y trouvèrent également leur explication ^^K De
nouvelles expériences sur la topaze, plus variées et aussi précises
que les premières, vinrent apporter à la loi générale de nouvelles
confirmations. Enfin il ne fut pas difficile de démontrer l'existence
nécessaire de deux axes optiques et de déterminer les propriétés de
ces deux directions d'une manière plus précise que n'avait pu le faire
la seule expérience. Les axes ne sont autre chose que les normales
aux deux systèmes de sections circulaires que présente l'ellipsoïde à
rédigé quolquos jours après et lu à la séance suivante de TAcadémic, conlicnt ou du moins
indique loules les rectifications nécessaires. (Voyez N' XXXIX, note finale de IVdilenr.)
(') N-XLVII de cette édition.
^^^ Il fallut seulement prendre pour vitesses de propagation les inverses des valeurs
adoptées par Biot, ainsi qu'on doit toujours le faire quand on passe du système de rémis-
sion au système des ondes.
Verdet, ï. — Mémoires. •.»'!
370 INTRODUCTION
trois axes inégaux dont il a été question tout à l'heure : comme tout
diamètre de ces sections circulaires a les propriétés d'un axe d'une
section elliptique, on voit que, sur une onde plane perpendiculaire
à un axe optique, la direction des vibrations peut être quelconque,
et que la vitesse de propagation en est indépendante. Ainsi, suivant
un axe optique il n'y a ni polarisation déterminée, ni double réfrac-
tion, ni par conséquent modification de la lumière par interférence
dans les expériences de polarisation chromatique. Ces propriétés sont
précisément celles qui caractérisent l'axe unique des cristaux à un
axe; mais tandis que cet axe unique est, relativement au milieu
cristallin, un axe de symétrie et occupe en conséquence la même
position pour toutes les couleurs, les axes optiques des cristaux à
deux axes sont simplement des directions suivant lesquelles il y a
compensation entre les causes tendant à produire la double réfrac-
tion, et, toutes les fois que la dispersion est sensible, leurs situations
sont très-différentes pour les diverses couleurs ^*'.
Entièrement persuadé par ces expériences de la vérité de sa loi,
Fresnel en rechercha l'explication mécanique, et. bien qu'on doive
reconnaître que le succès n'a pas couronné ses efforts, celte dernière
recherche n'en a pas moins exercé sur la science une influence con-
sidérable, qui s'est étendue bien au delà des limites de la théorie
de la lumière.
On v doit distinguer deux parties.
La première dans l'ordre logique (mais non dans l'ordre histo-
rique) est Tétude des forces que développent dans un milieu élas-
tique les petits déplacements moléculaires. Sans faire aucune hypo-
thèse sur l'arrangement des molécules ni sur la loi de leurs actions
mutuelles. Fresnel démontre par des raisonnements synthétiques,
faciles à traduire par l'analyse :
1° Que si une molécule du milieu éprouve un petit déplacement,
toutes les autres demeurant immobiles, la force qui la sollicite est
la résultante des trois forces qui la solliciteraient si elle éprouvait
tour à tour trois déplacements parallèles à trois axes rectangulaires
^'^ On sail que la confirmation la plus éclatante de la loi de Fresnel a été donnée plus de
dix ans apn's sa mort par U*s Iravanx de MM. Haroilton ol IJoyd sur les propriétés des axes
optiques et sui' relle> des points siFi[|iiliei s de la surface de Tonde.
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 371
queiconcjues et égaux aux projections du déplacement réel sur ces
trois axes;
3° Qu'en général cette force accélératrice est inclinée sur la di-
rection du déplacement, mais qu'il existe toujours trois axes rectan-
gulaires tels qu'un déplacement parallèle à l'un d'eux donne nais-
sance à une force accélératrice qui lui est parallèle ;
3** Que si des déplacements égaux parallèles à ces trois axes
donnent lieu à des forces accélératrices égales, une direction quel-
conque jouit des mêmes propriétés ;
4" Que si des déplacements égaux parallèles à deux axes donnent
lieu à des forces accélératrices égales, toute direction contenue dans
le plan des axes jouit des mêmes propriétés ^*\
Si le milieu est homogène dans toute son étendue, les axes dont
il s'agit ont partout la même direction et peuvent recevoir le nom
ai axes d'élasticité.
Ces théorèmes, d'une si remarquable simplicité, doivent être
regardés comme le point de départ d'une science nouvelle , qui est
devenue aujourd'hui l'une des branches les plus importantes de
l'étude de la nature : la théorie générale de l'élasticité. Sans doute on
avait déjà traité bien des questions relatives à l'équilibre et au mou-
vement intérieur des corps, mais, excepté dans le cas des fluides,
et surtout des fluides élastiques, les solutions avaient été toujours
empruntées à des considérations en partie théoriques, en partie
empiriques et spéciales à cha ue question, et même à des hypothèses
inadmissibles. Fresnel fut le premier à introduire dans ces études
les méthodes exactes et générales de la mécanique rationnelle, et,
si simple que fût le problème qu'il s'était posé, relativement aux
problèmes qu'on a abordés plus tard, en le résolvant d'une manière
rigoureuse, il fit ce qu'il y a à la fois de plus important et de plus
rare, il ouvrit à la science une voie nouvelle. Les noms de Cauchy,
de Green, de Poisson, de M. Lamé disent assez si cette voie a été
féconde ^'^
'•' Ici se lit en marge, sur \e innniiscrit autographe, celte apostille tracée au crayon : Théorie
de VeUipsoïdv à itUeicahr ....
^'^ Ce nVst pas r.rhilraireinenl, ni pour les besoins (run vain panégyrique, qu'on ral-
37â INTRODUCTION
On ne saurait donc estimer trop haut la valeur des premières re-
cherches de Fresnel sur la constitution des miheux élastiques, mais
on doit reconnaître aussi que ces recherches n'ont pas été poussées
assez loin pour conduire au but qu'il avait en vue, la démonstration
a priori de sa loi générale de la double réfraction. Tout lecteur at-
tentif du mémoire célèbre où cette démonstration est essayée doil
en effet s'étonner qu'une série de raisonnements, tantôt incomplets,
tantôt entièrement inexacts, ait conduit leur auteur à l'établisse-
ment d'une des plus grandes lois de la nature, et, s'il s'agissait d'un
autre que de Fresnel, on pourrait même être tenté de dire cpi'il a
dû au plus singulier des hasards la plus belle de ses découvertes.
Le premier mémoire sur la double réfraction, demeuré inédit jus-
qu'à ce jour, nous a montré par quelle admirable généralisation
de faits connus il a été réellement conduit à cette découverte: les
deux suppléments à ce mémoire, qui l'ont suivi à quelques mois de
distance, et qui paraissent aussi pour la première fois dans cette
tache l'œuvre de ces savants illustres à l'œuvre de Fresnel , comme à son point de départ.
Les travaux de Cauchy qui sont les plus beaux titres de ce grand géomètre dans le do-
maine de la physique mathématique, les mémoires sur Téquilibre et le mouvement inté-
rieur des corps, considérés tantôt comme des masses continues, tantôt comme des assem-
blages de points matériels disjoints, qu^on trouve dans les premiers Exercice* de mathe-
matiquexy sont postérieurs de quelques années aux recherches de Fresnel sar la double
réfraction; Tapplication que Fauteur s'est hâté de faire des conséquences de son analyse
aux théories de la double réfraction et de la dispersion fait bien voir que Toptique n*a
jamais été étrangère à ses préoccupations. La polémique même que Poisson a soutenue
contre Fresnel sur le principe de la théorie des ondes ^^ est une preuve de Tinfluence «pie
les découvertes du physicien ont exercée sur Tesprit du géomètre. Enfin Tadmirable mé-
moire où Green a établi, de la manière la plus simple et la plus solide, les bases défini-
tives de la théorie de Pélasticité, a pour titre : Sur la propagation de la lumière dans U*
milieux rristallisés ^^'K Les premiers travaux de M. Lamé ont eu seuls leur origine plutôt
dans la mécanique pratique (|ue dans Toptique; mais on sait quelle place M. Lamé a don-
née plus tard à cette science dans ses leçons sur Télasticité.
Les seuls écrits antérieurs a Fresnel où Ton trouve des notions justes sur les inégalités
dVlasticité qui peuvent exister dans les corps et sur leur répartition régulière par rapport
à certains axes ou plans de symétrie sont, à ma connaissance, ceux du grand minéralo-
giste allemand Samuel-Christian \Veiss^'\
'*' Vnyei plu'* loin un résamé de retle cnntrovers*».
'^' Camhridfft Transactions, t. Vll.
'*' Voy*»! en purliculier son mémoire sur îes divisions nalnrelle> des systèmes cristallins, pu-
blie dans les Hemoire* rff l' ^rmleuiie dt Rerlin pour iMi5.
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 373
édition ^'^ , vont nous révéler en détail la marche successive de ses
pensées, et comment il en est venu à se persuader qu'une suite
d'hypothèses plausibles , mais nullement évidentes, était une véritable
démonstration. On sait d'ailleurs que bien des physiciens éminents
les ont reçues pour telles.
Dans les cristaux à un axe, il est évident, par raison de symétrie,
(|ue tout déplacement, perpendiculaire à l'axe, d'une seule molécule
doit donner naissance à une force élastique, dirigée en sens con-
traire du déplacement et indépendante de la direction particulière
du déplacement dans un plan perpendiculaire à Taxe. Un déplace-
ment parallèle à Taxe doit aussi donner naissance à une force élas-
tique dirigée en sens contraire du déplacement, mais d'une intensité
différente de la précédente. On sait d'autre part que toutes les
ondes planes polarisées dans la section principale se propagent dans
le cristal avec une vitesse constante, la vitesse des rayons ordinaires,
et que toutes les ondes planes dont le plan contient l'axe, et qui
sont polarisées perpendiculairement à la section principale, se pro-
pagent avec une autre vitesse constante qui est la vitesse des rayons
extraordinaires perpendiculaires à l'axe. Ces propriétés remarquables
deviennent des conséquences d'un même principe, si l'on admet :
1° Que les vibrations de la lumière polarisée sont perpendici>-
laires au plan de polarisation ;
â** Que lorsque, dans le plan d'une onde plane, les vibrations ont
lieu parallèlement ou perpendiculairement à l'axe optique, les forces
élastiques qu'elles développent ne diffèrent des forces élastiques dé-
veloppées par le déplacement parallèle d'une seule molécule que
par un facteur constant , indépendant de la direction particulière
du plan de l'onde.
La supposition est d'ailleurs tout à fait plausible, car ell^ conduit
à regarder les vibrations de toutes les ondes ordinaires comme
s'exécutant perpendiculairement à l'axe optique^ et la simplicité de
ce caractère commun paraît l'explication de l'identité de leurs pro-
priétés. Si l'on remarque que dans un cristal à un axe toute droite
|)erpendiculaire à l'axe est l'intersection de deux plans par rapport
(') Ce sont les numéros XLII et XLIII. Le premier supplément a été présenté à TAca-
démie des sciences le 99 janvier 1 899 , et le deuxième le 1" avril de la même année.
374 INTRODUCTION
auxquels le cristal est symétrique, on est porté à admettre que, dans
les cristaux à deux axes, lorsque les vibrations d'une onde plane
sont parallèles à l'un des trois axes d'élasticité, c'est-à-dire à l'une
des trois intersections des trois plans rectangulaires de symétrie,
elles développent aussi des forces élastiques proportionnelles à
celles qui résulteraient du déplacement d'une molécule unique,
quelle que soit la direction particulière du plan de l'onde; et [cette
hypothèse explique] l'existence de trois groupes de rayons qui,
dans chacun des trois plans de symétrie du cristal , se réfractent
conformément à la loi de Descartes, mais avec des indices diffé-
rents. Quoi de plus naturel que d'étendre ensuite à tous les cas
une hypothèse qui rend un compte si satisfaisant de tant de parti-
cularités du phénomène?
C'est ainsi que Fresnel s'est trouvé conduit à admettre comme un
principe de sa théorie que, dans tous les cas, les forces élastiques
mises en jeu par la propagation d'un système d'ondes planes, a
vibrations rectilignes et transversales, ne dépendent que de la di-
rection des vibrations et sont dans un rapport constant avec les
forces élastiques mises en jeu par le déplacement parallèle d'une
molécule unique. Mais, pour rendre compte des phénomènes au
moyen de cette hypothèse, il est nécessaire d'y en ajouter une se-
conde, qui a paru à Fresnel n'être que l'expression pure et simple
du principe fondamental de la transversal ité des Wbrations. Si les
vibrations sont perpendiculaires au plan de polarisation, les vibra-
tions d'une onde plane extraordinaire dans un cristal à un axe
doivent être parallèles à la section principale, c'est-à-dire contenues
dans le plan qui passe par l'axe et par la normale à l'onde; s'il est
en outre nécessaire qu'elles soient absolument transversales, elles
doivent être précisément dirigées suivant l'intersection du plan de
l'onde et de la section principale. Mais la force élastique développée
par un déplacement parallèle à cette direction n'est pas dirigée en
sens inverse du déplacement, car cette propriété n'appartient qu'aux
forces élastiques développées par des déplacements parallèles ou per-
pendiculaires à l'axe; seulement, par raison de symétrie, la force
élastique dont il s'agit est, comme le déplacement d'où elle résulte,
contenue dans la section principale, et par conséquent sa compo-
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 375
santé parallèle au plan de l'onde est parallèle au déplacement. Donc,
si cette composante était seule efficace , la propagation des vibrations
extraordinaires serait expliquée, et si, en prenant pour mesure de
la vitesse de propagation la racine carrée de cette composante,
on retrouvait les lois connues de la propagation des ondes extraordi-
naires, on pourrait se croire autorisé à prendre cette nouvelle hypo-
thèse pour l'expression de la vérité.
Or c'est précisément ce qui arrive. Dans un cristal quelconque à
un ou à deux axes, il résulte de la loi de Fresnel que les deux vibra-
tions rectangulaires qui peuvent se propager par des ondes planes
normales à une même droite sont telles que les déplacements pa-
rallèles d'une molécule unique développent des élasticités dont les
projections sur le plan des ondes sont parallèles au déplacement,
et que les deux vitesses de propagation sont proportionnelles aux
racines carrées de ces projections. D'ailleurs, l'absence de toute vi-
bration [longitudinale] dans les ondes lumineuses semble prouver
que l'éther est incompressible, et s'il en est ainsi on comprend que
toute force qui tendrait à rapprocher ou à éloigner l'une de l'autre
deux couches de molécules soit sans efl'et et doive être négligée.
C'est ainsi que Fresnel a été conduit à se croire en possession
d'une véritable théorie mécanique de la double réfraction. Sa con-
fiance a même été telle que, dans l'exposé définitif de sa théorie,
qu'il a rédigé pour les Mémoires de l* Académie, il a supprimé toute
indication du développement successif de ses pensées pour n'en con-
server que la démonstration synthétique fondée sur les deux hypo-
thèses qu'on vient de présenter. Mais ces hypothèses, dont il avait
fait ses principes , ne résistent pas à un examen approfondi. Sans
rechercher s'il est vrai que l'absence des vibrations [longitudinales]
trouve l'incompressibilité de l'éther, on doit rejeter immédiatement
a seconde hypothèse comme incompatible avec le point de vue où
Fresnel s'était placé. Lorsqu'on se propose d'expliquer les phéno-
mènes lumineux par la considération d'un éther formé de molécules
séparées par des intervalles assez grands pour que lesdites molécules
soient assimilées dans leui*s réactions mutuelles à des points mathé-
matiques, on ne doit avoir recours à aucune hypothèse accessoire :
les actions réciproques des molécules doivent rendre compte de tout,
376 INTRODUCTION
de rincompressibilité de Télher, si elle est réelle, comme des lois
de propagation des ondes; les seules ondes dont on puisse admettre
qu'elles se propagent sans altération sont celles qui développent des
forces élastiques parallèles aux vibrations, et le problème est de
trouver l'arrangement moléculaire et la loi d'action réciproque qui
conduisent à déterminer la vitesse et la polarisation de ces ondes en
conformité des lois de Fresnel. Il ne comporte pas (Cauchv l'a dé-
montré plus tard) de solution rigoureuse : il n'est possible, avec
un milieu ainsi constitué, de satisfaire aux lois de Fresnel que d'une
manière approchée, et seulement dans l'hy-pothèse d'une double
réfraction peu énergique.
Quant à la première hypothèse, elle est de tout point erronée : il
n'est pas vrai, en général, que l'élasticité mise en jeu par la propa-
gation d'un système d'ondes planes à vibrations rectilignes soit
dans un rapport constant avec l'élasticité mise enjeu parle dépla-
cement parallèle d'une seule molécule, quelle que soit la position
du plan de l'onde. Il n'est donc pas évident que dans les cristaux à
un axe les vibrations des ondes ordinaires soient perpendiculaires à
l'axe, et les phénomènes de la double réfraction ne décident rien
entre les deux hypothèses qu'on peut faire sur la direction des vibra-
tions dans la lumière polarisée. L'une et l'autre sont également lé-
gitimes : seulement elles exigent que, pour la représentation ap-
proximative des lois de Fresnel, on admette des relations différentes
entre les coefficients d'où dépendent les grandeurs et les directions
des forces élastiques mises en jeu dans les vibrations de l'éther.
Ainsi la théorie proprement dite de la double réfraction, à la-
quelle Fresnel s'est définitivement arrêté, et qui passe pour l'ori-
gine de sa plus grande découverte, ne repose sur aucun fondement
solide. Il serait puéril de chercher à le dissimuler: mais il le serait
tout autant de croire que la gloire du fondateur de la théorie des
ondes souffre quelque chose de cet aveu. On croit plutôt l'avoir
mise dans son véritable jour par l'exposé qu'on vient de faire de
l'ordre qu'ont réellement suivi ses pensées dans la poursuite de
l'immortelle découverte dont on a dit qu'elle était second io Newtons
alone.
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL.. 377
Xiil.
Le Mémoire sur la double réfraction, présenté à TAca demie des
sciences en novembre 1821, ses deux suppléments et une note
accessoire ^^\ furent renvoyés par l'Académie à l'examen d'une com-
mission composée d'Ampère, d'Arago, de Fourier et de Poisson. Le
dernier parait n'avoir pris aucune part aux travaux de la commission;
du moins le rapport d'Arago , lu à l'Académie dans la séance du
19 août 1893 ^^^ n'est-il signé que du rapporteur, d'Ampère et de
Fourier. Malgré la retraite du seul ennemi déclaré des idées nou-
velles qui fît partie de la commission, Arago, voulant sans doute
éviter des discussions aussi irritantes qu'inutiles, s'abstint de se
prononcer sur la partie théorique du mémoire et se contenta de dire
que le temps n'avait pas permis aux commissaires de l'examiner avec
toute l'attention nécessaire. Il fit au contraire un grand éloge de la
partie expérimentale , s'étendit sur l'accord constant de l'observation
avec la loi générale énoncée par l'auteur, et conclut à l'insertion du
mémoire dans le recueil des Savants étrangers.
Un vote unanime de l'Académie ratifia ces conclusions, mais il
fut précédé d'un incident remarquable, dont le souvenir mérite
d'être conservé à l'honneur du grand géomètre qui avait cru long-
temps que son analyse avait ramené les phénomènes de la double
réfraction à dépendre du système de l'émission ^^\ Immédiatement
après la lecture du rapport, Laplace prit la parole, et, avec cette
générosité d'un grand esprit qui, dans l'adversaire delà veille, se
plaît à reconnaître et à saluer un égal , proclama l'importance excep-
tionnelle du travail dont on venait de rendre compte : il félicita
l'auteur de sa constance et de sa sagacité qui l'avaient conduit à dé-
couvrir une loi qui avait échappé aux plus habiles, et, devançant en
quelque sorte le jugement de la postérité, déclara qu'il mettait ces
^*) Noie sur Taccord des exp<^riences de MM. Riot et Brewsler avec ia loi donnée par
rellipsoide. (N" XLIV de cette édition.)
t«) N* XLV de celte édition.
^^) On emprunte le récit de cet incident à une leMpe, en date du as août 189a , de
M. Léonor Mérimée à son ïxpm-w M. Léonor Fresnel.
378 INTRODUCTION
recherches au-dessus de tout ce qu'on avait depuis longtemps com-
muniqué à l'Académie.
Cette puissante protection, qui ne se démentit jamais, jointe à
l'ardente et fidèle amitié d'Arago , obtint bientôt pour Fresnel la
plus haute consécration de ses succès en lui ouvrant les portes de
l'Académie. Au moment même où Arago lisait son rapport, une
candidature se trouvait ouverte. Berthollet et Delambre venaient de
mourir: il paraissait certain que Fourier serait le successeur de De-
lambre dans les fonctions de secrétaire perpétuel, et laisserait ainsi
une vacance dans la section de physique, et, si l'Académie pensait à
remplacer Berthollet par Dulong, que ses travaux pouvaient égale-
ment désigner pour la section de chimie et pour celle de physique,
Fresnel n'avait aucun compétiteur sérieux à redouter. Ni Dulong.
ni les membres de la section de chimie n'ayant voulu se |)reter à
cet arrangement, la lutte s'engagea entre Dulong et Fresnel, et Du-
long, présenté le premier par la section de physique, «tqui avait pris
en considération l'ancienneté de ses travaux ^^', v fut élu dans la
séance du 27 janvier 1823 par trente-six voix contre vingt données
à Fresnel. Mais, trois mois après, la mort de Charles ayant laissé
une autre place dans la section de physique, Fresnel y fut appelé
par le suffrage unanime de l'Académie, dans la séance du 12 mai
suivant.
L'importance des découvertes de Fresnel reçut ainsi le plus rare
et le plus solennel des hommages, mais les vues théoriques qu'avaient
suscitées quelques-unes de ces découvertes, et qui en avaient à leur
tour suscité d'autres, demeurèrent l'objet des plus vives contro-
verses. Lue première polémique s'engagea avec Biot à la suite du
rapport d'Arago sur le mémoire relatif aux couleurs des lames cris-
tallisées^^'. Klle offrit [en somme] très-^eu d'intérêt: Biot n'entra
jamais dans le fond de la question et se borna à soutenir, contre
toute évidence, que les formules théoriques de Fresnel n'ajoutent
rien aux formules empiriques par lesquelles il avait représenté les
phénomènes.
'*' Kxpressions du i.»j>porl«iir LolVIiM- -(liiRMii. iuust'i\.'ts (laii> Teitrait ilc la s^^nro
(du ao janvier |S:)3) ins«M*è aux Annales dr chimie el de ph y sùj ne, I. XXII,^. loA.
*^ l.ps piôros dr» roll»» polôniiqur formoni \p N" \\I do rolle ôdilion.
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 379
Une discussion qui promettait d'être plus sérieuse s'établit entre
Fresnel et Poisson dans les premiers mois de i8q3, à l'époque
même de la dernière candidature académique de Fresnel. Il s'agis-
sait cette fois des principes mêmes de la théorie, e( les deux adver-
saires étaient dignes l'un de l'autre; malheureusement leurs points
de vue, leurs habitudes d'esprit différaient tellement qu'ils ne se
sont pas compris réciproquement, et que toute leur controverse a
été presque sans utilité pour la science. Poisson, peu familier avec
l'expérience, voulait tout déduire de l'analyse, et souvent ne s'aper-
cevait pas que le point de départ de son analyse était une impossi-
bilité physique. Ainsi il traitait de la propagation des ondes dans
les fluides qui auraient ^ en des sens différents , des degrés différents d^é-
lasticité^^\ comme si la notion de fluide n'impliquait pas l'égalité
de pression en tous sens, et comme de cette hypothèse [inadmis-
sible] il déduisait des ondes en forme d'ellipsoïde à trois axes iné-
gaux, il croyait avoir réfuté la théorie de la double réfraction de
Fresnel, qui exige que l'on considère des ondes dont la surface est
définie par une équation du quatrième degré. Comme il ne donnait
d'ailleurs dans cette discussion que les conclusions de son analyse
sans l'analyse elle-même , il ne permettait pas toujours à son adver-
saire de le comprendre ni de juger s'il avait bien interprété les ré-
sultats du calcul ^^^. D'un autre côté, Fresnel n'était peut-être pas
toujours assez sensible au manque de rigueur d'un raisonnement,
^'J Voyei, N* XXXIV (D) el Annalet de chimie et de physique, t. XXII, p. aïo, i*ex-
Irait d'un Mémoire sur la propagation du mouvement dans les fluides élastiques, par
M. Poisson.
(') On ne sait, par exemple, ce que Poisson veut dire quand il parle d'un^t de lu-
mière, Fresnel lui répond qn'il n'existe pas de filet de lumière, qu'à mesure qu'on rétré-
cit une ouverture exposée à la lumière le faisceau transmis se dilate de plus en plus, et
en marge de celte objection sur l'exemplaire de la réponse de Fresnel, qu'il avait reçue
de l'auteur. Poisson écrit ces mots au crayon :
(t Je n'ai parié nulle part de ce que l'auteur semble ici me reprocher, et qui n'a aucun
'T rapport avec la citation de la page 3 56.7)
Une cause constante d'ambiguïté dans la discussion est l'usage du moi fluide. Fresnel,
lorsqu'il appelle l'éther un fluide, entend par là simplement, comme les physiciens qui
l^arlent de fluide élastique, que l'éther est un milieu très-rare et très-peu résistant; Pois-
son suppose toujours <|u'il s'agit d'un fluide auquel les équations de l'hydrodynamique
«;ont applicables, et toute la querelle sur la possibilité dos vibrations transversales ne con-
siste guèn' qup dans cv mnlonlondu.
380 INTRODUCTION
et comme Young, bien qu'à un moindre degré, était trop porté à
voir une démonstration dans toute induction, toute analogie qui le
conduisait à la découverte d'un phénomène nouveau. Le principal
et, pour ainsi dire, le seul intérêt de la discussion est dans l'in-
fluence qu'a exercée sur les travaux ultérieurs de Poisson Tétude des
écrits de Fresnel, influence profonde et que l'on ne saurait révoquer
en doute, bien que Poisson ne l'ait jamais avouée ^*l
XIV.
Quelque temps avant son élection (le i3 janvier i8ti3) Fresnel
avait [soumis] à l'Académie un mémoire sur les modifications que
la réflexion imprime a la lumière polarisée '^^, qui, comme les re-
cherches sur la double réfraction, était un efl'ort pour pénétrer le
mécanisme des phénomènes optiques et pour en déduire des lois que
l'expérience seule pouvait diflicilement faire découvrir. Admettant
conmie démontré par le principe de Huygens qu'à toute onde arri-
vant sur la surface de séparation de deux milieux correspondaient
une onde réfléchie et une onde réfractée, il y cherchait les relations
^'^ Poisson a complètement abandonné dans ses écrits subséquents la position qu'il
avait prise en i8a3 à Tégard de la théorie de la lumière. Lorsqu'il a fait imprimer, dans
le tome X des Mémoires de V Académie, son mémoire sur le mouvement de deux fluides
élastiques supi^rposés, il s'est restreint au cas des gaz et des liquides et n*en a tiré aucune
conclusion relative à la réfraction et à la réfleiion de la lumière; il a également cessé de
mentionner ces fluides à élasticité variable en divers sens qui tiennent tant de place dans
Textrait inséré aux Annales de chimie et de physique. Dans son mémoire sur la propaga-
tion du mouvement dans les milieux élastiques, en date du 1 1 octobre i83o, il a accordé
autant d''im{>ortancc aux vibrations transversales qu'aux ondes longitudinales ; dans son
mémoire inachevé sur Técpilibre et le mouvement des corps cristallisés, il a donné des
équations du mouvement vibratoire d'où résulteraient des surfaces d'onde qu'on pourrait
<lans certains cas réduire à la surface de Fresnel, et jamais à un ellipsoïde à trois axes
inégaux, et cependant la seule allusion qu'il ait faite à ses devanciers se trouve dans les
lignes suivantes :
«J'appliquerai ensuite les résultats de ce second mémoire à la théorie des ondes lumi-
frneuses. . . question d'une grande étendue, mais qui n'a été résolue jusqu'à présent,
"malgr»' toute son importance, en aucune de ses parties, ni par moi , dans les essais que
-j'ai tentés a ce sujet , ni, selon moi , par les autres géomètres qui s'en sont ausji ocaipés. -
( Mémoires de rAcatiémte des sciences, t. WllI , p. 6. )
'* (7est le numéro \X\ de celle édition.
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 381
qui (levaient exister entre les vibrations de ces trois ondes. A pro-
prement parler, il n'établissait pas une vraie théorie mécanique
fondée sur la considération directe des actions réciproques des mo-
lécules d'éther et des molécules pondérables, mais il tentait de dé-
terminer certaines conditions générales auxquelles toute théorie
mécanique devait satisfaire et de faire sortir de ces conditions les
lois générales des modifications que subissent les vibrations lumi-
neuses en se réfléchissant et en se réfractant.
Cinq conditions principales lui parurent devoir être admises,
savoir :
1° La direction transversale des vibrations;
9° La perpendicularité des vibrations au plan de polarisation;
3° La conservation des forces vives;
4" La continuité du mouvement dans les deux milieux, de part
et d'autre de la surface de séparation ;
5° La proportionnalité de l'indice de réfraction à la racine carrée
de la densité de l'éther.
La première condition est un fait d'expérience. La seconde n'est
qu'une hypothèse qui n'a ni plus ni moins de probabilité que l'hypo-
thèse contraire; mais Fresnel croyait, par sa théorie de la double
réfraction , en avoir fait une vérité démontrée. La troisième est une
loi générale de la mécanique. La quatrième se justifie par une con-
sidération mécanique assez évidente : s'il y avait discontinuité à la
surface de séparation, c'est-à-dire si le déplacement relatif des molé-
cules infiniment voisines des deux côtés de cette surface avait une
valeur finie, il en résulterait des forces élastiques infiniment grandes
par rapport à celles qui déterminent la propagation du mouvement
dans toute l'étendue des deux milieux, et la discontinuité ne sub-
sisterait qu'un temps infiniment court. La cinquième condition
n'était qu'une des deux hypothèses simples par lesquelles on repré-
sente la cause de la réfraction : on suppose que l'éther engagé dans
les corps pondérables est plus dense que l'éther libre, mais que les
forces élastiques qui agissent sur les molécules sont les mêmes dans
les deux cas, et il en résulte que la densité de l'éther doit être en
raison inverse du carré de la vitesse de propagation, c'est-à-dire en
raison [directe] du carré do l'indice de réfraction. Mais on peut
382 INTRODUCTION
également supposer que la densité de Tétlier est la même dans tous
les corps, et que la présence de la matière pondérable a pour effet
de diminuer les forces élasti(|ues dans le rapport du carré de la vi-
tesse de propagation, et chacune de ces deux hypothèses est corréla-
tive à l'une des deux hypothèses qu'on peut faire sur la direction
des vibrations dans la lumière polarisée.
L'application de ces principes à la lumière polarisée dans le plan
d'incidence ne souffre aucune difficulté et conduit à des résultats
entièrement conformes à l'expérience. Il n'en est pas de même
quand on passe à la lumière polarisée perpendiculairement au plan
d'incidence. Le principe de continuité donne alors une équation de
plus qu'il n'est nécessaire , et, pour retrouver les propriétés connues
de ce genre de lumière , on est obligé de restreindre la continuité
aux composantes des vibrations parallèles à la surface. Mais, dès
qu'on accepte celte restriction, toutes les propriétés de la lumière
polarisée, la loi de Brewster, la loi d'Arago sur l'égalité des quan-
tités de lumière polarisée contenue dans le rayon réfléchi et dans
le rayon réfracté, les effets des piles de glaces, etc., se présentent
comme des conséquences faciles à déduire des équations fondamen-
tales. Les phénomènes de la réflexion totale [semblaient ne devoir
pas être compris dans ces équations ; mais,] guidé par l'étude expé-
rimentale qu'il avait faite de ces phénomènes en 1816 ^*', Fresnel a
su trouver, dans la fonne des expressions imaginaires par où se ma-
nifestait l'insuffisance de la théorie, l'indication complète des lois
auxquelles les phénomènes sont soumis et dont toute théorie ulté-
rieure devra rendre com|)le.
Le jugement définitif de la science sur ce dernier grand travail de
Fresnel ressemble fort à celui qu'elle a porté sur la théorie de la
double réfraction. Les lois nouvelles qui y sont établies ont conservé
toute leur importance mal{fré les perturbations qu'ont fait recon-
naître d'ingénieux procédés d'observation ; mais la théorie elle-
même n'est plus aujourd'hui considérée comme l'expression certaine
de la vérité. Ce n'est pas que, comme la théorie de la double ré-
fraction, elle contienne des erreurs positives: mais on a fait voir
qu'on pouvait arri\er aux mêmes résultats en partant de principes
'" Vnvpz le paragraplio I\ de celle Inli*oiluclion.
AUX ŒUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL 383
Irès-dilléreiits, à certains égards, de ceux de Fresnel, et sujets en
apparence à moins de difficultés. Si l'on admet en effet, avec M. Neu-
rnann . que les vibrations de la lumière polarisée soient parallèles
au plan de polarisation, le principe des forces vives et le principe
de la continuité du mouvement, appliqués sans aucune restriction ,
donnent justement autant d'équations qu'il en faut pour déterminer
toutes les inconnues du problème. En outre, la théorie nouvelle
s'étend facilement aux phénomènes des cristaux biréfringents et
conduit à des lois que jusqu'ici l'expérience a paru confirmer ^^\
Cependant des phénomènes d'un ordre bien différent, les phéno-
mènes de l'aberration, et plus généralement les phénomènes qui
résultent d'un déplacement rapide du milieu oii la lumière se pro-
page, donnent à la théorie de Fresnel un appui qui manque à celle
de M. Neumann. Dans sa lettre sur l'influence du mouvement de la
terre dans les phénomènes d'optique ^-^^ Fresnel avait, dès 1817,
proposé une hypothèse hardie pour expliquer à la fois le phéno-
mène de l'aberration et quelques expériences paradoxales d'Arago.
Suivant lui, les corps pondérables n'entraîneraient pas dans leur
mouvement tout l'éther qu'ils contiennent, mais seulement l'excès
de l'éther qu'ils renferment sur celui qui se trouverait dans un vo-
lume égal vide de toute matière pondérable ; en admettant que la
quantité totale de l'éther contenu dans l'unité de volume d'un corps
soit proportionnelle au carré de l'indice de réfraction, c'est-à-dire
[inversement proportionnelle] au carré de la vitesse, la quantité
d'éther entraînée serait proportionnelle à ce qu'on appelle le pou-
voir réfringent des corps, et tous les phénomènes résultant du
mouvement rapide d'un milieu réfringent trouveraient leur explica-
tion. On sait que M. Fizeau a confirmé l'hypothèse de Fresnel par
une expérience remarquable d'interférence, et qu'ainsi l'opinion
qui considère les vibrations de la lumière polarisée comme perpen-
diculaires au plan de polarisation [paraît devoir être définitivement
adoptée].
^'^ La théori»' dp Fresnel n'esJ pas susceptible d'une généralisation aussi simple, rien
n'indiquant ce que doit cHre, par rapport aux indices de rôfraclion, la densité de Téther
dans un corps biréfringent.
^*^ Annales de chimie et dv physiqur. t. I\ , p. ."i-j, et N** \LI\ do celte édition.
38& • INTRODUCTION
Quoi qu'on puisse |>enser de la valeur de ces preuves, od ne
saurait trop admirer avec quelle sagacité Fresnel a ramené à dé-
pendre les uns des autres des phénomènes aussi profondément dis-
tincts.
\V.
La théorie de l'aberration et des phénomènes analogues n'est pas
la seule occasion oii Fresnel ait abordé la difficile question des rap-
ports de l'éther et de la matière pondérable.
On peut d'abord conclure de quelques passages relatifs à l'ab-
sorption, éparsen divers écrits ^^), qu'il avait une idée parfaitement
nette des véritables causes de ce phénomène, qui a inspiré à plu-
sieurs physiciens de si étranges spéculations ^^^ U le considérait
simplement comme une communication d'une partie de la force
vive des ondes lumineuses aux molécules pondérables , et , dès 1 8 1 5^
il parlait à Arago de l'utilité qu'il y aurait à mesurer simultanément
l'intensité des rayons réfléchis par un corps et la quantité de cha-
leur qu'il reçoit des rayons incidents, et qu'accuse son élévation de
température.
La considération des molécules pondérables joue encore un rôle
important dans la théorie de la dispersion qui est esquissée dans
le second supplément au premier mémoire sur la double réfraction.
Fresnel explique la dispersion en admettant que les forces élas-
tiques mises en jeu par des vibrations lumineuses ont une sphère
d'activité qui n\»st pas très-petite par rapport à la longueur des on-
dulations '^', et, un peu plus loin, il ajoute ces paroles remar-
quables, qui contiennent en germe tout ce que Cauchy a développi*
plus tard :
0) Voyci particulièrement le V V (C) et le T MX (A).
t'' On y a vu, par exemple, un effet de Tinterférence des myons réfléchis entre \o>
couches moléculaires succe.ssi\es des corps, cemme si Tinterférencf* diminuait jamais Tin-
Icnsité des rayons qui suivent ime direction donnée sans augmenter précisément de la
même quantité Tintensité des rayons de même espèce suivant quelque autre direction. Ou
y a vu encore Peffet d'une dispersion du mouvement vibratoin* sur les molécules des corps
combinée avec une interférence qui détruirait toute trace des mouvements dispersés lors-
que le corps aurait d«^ dmit'u^ions suflisante<.
W VXLIII,S3a.
AUX OEUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL 385
t^ La force élastique a sans doute une sphère d'activité très-
bornée dans Téther, dont les intervalles moléculaires sont probable-
ment très-petits, puisqu'on suppose ce fluide assez subtil pour pé-
nétrer entre les intervalles les plus étroits des molécules des autres
corps. (£71 note : Il résulterait de cette hypothèse que la différence
de vitesse des ondes de diverses longueurs devrait être très-petite
dans l'éther seul.) Mais les groupes moléculaires et les particules de
ces corps peuvent être séparés par des intervalles qui , quoique ex-
trêmement petits, ne sont pas sans doute insensibles relativement à
la longueur d'une ondulation , comme semblerait le prouver la trans-
parence imparfaite des corps les plus diaphanes. Ainsi la distance
où le point M est rendu indifférent au glissement des tranches de
ces particules , contenant un grand nombre de ces intervalles , peut
être une partie notable de la longueur d'une ondulation lumineuse,
ainsi que je l'ai supposé pour expliquer le phénomène de la disper-
sion ^^K V
11 est probable que Fresnel avait su tirer de ces aperçus une
théorie mathématique de la dispersion : on a trouvé du moins dans
ses papiers de nombreux calculs, datés pour la plupart de 1824,
qui ont pour objet la comparaison des indices mesurés par Frauen-
hofer avec une formule théorique dont la signification n'est pas en-
tièrement expliquée.
\V1.
Ces calculs et d'autres calculs encore, plus ou moins compliqués,
sur la réflexion de la lumière sont, avec des rapports académiques
de peu d'importance et une réponse à diverses questions de M. John
Herschel ^^\ les seuls documents conservés de l'activité scientifique
de Fresnel dans les quatre dernières années de sa vie. L'affaiblis-
sement progressif de sa santé est sans doute pour une part dans cet
^'^ N* XLllI , S /i3. — On a modifié un peu la rédaction do ce passage, afin qu*on pût
le comprendre indépendamment de ce qui précède.
(^^ Voyez le N" LI de la présente <'»dilion.
Vrrdet, î. — Mémoiros. a 5
^Hi\ i>tkoI)Li:tio.>
«iL'iiidoii |ir(?s«|ije roiuplet des ^*rh^Tche^ où :>oii génie avait ren-
coutn- Unit ih' triomphes, mai.> la cau<»e principale est ailleurs : elle
e.sl dans les travaux de plus en |)lus actifs f|ue lui imposa la car-
rière d'in;/;nieur.
Appelé, comme on Ta dit, au printemps de 1818, aux travaux
de la construction du canal de TOurcq, il n'était pas resté tout à
fait un an attaché à ce service, et était passé, en mai i8if|, à celui
du cadastre du pavé de Paris. Mais l'administration des ponts et
chaussées avait hien vite compris qu'elle avait un meilleur parti à
tirer d'un inj^énieur qui renouvelait entièrement la science de l'op-
tique , et, dès le *« 1 juin 1819, il était adjoint h la commission des
phares'. Ce fut la hientôt son occupation principale, et Ton ne
saurait estimer trop haut les services que l'inventeur des phares
lenticulaires rendit à son pays et, on peut le dire, à tout le monde
civilisé, dépendant, à l'occasion de ces services, si grands qu'ils
soient, on ne saurait [se «léfendre d'un regret]. D'îiutres ingénieurs
auraient tôt ou tard imaginé l(*s lentilles à échelons, les lampes à
mèches c<uiccntriques, les phares à éclipses ^''^•; mais Fresnei pouvait
seul c<intinuer la révolution qu'il avait commencée dans la science.
Oui peut dire c(^ qu'il aurait fait s'il lui avait été permis de pour-
suivre, sans interruption et lihre de tout soin, le développement de
ses fécondes pensées ?
Il essaya plusieurs fois de se faire une autre carrière, ou de trou-
ver dans un travail plus conforme à ses goûts le supplément de
ressources nécessaire à Texécution d'expériences bien coûteuses
pour le modeste traitement d'un ingénieur ordinaire des ponts et
chaussées. Dans Thiver de i8i() à i8»>o, il fit à l'Athénée un cours
ih» ph\sique« mais il ne se tn>uva pas des dispositions à renseigne-
ment sulHsantes pour continuer. Kn iS^ii, il accepta les fondions
pénibles «»t assez mal rétribuées (rexaminateur temjwratre des élèves
de TKcole pol\techni(|ue. et, après avoir \ainement tenté de le>
tVhanjjer contre b»s fonctions plus lucratives dVxaminateur des élèves
'■ Ttit»' .uljo'ulioiK «]in rut tl^'s ix'snltats aussi iin|K^rtiint5 qirinaUciuius . a^ait t't»*
|kn)^tH|ii<v jMr Vraj;\i. ^ \oyx Vln{r\iiucti*n à Lt tt^-ti- u tles phorts, t. lllJ [L. F.»
* \. Ki\'<m! n*.i jM< iiiMMïl' l«'s î»^!.-»'* Il ei'hp*es: il on a seulemonl thaii^;»* lo s\<tèiuo
opliipio. .Ml i.it ^liMiiMiit uuf y\u< f;i.uni.' jv»i ti-. . t tUs .)p|KHViK^ |»lu5 vari'-^. L. F.
AUX ŒUVRES D'AUGUSTIN FRESNEL. 387
de l'Ecole de marine, les conserva jusqu'en 189/i. Sa santé le con-
traignit alors d'y renoncer.
Depuis ce moment, il n'eut plus les forces suffisantes pour mener
de front ses recherches scientifiques et ses travaux d'ingénieur.
Dominé par le sentiment du devoir, par les habitudes d'abnégation
dont il avait trouvé chez ses parents l'enseignement et l'exemple ,
il sacrifia ce qui pouvait n'intéresser que sa propre gloire, et donna
au service des phares tous les moments de repos que lui laissaient
ses maladies. Ce ne fut qu'au commencement de 1827 qu'il de-
manda et obtint de se faire soulager par son frère, qui fut depuis
son successeur, et qui racontera lui-même toute cette partie de son
œuvre. Mais il était trop tard. Quatre mois après, le 1 4 juillet 1897,
il mourait à Ville-d'Avrav entre les bras de sa mère^'^
Vingt-cinq ans auparavant, cette pieuse et noble femme, en fai-
sant part à son mari des brillants succès de collège d'un frère aîné
d'Augustin Fresnel (mort jeune au siège de Badajoz), ajoutait, au
lieu des paroles de joie si naturelles à une mère :
^ie prie Dieu de faire h mon fils la grâce d'employer les grands
«talents qu'il a reçus, pour son utilité et le bien général. — On
ç^ demandera beaucoup h celui à qui on aura beaucoup donné, et on
«exigera plus de celui qui aura plus reçu . ''-\ »
Qui a mieux rempli (prAuguslin Fresnel ce vœu formé en faveur
d'un autre?
^'^ Le i3 février iSGC), Kinile Vcrclel, déjà (rès-niïaihii par une affcclion or[][aniquc
dont les symptômes s'étaient rapidement agyravés, lisant à son collaborateur la présente n fi
introduction à peine achevée, insista sur ce passajje pour s'assurer de son exactitude
historique, et s'enquit de nouv(»au avec un douloureux inténU, peut-être aussi avec le
Le 3 juin , trois mois après cette dernihv conférence , Emile Verdet s'éteignait à Avignon, ,i- Z I +
dans le sein de sa famille, à TA/je de quarante-deux ans ! '' i t>^^^^
11 n'avait pu revoir sa dernière et si remar(|uabl(> production, avant son départ de Paris. • • -^t ■^■- |
i manuscrit, tracé par une main défaillante, j)n'*sente quelques lacunes et lapsus ctUami \,c^ \ » vi^
le l'on a essayé d(î faire disparaître, du moins en majeure j)artie. Le temps avait égale- *'**^ ^ f *
ment manqué à Tauteur pour la rédaction d'un appendice, qui devait se composer d'une ^ Ç j^vr^'î
série dénotes, la plupart hiographitpies, cnuiuie l'indiipii ut des renvois que l'on a dû t^^ *'
supprimer. | L. K. | ' 'f \ ^'
^'' SainI l.ur.i\i.\M,\. fis. *' |\ '> •
^ "^ ^^^
■ %
pri'ssenlimenl d'une semblable d(>stinéc, des circonstances de la fin prématun;e d'Augustin ^ '^ *
Kresnel
Le
<pie
TABLE DES MATIÈRES.
■ <HW
.Notice 8UP Einilo Verdet, par M. A. «le la Uive i
NOTES ET MÉMOIRES D'EMILE VERDET.
Recherches sur les phénomènes trinduction produits par les décharges électriques. i
NoU? sur les courants induits d'ordre supérieur 33
Recherches sur les phénomènes d'induction produits par le mouvement des métaux
magnétiques ou non magnétiques. (Extrait.) Sg
Recherches sur les phénomènes d'induction produits par le mouvement des métaux
magnétiques ou non magnétiques. (Mémoire.) 43
Note sur les interférences de la lumière polarisée 78
Sur rintensité des imagos lumineuses formées au foyer des lentilles et des miroirs.
(Extrait.) .' 81
Sur l'intensité des imagos lumineus4*s formées au foyor des lentilles et des miroirs.
( Mémoire. ) 8/1
Sur l'explication du phénomène des couronnes 97
Recherches sur les propriélt'>s optiques développées dans les corps transparents par
l'action du magnétisme, 1"' [)artie. (Extrait.) 107
Recherches sur les propriétés optiques développées dans les corps transparents par
l'action du magnétisme, 1'* partie. (Mémoire.) 119
Recherches sur les propriétés optiques développées dans les corps transparents par
l'action du magnétisme, «î* partie. (Extrait.) i5a
Recherches sur les propriétés optiques développées dans les corps transjKirents par
l'action du magnétisme, îi' partie. (Mémoire.) i55
Note sur les propriétés opti({ues développées dans les corps transparents par l'ac-
tion du magnétisme 1 63
Noie sur les propriéUis opti([ucs des corps magnéti(|ues 1 68
Deuxième note sur les propriétés optiques des corps magnétiques 173
Recherches sur les propriétés optiques développées dans les corps transparents par
Faction du magnétisme , 3' partie. ( Mémoire) 176
Recherches sur les propriélés opiiquos «IévoIoppé«*s dans les corps transparents par
Tarlion du magiiélisino. '1' parti»'. ( Extrait.) aoT*
39(1 TABLE -hliS MATtÈRES.
\ildilioii à la qualrièmc 'partie des rerlvrclies sur les propriéUs oplîqun dénhp'
pée^daas les corps Iraniiparenls par PacUDii du magnétisme. (EitiaiL). . . .
Rcclierches sur les propriétés optiques développées dans les tvrps trausparenlt par
l'action du magnélisme. h' partie. (Uémoire.)
Notes sir le mémoire prëeédenl.
Comparaison de l'action eicrcéc par l> colonne liquida àts cipériencva
et lie Taction des plaques terminales.
Sur la mesure do l'intensité des couraols
Sur la mesure des indices de réfractioii
Sur les ronnules propres à représenter le phénoaièae de la ditpeniiMi. . -
Sur quelque» points îles rechercher précédentes
Étude sur la conslitution de la lumière non polarisée et di' ta Inmi^e parlielUnieBl
Introduction aux œuvres d'Aufpistin Fresnel '.